C'est une chanson qui dit : «Une balle pour les sionistes, une balle pour les cosmopolites, une balle pour les yankees, une balle pour les élus, et une balle pour la p... (police, ndlr).» A l'origine de ce morceau, en 1996, il y a le groupe Fraction Hexagone - rebaptisé depuis Fraction - et son leader Fabrice Robert, à l'époque conseiller municipal FN de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) avant de passer au MNR (lire page suivante). Le titre a survécu aux velléités de poursuites de l'Observatoire de l'extrémisme, une association de vigilance anti-extrême droite. Fabrice Robert est devenu l'un des leaders d'Unité radicale (UR), qui a fait du rock identitaire français (RIF) une de ses vitrines où l'on retrouve des groupes comme Fraction. