La City-parade en soi n'a pas été remise en cause lors de cette action. On pouvait certes éprouver certains moments de dégoût par la multiplication des tapages publicitaires mais l'évènement en-soi n'était pas plus dérangeant qu'un autre festival de notre société marchande -quel que soit le style de musique qui y était présenté-. Par contre, le climat liégeois et les arrangements entre la ville, la police et les organisateurs ne le sont pas autant. Comme le dit Turlututu, l'année passée a connu plusieurs soirées annulées par la police, laissant alors le champ libre à des soirées ultra-payantes (qui ne pouvaient, en plus, pas accueillir physiquement l'ensemble des fêtards qui avaient payé leur place). Le problème principal se situe au niveau du droit à manifester –du droit à occuper l’espace publique. Les autorités ne font pas de différence dans l’organisation entre une firme privée et une association citoyenne (on peut même dire que le contraire est vrai à entendre les interdictions énoncée à chaque manif citoyenne). Cette année 2001-2002, on a rapidement découvert dans le monde associatif liégeois, avec la multiplication des manifestations citoyennes à Liège, que le droit de manifester est un droit qu’il faut savoir commercialiser. On peut revenir sur l'Alter-Parade du 15 juin (prévue à l'origine le 22 et déplacée par les autorités). Lors des négociations, les organisateurs découvrent avec effroi l'attitude de la ville quant à la gestion de la ville. Le premier frein est la surcharge de la ville : Les braderies, foires commerciales et parade commerciale… qui font tourner le commerce liégeois. Ces évènements sont incités au niveau liégeois (faut bien faire tourner le commerce) et ils ont constitué la « surcharge » qui a fait dire aux autorités qu’un évènement citoyen ne pourrait, faute de place avoir lieu ce jour-là. Le deuxième frein est les disposition que doivent prendre les organisateurs : Selon les discussions avec les autorités, un organisateurs d’évènements doit s’y prendre trois mois à l’avance pour organiser quoi que ce soit. Une entreprise commerciale peut l’envisager facilement. Un responsable peut s’en occuper dans le cadre de ses occupations professionnelles (avec revenu donc pour ce travail). Un bénévole citoyen ne peut pas avoir autant de rigueur car il devra exercer une occupation professionnelle sur le côté pour sortir d’une certaine précarité. De plus, on ne peut pas demander au front Antifasciste (pour ne pas reprendre l’exemple de l’ULDP) de déposer une demande trois mois avant que le prochain gouvernement soit investit par un parti fasciste. Une autre condition imposée par la ville : tout véhicule transformé, décoré, servant de support à une fanfare… devrait obligatoirement être soumis à l’expertise de la société Vinçotte ; expertise payante évidemment. Ce que peut payer le char du Millenium, de la Rocca ou autre, les associations de quartier, les associations citoyennes ne peuvent pas se le permettre et ça, le Bourgmestre le sait très bien… Le troisième frein est évidemment la différence d’attitude des autorité envers une entreprises commerciale ou envers une association ou un groupe qui milite pour un certains progrès de l’humanité. Lors des manifs contre l’Ecofin à celles contre le centre fermé de Vottem, les conditions imposées allaient du contrôle des véhicules à l’interdiction des chiens, des sacs, des déguisements, des hampes de drapeaux, des bateaux et des aéronefs (véridiques !!) en passant par l’interdiction des buvettes (interdiction de rentrer dans ses frais donc). Récemment, l’association Attac-Liège s’est même vue refuser le droit, garanti par la Constitution belge de distribution de tracts sur la voie publique après une ordonnance du Bourgmestre !! Dans ces conditions, la grande fête « populaire » que représente la City-Parade perd beaucoup de son goût à la connaissance de la réalité liégeoise. Plus loin encore, on peut se demander où s’envolent les valeurs d’égalité et de liberté dans le secteur du divertissement quand la grand fête de la City-Parade, la « Citizens after-party » demandait un droit d’entrée de 22€. Essayons d’imaginer le nombre de personnes dans la foule des 150.000 qui pouvaient réellement se le permettre. Sans compter la vitrine pour les quartiers du Tiers-à-Liège ou de Droixhe à proximité de cette fête où on peut être certains que le nombre de d’habitants qui peuvent se permettre cette fête « citoyenne » se comptes sur les doigts de la main. Dans notre société pourtant, des acteurs citoyens recherchent des alternatives à ce monde marchand. Tous ne veulent pas faire la révolution armée mais ils développent des initiatives concrètes car ils n’acceptent pas la direction dans lequel le monde se dirige (je parle ici des GAC –Groupes d’achat commun-, des tables d’hôtes alternatives, des initiatives culturelles, des fêtes gratuites –freeparties-….). Le Bourgmestre, dans chaque interview dans le Soir, rappelle qu’il partage les idéaux des alter-mondialistes. Mais il faut bien comprendre que sur Liège, ce n’est pas ceux-là que le parti socialiste va pousser. Si on ne se rend pas compte qu’il y a des actes derrière les discours, on comprend vite qu’une fête populaire peut cacher un monstre urbain mondialisé beaucoup plus gros. L’alter-mondialisme n’est pas uniquement une affaire de Tiers-monde, de générosité ou de pays d’Amérique du sud aux noms tellement chatoyants, c’est aussi la façon dont nous, dans nos société occidentales, nous envisageons notre vie en commun. Pouvons-nous accepter le monopôle de ceux qui savent se le payer ? Acceptons-nous que le système économique actuel nous pousse vers un individualisme que tous contestent ? Sommes-nous prêts à coudre nos paupières pour vivre dans l’insouciance ? … Le grand risque du néolibéralisme mondialisé ne repose pas dans la disparition de la fête ou des choses que l’ont aime faire mais il repose dans la sélectivité que ce système impose ; des différences qu’il fait entre ceux qui ont les moyens et ceux qui ne l’ont pas, ceux qui s’intègrent dans ce système individualiste et ceux qui le refusent, entre la culture marchande et celle qui ne peut pas l’être. En d’autres mots, ce n’est pas la City-Parade que l’ont conteste mais bien le fait qu’on nous empêche de développer des alternatives… Et on peut être sûr qu’à force d’être traité de la sorte, même Attac-Liège ne demandera plus d’autorisation des autorités pour agir dans la Cité ardente.