Aussitôt après la guerre des Six Jours, encore dans l’euphorie de la victoire, le gouvernement israélien s’est efforcé de réduire les tensions avec la population arabe locale et de ne pas imposer une domination qui eut été mal acceptée. C’est pourquoi, Moshé Dayan, alors ministre de la Défense, fit retirer le drapeau israélien du Mont du Temple quelques heures après sa conquête, et ordonna, dès le 11 juin 1967, de laisser tous les Musulmans d’Israël et des territoires venir prier librement sur l’Esplanade des Mosquées. L’État hébreu avait décidé de réunifier Jérusalem et d’étendre sa souveraineté à toute la ville. Cependant, des arrangements particuliers furent trouvés pour les lieux saints où l’administration mise en place par les Jordaniens a pu continuer à fonctionner comme par le passé. Une telle décision a été facilitée par l’attitude du grand rabbinat d’Israël qui s’opposait à l’entrée de Juifs sur le Mont du Temple, un périmètre considéré comme sacré. Entrée payante et par certaines portes seulement pour les Juifs et les Chrétiens En fait, les institutions religieuses du Mont du Temple n’ont pas seulement bénéficié d’une grande autonomie. Elles ont échappé, pour une large part, au contrôle de l’État hébreu et sont restées placées sous l’autorité des Jordaniens qui rétribuaient leur personnel et donnaient des directives au Wakf. Ce terme désigne en arabe un bien ou une institution consacrée. C’est ainsi que l’on appelle la plupart des organismes chargés de gérer des établissements religieux. Un partage des responsabilités fut cependant institué : c’est ainsi que les prérogatives liées au fonctionnement interne du site furent confiées aux gardes musulmans traditionnels tandis qu’Israël restait responsable de l’ordre public et de la sécurité. C’est le Wakf qui fixa les conditions d’accès à l’Esplanade des Mosquées : entrée libre pour tous les Arabes, chrétiens et musulmans, entrée payante et par certaines portes seulement pour les Juifs et les autres Chrétiens considérés comme des « touristes ». Malgré la sainteté du site, celui-ci a été à différentes reprises le théâtre de manifestations politiques qui ont provoqué l’intervention de la police israélienne. Ce fut notamment le cas lorsque des groupes extrémistes juifs comme les Fidèles du Mont du Temple tentèrent d’organiser des prières sur l’Esplanade des Moquées, ou lorsque pendant la première Intifada, les Palestiniens s’y livrèrent à des manifestations nationalistes qui prirent à plusieurs reprises un tour violent. A partir de 1993, un troisième partenaire s’est joint à Israël et à la Jordanie dans leur rivalité pour contrôler le Mont du Temple : l’Autorité palestinienne nouvellement créée. L’accord signé entre l’État hébreu et les Palestiniens prévoyait que la question de Jérusalem ne serait abordée que lors du règlement définitif du conflit. La Ville sainte restait donc théoriquement hors des territoires contrôlés par l’AP en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les représentants des Palestiniens supplantent les dirigeants nommés par Amman Pourtant dès 1994, l’influence des Palestiniens se renforça dans l’administration du Mont du Temple et le Wakf remit progressivement en cause le statu quo prévalant avec Israël depuis 1967. L’Autorité palestinienne introduisit petit à petit ses hommes aux côtés des fonctionnaires nommés par la Jordanie qu’ils supplantèrent progressivement. Elle réussit notamment à imposer un mufti, le cheikh Tsabari, connu pour son hostilité à la présence israélienne sur les lieux saints de Jérusalem. Ce dernier finit par écarter son homologue jordanien. La plupart des fonctionnaires du Wakf, payés par les Jordaniens, exécutent à présent sans discuter les ordres de l’AP. Mais le royaume Hachémite garde encore le contrôle des finances malgré les efforts déployés par les Palestiniens pour s’en emparer. Depuis 1994, les Israéliens ont lentement perdu le contrôle de la situation. De fait, l’autorisation d’entrer sur l’Esplanade est de plus en plus souvent refusée aux Juifs. En 1996, les Palestiniens entreprirent avec le soutien actif du Mouvement islamique israélien, de transformer les Écuries de Salomon en mosquées. En 1999, le Wakf intensifia ses travaux et saccagea des sites archéologiques de grande valeur, sans que le gouvernement Barak, paralysé par la crainte de susciter des réactions internationales, n’intervienne. En 2000, après la visite d’Ariel Sharon sur l’Esplanade des Mosquées, les Arabes allèrent plus loin encore et interdirent l’entrée du Mont du Temple à tous les non-Musulmans. Seule la police israélienne y pénètre encore de temps à autre pour rétablir l’ordre. Le site le plus sacré du judaïsme, dont Israël avait accepté de partager le contrôle avec le Wakf, échappe aujourd’hui presque totalement à l’État hébreu.