LE PEN ? EN ISRAEL, IL SERAIT CLASSE AU CENTRE-DROIT, ET ENCORE (par B. Michael) S'il ne s'agissait de ma propre " paroisse ", je pourrais me contenter de ricaner à la lecture et à l'écoute de toutes ces manifestations israéliennes de répulsion vis-à-vis du score réalisé par le raciste Le Pen en France. Le Pen le raciste, Le Pen le fasciste, l'ennemi des minorités, le nettoyeur ethnique, le pseudo-démocrate, j'en passe et des meilleures. Tout cela est vrai, incontestablement. C'est exact, bien sûr. Et les manifestations de stupeur et de colère ont parfaitement leur place, dès lors qu'elles émanent de voix françaises, allemandes, britanniques ou de n'importe quel pays européen normal. Mais quand elles sortent d'une bouche israélienne, ces lamentations me semblent - comment dire si je veux rester gentil ? - pour le moins un peu troubles. Mais au fait, pourquoi serais-je gentil ? À dire vrai, quand ils sortent d'une bouche israélienne, et a fortiori d'une voix officielle israélienne, ces cris d'épouvante et ces attaques contre l'électorat de France ne sont que pure hypocrisie. Chez nous, une personne qui n'est pas assez raciste se trouve tout simplement marginalisée. Chez nous, toute personne qui ose demander l'égalité des droits entre tous les citoyens indépendamment de leur religion ou de leur origine ethnique n'est qu'un " antisémite ". Chez nous encore, toute personne qui a l'outrecuidance de dire que le pays appartient à tous ses citoyens (et pas seulement à ceux d'une origine ethnique donnée) est pour ainsi dire automatiquement un criminel, méritant d'être mis hors-la-loi. En Israël, de larges secteurs de l'opinion soutiennent à fond les expulsions en masse, fondées sur l'appartenance ethnique. Notre législation est ainsi riche de dispositions relatives à l'immigration, la propriété du sol, et la citoyenneté que M. Le Pen - même dans ses rêves les plus obscènes - n'imaginerait pas revendiquer. Notre pays se montre donc sous un jour particulièrement indécent quand il endosse les habits d'une expression torturée pour parler des performances d'un nationaliste raciste et néo-fasciste, ce qu'est Jean-Marie Le Pen. Une société - la nôtre - au sein de laquelle sévit un parti qui réclame, en toute impunité, des mesures définies comme " crimes contre l'humanité " par le droit international, une société dont de larges fractions réclament la déportation pure et simple de secteurs entiers de la population a bonne mine pour s'effrayer des résultats électoraux observés en France. Pour avoir quelques chances de succès en Israël, Le Pen aurait sacrément dû radicaliser son discours et son programme. Car en Israël, avec les positions qu'il défend en France, on le placerait à peine au milieu de l'échiquier politique. D'aucuns n'hésiteraient d'ailleurs pas à le traiter de " rose " ou de " centre-gauche ". Venons-en maintenant à la traditionnelle évocation de l'Holocauste, que les Européens auraient " déjà oublié ", ou dont ils n'auraient " pas retenu les leçons " : cela nous met mal à l'aise. Comme si l'État d'Israël avait lui-même retenu les leçons qu'il a prodiguées, ou plutôt les leçons qu'il aurait dû tirer de ce terrible épisode de l'histoire de l'humanité. Avec le temps qui passe, et pour autant qu'il s'agisse d'Israël, il semble en effet que l'Holocauste s'apparente au célèbre préfixe " OO " de l'agent secret James Bond : un permis permanent de faire ce que bon lui semble. Après tout, " c'est nous qui avons subi l'Holocauste, et personne n'a de leçons de morale à nous donner ". Quiconque a la prétention de dire aux Israéliens que l'Holocauste impose au contraire à ses survivants des obligations avant que de leur donner des privilèges, est invariablement classé " négationniste " et antisémite. J'espère que le Seigneur, Béni soit Son Nom, me pardonnera ces propos. Mais au vu de l'attitude d'Israël vis-à-vis de désastres sanglants comme ceux qui ont frappé les Gitans, les Arméniens, les Palestiniens, les Turcs, les Grecs ou les Noirs d'Afrique du Sud, je pense qu'on pourrait nourrir de sérieux soupçons quant à l'approche de l'Holocauste par ce pays, s'il ne s'agissait pas de notre propre holocauste. La triste vérité, c'est que si ce M. Le Pen avait le bon goût d'être seulement arabophobe, et qu'il n'était pas entaché de judéophobie, l'État d'Israël, tel qu'il est aujourd'hui, lui ferait un triomphe, et appellerait de ses vœux son arrivée aux commandes. Nous le savons, il le sait. Et il n'est pas accidentel qu'il soit, de ce point de vue " un ami d'Israël ". B. Michael