Une dictature en trois étapes : Trois étapes ont scandé cette dérive incroyable que nos belles âmes dénonceraient avec une ardeur de Saint-Just si semblables événements se déroulaient sous d\'autres cieux. La première a consisté à relativiser les décisions des peuples. La construction d\'une Europe fédérale repose sur un double postulat : elle s\'autoproclame irréversible et elle prétend répondre à une nécessité objective de l\'Histoire. Dès lors, ses architectes ne peuvent admettre qu\'un peuple puisse s\'opposer consciemment à une œuvre aussi grandiose. S\'il le fait, ce ne peut être que par méprise, ou, comme l\'a rappelé Romano Prodi, le président de la Commission de Bruxelles, au lendemain du référendum irlandais sur le traité de Nice, à cause d\'un \"manque d\'explication\". Manipuler la democratie quand les populations SE PRONONCENT contre l’établissement de cette europe Il en résulte que les décisions des peuples européens sur la construction fédérale ont perdu leur caractère absolu pour revêtir un caractère relatif. Si un peuple, ou ses représentants, se prononce conformément aux traités fédéralistes, son assentiment est considéré comme \"irréversible\" et célébré comme preuve du caractère démocratique de la construction fédérale. Mais si un peuple se prononce contre, son vote est présenté comme aberrant, comme un réflexe presque reptilien de \"peur\" et de \"frilosité\" qui ne saurait en rien engager l\'avenir. Un peuple qui dit non fait l\'objet d\'un harcèlement référendaire jusqu\'à ce qu\'il vote oui. Un peuple qui vote oui perd pour toujours le droit de changer d\'avis. Le peuple norvégien a déjà dit non deux fois à la construction européenne (référendums de 1972 et de 1994). Il n\'en est pas quitte pour autant puisque le parti travailliste au pouvoir a annoncé un 3e référendum, avant 2005. Le peuple danois vota non au traité de Maastricht le 2 juin 1992. Il fut sommé de changer d\'avis moins d\'un an après, le 18 mai 1993. Il opta alors pour le oui, parce qu\'il avait obtenu entre-temps que le Danemark soit exempté des principales dispositions à vocation supranationale et que toute entrée dans l\'euro fasse l\'objet d\'un 3e référendum. Celui-ci a eu lieu le 28 septembre 2000 et s\'est soldé par un large non. Mais ce n\'est encore pas suffisant : le gouvernement de Copenhague a annoncé un 4e référendum au cours des prochaines années. Le peuple irlandais a voté non au traité de Nice le 10 juin dernier. Juridiquement, celui-ci est donc caduc puisque le texte même du traité subordonnait son entrée en vigueur à une ratification par les 15 Etats-membres sans exception. Pourtant, dès le lendemain, l\'ensemble des autres gouvernements européens ont eu l\'audace d\'affirmer que ce référendum ne changeait rien car le processus était \"irréversible\". Il semble que l\'on s\'active fiévreusement en coulisses pour organiser au plus vite un nouveau référendum en Irlande et l\'on peut tabler sur une opération de propagande massive pour contraindre le peuple irlandais à changer d\'avis. EMPECHER LES POPULATIONS DE VOTER : C’EST PLUS SIMPLE La deuxième étape vers la dictature a consisté à ôter aux peuples le droit de vote. En France, le référendum sur le traité de Maastricht (20 septembre 1992) accorda 51,05 % au oui, 48,95 % au non, avec un taux de participation de 69,7 %. Vainqueur du point de vue juridique, le traité ne fut donc approuvé que par 35,6 % du corps électoral français. L\'alerte fut suffisamment chaude pour que les dirigeants français décident en secret que l\'on ne ferait plus jamais revoter les Français sur la construction fédérale. Ils s\'inspirèrent en cela de la tactique des autres Etats-membres de l\'Union européenne qui signent et ratifient des traités fédéraux sans jamais demander à leur population respective si elle est d\'accord. Le subterfuge consiste à les faire ratifier par des parlementaires. Certes, ils représentent leurs électeurs ; mais ils n\'ont jamais été élus sur la question spécifique de la construction fédérale. Et ils se voient contraints de voter oui par des consignes formelles de leur parti respectif, sous peine de perdre leur investiture, donc leur gagne-pain, aux élections suivantes. Les traités d\'Amsterdam et de Nice ont été ou vont être ratifiés en catimini par la totalité des Etats-membres de l\'UE - sauf l\'Irlande dont le peuple a dit non. L\'importance de ces documents est pourtant énorme puisqu\'ils dépossèdent les peuples de leur pouvoir de décision sur la sécurité, l\'immigration, la justice, le droit de veto à la Commission de Bruxelles, l\'élargissement à de nouveaux Etats membres, etc. Le traité de Nice vient d\'être ratifié à Paris à l\'insu de la quasi-totalité des Français, alors que M. Chirac et M. Jospin prétendent lancer au même moment un \"grand débat\" sur ce que les Français veulent faire de l\'Europe. De qui se moque-t-on ? Les fédéralistes justifient ce tour de passe-passe : les traités seraient trop \"techniques\" pour que les peuples en jugent par eux-mêmes. Mais qui serait assez fou, dans la vie quotidienne, pour faire signer par d\'autres et en son nom un contrat qu\'il ne lirait pas et dont il ne comprendrait pas les clauses ? UTILISER LA FORCE ET LA REPRESSION DE LA POLICE ET DE L’ARMÉE CONTRE LES MANIFESTANTS PACIFIQUES La troisième étape consiste maintenant à utiliser la force contre les peuples. A Nice, dans un palais des congrès transformé en camp retranché, les quinze chefs d\'Etat et de gouvernement avaient dû faire face à plusieurs milliers de personnes venues manifester contre la \"mondialisation\". Mais que l\'on ne s\'y trompe pas : c\'était aussi la construction sans légitimité démocratique d\'une Europe fédérale qui était visée, notamment en tant que bras séculier de cette politique fondée uniquement sur le règne de l\'argent et qui rêve à cette fin de réduire à néant la diversité des peuples, des langues et des nations. Le sommet de Göteborg est allé encore plus loin dans l\'escalade de la violence. Que des anarchistes et des casseurs se soient malheureusement joints aux manifestants, c\'est probable. Mais cela ne saurait occulter le fait que des milliers de personnes, principalement des jeunes venus de divers pays européens, ont défilé en scandant : \"Union européenne fasciste !\" Cela ne saurait faire oublier que l\'ordre n\'a été rétabli qu\'avec le renfort de 15 000 policiers, l\'interpellation de 539 personnes et la fermeture des frontières nationales. Oui, pour protéger la tenue d\'un sommet européen, la Suède a dû suspendre unilatéralement la convention de Schengen et en revenir aux contrôles nationaux : un comble ! Et tout cela ne saurait justifier que le premier ministre suédois a fait tirer à balles réelles de 9 mm sur les manifestants - trois furent grièvement blessés. Lorsque l\'on empêche les peuples de s\'exprimer librement dans les urnes, au cours de scrutins honnêtes et à l\'issue de campagnes respectueuses de la variété des opinions, ou lorsque l\'on considère leurs choix électoraux comme sans importance, cela finit toujours dans la rue. Par des échauffourées d\'abord, comme à Nice. Par des émeutes ensuite, comme à Göteborg. Par des révolutions enfin. Charles pasqua, ancien ministre, député européen, est président du Rassemblement pour la France (RPF).