Alors que ce conflit finissait par paraître de plus en plus obscur, la simple existence de ces négociations, qui se déroulent au Caire, fait apparaître au grand jour les raisons des multiples impasses précédentes : ne se peut-il pas qu’Arafat soit simplement myope et n’ait jamais pu lire correctement les accords d’Oslo ? Cela n’expliquerait-il pas, qu’à cette cécité, soit venu s’ajouter un dialogue de sourd. Voyez comme c’est clair. Dans un geste incompris, Arafat claquait la porte des négociations de Camp David, sans même formuler une seule contre-proposition, venant de se rendre compte qu’il se trompait d’interlocuteur et qu’il n’avait pas les dirigeants du Hamas en face de lui à la table des négociations. Bête problème d’halogène mal réglé pendant les premiers jours. Heureusement, il négocie aujourd’hui avec le Hamas. Nous nous réjouissons, à cette occasion, de constater la parfaite lecture des accords d’Oslo, en particulier l’alinéa dit «de la négociation touts azimuts », à savoir le fait qu’il s’agisse de négocier avec les terroristes, voire de les faire sortir de prison, à partir du moment où l’on respecte la contrainte consistant à ne surtout pas les neutraliser. L’objet des négociations ? Eh bien, conformément aux articles de l’accord d’Oslo, on suspend les attentats-suicide, le temps des élections en Israël, tout en respectant l’alinéa dit «alinéa-du-soldat-colon-en-morceaux », qui stipule la possibilité de faire exploser une certaine catégorie de la population, à partir du moment où les explosifs utilisés sont estampillés «vert », c’est-à-dire qu’ils ne nuisent pas à l’environnement. Jusque-là, rien de moralement douteux. Et ce n’est pas Olivier Mazerolle qui le contredira. Le directeur de l’information de notre chaîne publique n’a-t-il pas eu cette franchise, répondant à l’interview d’Elisabeth Schemla pour Proche-orient.info, d’exprimer son cruel dilemme sémantique : « Je trouve absolument normal, moralement et sémantiquement, de qualifier par exemple, de terroristes palestiniens ceux qui portent la mort en terre d'Israël. Dès qu'il s'agit des mêmes dans les Territoires, en revanche, comment les nommer, ,puisque, dans le cadre de la lutte nationaliste palestinienne, ils sont considérés comme des libérateurs par les leurs ? Devons-nous là aussi, les qualifier de terroristes ? C'est une des multiples questions auxquelles nous avons à répondre. » Ce à quoi nous serions tentés de lui rétorquer qu’il ne faut jamais désespérer et que lorsque l’on se perd comme cela, un bon remède consiste à revenir aux fondements les plus naturels de l’homme, à savoir l’humain, ce qui aurait pu lui éviter de faire part, en public, de son incapacité à qualifier de terroriste une personne qui tire sur un bébé à bout portant dans le simple but de le tuer. Les négociations du Caire ne sont-elles pas également un démenti de l’analyse de Shlomo Ben-Ami, acteur des négociations de Taba et de Camp David, au titre de ministre des affaires étrangères (ou plutôt de ministre de «l’affaire étrangère », comme il se qualifie lui-même dans son livre « Quel avenir pour Israël ? », considérant que ce ministère est, par la force des choses, polarisé exclusivement sur la question de la paix avec le Monde arabe) ? Quel démenti, donc, pour son analyse, exprimée dans ce même livre, qui consistait à considérer qu’Arafat, à défaut d’être un menteur, n’était tout simplement pas un négociateur, de par son incapacité à clore une négociation, en acceptant de fait un compromis dans lequel il est nécessairement amené à perdre un peu. Il s’avère que l’on sait négocier du coté de l’Autorité palestinienne. Encore faut-il avoir la volonté d’aboutir à ses fins. Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas, prévient que les pourparlers ne visent pas à mettre fin à la «résistance » (doux euphémisme qui risque de déstabiliser à nouveau la rédaction de France 2). Ce qui nous conforte dans l’idée que cette négociation du Caire, contrairement à d’autres, à toutes les chances d’aboutir. D’autant plus que cette dernière est clairement annoncée par le Hamas comme une étape, ce qui n’est pas sans nous rappeler la conception arafatienne des négociations israélo-palestiniennes, qu’il exprimait très clairement à l’occasion d’un discours au Conseil législatif palestinien, au cours duquel il proposait de considérer l’arrêt des attentats-suicide sous l’angle avantageux de «l’accord de conciliation de Hudaybiyya », ce qui signifie qu’un tel engagement peut (ou doit) être rompu, au moment opportun. (voir l’article "Un analyste israélien de l’Islam et de la politique arabe: 'Je crois Arafat'".) Leila Shahid ne nous confirme-t-elle pas elle-même le concept des 'étapes' au cours du débat sur France 2, qui faisait suite au reportage de Charles Enderlin ? Meir Rosen interpelle Leila Shahid en lui signifiant que les accords d’Oslo étaient considérés par l’Autorité Palestinienne comme une «étape », ce à quoi Leila Shahid répond : « Je sais ». Pourquoi est-il difficile de le remarquer ? Parce qu’il y avait du brouhaha à cet instant et que l’on a embrayé sur un autre sujet. Mais il est très facile de se repasser l’émission … Donc nul besoin pour M. Rosen de lui préciser à quoi se réfère cette notion d’étape : Mme Shahid sait. Pour ceux qui ne savent pas, il s’agit de considérer les diverses négociations comme autant d’étapes dans un processus consistant à posséder, à terme, l’entièreté de la Palestine, y compris, bien sûr, Israël. Leila Shahid a dû considérer que son rôle de porte-parole consistait à étendre l’Autorité Palestinienne sur le divan d’un psychanalyste, afin de lui faire déballer ses non-dits, dont l’historique aveu de la reconnaissance du droit aux attentats-suicide. Or le psychanalyste, c’était le téléspectateur français ! Revenons-en au fond du problème et tâchons de savoir comment se sortir du conflit. Guérir la myopie d’Arafat, écrire les accords d’Oslo en caractères plus gros, lui faire changer de paire de lunettes ? Et pourquoi pas les nettoyer tout simplement ?