«La négation et le négationnisme dont le concept a été forgé parréaction à l'usage du mot de "révisionnisme", dont se sont emparés les "assassins de la mémoire", sont-ils intrinsèques au génocide au point d'en constituer l'essence, ou ne sont-ils qu'un épiphénomène greffé a posteriori sur le génocide pour tenter d'en réduire la portée, d'en justifier l'exécution, d'en effacer le souvenir et finalement d'en permettre l'achèvement?» 1 Bernard Jouanneau, Le génocide est une négation   Alors que la publication ou plutôt la mise à disposition de l'ouvrage interdit du docteur Gubler, consacré à la maladie de François Mitterrand, sur le réseau internet a fait la une des médias, il semble que la présence du pamphlet de Roger Garaudy, publié par La Vieille Taupe en 1995 en diffusion restreinte par abonnement, et intitulé Les Mythes fondateurs de la politique israélienne 2, sur deux sites web négationnistes du réseau internet, soit passée complètement inaperçue. Les sites en question, sont le Codoh (Committee for Open Debate on the Holocaust), géré par Bradley R. Smith (Californie) et Radio-Islam (Suède), animé par Ahmed Rami, un islamiste marocain d'extrême droite. Le réseau internet est en effet le médium le plus utilisé depuis les trois dernières années par les groupuscules négationnistes car, d'un coût modeste, il offre l'avantage de l'internationalité, de la rapidité et surtout d'une absence apparente de législation. Les activistes «révisionnistes», après avoir créé des forums de discussions thématiques (news group) tels que alt.revisionism, où leurs arguments étaient systématiquement contrés par des cybernautes vigilants, se sont installés de préférence sur des pages web ne nécessitant pas de débats 3. Ces principales pages web sont parmi d'autres, l'Institute for Historical Review pour la «révision historique» de Greg Raven (Californie); le Zundelsite (site de la réfutation de l'Holocauste), géré par Ernst Zundel, un germano-canadien dont le logo est une croix gammée «épurée», noire sur fond rouge et blanc. Ceux-ci diffusent les articles de la Revue d'histoire révisionniste française où l'on retrouve les trop connus Henri Roques, André Martin, Serge Thion, David Irving, J.-F. Beaulieu, etc. Les négationnistes européens rattrapent leur retard; récemment ont été créés le Wilhem Tell Revisionismus en Suisse, Graphos en Italie et Sleipnir en Allemagne. Bien entendu tous ces sites révisionnistes sont interconnectés et se font mutuellement de la publicité. La stratégie et le discours obsessionnel des négationnistes sur le web ne diffèrent guère de ceux de leurs publications papier. Leurs constantes sont la recherche d'une légitimité scientifique, la tentative d'infiltration des milieux universitaires, un antisémitisme virulent déguisé sous un antisionisme militant, le mythe d'un complot judéo-politico-journalistique, une alliance «rouges-bruns» et la proclamation frénétique de la liberté d'expression. L'ADL (Ligue anti-diffamation), organisation antiraciste nord-américaine, présente sur le web 4 de nombreux exemples du mode d'infiltration des activistes négationnistes dans les universités. Bradley Smith (Codoh) ne cache d'ailleurs pas ses intentions dans son «projet Campus». Il a en effet pu présenter, en 1994, un encart publicitaire intitulé «L'histoire de l'Holocauste: à quel point est-elle fausse?» dans le journal d'une université canadienne. Depuis, de nombreuses tentatives ont été faites pour paraître dans les publications internes des campus universitaires, en particulier à l'université du Maryland et de Chicago. Au nom de la liberté d'expression, une tentative illusoire d'équilibre a été proposée par les rédacteurs de ces éditions en invitant le directeur de l'ADL pour une conférence contradictoire sur le campus! Le Student Revisionnist Ressource Site (site des ressources des étudiants révisionnistes), site britannique de David Irving, est hébergé par le serveur de l'université de l'État de Washington (dont l'URL se termine par «edu», signe des serveurs universitaires ou de l'éducation). Le site australien Adelaïde se targue d'être un institut, alors que Butz, auteur de L'Imposture du 20e siècle, également hébergé par un serveur universitaire (North-Western University) précise dans ces articles qu'il est professeur (associé en ingénierie électrique et informatique!) et que Frédéric Töben ne perd pas une occasion pour préciser qu'il est un [Herr, ndla] doctor. Dans Air Photo Evidence, un ancien géologue cartographe canadien, John Ball actuellement basé à Washington, s'appuie sur des photographies aériennes pour prouver «scientifiquement» que les chambres à gaz n'ont jamais pu exister. Roger Garaudy, jouant de son statut de professeur d'université, a été reçu à l'université Paris 8, le jour même où Le Monde (Christiane Chombeau, 1996) et Le Monde des livres (26 janvier 1996) dénonçaient le négationnisme de son ouvrage. Appuyé par un comité de soutien présent sur le web, il est condamné en février 1998 5; son éditeur Pierre Guillaume et La Vieille Taupe sont relaxés en première instance, la preuve de la publicité de l'ouvrage n'ayant pas été apporté alors que celui-ci est diffusé sur de nombreux sites web. Autre exemple, en 1997, les membres de la section de chimie de l'Académie des sciences, reçoivent un document intitulé «Rapport Rudolf» envoyé par des «historiens révisionnistes», document tentant de démontrer que les chambres à gaz n'ont pu être utilisées que pour l'élimination des poux. Les membres de la section écrivent alors un communiqué dans la revue scientifique La Recherche 6 pour dénoncer: «Un exemple remarquable de la perversion de la science; […] intéressant sur le plan de la psychopathologie, mais évidemment très dangereux par l'apparence de sérieux qui en résulte.» Complots et complicités Le mythe du complot juif est une des autres constantes des articles présentés sur le web où sont soulignés les «intérêts juifs», «les journalistes juifs», «les lobbies juifs». Sous prétexte d'antisionisme, on y trouve un antisémitisme délirant et les gestionnaires de ces sites web sont régulièrement poursuivis par la justice pour incitation à la haine raciale et pour négation des crimes contre l'humanité. Mais l'absence apparente de législation sur internet les préserve souvent de toute condamnation. Be Wise As Serpents (Soyez rusés comme des serpents) tenu par la très sectaire International Christian Educational Services, dont le fond de page représente un loup déguisé en mouton portant une étoile de David, propose une page «conspiration» et «judaïsme talmudique» et fournit en intégrale les Protocoles des sages de Sion comme d'ailleurs Radio-Islam. Sur Radio-Islam, traduit en dix langues, Ahmed Rami 7 donne libre cours à son antisémitisme: «Terrorisme intellectuel et politique exercé par les juifs», «Propagande mensongère juive», «Les médias français totalement manipulés par les juifs», «Lobby sioniste», «Mafia juive», «La marionnette juive, Mouloud Aounit, président du MRAP». Le Réverbère, journal vendu par les sans domicile fixe, s'est fait remarquer plusieurs fois: «Complot sionisto-judéo-maçonnique», «Lobby sioniste», «Triomphe de l'inquisition judaïque», «Quel est le pourcentage d'implication des maçons et des Juifs directement dans la politique?» Et que retrouve-t-on dans le numéro 115? Le texte d'un tract de La Vieille Taupe, diffusé sur internet sur Aaargh et reproduit presque tel quel 8. Dans le numéro 116, ces allusions traduisent l'obsession du complot judéo-maçonnique: «En Europe, 18 millions de chômeurs, pas un juif, pas un maçon […]. Les journalistes à la solde de la fraternelle judéo-maçonne […].Tous les hommes qui occupent une place dans notre culture sont soit juifs, soit maçons […]. Le comportement des juifs et des maçons, des marxistes socialistes […] sont d'une telle agressivité qu'il n'est pas étonnant qu'un Hitler […] ait décidé d'en finir avec ce genre d'organisation juive […].» Au nom de la liberté… Tous ces serveurs web ont la caractéristique de revendiquer la liberté d'expression et de se réclamer du premier amendement de la Constitution des États-Unis. Ils arborent le blue ribbon, le ruban bleu en faveur de la liberté absolue d'expression sur internet. C'est le cas du site FAEM (Machine à exercer le premier amendement) de David McCalden. Ce Californien se réfère au premier amendement