La trajectoire du changement

par Michael Albert (traduction de Jean-René David)

 

Je crois que nous avons un problème. De Seattle à Prague et San Francisco, nous avons mis en place un style militant qui demande des corrections de mi-parcours.

Quel est le problème, demanderez-vous? Des milliers de personnes, courageuses et militantes, sont présentes dans ville après ville. La rencontre de Prague ne s'est-elle pas terminée un jour plus tôt que prévu? Les laquais de l'argent ne s'enfuient-ils pas? L'impact horrible de l'OMC, du FMI et de la Banque Mondial n'est-il pas mis au grand jour?

Absolument. Mais notre but n'est pas seulement de faire beaucoup de bruit, d'être visible ou courageux, ni même d'apeurer les pires capitalistes au point de les forcer à raccourcir leurs rencontres. Notre but est de forcer des changements qui améliore la vie de millions de personnes. L'important n'est pas seulement ce que nous réussissons à faire en ce moment mais où nous allons. Gagner des " réformes non-réformistes " qui font avancer la justice demande une pensée stratégique.

Mais n'est-ce pas là ce que nous faisons? N'avons-nous pas les stratégies permettant d'organiser ces grands événements malgré l'opposition?

Oui mais pour mettre un terme au FMI et la Banque mondiale à court-terme et créer de nouvelles institutions à long-terme, nous avons besoin d'un nombre toujours croissant de supporters. Ces personnes doivent avoir une implication et une compréhension politique grandissante. Elles doivent être capables d'employer plusieurs tactiques qui attireront encore davantage de participants. Ces tactiques doivent aussi faire monter le coût social immédiat au-delà de ce que peuvent supporter les élites de façon à les faire plier. Voilà la logique de la dissidence : dresser des menaces toujours grandissantes aux programmes qui sont chers aux élites en augmentant notre nombre et en diversifiant nos tactiques jusqu'à ce que les élites cèdent à nos demandes. Ensuite, il faut en demander encore plus.

Si nous mettions correctement cette logique en pratique, de plus en plus de gens et de groupes se seraient joints à nos mouvements anti-globalisation (et autres) depuis Seattle. Nos activités auraient dû continuer à souligner ces grands événements lorsque les circonstances étaient appropriées pour faire grandir notre mouvement. Elles auraient aussi, par contre, mis l'accent sur une organisation plus locale et régionale dans des villes plus petites. En agissant plus localement, nos actions auraient pu rejoindre les gens qui sont incapables de voyager jusqu'à Los Angeles, Prague ou ailleurs. Certaines personnes font ces choses, bien sûr, mais elles ont besoin d'aide et ces tendances nécessitent plus de respect et de support.

Pourquoi notre nombre ne grandit pas autant que nous le voudrions? Pourquoi des groupes ne se joignent-ils pas à nous aussi rapidement que nous le voudrions? Pourquoi les événements militants ne se diversifient pas plus rapidement pour atteindre les petites localités?

La réponse est en partie qu'il n'y a pas de critique de nos efforts. Après tout, le progrès prend du temps. Construire un mouvement n'est pas facile. Une autre partie (complémentaire) de la réponse est de remarquer qu'il y a bel et bien une certaine croissance rapide - par exemple la prolifération des projets Indymedia, offrant des nouvelles et des analyses alternatives. Les sites Indymedia couvrent maintenant presque 30 villes dans 10 pays, du jamais vu. Mais la croissance des Indymedia a lieu en raffinant l'implication de ceux et celles qui sont déjà très impliqués. Bien sûr ce n'est pas mauvais. C'est magnifique. Mais il s'agit de solidification interne, pas de croissance externe. De même, la préparation, la créativité, les connaissances et le courage de ceux qui manifestent sont impressionants et continuent de grandir. Mais cela non plus ne représente pas une croissance mais plutôt des liens et des idées de plus en plus solides entre les personnes déjà impliquées.

Laissez-moi tenter une analogie olympique, bien que légèrement tirée par les cheveux. Imaginez un marathon. Au départ, des milliers de coureuses et coureurs sont regroupés en une masse immense. Pourtant, bien que complètement mélangés au départ, tout le monde se fait compétition. Les coureurs plus rapides veulent s'échapper du grand groupe. Ils se détachent et accélèrent. Après un moment, des inégalités apparaissent même dans ce peloton de tête. Certains coureurs connaissent une meilleure journée, pour une raison ou pour une autre. Il ne se passera pas longtemps avant que ces coureurs veuillent se détacher à nouveau, cette fois du peloton de tête initial. Ils veulent élargir l'écart assez pour que ceux qui sont restés derrière perdent l'élan qu'ils avaient lorsque les coureurs plus rapides étaient là pour les inspirer; exactement comme le groupe avait fait avec la grande masse peu après le départ. Éventuellement, le nouveau groupe de tête se scinde lui aussi. Les quelques coureurs qui se feront compétition dans le dernier droit se détachent d'un groupe de tête déjà minuscule.

Comme un marathon, bâtir un mouvement est un long parcours, demande de l'endurance et demande de surmonter des obstacles. Un grand nombre de personnes est impliqué et nous voulons gagner le plus rapidement possible. La vitesse à laquelle nous atteindrons notre objectif ultime est très importante et cela vaut aussi pour les victoires secondaires comme mettre fin à une guerre, mettre fin au FMI, augmenter les salaires ou gagner un écourtement de la journée de travail. Malgré tout, gagner des changement sociaux n'est pas une course habituelle, ou du moins ne devrait pas l'être. La logique de la victoire n'est pas de permettre à ceux qui se développent plus rapidement de laisser la majorité derrière pour passer les premiers la ligne d'arrivée. La seule façon de gagner la " course du changement social " et de faire avancer tout le groupe aussi vite que possible pour que tout le monde passe simultanément la ligne d'arrivée. Les militants les plus rapides, les meilleurs du groupe, doivent rester derrière afin de faire accélérer l'ensemble. Il ne s'agit pas d'aller aussi vite qu'ils le peuvent sans tenir compte du reste du groupe. Un léger écart entre les plus avancés et le reste, par exemple sous la forme d'activités exemplaires, peut être excellent mais l'écart ne devrait pas être trop grand.

Voilà donc notre problème actuel, tel que je le perçois. Il y a une déconnexion partielle entre nos militant les mieux informés et la majorité des gens qui sont insatisfait du statu quo mais qui sont inactifs ou qui commencent tout juste à s'impliquer. Cette déconnexion incite certains à s'impliquer énormément et à bien interagir entre eux au point de développer leur culture propre. Ils perdent toutefois contact avec d'autres qui deviennent des spectateurs à distance, regardant l'action ou s'en détachant complètement. Je donne parfois des conférences sur les campus et c'est peut-être là que la division est la plus facile à percevoir. Les militants ont une apparence complètement différente, ont des goûts différents, parlent différemment et sont en grande partie isolés du reste de la population plutôt que d'y être immergés. La même situation existe dans les communautés.

Bien sûr, plusieurs facteurs contribuent à cet état de fait. Aucun n'est facile à identifier précisément, sans parler de le corriger. Néamoins, un facteur pertinent ici est qu'au cours des mois qui ont suivis Seattle, la dissidence est devenue, pour plusieurs observateurs, synonyme de long voyages où l'ont vit des conditions difficiles. La dissidence est aussi devenue synonyme d'aller dans la rue dans le cadre d'actions militantes impliquant la désobéissance civile et d'autres tactiques parfois plus agressives et finalement de risquer l'arrestation et le mauvais traitement.

