Un service d’ordre sur les dents, des points de contrôle multiples, des appels de groupes islamistes circulants sur Internet, et une bande de jeunes Juifs - extérieurs à l'organisation - patrouillant, sur la défensive, prêt à faire face aux menaces pesant sur la conférence. La sérénité n’était pas au rendez-vous à l’entrée de l’amphithéâtre de la Sorbonne où se tenait une conférence sur le sionisme. Pourtant, dans la salle, aucun incident n’a eu lieu et un représentant palestinien est venu débattre avec les invités. Les différences ne sont dès lors pas nécessairement là où on les attend. Sionisme ou sionismes La principale problématique soulevée dans ce débat réside dans la définition du sionisme. Le rappel historique ébauché par Eli Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France, a pour mérite d’éclairer et de se pencher sur un sionisme polymorphe. Au départ, la pensée de Théodor Herzl, qui définit le sionisme comme “une solution nationale pour le peuple juif”, a fait son chemin et différents visages se sont forgés. Chacune des familles du sionisme qui a pour principe de base la création d’un Etat juif a tenté dès lors d’apporter sa propre réponse et ses solutions au problème palestinien. Le conflit au Proche-Orient était “inévitable” selon lui, puisqu’il s’agit non pas d’un droit d’occupation qui s’oppose à un non-droit mais d’une “co-existence de droits”. Mais Eli Barnavi explique les variantes entre le sionisme d’extrême droite et la position du sionisme de gauche qui va jusqu’à la création d’un Etat bi-national. “Cette utopie se recentrera plus tard sur l’idée du partage”. ajoute t-il. Le discours de Patrick Klugman, président de l’UEJF et celui de Paul Bernard seront moins mesurés sur la nature du sionisme et sur la nécessité d’après le second de reconnaître à Israël "le droit d’exister comme préambule à toute discussion”. Auteur en janvier dernier avec Patrick Klugman d’un article sur ”L'Intifada des campus”, Paul Bernard affirme qu’ “il ne saurait-y avoir de différence entre l’anti-sionisme et l’anti-sémitisme et contester aux Juifs leur droit à une patrie revient à insulter les Juifs”. Sionisme pro-palestinien Moins sévère, Patrick Klugman introduit une nouvelle conception du sionisme qui n’est pas pour déplaire à Eli Barnavi et qui, un instant remue légèrement une partie de l’assistance : le sionisme pro-palestinien. Loin des “amalgames et d’un contexte de violences”, il faut se défaire selon lui de l’identification du sionisme au fascisme ou au colonialisme, et de même, continuer à prétendre que tous les Palestiniens veulent la mort des Juifs. Analysant l’importation du conflit en France comme une démonstration dénaturée digne d’un “théâtre symbolique” qui n’a plus grand chose à voir avec la réalité, il soumet cette théorie d’un sionisme ouvert pour la reconnaissance d’un Etat palestinien. Cela tombe bien car l’amphithéâtre accueille l’arrivée d’un représentant palestinien. “Le sionisme pour nous, c’est ça le mal” explique-il face à une assistance tendue mais attentive. Eli Barnavi reprend la parole et souligne que pour la majorité des Israéliens et des Juifs dans le monde, il va de soi que le partage doit se faire. “Certains pensent que l’on doit rendre une partie des territoires d’autres que l’on doit s’en tenir à ces nouvelles frontières mais la majorité estime que les frontières désignées en 1967 sont les plus justes”. Les échanges se font sur un ton courtois même si parfois les paroles ne se rencontrent pas. Notamment lorsqu’il est question de savoir si la création de l’Etat d’Israël est une entreprise de colonisation ou, au contraire, le produit d’une décolonisation. Difficile en deux heures de débat de se pencher sur la globalité des problèmes qui existent depuis plus de cinquante ans. Encore plus difficile de comprendre en ces temps incertains et polémiques la teneur véritable des dangers pour la république française de cette importation du conflit. Les membres et représentants de l’UEJF se sentent à la fois français et profondément attachés à Israël. Mais cet attachement ne leur permet pas, d’après Patrick Klugman de juger et de critiquer la politique d’Israël. Cette impossibilité risque t-elle d’empêcher un véritable dialogue intercommunautaire ? Eli Barnavi lui n’hésite pas à souligner un paradoxe inquiétant : le gouvernement et la politique de Sharon ne correspondent pas à la profonde aspiration de l’opinion juive. Dès lors les juifs pourront-ils s’autoriser à critiquer un certain visage du sionisme au profit d’un autre ? Pris du site de JT Digipresse fr.