Les détracteurs de l'Etat d'Israël se plaisent à le qualifier d'Etat nazi ou fasciste. Au vu du procès qui a commencé hier à la Cour suprême de Jérusalem, il est difficile d'imaginer les contorsions mentales nécessaires à soutenir cette position sans abandonner toute honnêteté intellectuelle. En effet, dans quel Etat totalitaire a-t-on jamais vu des soldats ou officiers de l'armée assigner leur armée en justice pour évaluer la légalité des ordres qu'ils ont reçus et auxquels ils ont refusé d'obéir. Quel Etat totalitaire a-t-il jamais rédigé un Code Militaire comprenant plusieurs articles relatifs à la responsabilité individuelle de chaque soldat de refuser d'obéir à un ordre "manifestement illégal " ? Condamnés à des peines de prison allant de 28 à 35 jours pour leur refus de prester leur service de réserve dans les territoires occupés, huit officiers ont porté l'affaire devant la Cour Suprême. Les officiers veulent d'une part, faire reconnaître la validité de l'objection de conscience sélective par opposition à l'objection de conscience basée sur le pacifisme ou la religion. Tous les huit sont officiers dans des unités combattantes et ne s'opposent pas au service militaire en tant que tel mais aux buts et moyens utilisés, en l'espèce, dans les territoires occupés. A l'aide de rapports établis entre autres par B'tselem (une organisation israélienne apolitique de Défense des Droits de l'Homme établie pour récolter des informations impartiales sur ce qui se déroule dans les territoires), Médecins sans Frontières et Amnesty International. ils tentent de démontrer que l'occupation est devenue illégale au cours des deux dernières années et qu'elle s'est transformée " en un système de punition collective d'une population civile comptant aujourd'hui plus de trois millions d'enfants, femmes et hommes ; l'Etat d'Israël a, ces dernières années, entièrement abandonné ses obligations, telles que définies par les lois internationales et par ses propres lois constitutionnelles, à l'égard de la population des territoires qu'ils occupent. " Ils citent entre autres les assassinats préventifs ayant entraîné la mort de nombreux civils innocents, la destruction de demeures et de vergers, les dommages infligés aux équipes médicales, les excès commis aux barrages routiers, la faim, le chômage et la ruine économique causée par des punitions collectives telles que couvre-feu et encerclements. Outre l'illégalité de l'occupation, ils estiment que les actions requises des militaires en service dans les territoires exposent les soldats qui les exécutent à d'éventuelles poursuites par le Tribunal International de La Haye pour commission de crimes de guerre. Arguant du fait que " dans la situation militaire actuelle, il n'existe plus de séparation claire entre les actions qui servent le but clairement illégal de punition collective et les actions innocentes qui ne servent pas ce but ", ils déclarent impossible de servir dans les territoires en se contentant de refuser ceux des ordres reçus qui seraient en contravention avec la loi. En réponse aux arguments de la défense, le procureur général fait état des nombreux jugements rendus par la Cour Suprême relatifs à des événements spécifiques ayant eu lieu dans les territoires. Il estime qu'étant donné que dans la majorité des cas, la Cour Suprême a débouté les organisations de défense des Droits de l'Homme ayant porté plainte suite à des évènements précis ou contre une politique de l'armée telle que celle des assassinats préventifs, la Cour se doit de rejeter une plainte contre la situation dans son ensemble. Après avoir énuméré une longue liste de ces cas et citant abondamment les raisons pour lesquelles la Cour a débouté les plaignants, il accuse la défense de présenter une " image déformée, unilatérale et insupportable de la situation dans laquelle l'Etat d'Israël se trouve, et qui dicte les opérations militaires. La réalité de la terreur rampante à laquelle Israël doit faire face est produite au sein même de ces populations civiles dont le sort préoccupe les plaignants. Il est difficile de trouver un seul autre Etat dans le monde qui doit faire face à la terreur à laquelle l'Etat d'Israël est confronté… Les opérations menées par les Forces de Défense Israéliennes sont dictées par la nécessité de protéger la vie de ses citoyens et non par le désir de nuire à la population civile palestinienne. En ce qui concerne les obligations d'une force d'occupations relatives aux populations civiles sous son autorité, il rappelle qu'en vertu des accords Israélo-palestiniens, l'autorité civile au sein des territoires a été graduellement transférée à l'administration civile palestinienne. Après qu'ils aient déclenché la guerre, ils ne peuvent blâmer Israël de se concentrer sur sa propre défense et de ne pas trouver le temps de restaurer l'économie, l'éducation et les services de santé dans les territoires. En ce qui concerne le concept d'objection de conscience sélective, il se réfère à l'opinion de professeurs Ron shapiro et Avi Sagi, de l'université de Bar Ilan, selon laquelle la liberté de conscience est relative en ce sens qu'elle peut être limitée afin de servir l'intérêt public. Ils comparent la valeur d'un acte présenté comme objection de conscience et d'un refus organisé qui est défini comme rébellion civique. Le premier est légitime alors qu'un acte de rébellion civique appelle l'imposition de peines répressives. Qu'en l'occurrence, étant donné que la guerre en cours a été imposée à l'Etat d'Israël contre son gré, la signification du refus de servir est " d'abandonner la vie des individus, dans et hors des limites des territoires, à des attaques meurtrières. " La défense s'appuie sur les opinions du professeur Yosef Raz, de Oxford et des professeurs David Hed et Alon Arel de l'Université Hébraïque de Jérusalem. Ils répondent à l'argument de Sagi et Shapiro selon lequel " du moins dans les circonstances présentes en Israël, tous ceux qui refusent de servir dans les territoires se rendent coupables de rébellion civique ". Cette conclusion n'adresse ni l'essence de mon argument concernant l'estompement de la distinction entre rébellion civique et objection de conscience, ni la nécessité d'examiner attentivement la motivation sous-tendant le refus. "