VOULOIR CHANGEMENT. par Courrier de Genève www.lecourrier.ch Ces articles sont publiés dans le cadre de la collaboration internationale “FSM Direct” A - Le WEF à New York? «L’Autre Davos» ne désarme pas CONFÉRENCE «Guerre antiterroriste», sanspapiers et alternatives à la mondialisation néolibérale. Voici le menu de la deuxième édition de «L’Autre Davos» qui se tiendra à Zurich, le 26 janvier. Par SIMON PETITE Le Forum économique mondial de Davos (World Economic Forum, WEF) a quitté la station grisonne pour New York. «L’Autre Davos», quant à lui, reste fidèle à la Suisse. Comme l’année dernière, le forum de «l’autre mondialisation» – organisé en collaboration avec le Forum social mondial de Porto Alegre – se tiendra à Zurich, le 26 janvier prochain. «Que les soi-disant global leaders se réunissent à Davos ou à New York ne change rien. Pour sa part, le mouvement contre la mondialisation du capital doit trouver son propre rythme, son propre agenda et ses propres lieux de rencontre», clame Peter Streckeisen, coordinateur de la réunion alternative et membre d’Attac-Suisse. Depuis quelque temps, les gouvernements, les institutions internationales - Banque mondiale, Fonds monétaire international ou OMC - ainsi que le WEF multiplient les appels du pied en direction de la société civile et des mouvements «antimondialisation». Une quarantaine d’ONG ont ainsi été conviées dans la Grande Pomme et on a entendu Klaus Schwab, directeur du WEF, déclarer que le rendez-vous new-yorkais serait «l’occasion pour d’autres points de vue de s’exprimer». NE PAS SE LAISSER COOPTER Les promoteurs de «L’Autre Davos» font partie de ceux qui refusent catégoriquement de rentrer dans ce jeu-là. Approché par le WEF, Attac- Suisse donne ton: «Notre réflexion et nos propositions s’adressent aux salariés, aux opprimés, aux plus démunis et à ceux qui sont privés de droits.» Une démarche aux antipodes d’un «dialogue» avec les élites politiques ou économiques. Car «L’Autre Davos» se conçoit comme un espace de discussion d’alternatives à la mondialisation capitaliste et prône le développement d’un mouvement autonome représentant les aspirations venues de la base. Selon Peter Streckeisen, les avances des grands pontes de l’économie et de la politique ne visent qu’à coopter ceux qui acceptent le dialogue pour mieux stigmatiser puis réprimer ceux qui le refusent. ARGENTINE ET TERRORISME Depuis les attentats du 11 septembre, «un autre monde» est plus que jamais nécessaire. En effet, «le premier conflit du XXIe siècle» mené par Washington bafoue les droits démocratiques et sociaux d’une grande partie de la population mondiale. «La dynamique de répression déclenchée sous le label de la lutte antiterroriste constituera le fil rouge de la conférence», annonce Peter Streckeisen. A partir de 19 h 30, une table ronde intitulée «Combat contre le terrorisme: une nouvelle phase de la domination impérialiste?» réunira entre autres l’écrivain pakistanais Tariq Ali, Gilbert Achcar, journaliste au Monde diplomatique, et l’économiste Charles- André Udry. Un message de soutien de Pierre Bourdien sera prononcé. Un atelier de discussions – avec Paolo Gilardi, du Groupe pour une Suisse sans armée, et Winfried Wolf, député néocommuniste allemand – analysera les liens entre mondialisation et guerre. Autre événement important qui a marqué l’année 2001: la crise en Argentine. La faillite des potions néolibérales administrées par le FMI sera attentivement analysée dans le cadre des discussions sur «la finance contre les peuples». FAIM ET PROFITS Les questions des services publics et de la précarisation des salariés à cause des restructurations seront également abordées. Quant au problème de l’influence des multinationales, il sera traité à travers deux exemples: les profits que tire l’industrie d’alimentation de la faim dans le monde et «le rôle de Nestlé et de Coca-Cola en Colombie». Participera notamment aux débats Edgar Paez, syndicaliste colombien. Enfin, actualité oblige, un atelier sera consacré à la question des sanspapiers. Lors de l’édition précédente, quelque 1200 personnes avaient participé aux discussions à Zurich. Cette année, les organisateurs espèrent que l’affluence ne souffrira pas du fait que les regards seront tournés vers New York. B - «Public Eye on Davos» veut des règles Par BENITO PEREZ «Antidémocratique», «privatisation du politique», «mondialisation à sens unique», «résistance»... La présentation officielle du troisième «Public Eye on Davos» ne laisse planer aucun doute. Les dix ONG, regroupées autour de la Déclaration de Berne, n’ont visiblement pas l’intention de lâcher d’une semelle la troupe d’élite de Klaus Schwab. Du 31 janvier au 3 février, elles rééditeront donc leur «Œil public» et critique sur le Forum économique mondial (WEF en anglais). «Le WEF a une trop grande influence sur le monde politique. C’est pourquoi, nous tenterons de contrebalancer sa réunion annuelle à New York.» Pas plus que les Alpes suisses, Manhattan ne sera le havre de paix souhaité par les global leaders. Les suivant à la trace, «Public Eye» installera sa contre-conférence au cœur même du quartier onusien, qui devrait abriter le WEF. La justice sociale et l’environnement