En n'importe quelle circonstance, tout cela est beaucoup demander aux gens mais c'est encore plus demander s'il s'agit de leur première expérience militante. Par exemple, combien de personnes, parmi celles participant à des événements comme Los Angeles et Prague, l'auraient fait si cela n'avait pas été le point culminant d'un long processus d'approfondissement de leur implication? L'auraient-elles fait si, au contraire, elles avaient dû faire le saut d'un seul coup à partir d'une non-implication totale? Pensez aux gens qui sont dans la trentaine ou plus et qui ont donc souvent de grandes responsabilités familiales. Pensez au gens qui ont un emploi et qui doivent le conserver de peur de faire subir de terribles conséquences à eux-même et leurs proches. Combien d'entre ces personnes feront les premiers pas de leur implication politique en se joingnant à une manifestation ayant ce genre d'aura; une manifestation demandant une grande mobilité et comportant de grands risques?

L'ironie dans tout cela est que l'efficacité de la désobéissance civile et des autres tactiques militantes ne vient pas de la Lune. Elle réside plutôt dans le lien entre ces pratiques militantes et un mouvement grandissant de dissidents dont plusieurs ne peuvent participer à ces tactiques mais en supporte la logique et progressent dans cette direction. Ce qui donne à la désobéissance civile et aux autre tactiques la force de soumettre les élites à nos demandes est la peur que ces événements n'annoncent une tempête encore plus grande. Mais s'il y a une (ou même plusieurs) manifestation pacifique de 2 000 ou même 10 000 personnes sans un support dissident plus grand et visible à partir duquel les gens qui manifestent peuvent se renouveller et même grandir, alors il n'y a pas risque de tempête.

En d'autres mots, la dissidence qui semble avoir atteint un plateau n'a pas de trajectoire vers l'avant et est donc gérable, peu importe la hauteur du plateau. La dissidence qui plafonne est une épine dans le pied que l'état peut contrôler avec des équipes de nettoyage ou la répression.

Par contre, une dissidence grandissante qui montre la capacité de continuer de grandir est plus menaçante et donc plus puissante, même si elle est plus petite. Les élites sont dans une situation très dangeureuse lorsque quelques milliers de personnes font de la désobéissance civile et qu'il y a dix ou vingt fois plus de personnes supportant ces militants dans des manifestations et des marches plus grandes. Toutes ces personnes repartent ensuite dans leur communauté pour organiser encore d'autres événements. À travers le contact personnel direct, des messages imprimés ou audiovisuels, des ateliers, des rallys et des marches, les gens passe d'un manque d'information à davantage d'information. Leur opinion passe d'un rejet des manifestations à un support et, lorsque les circonstances leur permettront, à s'y joindre. Une masse grande et croissante de gens dissidents limitent les options du gouvernement lorsqu'il fait face à la désobéissance plus militante. Tout cela n'est pas un plateau de la dissidence facile à gérer et à réprimer par les élites; c'est une trajectoire de croissance dont les élites doivent s'inquiéter.

Il s'ensuit toutefois que si l'État réussi à créer une image dans laquelle les seules personnes qui devraient venir aux manifestations sont celles qui sont déjà convaincues ou du moins celles qui sont prêtes à faire face aux gaz, aux bâtons et aux " vacances forcées " alors nous ne trouverons pas dans ces manifestations de parents avec leurs enfants en poussettes, ou de personnes âgées dont les yeux et les os ne supporteraient pas de courir à travers le gaz lacrymogène, ou de jeunes adultes gardés à la maison par des parents qui s'inquiètent pour leur santé, ou un travailleur moyen incapable de risquer une période indéterminée hors du boulot. Ajoutez à tout cela le manque de moyens locaux pour manifester leurs inquiétudes et développer leurs opinions et leurs allégeances et le mouvement est forcé à plafonner.

Donc le problème que nous avons est une déconnexion opérationnelle entre le mouvement et certaines façons de manifester; entre le mouvement et le public non-impliqué mais potentiellement réceptif. Je sais que cette évaluation de la situation semblera sévère à certains même j'y mets un bémol en reconnaissant tout ce qui a été accompli et que je reconnais qu'il y a même de l'énergie dépensée à régler ces problèmes précis. Mais même avec ces exceptions exemplaires, il est important de souligner que ces questions ont besoin de plus d'attention.