de la Constitution des États-Unis d'Amérique prônant la «liberté d'expression» et favorise la diffusion des textes révisionnistes. Serge Thion se prévaut de l'article 19 de la Déclaration internationales des droits de l'Homme alors que Hoffmann (Idaho, USA) dans sa Campagne pour une vérité radicale, cite John Milton: «Donnez-moi la liberté de savoir, de déclarer, et d'argumenter librement en accord avec ma conscience et ceci au-dessus de toutes autres libertés.» Le débat sur la tolérance et le tolérable ne risque pas d'être clos de sitôt. L'alliance des ultras «rouges» et «bruns», et les passerelles intergroupuscules ont été présentées dans «La nébuleuse des négateurs» (Golias). Le web illustre également les alliances «contre nature». Radio-Islam annonçait en mars 1997 dans sa page de garde (home page) «Levons-nous!» suivi un peu plus loin par: «Nous dénonçons la campagne juive de calomnie dirigée contre le seul parti politique français libre, le Front national, et son leader Jean-Marie Le Pen, le seul vrai homme d'État français qui a osé dire non à l'arrogance du pouvoir juif. Et ce n'est pas un détail!» Quelques jours plus tard, ce passage était supprimé 9. En mars 1997, une vingtaine de directeurs d'écoles, en majorité du 18e arrondissement de Paris, recevaient par courrier plusieurs tracts antisémites et négationnistes. Et qui retrouve-t-on? La Vieille Taupe et Radio-Islam 10, sous le nom d'un prétendu Comité franco-islamiste de libération. Parmi de nombreuses pages web, citons celles de National Alliance, «pour une société aryenne»; de Tom Metzger 11 de la «Haine résistante des Aryens blancs»; du Stormfront. Harold Covington, leader du Parti national socialiste du peuple, ne déclare-t-il pas: «La raison véritable du révisionnisme est de faire à nouveau du national-socialisme une alternative politique acceptable.» Contre-offensive sur le net Face à ces sites révisionnistes, on trouve un certain nombre de serveurs actifs argumentant systématiquement les affirmations, amalgames et autres désinformations pseudo-scientifiques mêlant idéologies d'extrême droite et tiers-mondisme ultragauchiste. Les arguments contrant les révisionnistes sont disponibles sur les sites du Centre Simon Wiesenthal 12 (Californie) proposant ses «Réponses aux révisionnistes historiques»; sur le site de Daniel Keren 13 avec ses «Réponses aux négateurs de l'Holocauste» (Holocaust Denial and the Big Lie); sur le site de Hilary Ostrov 14; sur Shamash 15; et enfin sur le célèbre site du projet Nizkor («Nous nous souviendrons!» en hébreu) 16 de Ken McVay qui se charge de mettre en connexion les sites négationnistes et ceux réfutant leurs arguments. Le CHR (Coalition pour la dignité humaine, Portland, États-Unis) rapporte régulièrement les faits et gestes des organisations négationnistes. Lin Collette en décrit les mécanismes surtout aux États-Unis dans «Rencontre avec les négateurs de l'Holocauste» 17. Communauté On-Line et Michel Fingerhut dans ses excellentes «Ressources documentaires sur le génocide nazi et sa négation» 18 mettent régulièrement à jour les articles et ouvrages traitant du négationnisme 19. Quant à Gilles Karmasyn, il analyse la pratique de l'histoire et les dévoiements négationnistes. Les sites racistes et révisionnistes sont répertoriés dans la page «Haine sur le net: le côté obscur du net» 20 et «Un regard sur la haine» 21, dont les sites révèlent et analysent une centaine d'adresses de par le monde. Il y est en particulier dénoncé Aaargh et Radio-Islam dont la publicité est faite dans la revue néonazie Nordland 22 et dans Rivarol qui annonce en avril 1996 à ses lecteurs: «Je vous signale que depuis le 1er avril, Radio-Islam a mis à la disposition du public français, sur internet, les textes les plus récents de Robert Faurisson, de Roger Garaudy, de Serge Thion et de nombreux autres historiens du monde entier.» Faits et Documents 23, à l'occasion d'un article défendant Garaudy et sa prose, faisait savoir à ses lecteurs qu'il était possible de se procurer la liste des textes révisionnistes dans la revue Le Temps irréparable disponible pour la modique somme de 50 F à une adresse dans l'Essonne… Aaargh et Thion Le