seront au cœur des débats alternatifs. À SENS UNIQUE Contrairement à son concurrent, «Public Eye on Davos» se veut parfaitement transparent et ouvre ses portes tant aux spécialistes qu’au grand public. Cette «plate-forme d’expression», comme la définissent ses promoteurs, donnera une visibilité inégalée à des dizaines de représentants du Nord comme du Sud. Au travers de sept conférences, ils pourrons faire valoir «leurs griefs contre la mondialisation économique à sens unique». Plus précisément, indiquent les organisateurs, «Public Eye» n’entend pas faire le procès de la mondialisation, mais dénonce le fait que celle-ci profite surtout aux pays industrialisés et aux entreprises, au détriment des pays du Sud, des standards sociaux et de l’environnement. L’analyse de ces mécanismes constituera d’ailleurs l’un des gros morceaux du contre-forum, avec pas moins de trois conférences. Rien de plus logique lorsque son voisin se targue de regrouper les mille plus importantes sociétés transnationales, dont certaines, comme Nike ou Rio Tinto, sont connues pour exploiter les plus pauvres ou détruire massivement l’environnement, selon Mathias Herfeldt. De même, le coordinateur de «Public Eye on Davos» dénonce le fait que, par ses pratiques de lobbying opaque sur les chefs d’Etat invités au Forum, le WEF «privatise la politique mondiale et accentue le processus de libéralisation». Pour M. Herfeldt, il ne fait aucun doute que le seul objectif du Forum économique mondial est d’«accroître la puissance et le profit de l’économie privée». A contrario, les dix ONG exigent que les «thèmes d’intérêt général discutés au Forum économique mondial et les grandes orientations qui y sont fixées» soient traités dans «un espace ouvert, public et ayant une légitimité démocratique». MISER SUR L'ONU Voilà pour la forme. Sur le fond, les ONG se battront pour «révoquer le processus de libéralisation en cours», seul moyen d’assurer, selon elles, «un développement économique réellement soucieux des droits sociaux et de l’environnement». Pour cela, plaide Miriam Behrens, membre de Pro Natura, «il est nécessaire d’avoir des règles contraignantes pour les entreprises. Les Nations Unies doivent obtenir les compétences juridiques nécessaires pour fixer un cadre politique bien déterminé aux activités des entreprises globales.» Une nécessité tant sociale que démocratique, car «le lobby de l’économie n’a pas reçu de permis pour diriger le monde». En ce sens, une discussion sur «le pouvoir des entreprises et la gouvernance globale» – prévue le 1er février – aura pour but de préparer la Conférence de l’ONU pour le développement durable (Rio+10) de septembre à Johannesburg. Au menu: «la faillite de l’autorégulation par le secteur privé et des nouveaux modes de régulation des multinationales». Des conférences-débats sur le dialogue entre les religions, la critique économique de la théorie du libre-échange et les conséquences de la mondialisation pour les femmes sont aussi prévues. Le tout fera l’objet d’une publication disponible dès le 6 février. C- Le second FSM veut des alternatives concrètes PORTO ALEGRE. Premiers pas pour un Forum social placé sous l’étendard pacifiste. Par JOSÉ GALLEGO / PORTO ALEGRE A une semaine de l’ouverture du second Forum social mondial (FSM), la tension populaire et médiatique s’est accrue, lundi à Porto Alegre, avec l’arrivée sur place de certains membres du comité brésilien d’organisation, établi à Sao Paulo. Lors de sa première conférence de presse, organisée par les comités brésilien et gaucho, Olivio Dutra, gouverneur de l’Etat du Rio Grande do Sul, a donné les grandes lignes de cet immense événement. «La paix sera le thème central de cette seconde édition, car l’économie a besoin de produire la paix, si nécessaire, en s’attaquant au capitalisme sauvage et en exterminant les paradis fiscaux», a-t-il déclaré. Un discours offensif que les organisateurs veulent transformer en actes. Aux dires de Carlos Tiburcio de Oliveira, membre d’Attac- Brésil, le second FSM cherchera avant tout à «produire» des propositions concrètes et apporter des alternatives viables aux problématiques de la société mondiale. Parmi celles-ci, le Forum proprement dit a retenu quatre axes thématiques: la production de richesses et la reproduction sociale, l’accès aux richesses, l’affirmation de la société civile et des espaces publics, le pouvoir politique et l’éthique. Parallèlement au Forum social seront organisés, comme lors de la première édition, le Forum parlementaire et celui des autorités locales. Importante nouveauté, un Forum des juges et une réunion préparatoire écologiste, consensuellement dénommée «Rio+10», sont prévus. Outre les centaines d’ateliers les plus divers, prendront encore place, des conférences sur la sécurité alimentaire et la réforme agraire, ainsi qu’une rencontre de la jeunesse, au camping intercontinental. Par ailleurs, M. de Oliveira a informé que des tractations sont en cours pour la réalisation d’une téléconférence avec des représentants du Forum économique mondial, réunis simultanément à New York. Dans l’émission pourraient intervenir des membres d’autres institutions, comme le Fonds monétaire international.