Centrales électriques classiques.

Regardons d'abord de plus près la façon dont une centrale classique produit actuellement de l'électricité. En fait, une centrale électrique est une sorte de machine à vapeur à l'ancienne. La combustion crée de la vapeur qui à son tour actionne une turbine (grosse dynamo) produisant de l'électricité. En Belgique, la vapeur provient pour l'essentiel de la fission nucléaire (55%), du gaz (20%) et du charbon (20%).

Chose ennuyeuse, d'importantes quantités d'énergie sont tout simplement perdues dans une telle machine à vapeur. En moyenne, 40% seulement de l'énergie sont transformés en électricité, le reste étant perdu sous forme de chaleur, en grande partie via les tours de refroidissement. Avec un gaspillage énergétique gigantesque à la clé. L'illustration ci-dessous clarifie les choses. La production centralisée à grande échelle entraîne non seulement des pertes de chaleur, mais accroît aussi les pertes au moment de la transmission, de grandes quantités d'électricité devant être transportées sur de longues distances.

Perte d'énergie lors de la production et du transport d'électricité jusqu'au consommateur.

Récupérer la chaleur.

La solution semble facile: pourquoi ne pas récupérer la chaleur et l'utiliser à bon escient? Oui, si ce n'est qu'il existe un certain nombre d'obstacles pratiques à franchir. Ainsi, la chaleur ne peut que difficilement être transportée sur de longues distances (dans des pipelines par exemple); par ailleurs, le stockage de la chaleur est une opération très coûteuse. Aux alentours d'une centrale nucléaire, on ne trouve généralement que très peu de maisons susceptibles d'utiliser cette chaleur durant l'hiver.

La solution est pourtant simple: là où il y a une demande importante de chaleur, construisons de petites centrales ayant essentiellement une fonction de "chauffage". L'électricité produite par cette centrale comme "produit secondaire" sera injectée dans le réseau. Ceci est possible même à très petite échelle: ainsi, il y a moyen de remplacer une chaudière au gaz servant au chauffage central d'une maison par un moteur au gaz. Celui-ci produit de l'électricité et chauffe la maison. Dans la plupart des cas, il s'agit cependant d'installations plus grandes qui servent par exemple à chauffer une piscine ou un immeuble à appartements ou qui produisent de la vapeur pour des applications industrielles.

Plus le nombre d'heures de chauffage nécessaire par an est élevé, plus la centrale tournera et plus elle sera rentable. Dans une maison bien isolée, ne nécessitant que peu d'apport de chaleur supplémentaire, une installation pareille n'est pas très utile; elle l'est par contre dans des hôpitaux, des piscines et autres. Dans des immeubles à appartements, le problème est résolu autrement: une partie de l'installation de chauffage est composée de cogénération (qui fournit de la chaleur durant le plus grand nombre possible d'heures) et pour les journées les plus froides, on recourt à une installation de chauffage classique supplémentaire. Ce système en cascade permet à l'installation de cogénération de rester rentable. Dans certains pays, on utilise le chauffage urbain: à côté des conduites pour l'électricité, l'eau et le téléphone, la ville dispose aussi d'une conduite pour l'eau chaude. Les maisons sont équipées d'un robinet thermostatique qui prélève la chaleur du réseau d'eau chaude, ce qui permet ensuite de chauffer ces maisons. Les applications industrielles sont généralement les plus intéressantes: tout au long de l'année, une quantité déterminée de chaleur ou de vapeur étant nécessaire lors du processus de production, celle-ci peut être produite grâce à la cogénération. Certaines installations industrielles de cogénération sont très grandes, similaires à des centrales classiques au gaz ou au charbon.

La cogénération est très populaire... à l'étranger

Aux Pays-Bas, 30% de l'électricité sont produits dans des unités de cogénération; au Danemark, on atteint 40%. En moyenne, 11% de l'électricité sont produits via la cogénération au sein de l'Union européenne. Avec 4% seulement de son électricité produite dans des centrales de cogénération, la Belgique est à la traîne. Ceci est dû à une centralisation excessive, à savoir à une production dans des grandes centrales comme les centrales nucléaires. Conséquence: un gaspillage énergétique faramineux, la chaleur ne pouvant être récupérée efficacement.

Electrabel persiste cependant à poursuivre dans cette voie peu efficace. A l'heure actuelle, elle construit au Luxembourg une turbine gaz vapeur dotée d'une centrale de cogénération. Très bien! Si ce n'est qu'elle n'a aucun client dans les environs qui pourrait avoir besoin de la chaleur. Ajoutons à cela que la centrale est surdimensionnée, entraînant un surplus d'émissions équivalent à 300.000 tonnes de CO2 par rapport à de petites unités de cogénération réparties sur le territoire luxembourgeois avec utilisation de chaleur.

Position de Greenpeace

Greenpeace milite pour la sortie du nucléaire et la sauvegarde du climat. Dans cette optique, une révision en profondeur du secteur électrique s'impose, et ce au profit de la cogénération, des énergies renouvelables (soleil, vent, hydroélectricité, biomasse) et de l'efficacité énergétique (installations électriques plus efficaces qui consomment moins d'électricité).

Greenpeace est partisane du développement rapide de la cogénération. En Belgique, la cogénération est un élément crucial pour remplacer l'énergie nucléaire. Même si le biogaz peut être utilisé pour servir la cogénération, la plus grande partie proviendra du gaz naturel. Ceci ne fait pas de la cogénération une filière "propre", mais bien une mesure d'efficacité énergétique rentable, avec un grand potentiel à court terme. C'est une solution intermédiaire dans une stratégie à plus long terme visant à abandonner l'énergie nucléaire en l'espace de 15 ans et à substituer les combustibles fossiles assez vite pour ainsi prévenir des changements climatiques dangereux (30 à 40 ans).

Greenpeace Belgium, "energy unit", septembre 2000.