Prenez par exemple l'internet. C'est un outil puissant et utile à notre travail de plusieurs façons. Mais avec l'internet, nous communiquons principalement avec les gens qui veulent déjà entendre ce que nous avons à dire. Ils viennent sur nos sites et s'abonnent à nos listes de diffusion parce qu'ils font déjà partie du mouvement. Autrement, comment aurait-ils su où nous trouver? C'est la même chose qu'avec un magazine imprimé ou une émission radio que nous pourrions avoir dans notre arsenal d'institutions de gauche. Seulement ceux et celles qui s'abonnent ou qui nous écoutent régulièrement entendent notre message parce qu'ils savent déjà qu'ils veulent nous entendre. Je ne dis pas que c'est mauvais. C'est certainement bien et j'ai moi-même passé une bonne partie de ma vie à travailler sur de tels projets dont je sens qu'ils font partie de l'avancement de notre conscience, nos idées, notre solidarité et notre implication. Ils font aussi partie du raffinement de nos méthodes et de nos programmes, et nous aident à nous équiper et nous ré-équiper pour accomplir nos tâches. Le problème est que, pour revenir à l'analogie de tout à l'heure, si tout cela est fait sans mettre aussi en priorité des activités plus humaines, face à face, cela peut faire de nous, intentionnellement ou non, un petit groupe qui se détache des gens avec qui nous tentons de communiquer.

Une autre façon de s'organiser est d'aller explicitement sur le terrain pour parler aux gens. Le but n'étant pas de solidifer et d'intensifier les connaissances et l'engagement de ceux qui parlent déjà notre langage et partagent nos objectifs mais de rejoindre les gens qui ont une opinion différente de la nôtre. C'est ce qui se passe lorsque nous donnons des dépliants, que nous donnons de l'information ou faisons du théatre de rue dans des endroits publics. C'est ce qui se passe lorsque nous organisons des marches publiques, des ateliers et que nous n'envoyons pas seulement des courriels à ceux qui veulent déjà venir mais en plus, en priorité, nous allons de porte à porte dans nos quartiers ou sur nos campus pour demander aux gens de venir aux événements. On peut les convaincre en les cajolant, en les incitant ou même en les pressant de venir. Cette interaction en face à face avec des gens qui ne sont pas déjà d'accord avec nous, ou même qui sont en profond désaccord avec nous, est au cur de la construction d'un mouvement. C'est plus difficile et plus angoissant que de communiquer avec ceux qui partagent nos opinions, bien sûr, mais c'est encore plus important.

Dans la mesure où ce travail touchera, convaincra et retiendra de nouvelles personnes dans nos mouvements, celui-ci doit leur offrir des façons de garder le contact, soutenant et faisant grandir ainsi leur intérêt initial. Si l'objectif final d'une conversation en face à face à propos du FMI, par exemple, est que nous demandions à quelqu'un de voyager 500, 1000 ou 5000 kilomètres pour participer à une manifestation, dormir sur un plancher ou ne pas dormir du tout et descendre dans la rue dans un contexte où ils s'attendent, à tort ou à raison, à recevoir des gaz lacrymogènes, à se faire arrêter et à passer une longue période en détention loin de leur travail et de leurs enfants, peu de gens nouveaux voudront participer. Par contre, s'il ne s'impliquent pas immédiatement, s'il n'y a pas d'activités significatives auxquelles participer, il n'y a aucune façon de garder contact avec la communauté de militants qui a piqué leur intérêt. Le résultat est que leur colère se dissipera probablement dans la routine de la vie quotidienne et des médias. Ainsi, sans mécanismes pour préserver et renforcer l'impact initial, les nouveaux arrivants ne prennent pas racine. Nous planifions la prochaine manifestation, nous y allons et nous célébrons avec les même personnes que lors de la manifestation précédente.

