La Grande-Bretagne voit des ”terroristes” partout

 

 

 

par Jean-Marc Manach
mis en ligne le 21 février 2001

Voté dans la foulée du RIP Act, le Terrorism Act anglais vient tout juste de prendre effet. Il effraie les défenseurs des droits de l'homme et des (cyber-) militants. S'il était anglais, José Bové serait jugé pour "terrorisme"...


À compter du 19 février 2001, le sens du mot "terrorisme" s'est considérablement élargi en Angleterre. Au regard du Terrorism Act, l'utilisation de la "menace" (threat) en vue d'influencer l'opinion ou le gouvernement pour des raisons "politiques, idéologiques ou religieuses", les "dommages sérieux à la propriété" ainsi que les actions en vue de "perturber gravement un système électronique" peuvent aujourd'hui être qualifiés de "terroristes". Pour Jack Straw, le secrétaire du Home Office, l'équivalent britannique de notre ministre de l'Intérieur, il s'agit d'un renforcement des libertés individuelles visant à combattre, par exemple, ceux qui pourraient faire tomber l'alimentation électrique d'un hôpital. Un avis que ne partagent pas les défenseurs des libertés qui voient là un pas supplémentaire dans l'édification d'une société de la surveillance. Interrogé par le très sérieux Financial Times, un représentant de l'opposition estime ainsi qu'un leader syndical appelant à la grève dans un hôpital pourrait ainsi tomber sous le coup de cette loi.

Délits de sales opinions
Conçu comme la mise à jour d'une loi votée en 1973 et destinée, à l'époque, à lutter plus efficacement contre l'IRA, le Terrorism Act pourrait, selon ses opposants, être en effet appliqué à n'importe qui. Arborer un T-shirt de soutien à un mouvement considéré comme "terroriste" par un régime entretenant de bonnes relations avec le gouvernement anglais ou s'exprimer lors du meeting d'une organisation considérée comme "terroriste" peut valoir jusqu'à dix ans de prison. Les opposants au Terrorism Act ont ainsi apposés la mention "terroriste" sur une statue de Nelson Mandela : c'est en effet tout ce qu'il mérite, selon la loi. Sont également visés les activistes anti-mondialisations ou anti-OGM, dont les leaders pourraient risquer la prison... à vie. Si José Bové avait été jugé en Angleterre pour son démontage du Mac Do de Millau et les destructions de plantations d'OGM, il aurait ainsi risqué perpèt'. La Confédération paysanne aurait pu être purement et simplement interdite, ses militants et sympathisants devenant dans la foulée des terroristes potentiels, fichés comme tels. Leur site web, prônant de telles méthodes, aurait lui aussi été interdit, ainsi que toute présentation sous un jour favorable de leurs revendications, qu'il s'agisse de tracts, affiches, T-Shirts, etc. Les journalistes ne sont pas plus épargnés : ils risquent en effet cinq ans de prison s'ils refusent de révéler leurs sources dans le cas où ils ont été en contact avec des "terroristes". Tout comme ceux qui leur viendraient en aide, que ce soit d'un point de vue logistique ou financier, et ne serait-ce qu'en maintenant un site web.

Bové et Mandela : terroristes !
En se basant sur ce texte, la police est habilitée à fouiller les locaux de ceux qu'elle soupçonne d'être des "terroristes" et de les arrêter... sans mandat. Une nouvelle mesure d'exception qui rappelle le RIP Act, qui fait entrer le Royaume-Uni dans l'ère de la cybersurveillance. Dans le cadre de cet arsenal juridique, des hacktivistes qui, préparant une manifestation en ligne, utiliseraient la cryptographie pour communiquer de façon confidentielle avec leurs pairs, risquerait des années de prison, alors que s'ils s'étaient contentés de préparer une manifestation "réelle" en se retrouvant au café du coin, ils ne risqueraient rien... À moins d'appartenir à une organisation justement qualifiée de "terroriste". Tout comme le RIP Act, le Terrorism Act irait, selon plusieurs ONG citées par IndyMedia, à l'encontre de la Convention européenne des droits de l'homme, de la présomption d'innocence et de la liberté d'expression. Abid Hussain, rapporteur spécial de la commission des droits de l'homme à l'ONU, s'était ainsi inquiété du sort réservé aux journalistes ainsi qu'à la liberté d'expression en général dans le rapport qu'il consacrait l'an passé à la "Liberté d'opinion et d'expression au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord". En vain, semble-t-il. Le Terrorism Act fait aujourd'hui force de loi.

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Lien(s) de l'article :

Terrorism Act 2000 :
http://www.legislation.hmso.gov.uk/acts/acts2000/20000011.htm

Indymedia :
http://uk.indymedia.org/

Oppose the Terrorism Act :
http://go.to/ta2000

Hackers face terrorism law :
http://news.ft.com/ft/gx.cgi/ftc?pagename=View&c=Article&cid=FT3TO0ILE...



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