La Déclaration de Laeken a considéré que le moment était venu pour l'Europe "de prendre ses responsabilités dans la gouvernance de la globalisation... c'est-à-dire de l'ancrer dans la solidarité et le développement durable". Le Conseil européen du 15 décembre 2001 propose à l'Union de se réformer, ils demandent à la Convention 2002 de dire les réformes légales et politiques nécessaires pour y arriver, en gros trois objectifs sont fixés : 1- réformer les institutions, 2- rendre l'Union plus proche des citoyens, 3- élaborer un projet de Constitution européenne. Voilà pour les principes. Si les principes ont l'air de tenir la route, si l'on s'en tient aux généralités, leur mise en oeuvre pose immédiatement problème. D'abord dans la désignation de la direction de la Convention en les personnes de Valéry Giscard d'Estaing (président), Giuliano Amato et Jean-Luc Dehaene (tous deux vice-prédidents) et de leurs attributions respectives. Sur le plan symbolique, Valéry Giscard d'Estaing incarne la "présidence impériale". Jean-Luc Dehaene est chargé des relations avec la société civile, alors qu'il s'est avéré être un très mauvais communicateur lors des différentes crises qu'il a eu à résoudre en tant que Premier Ministre de Belgique (affaires Dutroux et de la dioxine entre autres). Giuliano Amato, ancien président du Conseil italien socialiste, a immédiatement été récusé par Silvio Berlusconi pour représenter l'Italie. La Convention comprend 105 membres, les trois membres de la direction, 63 représentants des pays membres de l'Union, 39 membres des pays candidats qui n'ont pas le droit de vote. Parmi les 63 représentants des pays membres, on trouve 15 représentants des pays membres, 30 représentants des Parlements nationaux (deux par Etat), 16 représentants du parlement européen (pourquoi pas 15 ?), 2 représentants de la Commission. Le présidium, organe directeur de la Convention, est composé de 12 membres : les trois membres de la présidence, les représentants des gouvernements de la troïka (Espagne, Danemark, Grèce), 2 représentants des Parlements nationaux, 2 représentants du Parlement européen et 2 représentants de la Commission européenne, une sorte de super bunker institutionnel. La représentation belge à l'image du pays C'est le triomphe des partis qui explique la composition de la représentation belge. Louis Michel représente le gouvernement, jusque là, rien à redire. Karel De Gucht et Elio Di Rupo, respectivement président du VLD et du PS, représentent respectivement la Chambre et le Sénat dont ils ne sont pas membres. Enfin Anne Van Lancker est la seule véritable élue (SPa au Parlement européen). La société civile, la grande oubliée ou la ventriloquie ? Plusieurs problèmes subsistent : - la représentativité et la légitimité des ONG, de la société civile en général, - la manière dont le site Internet sera géré et le sort qui sera réservé aux propositions et amendements apportés par la société civile, - la manière dont seront organisés les débats nationaux et la place qui y sera consacrée dans la presse, - la décision ou la sanction finale. La représentativité et la légitimité des représentants de la société civile Les ONG, qui font partie du "groupe de contact de la société civile", sont essentiellement celles reconnues par la Commission, une sorte d'establishment de la société civile (voir les documents sur le partenariat CES 811/2000 et sur la gouvernance CES 535/2001). Les manifestations de centaines de milliers de personnes à Barcelone, lors du dernier sommet européen, contre une certaine forme de construction européenne, peuvent remettre en doute la légitimité d'un "groupe de contact" autorisé. L'expression de propositions et la consultation ne peut pas être réservée uniquement à la société civile reconnue par les institutions, surtout quand certaines organisations n'en faisant pas partie, contestent les orientations et les décisions prises par ces institutions. Si les seules organisations autorisées pouvaient s'exprimer, elles n'exprimeraient que ce que ces institutions veulent bien entendre, une espèce de ventriloquie en quelle que sorte. La manière dont le site Internet sera géré et le sort qui sera réservé aux propositions Aucune garantie n'a été donnée quant à la manière dont le dialogue sera organisé. Fort de l'expérience du simulacre de dialogue qui a été mis en place lors de la préparation de la Charte avant le sommet de Nice, il faut souligner la nécessité de mise en place d'un système de cogestion entre la Convention et la société civile, par exemple sous la forme d'un site internet commun. L'objectif recherché est d'obliger la Convention à plus de transparence et d'assurer l'interactivité de la communication. La manière dont seront organisés les débats nationaux et leur place dans les média M. Giscard d'Estaing propose un débat de trois mois dans chaque pays, n'est-ce pas le meilleur moyen de noyer le poisson ? Chaque pays a besoin de pouvoir organiser les débats, à son rythme, avec un large écho dans les média. Les partis politiques le savent bien, ils se donnent en général plusieurs mois, voire plus d'une année, pour repenser leur action au sein de la nation. A fortiori au sein de l'Europe, qui est une méta-nation, vivant encore mal dans l'esprit et le coeur des citoyens. La décision ou la sanction finale On a pu lire, peu de temps après la Déclaration de Laeken, que la décision finale appartiendrait aux gouvernements ou au Conseil des Ministres, précisément ceux qui n'ont pas réussi à se mettre d'accord à Maastricht, à Amsterdam et à Nice. La présidence de la Convention a parlé un moment de nécessité de consensus. La Déclaration de Laeken a parlé de manque de transparence à propos des décisions du Conseil, n'en va-t-il pas de même avec la Convention ? A l'évocation de soumettre le résultat des travaux à référendum, la présidence de la Convention, en la personne de Jean-Luc Dehaene, s'est dit opposée à l'idée. Est-ce cela la démocratie ? Est-on vraiment sûr d'avoir trouvé la bonne méthode ? Pour en débattre, nous pouvons compter sur la participation de : Madame Anna Van Lancker, députée SPa au Parlement européen et membre de la Convention, Monsieur Paul Magnette, maître de conférence à l'ULB, auteur de "La constitution de l'Europe", "L'Europe, l'Etat et la démocratie", "A quoi sert le Parlement européen ?" et "La citoyenneté européenne", Monsieur Virgilio Dastoli, porte-parole du Forum permanent de la société civile, Monsieur Pierre Jonckheer, député Ecolo au Parlement européen. Nous espérons vous voir nombreux à ce débat qui concerne notre avenir à tous. Au plaisir de vous y rencontrer. Daniel Spoel