Bien avant les émeutes qui ont éclatées en Argentine ces derniers jours, le Comité pour l'annulation de la dette du Tiers-Monde (CADTM) n'avait pas manqué de présenter ce pays comme un "cas d'école", représentant facilement une grande partie des phénomènes économiques dénoncés par divers mouvements "alter-mondialiste". Dans la même ligne générale qu'ATTAC-France, avec laquelle le CADTM œuvre en partenariat, l'association liégeoise fondée par l'historien Eric Toussaint dissèque les mécanismes pervers de l'orthodoxie libre-échangiste professée par le FMI et souligne les conséquences sociales désastreuses de ces politiques, en particulier en Argentine. L'échec et l'hypocrisie du FMI apparaissant aujourd'hui clairement à la lumière de l'actualité sociale de l'Argentine, le CADTM ne se prive pas de nous offrir ses brillantes analyses sur ce sujet qu'il connaît bien. Parallèlement à ses publications et conférences, le CADTM a toujours été présent dans l'organisation des manifestations internationales "contre la mondialisation libérale". Président d'une association politique sans militants, sans "base", Eric Toussaint est en revanche doté d'un impressionnant carnet d'adresses qui le place toujours à l'intérieur des organes décisionnels dans la mise en œuvre des contre-sommets, que ce soit à Nice, Gênes, Göteborg, récemment Bruxelles et bien sur Porto-Allegre ou sa chambre d'hôtel et ses vols sont probablement réservés un an à l'avance. Le CADTM s'est toujours positionné comme radicalement opposé à toute forme d'action "violente" lors des manifestations. Arnaud Zacharie, que le "Soir" à récemment qualifié de "porte-parole d'Attac-Belgique" en a même fait son credo, multipliant les stigmatisations à l'encontre des "casseurs", ceux qui détruisent le mouvement (son mouvement à l'entendre), ceux qui n'ont aucune stratégie etc. A l'instar de Susan George, les communications du CADTM se sont fait tellement systématiques dans les condamnations des groupes violents que l'on finit par se demander si ceux-ci ne constituent pas leurs véritables adversaires, bien plus que le FMI ou la Banque Mondiale. Et voici qu'en Argentine, pays dont Arnaud Zacharie a longuement étudié la situation, la population descend dans la rue, pille les supermarchés, brises des milliers de vitrines, s'attaque aux bâtiments officiels et menace même l'intégrité physique de personnalités politiques (le ministre Cavallo a exigé la protection de la police pour lui et sa famille). Les protestataires Argentins, chômeurs et précaires mais aussi travailleurs, commerçants, fonctionnaires, se bat contre les dogmes dévastateurs de la mondialisation libérale et particulièrement l'un de leurs emblèmes, le FMI. Son désespoir et sa colère sont les nôtres, nous qui depuis quelques années essayons de comprendre ces phénomènes afin de les affaiblir. Mais le peuple Argentin n'est pas composé de "casseurs", "black-blocs" ou autres sauvageons. Les manifestations argentines ne se divisent pas en manifestants-pacifistes-qui-ont-message-politique-à-faire-passer et crétins cagoulés de noir qui ne rêvent que de casser du flic. Et le site d'Indymedia Argentine n'est pas pollué par d'interminables débats virtuels sur la violence et ses conséquences. Le cas argentin met en lumière les limites des mouvements de protestation postmodernes tels qu'ATTAC ou le CADTM. On ne peut d'un côté dénoncer avec vigueur les effets négatifs du libre échange et de l'autre passer sa vie à condamner ceux qui s'attaquent physiquement à ces effets. La dernière campagne du groupe Dexia a pour slogan "quand l'argent va, tout va". Les banques belges (dont les agences Dexia) refusent d'ouvrir des comptes aux chômeurs. Les banques, comme le FMI, attendent que l'Argentine paye et tant pis si elle en crève. Les Argentins ne payent plus chez Carrefour et détruisent ses enseignes. Ici, en Europe, il faudra trouver autre chose à faire pour contrer ces phénomènes que des séminaires, des publications ou des manifestations ou l'on espère limiter le nombre de casseurs de banques.