cas Thion, est un «cas d'école» exemplaire. Dès 1995, Serge Thion commence à utiliser systématiquement les moyens mis à disposition par le CNRS et n'hésite pas à communiquer son adresse électronique de la Maison des sciences de l'Homme et de son laboratoire (Centre d'anthropologie de la Chine du sud et de la péninsule indochinoise), dans ses pamphlets nauséabonds jusqu'alors sur support papier: Global Patelin, La Gazette du Golfe et des banlieues, Le Temps irréparable, Chronique des événements survenus dans le Royaume de frénésie par un piéton de Paris. Après avoir été hébergé par le Codoh et Radio-Islam, Serge Thion crée en 1996 son propre site: Aaargh (Association des anciens amateurs de récits de guerre et d'Holocauste) hébergé par Ahmed Rami (www.abbc.com) responsable de Radio-Islam. Tous deux émettent à partir de la société Crawford 24, un serveur d'Atlanta (Georgie, États-Unis). Aaargh, site multilingue, se nomme en anglais Whotaaan (War and Holocaust Tales Ancient Amateur's Association) d'après le nom du dieu germanique. Ce n'est sans doute qu'une coïncidence si un groupe néonazi américain se dénomme Wotan (Will Of The Aryan Nation). FAEM propose par exemple, un ancien proverbe aryen: «De la corruption des femmes vient la confusion des races, De la confusion des races, la perte de la mémoire, De la perte de la mémoire, la perte de la compréhension Et de cela vient tout le Mal.» Les concours de jeux de mots sont monnaie courante: «Carmel mou» 25, «Shoah-Business» 26, «Auschwitz über alles», «canulars holocaustiques», «mirobolante carpentrasserie» 27. Le site de Serge Thion diffuse sur le web des bulletins confidentiels de La Vieille Taupe et fait de plus de la publicité pour une page web, Solus, qui propose pêle-mêle, au nom du droit à «l'information», les textes les plus antisémites de Céline (Bagatelles pour un massacre), antisionistes de Genet (Quatre heures à Chatila, «version non censurée par les autorités palestiniennes» [sic]) et des textes pédophiles! Mise en cause dans Négation des camps, Négation des corps 28 de Didier Daeninckx, Serge Thion se défend d'être le responsable de Solus, qui pourtant est à la même adresse web que Aaargh, celle du serveur Radio-Islam (abbc.com). Serge Thion n'hésite pas à mêler ses productions négationnistes avec ses publications scientifiques sur une page web personnelle «». Mais sont-elles si différentes? Le négationnisme de Thion «chercheur au CNRS à ses moments perdus» d'après Pierre Vidal-Naquet 29, est une seconde nature puisque certains de ses travaux effectués dans le cadre du CNRS portent sur la «révision» du génocide cambodgien 30 («Si les mots ont un sens, il n'y a certainement pas eu de génocide au Cambodge.») et Cambodgia genocide controversy file 31 (1995). Ce dernier dossier est hébergé par les serveurs des universités de Berkeley et de Princeton et est édité par Le Temps irréparable et disponible sur simple demande à son adresse électronique professionnelle du CNRS (Thion@msh-paris.fr)! Déjà en 1980, Jean-Paul Sartre mettait les lecteurs des Temps Modernes en garde, suite à la parution, «à la faveur d'un tour de passe-passe», dans le numéro 404 de la revue, d'un article de Thion: «Nous avons appris que Thion défendait les thèses du sinistre Faurisson qui nie, on le sait, la réalité de l'extermination et l'existence des chambres à gaz. Ceci nous amène évidemment à demander à nos lecteurs d'accueillir avec réserves les informations communiquées par Thion sur l'Indochine.» Serge Thion se sentant à l'abri derrière la soi-disant absence de juridiction concernant internet insulte ses collègues (Vidal-Naquet, Bédarida, Kaspi…) 31 et s'en prend à la présidente du comité d'éthique pour les sciences du CNRS: «Mme Ahrweiller a beau promettre à Wiesel qu'elle maintiendra la Sorbonne… révisionnistfreï, le révisionnisme est sous vos pieds. Vous ne pourrez plus faire un pas sans tomber dans ses trappes.» 