Irak:
Les récents bombardements menés par les forces armées étasuniennes et britanniques contre l’Irak ont été qualifiées «d"opérations de routine» par George W. Bush.
Si l’on peut trouver ces propos cyniques, cela a au moins le mérite d’être clair, et véridique. En effet, la guerre contre l’Irak est en cours depuis 10 ans, et pas uniquement au travers du blocus criminel imposé au peuple irakien.
Selon William Arkin, expert en affaires militaires, les Etats-Unis ont mené en moyenne deux attaques par semaine contre l’Irak durant la plus grande partie des années 90. Cette année, le Pentagone a déclaré que 7 ou 8 agressions (missiles/bombardements) ont déjà été commises contre le régime irakien.
L’attaque de vendredi passé contre des objectifs proches de Bagdad fut la première action militaire étasunienne contre la ville en deux ans.
Ces bombardements, outre qu’ils sont meurtriers et qu’ils transgressent le droit international, n’auront, sans doute, aucun effet concret. Ils témoignent simplement de l’échec patent de la politique de l’Empire sur le régime de Saddam Hussein. L’ex-général Norman Schwarzkopf, commandant des forces étasuniennes durant l’opération Desert Storm, a même déclaré le 16 février à CNN que les défenses anti-aériennes iraquiennes sont plus développées aujourd’hui qu’il y a dix ans.
La politique barbare impériale rencontre de moins en moins de soutien au sein de la «communauté» internationale. Ainsi, la France et d’autres pays européens ont rétabli des vols charters vers Bagdad, transgressant ainsi les sanctions onusiennes.
L’octroi de 100 millions de dollars par l’administration Bush à des forces de guérilla kurdes opposées à Saddam Hussein, dans le nord de l’Irak, n’a pas enthousiasmé les Européens.
La politique impériale perd donc de sa superbe chez les alliés et explique l’actuelle tournée de Colin Powell, secrétaire d’Etat de la nouvelle administration conservatrice et chef de l’état-major étasunien au moment de la Guerre du Golfe, afin de récolter des supporters dans la région.
Mr Powell, grand criminel de guerre du Vietnam au Koweit en passant par l’Amérique centrale, envisagerait un changement de stratégie vis-à-vis du régime irakien. Ce qui ne plaît pas du tout au vice-président Dick Cheney (secrétaire à la Défense sous Bush 1er) et au secrétaire actuel à la Défense, Donald Rumsfeld, plutôt favorables à un durcissement des sanctions et à une politique militaire encore plus aggressive envers l’Irak.
Y aurait-t-il des tensions au sein de l’équipe de sécurité du nouveau locataire illégitime de la Maison Blanche? Entre le très influent Dick Cheney et le très populaire Colin Powell?
Mais quoiqu’il se passe dans la cirque politique, le pragmatisme sera peut-être le seul vainqueur.
Car, en effet, une récente étude sollicitée par le Congrès étasunien révèle que si, dans un futur proche, les Etats-Unis veulent éviter de sérieux problèmes d’approvisionnement pétrolier, ils doivent alors mettre fin rapidement aux sanctions contre l’Iran, l’Irak et la Libye. Le Centre d’Etudes Stratégiques & Internationales, auteur de cette étude, signale que la demande étasunienne de pétrole, pour l’an 2020, aura besoin, pour être satisfaite de la production des trois Etats «renégats» dans le contexte d’une demande mondiale croissante de l‘or noir.
Selon le rapport intitulé «Les géopolitiques de l"énergie pour le 21ième siècle», la consommation mondiale augmenterait de 50% d’ici 2020 et le Golfe Persique deviendrait dès lors un lieu encore plus convoité, puisque son apport au marché mondial serait de 80%.
Le rapport aborde aussi la perspective, peu rassurante pour la «sécurité nationale» de l’Empire, d’une concurrence accrue avec la Chine pour l’or noir arabe. Un enjeu pour lequel la Chine pourrait conclure des alliances militaires avec des pays de la région afin d’affaiblir Washington dans cette partie du monde.
En tout cas, ce que la mort en chaîne des enfants irakiens n’a pu obtenir, la crainte de ne plus pouvoir s’approvisionner suffisamment en pétrole pourrait arriver à ce que s’établisse une autre politique entre Washington/ Londres & Bagdad.
C’est du moins, si l’on en croit Baudoin Loos dans Le Soir de ce vendredi 23 février, ce qui semble se dessiner. «Bush s"apprête à redessiner sa politique irakienne»,tel est le titre de l’article où l’on apprend que, pour Colin Powell, la politique d'endiguement du régime irakien doit rester en place, mais "sans faire de mal au peuple irakien". On peut lire aussi qu’un de ses porte-parole pense que "les sanctions doivent parvenir à leur objectif initial : empêcher l'Irak de se procurer des armes et de l'argent pour les acheter (...)". Toujours dans Le Soir, un autre haut responsable du département d'Etat « anonyme » précise à l'AFP que les Américains veulent "se concentrer sur les aspects militaires et technologiques des sanctions, ce qui signifie tenir moins cas des avions convoyant des médecins ou des pompes à eau".
Ce serait des "sanctions intelligentes", selon un officiel britannique…A suivre…
Sources: Le Soir, Púlsar (agencia informativa), La Jornada.