Je pense que ce tableau, avec plusieurs variantes, montre un problème majeur qui empêche nos efforts, aussi impressionnant aient-ils été, d'être non seulement impressionnant mais irrésistiblement puissant et victorieux. Je pense donc que plus d'attention doit être accordée à étendre et raffiner nos programmes, pas à éliminer les tactiques plus militantes - pas du tout - mais à leur donner plus de signification et de force en incorporant plus de contact avec des gens nouveaux, plus d'événements et d'activités d'introduction et aussi plus de moyens locaux pour une implication continuelle des gens qui commencent tout juste à s'intéresser à la dissidence. Le tout, bien sûr, relié aux efforts nationaux et globaux d'un mouvement pour le changement.

© Copyright Éditions de l'Épisode, 2001

 
The Trajectory of Change
By Michael Albert
I think we have a problem. From Seattle through Prague and San Francisco, we have established an activist style needing some mid-course correction.
What’s the problem, you might ask? Thousands of militant, courageous people are turning out in city after city. Didn’t Prague terminate a day early? Aren’t the minions of money on the run? Isn’t the horrible impact of the WTO, IMF, and World Bank revealed for all to see?
Absolutely, but our goal isn’t only to make a lot of noise, to be visible, or courageous, nor even to scare some of capitalism’s most evil administrators into shortening their gatherings. Our goal is to win changes improving millions of lives. What matters isn’t only what we are now achieving, but where we are going. To win "non-reformist reforms" advancing comprehensive justice requires strategic thinking.
But isn’t that what’s been happening? Aren’t we strategizing about these big events and implementing our plans despite opposition?
Yes, but to end the IMF and World Bank now, and win new institutions in the long-term, we need ever-enlarging numbers of supporters with ever-growing political comprehension and commitment, able to creatively employ multiple tactics eliciting still further participation and simultaneously raising immediate social costs that elites can’t bear, and to which they give in. That is dissent’s logic: Raise ever-enlarging threats to agendas that elites hold dear by growing in size and diversifying in focus and tactics until they meet our demands, and then go for more.
From Seattle on, if we were effectively enacting this logic, steadily more people and ever-wider constituencies would be joining our anti-globalization (and other) movements. Our activities should have continued to highlight large events when doing so was appropriate and useful for growing our movements, but they would also emphasize more regional and local organizing, in smaller cities and towns and directed more locally, reaching people unable to travel around the world to LA or Prague or wherever. There are folks working on all this, to be sure but they need more help, and these trends need greater respect and support.
Why aren’t our numbers growing as much as we’d like? Why aren’t new constituencies joining the mix as fast as we would like? Why aren’t the venues of activism diversifying more quickly to local sites and gatherings?
Part of the answer involves no criticism of our efforts. Progress, after all, takes time. Movement building is not easy. Another part of the answer, complimentar, is to note that in fact there is some rapid growth – for example, the proliferation of IndyMedia projects providing alternative local news and analysis. Indymedia operations and sites now interactively span nearly 30 cities in 10 countries, a virtually unprecedented achievement. But IndyMedia growth occurs by refining the involvement of those who are already largely committed. Of course that’s not bad. It’s wonderful. But it is internal solidification, not outward enlargement. Similarly, the preparation, creativity, knowledge, and courage of those who have been demonstrating are all impressive and growing. But this too occurs not based on outreach, but by manifesting steadily increasing insights and connections among those already involved.
Let me try an admittedly stretched but Olympic analogy to illustrate my point. Imagine a marathon race. As thousands of runners burst out at the starti, folks are bunched in a huge moving mass. Yet however entwined at the outset, everyone competes. These faster runners want to escape the impact of the huge mass. They break off and speed up. In time, inside this fast group too, there is uneven development. Some runners are having a better day, for whatever reasons. Before long, they want to open a second gap, now between themselves and the leading group they have been part of, and to extend that gap sufficiently so those left behind lose momentum for want of connection with the inspiring faster runners, just as had been done to the massive pack, earlier. Eventually, it happens yet again, with the few who will compete down the stretch breaking away from the already tiny lead pack.
