Imaginez-vous la Belgique sans bus pendant un mois!
De plus en plus, les structures de l’Etat sont élaborées sur une base nationaliste qui divise les gens. Elles deviennent également plus compliquées, plus ardues à comprendre.
Plus de trente ans de réformes de l’Etat ont mené au triomphe de l’idéologie nationaliste du Vlaams Blok et de la Volksunie, tous les partis politiques se scindent selon la langue, même les syndicats n’ont plus guère de choses en commun. La création d’un fédéralisme à deux branches a rendu la lutte ouvrière beaucoup plus compliquée.
Les accords du Lambermont et ceux du Lombard sur Bruxelles poursuivent cette tendance. Ils résultent des concessions arrachées par les nationalistes flamands. Afin d’obtenir l’autonomie fiscale et d’accroître la «garantie de la présence flamande à Bruxelles», les partis flamands exercent un chantage sur les francophones, dont l’enseignement a de graves besoins d’argent. Il n’y a aucune intention de donner un enseignement décent à tous les enfants; on ne donne de l’argent à l’enseignement francophone que pour renforcer sa propre position. Un enseignement décent pour tous n’est possible qu’en le renationalisant.
L’apartheid organisé, qui interdit de présenter des listes bilingues pour l’élection du Conseil de Bruxelles-capitale se poursuit. Les travailleurs néerlandophones et francophones ne peuvent présenter de listes communes. Afin de rendre la société plus tolérante à Bruxelles, et en Belgique, il faudrait favoriser la connaissance active des deux principales langues nationales. Mais ce n’est même pas un choix politique, ni chez les francophones, ni chez les néerlandophones, parce que l’on mise tout sur sa «propre communauté linguistique». Favoriser activement le bilinguisme dans tous les services et institutions publics (avec l’octroi des mêmes primes et de la même possibilité de suivre des cours de seconde langue – nationale - durant les heures de service) est une condition essentielle pour éliminer la discrimination linguistique à Bruxelles.
Les tracasseries à l’encontre des francophones dans la périphérie bruxelloise et la mauvaise volonté à vouloir parler le néerlandais (voire l’ignorance même de cette langue) dans certains services bruxellois doivent disparaître. La fédéralisation et la communautarisation doivent être supprimées, du fait qu’elles affaiblissent l’unification de la lutte ouvrière.
Le fédéralisme nourrit le nationalisme et le séparatisme
Le PTB milite pour la suppression du Conseil flamand, de la Communauté française, du Conseil régional wallon et de l’actuel Conseil bruxellois. Depuis 40 ans déjà, la structure d’Etat à deux branches entraîne la Belgique sur la voie du nationalisme et du séparatisme. De part et d’autre de la frontière linguistique, les enragés voient en leurs parlements respectifs des institutions «constitutionnalisantes» à même de proclamer l’indépendance.
Toutes les compétences - économie, environnement, enseignement, santé, tutelle des communes, législation électorale, commerce extérieur, aide au développement - doivent être gérées au niveau national. Les structures provinciales doivent pouvoir retrouver un rôle plus important en tant que niveau administratif intermédiaire.
Le premier service à rendre à la démocratie à Bruxelles serait d’accorder immédiatement l’égalité des droits politiques à toutes les personnes qui séjournent en Belgique depuis cinq ans. Cela permettrait de mettre enfin un terme à l’exclusion politique de 35% des habitants de Bruxelles.
Pas d’apartheid et, de ce fait, pas de listes linguistiques séparées lors des élections: les travailleurs doivent pouvoir présenter des listes réunissant néerlandophones, francophones et immigrés. Une représentation démocratique et justifiée de néerlandophones et de francophones dans la Région bruxelloise ne peut devenir réalité qu’en supprimant l’actuelle limitation de la Région bruxelloise aux 19 communes. L’instauration d’une grande Région bruxelloise qui tienne compte du rôle économique, social et culturel de Bruxelles offre une perspective démocratique. Il s’ensuivra alors une structure logique, socio-économiquement inspirée où la langue n’aura plus qu’une importance secondaire. Bruxelles et les actuelles communes à facilités auraient dans ce cas un statut bilingue particulier au sein de la grande Région bruxelloise dont feront également partie les communes flamandes et francophones unilingues.
