La république populaire de Chine a trois ennemis: Taiwan, le Dalai-Lama et Falungong, et avec derrière, ces épines plantées, dans son empire, l´ombre du grand marionnettiste américain; toute la propagande chinoise décline, de toutes les manières, ces trois dangers. D´autant plus facilement, aujourd´hui, qu´elle a signé récemment, après son entrée dans l´OMC, avec les américains, à Alma-Aty, un accord condamnant "toutes formes de sécessionnisme"; quels cadeaux la Chine a-t-elle faite aux américains ? Sans doute, une neutralité bienveillante quant aux expéditions américaines en Asie centrale... Exit le Tibet. De toute facon, le colonialisme chinois est victorieux au Tibet; il y a plus de chinois que de tibétains dans la région autonome du Tibet; pour signer cette victoire, le gouvernement accorde la citoyenneté chinoise, avec tous ses droits et prérogatives, aux tibétains; il encourage les mariages mixtes, la liberté religieuse (le Bouddhisme tibétain, version Panchen Lama et Dorjé Choupchen), la reconstruction, à grand frais des monastères, détruits pendant la révolution culturelle, et l´ouverture du pays au tourisme dont elle partage les revenus avec les tibétains. Dans la mesure, bien sûr, où ces tibétains ne se révèlent pas des propagandistes du Dalai-Lama... Pour être juste, les tibétains ont plus de citoyenneté, de droits, en territoires occupés par la Chine, qu´en Inde, auprès du gouvernement en exil, où ils sont considérés, par les autorités indiennes, au mieux comme des réfugiés, tolérés, au pire comme des citoyens de seconde zone, parfois, victimes de racisme et de lynchage. Ce fut le cas, à Manali, en Himachal Pradesh, en août 2000, où à la suite d´une rixe entre quelques indiens et un commercant tibétain, une centaine d´échoppe du marché tibétain furent brûlés et saccagés par une foule en délire... N´allez donc pas croire que l´Inde est un hâvre de paix pour les tibétains! Et je ne parle même pas de leur situation dans le nord-ouest Bengale, à Darjeeling, Gorkhaland, où les tibétains sont accusés, à tord, de tous les maux par la majorité népalaise. C´est pourquoi nombres d´entre-eux, une fois enrichis, souhaitent quitter l´Inde pour l´Europe, les Etats-Unis, ou l´Australie, voire pour les plus pauvres et les plus récemment exilés, retourner en Chine. La non-citoyenneté indienne des tibétains, en exil en Inde, incombe au gouvernement du Dalai-Lama; ce fut un choix politique dès le début de l´installation de son gouvernement à Daramsala, après accord avec Nehru; en quelque sorte, il souhaitait conserver l´âme tibétaine, intacte, avec la noble ambition de retourner, un jour, au royaume des neiges avec son peuple. Ce fut un choix catastrophique... qui impliquait, à terme, la création de ghettos et l´apartheid sur la terre même de l´exil. L´administration tibétaine, de Daramsala, établit les papiers d´identité des générations tibétaines, née en Inde, elle considère le droit du sang et non du sol; et dans la vie quotidienne, il est très difficile pour un tibétain de faire valoir des droits. Je ne donnerai qu´un exemple, une amie tibétaine, née en Inde, parlant parfaitement indi, anglais et tibétain, est venu me voir en Europe avec le passeport jaune de réfugiés, établi par le gouvernement indien; et bien, elle avait peur de retourner en Inde sans visa indien; un de ces amis s´était vu refusé le retour en Inde et réexpédier vers l´Europe... La communauté tibétaine en Inde est donc percue par un grande nombre de penjabis, de lahoulis, ladakhis, cachemiris, népalais, comme un peuple de trop. On est loin parmi les indiens de l´entichement occidental pour la cause tibétaine... Le gouvernement indien use de ce ressentiment; tantôt il embauche dans des gouvernements régionaux des tibétains; il existe même des régiments tibétains dans l´armée indienne, qui se sont illustrés dans la guerre de Kargil (1999) et sur le glacier Siachen, face à la Chine et au Pakistan.; tantôt elle les laisse "malmenés" par la populace... D´un point de vue culturel, il est indéniable que le tibétain est plus proche du chinois que des communautés du sous-continent indien; d´un point de vue politique, la communauté tibétaine, en exil, est très divisée: une partie des tibétains suivent "aveuglément" le Dalai-Lama, jusqu à récemment soutenu par les américains; une autre partie serait plutôt "réservée"; d´autres, carrément pro-chinois. Le clergé du bouddhisme tibétain est divisé en grands sectes: les gélupas, les nyamalpas, les drupkas, etc. Il n´existe pas à vrai dire une et une seule autorité; le dalai-lama, le panchen lama, et d´autres rimpochés (âmes précieuses) se disputent le pouvoir et l´art de désigner, dans une tradition chamanique mystèrieuse, les lignages et les successions des âmes précieuses. Et c´est sur ce terrain religieux que récemment la Chine et son clergé tibétain a attaqué; en confisquant le nouveau Panchen Lama, désigné par le Dalai Lama, et en laissant libre et tout-puissant, le clergé tibetain pro-chinois, de désigner les rimpochés. L´affaire des Karmapas (pour les afficionados de la cause du Tibet) doit être interprêtée dans cette perspective-là.