Like a marathon, movement struggle goes a long distance, requires endurance, and has to overcome obstacles. A big population is involved and we would like to succeed as quick as possible. Speed of attaining our ultimate ends matters greatly and even reaching secondary aims like ending a war, ending the IMF, raising wages, or winning a shorter work day is better quicker than slower. But still, winning social change is not like a typical race, or shouldn’t be, because the winning logic isn’t for those who develop unequally and are "faster" to leave the slower pack behind and cross a finish line first. The only way to win the "social change race" is for the whole pack to cross together, as fast as it can be induced to go. The fastest and otherwise best activists need to stay with the pack to increase its speed, not to go as fast as they can irrespective of the pack, or even slowing it. A little spread between the more advanced and the rest, in the form of exemplary activity, may be excellent, but not too great a spread.
So here is our current problem as I see it. There is a partial disconnection between many of our most informed activists, and the bulk of people who are dissatisfied with the status quo but inactive or just beginning to become active. And this disconnection induces some to become highly involved and to interact fantastically well with one another, even having their own supportive subculture, but to lose touch with others who become long distance spectators, watching the action, or detached from it entirely. I speak every so often at college campuses and there this division is perhaps easiest to see. The activists look entirely different, have different tastes and preferences, talk different, and are largely insulated rather than immersed in the larger population beyond. The situation exists in communities as well.
Lots of factors contribute, of course. None are easy to precisely identify much less correct. Still, one that is relevant here is that over the months since Seattle dissent has come to mean for many looking on, traveling long distances, staying in difficult circumstances, taking to the streets in militant actions involving civil disobedience and possibly more aggressive tactics, and finally risking arrest and severe mistreatment.
This is a lot to ask of people at any time, much less at their first entry to activism. For example, how many of those now participating in events like LA and Prague would have done so if it wasn’t the culmination of a steady process of enlarging their involvement, but instead they had to jump from total non-involvement to their current level of activity in one swoop? Consider people who are in their thirties or older, and who therefore often have pressing family responsibilities. Consider people who hold jobs and need to keep them for fear of disastrous consequences for themselves and the people they love. How many such folks are likely to join a demo with this type aura about it as their initial steps in becoming active – a demo seeming to demand great mobility and involving high risks?
The irony in all this is that the efficacy of civil disobedience and other militant tactics is not something cosmic or a priori. It resides, instead, in the connection between such militant practices and a growing movement of dissidents, many not in position to join such tactics, but certainly supportive of their logic and moving in that direction. What gives civil disobedience and other militant manifestations the power to force elites to submit to our demands is the fear that such events forebode a threatening firestorm. But if there is a 2,000 or even a 10,000 person sit-in, even repeatedly, but with no larger, visible, supporting dissident community from which the ranks of those sitting-in will be replenished and even grow, then there is no serious threat of a firestorm.
In other words, dissent that appears to have reached a plateau, regardless of how high that plateau is, has no forward trajectory and is therefore manageable. Plateau-ed dissent is an annoyance that the state can control with clean-up crews or repression.
In contrast, growing dissent that displays a capacity to keep growing, even when much smaller, is more threatening and thus more powerful. Civil disobedience involving a few thousand people, with ten or twenty times as many at associated massive rallies and marches all going back to organize local events that are still larger, gives elites a very dangerous situation to address. Through personal encounters, print, audio, and video messaging, teach-ins, rallies, and marches, folks are moving from lack of knowledge to more knowledge and from rejecting demonstrating to supporting and when circumstances permit joining it. A huge and growing mass of dissident humanity restricts government options for dealing with the most militant disobedience. This is not a plateau of dissent for elites to easily manage or repress, but a trajectory of forward-moving growth that elites must worry about.
