130 femmes au moins ont eu la tête tranchée l'an passé en irak. Au nom de la lutte contre la prostitution, la police de Saddam Hussein s'acharne contre les opposantes ou les femmes de ceux qui refusent la dictature. La fédération internationale des ligues des droits de l'Homme publie un rapport sur ces exactions pour alerter l'opinion publique sur l'horreur instaurée par le régime de Bagdad. Ils lui ,ont lié les pieds et les mains, puis lui ont bande les yeux. Sans ménagement, ils ont noué ses longs cheveux bruns en haut de son crâne. Ils l'ont alors tirée hors de son appartement. Devant l'immeuble de la cité des Roses, à Rachidia, ils avaient apporté un établi en fer. Autour, la foule s'était rassemblée. Près de deux cents personnes, des femmes, des enfants, des vieillards du quartier, auxquels se mêlaient de nombreux visages inconnus. Ceux de militantes, de l'Union des femmes irakiennes et ceux des redoutés agents de la Sécurité intérieure. Amina portait une longue robe bleue. Ils l'ont allongée sur l'établi, de façon à ce que sa tête pende dans le vide. Elle avait toujours un bandeau sur les yeux et n'a pas pu voir ses quatre enfants, placés tout I près, ni sa belle- mère. Ni le grand homme cagoulé de noir, son bourreau. Solennellement, celui-ci a reçu des mains de son assistant un sabre à la lame scintillante. Un silence total a figé la foule. Le sabre s'est abattu sur le cou d ' Amina, Sa tête est tombée dans une caisse noire. Et son corps a été vite emporté par des hommes en uniforme marron avec, sur la manche, l'insigne des Feddayis de Saddam : il ne fallait pas qu'il y ait de cérémonie de deuil. Un décret, tenu secret, a récemment été promulgué par le Conseil de la Révolution (composé en majorité de membres de la famille de Saddam Hussein) : les prostituées doivent être décapitées. Aussitôt Oudaï, le fils aîné de Saddam, a ordonné aux miliciens qu'il dirige, les Feddayis de Saddam, de pourchasser et d'exécuter, sans aucun jugement, les femmes " coupables ". Pour la plupart, ces fem- mes vivent seules: elles sont veuves, célibataires, ou bien leur mari se trouve en exil, en prison. Un rituel macabre se met en place: le quartier où habite la victime est d'abord encerclé puis fouillé par la milice. L'exécution a lieu à l'heure de la prière, et doivent y assister non seulement les voisins et les responsables des organisations pro-gouvemementales (dont l'Union des femmes irakiennes), mais aussi les enfants de la victime. La tête est tranchée par un bourreau encagoulé et parfois accrochée à la fenêtre de l'appartement de la " coupable ". Quelques prostituées notoires ont été victimes de cette répression, mais n'était-ce pas pour brouiller les pistes ? Car la majorité des femmes exécutées sont des femmes qui ont osé critiquer le régime ou des épouses d'opposants. Parmi elles, des épouses d'imams chiites, des présentatrices de télévision, des médecins, des gynécologues. Cela se passait le 15 août 2000. Amina avait 25 ans. Son mari se trouvait en prison, accusé d'appartenir au Conseil suprême de la Révolution islamique, un mouvement d'opposition à Saddam Hussein. Les Feddayis de Saddam, la milice personnelle du tyran irakien fondée en 1994, affirment qu'ils ont châtié Amina parce qu'elle était une prostituée. A la cité des Roses, les voisins savent pourtant qu'elle était une femme " honorable ", selon leur mot, mère de deux garçons et de deux filles. Le plus grand a 8 ans, la plus petite, 1 an. Amina était une jeune femme discrète qui, malgré les tickets de rationnement accordés au compte-gouttes, tentait tant bien que mal de nourrir sa famille. La décapitation d'Amina n'est pas un fait isolé. Souhayr Belhassen, vice-présidente de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (affiliée à la Fédé- ration internationale des ligues des droits de l'Homme, FlDH), et Françoise Brié, chargée de mission de l'Alliance pour les droits de l'homme, ont recueilli de nombreux témoignages à Amman (Jordanie) et à Damas (Syrie) auprès de réfugiés irakiens. Elles ont réuni les noms de 130 femmes dont la tête a été tranchée en public, l'an passé, en Irak. Un chiffre que l'on peut, au minimum, multiplier par deux: dans ce pays muselé, les décapitations sont ensevelies sous une lourde chape de silence. Aucune mission d'en- quête sur les droits de l'homme n'est autorisée à se rendre dans cette dictature où la presse est entièrement contrôlée. Courant septembre, la Fédération internatio- nale des droits de l'homme et l' Alliance pour les droits de l'homme publieront un rapport dispo-nible sur Internet, pour alerter l'opinion publique sur la machine à tuer qu'est le régime de Bagdad. Un véritable engrenage de l'horreur s'est en effet mis en place pour terroriser les femmes. En Irak, toute personne qui ne fait pas allégeance aux membres du régime est condamnée à subir une répression permanente, allant jusqu'à la mort. Si on ne peut pas tuer, on torture. Physiquemertt-et moralement. n y a un an, un général, qui avait fait défection et s'était réfugié à l'étranger, a reçu par la poste une cassette vidéo : sa femme, restée en Irak, était filmée en train d'être violée. Ce général a eu le courage de rendre cette cassette publique pour dénoncer l'escalade de l'horreur. Car les viols d'épouses, sreurs, mères, filles d'opposants sont devenus une arme employée de façon systéma- tique. Tout comme les enlèvements de femmes et d'enfants de personnalités de l'opposition. Ces exactions sont commises par les Feddayis de Sad- dam, mais aussi par les services de sécurité, plus opaques mais non moins brutaux, que dirige Qous- saï, le fils cadet de Saddam Hussein. Le dictateur irakien ne fait confiance qu'aux siens. Outrageusement enrichi -100 000 barils de pétrole sont vendus chaque jour par des voies qui échappent aux sanctions -, Saddam Hussein n'a jamais tenu les rênes du pouvoir aussi fermement qu'aujourd'hui. Grâce à une répression qui ne connaît aucune limite. n a si parfaitement terrorisé son peuple qu'il peut assassiner dans le' silence le plus total. L'Alliance pour les droits de l'homme et la Fédération internationale des droits de l'homme demandent que soit constitué un tribunal ad hoc pour le juger et juger les dignitaires de son régime. Pour que, entre autres crimes, ils répondent de ces exécutions barbares de femmes. Les dignes fils de Saddam Si Qoussaï, le fils cadet de saddam Hussein, celui qu'on présente comme le successeur désigné de son père, se montre peu en public, Oudaï, l'aîné est un personnage outrancier, un maniaque des armes à feu, qui fait des cartons sur n'importe qui ou n'importe quoi. C'est aussi un séducteur brutal, qui n'hésite pas à faire enlever les jeunes filles qui lui plaisent pour les violer. Il posséderait ses propres réseaux de prostitution, destinés à satisfaire les dignitaires du régime ou à piéger ceux qui pourraient comploter contre Saddam, notamment de hauts responsables politiques et militaires. On dit, en Irak, qu'avant la guerre du Golfe des femmes étaient achetées à cette fin dans différents pays d'Asie. C'est donc avec la plus grande hypocrisie que le régime irakien prétend lutter contre la prostitution. Un prétexte pour décapiter les femmes en public. Annick Le Floc'Hmoan Fédération internationale des droits de l'homme, Alliance pour les droits de l'homme