33 Voilà plus de vingt ans qu'il sévit, qu'il utilise abusivement le matériel informatique de la Maison des sciences de l'Homme à Paris, utilise le sigle du CNRS 34, et son statut de chercheur 35, que le CNRS est éclaboussé à chaque procès («cour d'appel de Paris, 26 avril 1983: parties en cause: M. Robert Faurisson […], M. Serge Thion, chargé de recherche au CNRS…» 36), que l'éthique de la recherche est bafouée sans que les questionnements éthiques ne soient suivis d'effets. En 1997, les recommandations du Comité d'éthique pour les sciences du CNRS (Comets) quant à la diffusion sur internet ne tiennent pas compte des graves dérives qui peuvent exister dans sa propre institution: «Il faut que la société accepte que les scientifiques responsables se construisent un espace propre d'information et de diffusion, où la qualité de ce qui est livré est contrôlée» (La diffusion des savoirs). «Un premier aspect qui relève de l'éthique concerne la responsabilité accrue du chercheur et de l'organisme devant le développement d'un tel moyen de communication [internet] difficile à contrôler: responsabilité devant le choix des informations utilisées [et] mises à disposition ou bien communiquées, et enfin responsabilité devant sa propre capacité de maturation et d'analyse. Dans ses contacts directs avec l'extérieur, le chercheur ne doit pas oublier qu'en plus de lui-même, il représente aussi son laboratoire et son organisme de tutelle.» (Activités scientifiques et internet) Serge Thion se vante de posséder un site français qui rivalise d'activité avec ceux de ses confrères de l'internationale négationniste. Maurice Paponvient dernièrement d'y puiser ses sources en diffamant Yves Jouffa, un des avocats de la partie civile à son procès 37, en reprenant ses propres déclarations citées dans un pamphlet de Faurisson. Liberté, législation et commerce Le débat sur l'opportunité d'une législation internationale sur internet est en cours. Les serveurs se déchargent de toutes responsabilités quant au contenu des pages web connectées par leur intermédiaire. Le serveur commercial Kaiwan (.com) hébergeant les sites du Codoh et de l'IHR, comme le serveur universitaire (.edu) hébergeant Butz préviennent: «Le contenu de toutes les pages web que nous hébergeons est uniquement sous la responsabilité de ses auteurs et non sous la responsabilité de la Northwestern University […]. La Northwestern University n'interférera pas dans le contenu des pages web à l'exception, si nécessaire, de vérification de contenus violant les règlements fédéraux, de l'État, les règlements locaux ou ceux de l'Université.» Il semble donc qu'au regard de la loi nord-américaine, rien des propos ou des connexions présentes sur le site de Butz ne soit répréhensible, alors qu'en France de tels propos tomberaient sous le coup de la loi. Le responsable du serveur fournit néanmoins une adresse où signaler les abus relevés. Cependant certains serveurs, rares il est vrai, ne donnent pas d'accès aux mainteneurs de pages négationnistes ou racistes. C'est le cas deGeocities, qui est devenu la cible des sites haineux. Dans Holocaust denial and the internet 38, Avi-Jacob Hyman propose une étude juridique pour agir contre les négateurs de la Shoah, tout en préservant les principes de la liberté d'expression. Les serveurs français ont été sensibilisés à ce problème après avoir été assignés en référé en 1996 par l'UEJF (Union des étudiants juifs de France), afin de répondre du fait qu'ils permettent d'accéder aux sites négationnistes même s'ils sont étrangers. Le débat a donc été ouvert. Marc Knobel, relais en France du Centre Simon-Wiesenthal, estime qu'il existe désormais «un arsenal juridique largement suffisant» dont le législateur en France doit pouvoir se servir 39. Les conseillers juridiques auprès des universités sont formels: «Nous entendons souvent parler d'un prétendu "vide juridique" qui entoure internet… En réalité, s'il n'appartient à personne, l'internet n'est pas sans loi, bien au contraire.» 