LA SANTÉ : UN DROIT OU UN
MARCHÉ ???
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Le gouvernement des États-Unis a déposé une requête contre le Brésil, ce jeudi
1er février à Genève, devant l'organe de règlement des conflits de
l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), lui demandant de juger de la
conformité de la loi brésilienne sur la propriété intellectuelle avec les
accords internationaux sur les brevets.
En 1994, au nom des «droits de l'homme des patients», un laboratoire
pharmaceutique public de l'État de Pernambouc, le Lafepe, avait décidé de
copier l'AZT, dont l'anglais Glaxo Wellcome détient le monopole, pour soigner
une population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Les industries
pharmaceutiques, américaines en tête, avaient réagi à ce «piratage généralisé»
en exigeant l'adoption d'une loi sur les brevets, sous peine de geler leurs
investissements dans ce pays.
S'appuyant sur une clause prévue par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
prévoyant le cas d'urgence sanitaire, le Brésil vota une loi compatible avec
cette disposition, tout en reconnaissant les accords internationaux sur les
aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce
(ADPIC). La loi brésilienne sur la propriété intellectuelle spécifie, en effet,
que les détenteurs de brevets devront produire leurs médicaments au Brésil au
maximum trois ans après leur introduction sur le marché. Sans production
locale, le fabricant sera alors tenu de fournir sa formule et d'en permettre la
fabrication moyennant royalties, sauf si le propriétaire du brevet peut prouver
que la production locale est impossible.
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DEFENDRE LES MEDICAMENTS GENERIQUES
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Actuellement, plus de 90.000 personnes peuvent bénéficier gratuitement de
traitements contre le VIH au Brésil et le taux de mortalité dû au sida a été
réduit de 50 %, rappelle Médecins Sans Frontières (MSF). La production de
médicaments génériques a permis d'économiser, entre 1997 et 1999, l'équivalent
de 422 millions de dollars d'hospitalisation et de soins médicaux, disponibles
pour l'économie réelle. Au Brésil, les médicaments utilisés dans le traitement
du sida sont en moyenne cinq fois moins chers que dans le reste du monde. Grâce
au travail coopératif entre les médecins présents sur le terrain et les laboratoires
pharmaceutiques publics, des améliorations ont pu être réalisées dans les
thérapies.
L'Organisation Mondiale de la Santé a reçu un mandat pour appliquer la clause
sanitaire en aidant les pays à fabriquer des antiprotéases, afin d'offrir des
combinaisons de traitement plus efficaces. Les Brésiliens, de leur côté, ont
annoncé qu'ils ne fonctionnaient qu'à 20 % de leur capacité de production
pharmaceutique. La requête des États-Unis auprès de l'OMC vise donc à empêcher
l'application des clauses d'urgence sanitaire au risque de provoquer un crime
contre l'humanité. Si l'organe de règlement des conflits de l'Organisation
mondiale du commerce (OMC) devait agréer la requête des États-Unis, les
décisions prises dans des organismes internationaux comme l'Organisation
mondiale de la santé (OMS) pourraient devenir illégales.
Rappelons qu'en 1997 une situation similaire s'était présentée en Afrique du
Sud. Le gouvernement d'Afrique du Sud avait décider de procéder à la
fabrication locale de médicaments pour lutter contre le sida (des génériques)
en accord avec ses propres lois et dans le respect des accords Trips. L'un des
premiers médicaments produit fut le Taxol, sous licence de Bristol-Myers Squibb
(mais «inventé» par des laboratoires publics, donc aux frais des contribuables
américains). Immédiatement, le Congrès des États-Unis avait réagi en coupant
toute aide financière à l'Afrique du Sud, pendant que le secrétaire au Commerce
«mit tous les moyens en oeuvre pour faire capituler le gouvernement
sud-africain», d'après les termes d'un rapport au Congrès.
Nous voyons ici, une fois de plus, où conduit cette logique de « privatisation»
de pans entiers de savoirs au seul profit de quelques groupes de pressions ou
entreprises multinationales. C'est cette même logique qui aujourd'hui prévaut
en matière de génome humain, de recherches agro-alimentaires (avec les OGM), de
logiciels ou de supports numériques, et qui conduit à une multiplication des
«brevets » concédant à quelques-uns des droits exclusifs d'exploitation
commerciale sur des connaissances qui sont le patrimoine commun et collectif de
l'humanité.