La force de frappe de la classe ouvrière
La préoccupation centrale du PTB, seul parti politique belge à unir francophones et néerlandophones, n’est pas de renforcer la position des «Flamands» ou celle des «francophones». Pour le PTB, il s’agit de donner à tous les travailleurs davantage de droits démocratiques, plus de tolérance, de collaboration, de solidarité, plus de prospérité et de bien-être. Plus il y a de démocratie, moins il y de la division, mieux la lutte pour le socialisme peut être menée. C’est pourquoi les travailleurs flamands, wallons et bruxellois ne doivent pas se quereller entre eux, mais lutter ensemble pour défendre leurs intérêts.
La zizanie et la division nationale affaiblissent la force de frappe de la classe ouvrière. Dans les années 90, la lutte des enseignants s’est déroulée de façon séparée, et en Flandre, et en Wallonie. Ce fut l’une des raisons de l’impuissance à arracher un refinancement national de l’enseignement. Ces derniers temps, parmi les profs de Flandre et de Wallonie, on a pris de plus en plus conscience de la nécessité d’un refinancement national. Les nouveaux accords ne vont pas du tout dans ce sens. Selon l’Appel pour une école démocratique (Aped), il faut un refinancement national de 180 milliards, si l’on veut à nouveau consacrer 7% du Produit intérieur brut à l’enseignement et infléchir les dramatiques coupes sombres infligées depuis des lustres. L’Aped déclare encore: «Ce qu’on nous promet, ce n’est pas un refinancement, mais dix nouvelles années de restrictions à peine modérées.»1
Lors de la grève des chauffeurs de bus wallons, on aurait dû se demander l’effet qu’aurait eu cette action si, pendant un mois entier, tous les bus du pays étaient restés aux dépôts. L’impact d’une lutte des classes menée au niveau national est bien plus grand et donne bien plus rapidement des résultats..
Le monde est un village mais, en Belgique, c’est la frénésie de la division
Alors que le monde est de plus en plus un village et que les gros groupes de capitaux collaborent par-delà les frontières, en Belgique, c’est la frénésie sécessionniste nationaliste, qui sévit. La division de la résistance par l’encouragement des querelles linguistiques constitue pour la bourgeoisie belge un moyen pratique de rester hors d’atteinte. Alors que ces trente dernières années on adaptait les structures politiques, 10% du revenu national passait de la poche des travailleurs dans celle des patrons et des détenteurs de capitaux!
La Belgique se dote d’une structure extrêmement compliquée, incompréhensible pour le commun des mortels. Notre pays ne compte pas plus d’habitants que Londres. Pourtant, nous avons six gouvernements, sept parlements, dix conseils provinciaux. La division s’opère sur base de l’appartenance linguistique. Ne pensons qu’aux cartes d’identité unilingues à Bruxelles, aux listes électorales séparées, aux écoles flamandes ou francophones bien distinctes, aux transports publics gratuits, à Bruxelles, pour les seules personnes âgées néerlandophones. Une association sportive doit se déclarer d’une langue ou d’une autre, sans quoi elle ne reçoit pas de subsides. Certaines mesures sociales ne s’adressent qu’aux habitants de la Flandre et ne valent pas en cas de soins dans des institutions wallonnes, etc.
Au lieu d’une structure plus démocratique et d’une politique meilleure et plus avisée, cette structure de l’Etat dégénère en un écheveau inextricable d’administrations. La structure bourgeoise de l’Etat belge gravite à des années-lumière de l’homme et la femme de la rue. L’aliénation entre l’Etat et ses administrés a atteint son comble.
1. Aped, Communiqué de presse, 18 octobre 2000
Lambermont,
Polycarpe, Lombard... |