40 Le web n'est qu'un support public comme un autre régit par les conventions internationales, le droit communautaires et le droit national. Robert Faurisson vient d'être mis en examen pour contestation de crimes contre l'humanité à partir «d'un site révisionniste» 41. Une charte éthique 42 est envisagée au CNRS afin qu'aucune publication révisionniste ne puisse être diffusée en France à partir de son réseau Renater. C'est aux institutions de gérer de l'intérieur le respect éthique et par là de crédibiliser leur volonté que ce soit dans le cadre des lois de la République ou au sein de leurs propres règlements: «Les problèmes d'éthique scientifique sont généralement examinés en eux-mêmes indépendamment des institutions au sein desquelles ils naissent ou qui les résolvent. Même si cette approche est souvent justifiée, il n'en est pas moins utile de s'interroger sur les liens qui peuvent exister entre l'éthique scientifique d'une part, la nature et le fonctionnement des institutions scientifiques d'autre part. En effet, les institutions peuvent contribuer à éviter ou contrôler des déviations ou, a contrario, engendrer des effets pervers dans le domaine de l'éthique. En sens inverse, le comportement, vis-à-vis de l'éthique, de chercheurs individuels ou de groupes de chercheurs peut avoir un impact favorable ou défavorable sur la vie des institutions.» (Éthiques et institutions scientifiques) 43 La vigilance est toujours d'actualité. Vigilance raisonnée et lucide, mais vigilance sans complaisance et sans concession. Comme le dit si bien Deborah Lipstadt 44: «La vérité est bien plus fragile que la fiction […] La raison seule ne peut la protéger.» Gérard Panczer, enseignant-chercheur à l'université Lyon 1 Notes: 1. Humanisme, n° 226-227, avril 1996; Bernard Jouanneau est avocat à la cour et président de Mémoire 2000 (). 2.  La Vieille Taupe, n° 2, 1995. 3. Eatwell (Roger), «Pure, white and deadly», Guardian Weekly, 24 septembre 1995; Jon Casimir, «Racistes de tous les pays…», The Sydney Morning Star Herald, in Courrier International, n° 258, octobre 1995. 4.  16.  17.  18.  19.  20.  21.  22. Nordland, n° 7-8, 1996. 23. Mai 1996. 24. Crawford Communications, Atlanta, 30324, Georgie, USA; jpound@crawford.com. 25. Thion (Serge), «Carmel Mou», Annales d'histoire révisionniste, n° 1, 1987. 25. Garaudy (Roger), Les Mythes Fondateurs, 1995. 26. Faurisson (Robert), «Je bois du petit lait», 1996. 27. L'Humanité, 25 juin 1997; voir également sur l'extrême droite négationniste et les réseaux pédophiles, de Philippe Broussard, «Michel Caignet, l'ami des néonazis allemands», Le Monde, 18 juin 1997. 28. Extrait d'une lettre ouverte de Pierre Vidal-Naquet à Serge Thion, 1993. 29. Thion (Serge) et Kiernan (Ben), Khmers rouges! Matériaux pour l'histoire du communisme au Cambodge, Éditions J.-E. Hallier-Albin Michel, 1981, dans la collection «Le puits et le pendule», dirigée par Pierre Guillaume! 30. Site Sophal, hébergé par l'université de Princeton. 31. Bulletin La Vieille Taupe diffusé sur Aaargh : «Et ce Kaspi est prof d'histoire…!!! à la Sorbonne…!!!»; Commentaires de Thion sur Aaargh : «Pierre Vidal-Naquet est un minable…»; « T., déportée professionnelle, chargée de recherche au CNRS…»; «  Bédarida, directeur de recherche au CNRS, secrétaire générale du comité international des sciences historiques (sic, sic et resic!)». 32. Thion (Serge), Une Allumette sur la Banquise, Le Temps irréparable, diffusé sur son site. 33. Vérité historique, vérité politique, éd. La Vieille Taupe, 1980; Droit et Histoire, Guillaume (Pierr), Éd. La Vieille Taupe, Le Trou noir, La Vieille Taupe, etc. 34. Biography of Serge Thion sur le site de l'Institute For Historical Review (http://ihr.org/bios/thion.html) où il est présenté comme «research fellow with the CNRS in Paris», 1998. 35. «Des universitaires s'affrontent sur le cas Faurisson», Le Monde, 30 juin 1981. 36. Lévy-Willard (Annette), «Yves Jouffa, un destin falsifié par Papon» et Chalandon (Sorj), «Haine», Libération, 7 novembre 1997. 37.  38. Leleu (Christophe), Hubert (Arnaud) et Thorel (Jérôme), «Taches brunes sur la toile», Planète internet, avril 1997. 39. Saleur (Jérôme ), «Le droit et les nouvelles technologies de l'information», Mosaïque, ADBS Rhône-Alpes, 1997. 40. Prieur (Cécile), «Robert Faurisson mis en examen pour "contestation de crimes contre l'humanité"», Le Monde, 19 novembre 1997. 41. Le Monde, 6 mars 1997 et Le Monde, 19 novembre 1997. 42. Cahiers du Comets, n° 2-3, 1997. 43. Lipstadt (Deborah), Denying the Holocaust : The Growing Assault on Truth and Memory, Plumsock MesoAmerican Studies, 1994.