It follows, however, that if the state can create an image in which the only people who should come out to demonstrate are those who are already eager or at least prepared to deal with gas, clubs, and "extended vacations," then at the demos we are not going to find parents with their young babies in strollers, elderly folks whose eyes and bones couldn’t take running through gas, young adults kept away from danger by their parents concerned for their well being, or average working people of all kinds unable to risk an unpredictable time away from work. Add to this mix insufficient means to manifest one’s concerns and develop one’s views and allegiance locally, and the movement is pushed into a plateau condition.
The problem we have, therefore, is an operational disconnect between the movement and certain types of organizing, and therefore between the movement and the uninvolved but potentially receptive public. I know this assessment, even moderated by recognition of all that has been accomplished and recognizing that there are even energies directed at these very problems, will sound harsh to many folks, but even with the many exemplary exceptions, it is important to acknowledge that these matters need more attention.
Consider but one example. The internet is a powerful tool, useful in many ways to our work. But with the internet, mostly we are communicating with folks who want to hear what we have to say. They come to our sites and participate in our lists because they are already part of the movement. How else would they know where to find us? This is similar to what occurs with a print periodical or radio show that we might have in our arsenal of left institutions. Only those who subscribe or to listen almost always because they already know that they want to hear what we have to say, hear our message. Don’t get me wrong. This is good, for sure—and I have spent a lot of my life working on such efforts which I feel are part and parcel of advancing our own awareness, insights, solidarity, and commitment, and of refining our methods and agendas, tooling and retooling ourselves for the tasks at hand. The trouble is, returning to the earlier analogy, if done without prioritizing other more face to face and public activity, it can lead to us becoming a breakaway, intentionally or not, and thereby largely leaving behind the constituencies we need to communicate with.
Another different kind of organizing is explicit outreach, aimed not at solidifying and intensifying the knowledge and commitment of those who already speak our language and share our agendas, but at reaching people who differ with us. This is what is going on when we hand out leaflets or do agitprop and guerilla theatre in public places. It is what happens when we hold public rallies or teach-ins and we don’t only email those eager to come, but, in addition and as our main priority, we go door to door in our neighborhoods or on our campuses, urging, cajoling, inducing, and even pressuring folks to come to the events. This face-to-face interaction with people who aren’t agreeing with us already, or who even disagree strongly with us, is at the heart of movement building. It is harder and scarier than communicating with those who share our views, of course, but it is even more important to do.
To the extent outreach is going to touch, entice, and retain new people in our movements, it has to offer them ways to maintain contact and thereby sustain and grow their initial interest. If the end point of a face-to-face conversation about the IMF, for example, is that we urge someone to travel 500 or 1000 or 5000 miles to a demonstration, sleep on a floor or not sleep at all, and take to the streets in a setting where, whether it is warranted or not, they expect to be gassed and face arrest and extended detention keeping them away from kids and jobs, few if any newcomers are going to jump in. But, absent continuing involvement, with nothing obvious and meaningful to do, there is no way to retain contact to the committed activist community that has piqued their dissident interest. As a result, their anger will most likely dissipate in the fog imposed by daily life and mainstream media. Thus, without mechanisms to preserve and enforce its initial impact, outreach to new folks won’t take hold. We plan the next demo, go to it, and celebrate with the same crowd as at the last demo.
I think this picture, with many variations, broadly describes a major problem that prevents our efforts--as fantastically impressive as they have been—from being not just impressive, but overwhelmingly powerful and victorious. So I think more attention has to go to expanding and refining our agendas, not to eliminate our more militant tactics – not at all – but to give them greater meaning and strength by incorporating much more outreach, many more events and activities that have more diverse and introductory levels of participation, and also more local means for on-going involvement by people just getting interested, all still tied, of course, to the over-arching national and global movements for change.

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