Daniel Féret (FN): On comprend la colère des kinésithérapeutes face aux projets dont vous les avez menacés : le numerus clausus liberticide, le tirage au sort ridicule… On pourrait aussi limiter le nombre de ministres à cinq, ce qui devrait suffire dans notre petit pays.

Comptez-vous réunir une table ronde des acteurs médicaux pour discuter des contre-propositions qu'ont faites les étudiants ou bien maintiendrez-vous les décisions arbitraires que vous inspirent de mauvais conseillers ?

Frank Vandenbroucke, ministre (en français): Les cinq premières questions relèvent de la compétence de Mme Aelvoet. Mais, le gouvernement étant solidaire, je vous fournirai des réponses.
La loterie constitue la pire des solutions. Mais la Belgique compte beaucoup trop de kinés.
Je connais bien le raisonnement de la VUB, qui vit des subsides octroyés selon le nombre d'étudiants. La VUB explique que de nombreux kinés travaillent à mi-temps. Mais c'est justement parce qu'il n'y a pas assez de travail pour tous les kinésithérapeutes!
J'ai donc proposé un plan social pour aider le secteur à se restructurer lui-même.
L'arrêté du 3 mai 1999 fixe le nombre de kinés à 450 dès 2003. Mais les universités n'ont rien fait. Par compassion pour les étudiants, Mme Aelvoet a donc accepté de reporter l'application de cet arrêté de deux ans. Il n'est pas question de postposer cette mesure une nouvelle fois.Je suis solidaire de Mme Aelvoet sur ce projet.
Si les responsabilités ne sont pas prises au niveau de l'enseignement, le gouvernement fédéral devra le faire : soit par le biais d’un grand examen national - ce qui n'est pas une bonne solution -, soit par le biais d’une loterie - ce qui est la pire des solutions et qui n'est d'ailleurs pas la mienne.
C'est aux institutions d'enseignement de dire la vérité aux étudiants.
(En néerlandais) Les jeunes disent qu'ils ne veulent pas étudier "pour des prunes". Comme ils sont trop nombreux, il en est cependant ainsi. De nombreuses informations erronées ont été répandues au sujet de mes propositions. Je veux affiner le système d’indemnisations, en veillant à ce que la kinésithérapie soit plus accessible pour les cas lourds. Il faut éviter le recours abusif à la kinésithérapie pour des cas plus légers.
Une concertation sérieuse a lieu avec les kinésithérapeutes. Ils ont dressé une liste très détaillée des critiques qu'ils ont à formuler à propos de nos propositions. Cette liste m'a été remise ce jour. Il est évident que nous essayerons de tenir compte des critiques fondées dans des propositions éventuellement remaniées.
Les manifestants ont réclamé l’obligation de percevoir le ticket modérateur. Une nouvelle convention doit rendre impossible la technique consistant à ne jamais demander le ticket modérateur, car il s’agit de concurrence déloyale.
Je crains que nous puissions économiser 1,8 milliard de francs sans que la santé publique en pâtisse. Pourquoi ai-je utilisé le verbe "craindre" ? Simplement parce que cela signifie que pendant des années nous avons trop dépensé. Nous pourrons réaliser ces économies sans qu'il en résulte de perte de revenu pour les kinésithérapeutes qui font correctement leur travail.


Daniel Féret (FN): Tout le monde connaît les chiffres cités par le ministre. Mais les Français sont les plus grands consommateurs de médicaments du monde. Je préfère que l'on ait recours à des massages à l'efficacité prouvée plutôt qu'aux médicaments. Vu la situation existant en Allemagne, ce pays est devenu le paradis des chiropracteurs et autres rebouteux.

C'est M. Leburton qui, en 1964, a inventé la notion de "droit à la santé". Comme si on pouvait garantir la santé! Parlons plutôt de droit aux soins et, pour qu'il y ait un réel accès aux soins, il faut qu'il y ait beaucoup de kinésithérapeutes et qu'on puisse choisir les meilleurs.

Extrait des Annales Parlementaires du jeudi 21 février 2002, n° 208, p.19-29
Source : http://www1.dekamer.be/plenary/cri/50/3/pdf/ip208.pdf