L'agence alternative sur Internet répugne à contrôler des contenus qui s'enflamment. Ses sites, dans de nombreux pays, sont en butte à la difficulté de faire la part entre antisionisme et antisémitisme. Le bras tendu , le premier ministre israélien Ariel Sharon salue un drapeau frappé d'une croix gammée flottant sur Jérusalem et profère : "Heil Israël !". Le photomontage a provoqué une tempête. Il a été publié, fin 2001, sur le site Web de la section israélienne d'Indymedia, réseau d'information alternatif - et antimondialiste -, né à Seattle dans les manifestations contre le FMI et la Banque mondiale en 1999. Il a valu aux responsables israéliens du site une plainte déposée par le ministère israélien de la communication pour incitation à la violence. Les responsables locaux d'Indymedia se refusent toujours à retirer de leur site l'image incriminée, et se disent victimes de "harcèlement" de la part de leur gouvernement. Indymedia, qui compte une soixantaine de sites et bénéficie d'une audience mondiale, serait au service des idées qu'il est censé combattre, affirment, alarmistes, certains militants antimondialisation. L'un d'eux estime qu'"au nom de la liberté de penser, d'écrire et de communiquer défendue par Indymedia, ces sites sont en train de devenir les porte-voix de l'antisémitisme". Les propos des internautes ne sont ôtés du site, ont expliqué les responsables d'Indymedia Israël dans un communiqué, que lorsqu'ils relèvent "d'appels directs à la violence, de prises de position directement racistes", ou " d'informations dont on peut prouver qu'elles sont fausses". Des repères qui semblent brouillés depuis le regain de tension au Proche-Orient. Un peu partout dans le monde, les sites du réseau alternatif sont en butte à la difficulté de faire la part entre antisionisme et antisémitisme. FERMETURE PROVISOIRE EN SUISSE La section suisse a ainsi préféré fermer provisoirement son site depuis qu'une association helvétique (Action enfants de l'holocauste) a porté plainte contre elle en février 2001, l'accusant d'avoir "reproduit la haine antisémite" en publiant des articles et des caricatures antijuifs. Si ces articles n'avaient pas été censurés, les éditeurs assurent qu'ils les avaient transférés, en les "condamnant", dans un emplacement ad hoc de leur site. "Indymedia n'est pas une plate-forme pour les fascistes et les antisémites, mais un projet ouvert pour toutes celles et tous ceux qui luttent contre l'exploitation et l'oppression, ainsi qu'un instrument contre l'information unilatérale des grands groupes de presse", se défendent les éditeurs. Ils ont néanmoins décidé de revoir leur mode de fonctionnement, en permettant à chacun des membres du groupe de "censurer un article, sans que cela doive être préalablement discuté au sein du collectif". Leurs homologues français ne semblent pas se diriger vers une pareille remise en cause. Gilles Klein, un des responsables d'Indymedia France, assure que si des messages antisémites ont été publiés, ils ont été "retirés rapidement". Cependant une recherche dans les archives du site français permettait encore ces dernières semaines de retrouver, par exemple, des commentaires faisant l'apologie d'écrits de Roger Garaudy pour lesquels celui-ci a été reconnu coupable en 1998 de contestation de crime contre l'humanité, diffamation raciale et incitation à la haine raciale. Ces dérapages, certains membres du réseau français les reconnaissent : "Des messages antisémites virulents sont présents sur le site depuis plusieurs mois, dans les publications et aussi très souvent dans les commentaires sur les textes qui touchent à la Palestine, à Israël et à Bush ou Sharon",explique l'une des trois personnes du collectif qui ont démissionné d'Indymedia en juin. M. Klein admet que les caricatures du dessinateur brésilien Latuff - qui compare l'Etat Israël au régime nazi - ont suscité un débat au sein du collectif sur la frontière entre l'antisionisme et l'antisémitisme. "On a décidé de laisser les dessins en précisant qu'ils n'engageaient que les opinions de leur auteur", précise M. Klein qui n'entend pas remettre en cause le système de publication ouverte qui fait l'originalité d'Indymedia. Même jusqu'au-boutisme outre-Atlantique, où on invoque la liberté d'expression pour s'opposer à toute forme de censure. Un principe qui avait permis la prise de contrôle de la section russe par un militant de la droite nationaliste qui, avant d'être relevé, ne faisait pas mystère de son antisémitisme.