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LA BREVATIBILITE : S’APPROPIER LE VIVANT ET LA PENSÉE
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La plainte des États-Unis contre le Brésil s'inscrit dans une stratégie
globale, visant à généraliser la brevetabilité dans tous les domaines, y
compris pour des sujets relevant du vivant ou de la pensée. En ce qui concerne
l'informatique, les accords sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et qui ont pour but d'intégrer
les droits de propriété intellectuelle dans le système GATT/OMC protègent, pour
le moment, les programmes informatiques par le régime du droit d'auteur et non
par des brevets, contrairement aux États-Unis et au Japon où le brevetage des
logiciels est légal.
Tout comme les brevets sur les médicaments, les brevets sur les algorithmes
permettent à une minorité de s'approprier le patrimoine de l'Humanité. Le
brevet permet de restreindre l'utilisation d'une innovation pendant vingt ans.
Or, dans le cas des programmes d'ordinateurs, les brevets résultent le plus
souvent de la découverte ou de la simple application d'une propriété
mathématique ou d'un algorithme, qui fait partie du patrimoine de l'humanité.
La plupart du temps, les découvertes effectuées par un programmeur ne sont que
l'adaptation d'idées déjà existantes à un problème bien défini.
Le 29 novembre dernier, s'achevait à Munich la Conférence pour la révision de
la Convention sur le Brevet Européen (CEB) dont l'un des enjeux était notamment
de discuter de la mise en place ou non de brevets sur les algorithmes (alors
que ceux-ci ne sont que l'expression d'un cheminement intellectuel),
principalement pour légitimer les pratiques illégales de l'Office Européen des
Brevets qui, avant même que cela soit légalement possible, a déjà accepté le
dépôt de 30.000 brevets sur les techniques logicielles ; de la même manière que
furent brevetés des techniques et connaissances sur les embryons, le cancer du
sein, de la prostate, ainsi que sur le génome humain.
L'Association pour la promotion et la recherche en informatique libre (APRIL),
entend protester contre l'ensemble des mesures qui favorisent «l'appropriation
intellectuelle» des savoirs par quelques groupes privés et entreprises
multinationale et la soumission des gouvernements aux pressions de tels
intérêts.
Consciente que le brevetage de médicaments a des implications bien plus
meurtrières que les «brevets de logiciels», l'APRIL se joint à l'appel, lancé
par 120 organisations non gouvernementales brésiliennes, pour défendre le
programme public de lutte contre le sida.
L'APRIL appelle les dirigeants des principaux organismes internationaux chargés
du développement et de la santé (ONUSIDA, OMS, UNICEF, PNUD) à prendre position
en faveur de la protection de la loi brésilienne sur les brevets.
L'APRIL invite toutes les acteurs du logiciel libre (entreprises et
associations) qui ont combattu les tentatives de légalisation des brevets
logiciels en Europe, à prendre position en faveur de la loi brésilienne sur les
brevets conformément aux accords ADPIC sur la propriété intellectuelle qui
autorise la production, pour cause d'urgence sanitaire notamment, de
médicaments normalement protégés par une licence, sans l'accord du propriétaire
du brevet.
Paris, le 12 février 2001 APRIL Association pour la promotion et la recherche
en informatique libre
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<http://www.april.org/articles/communiques/pr-bresil.html>
Références
- US action at WTO threatens Brazil's successful Aids programme, Médecins sans
frontières, communiqué de presse, 1er février 2001. <http://www.msf.org/advocacy/accessmed/reports/2001/02/pr-wto
>
- Brazil warns U.S. over AIDS patents, Stephen Buckley, International Herald
Tribune, 7 février 2001. <http://www.msf.org/advocacy/accessmed/reports/2001/02/iht-brazil/>
Accès aux médicaments: droit ou charité ? dossier du journal L'humanité hebdo,
10 février 2001.
<http://www.humanite.fr/journal/2001/2001-02/2001-02-10/2001-02-10-019.html>
Bush au secours du lobby pharmaceutique, Communiqué de presse d'Act-Up, Paris,
1er février 2001.
<http://www.actupp.org/news/news_2001/news_01022001.html>
Campagne «Access to Essential Medicines», Médecins sans frontières.
<http://www.accessmed.msf.org/>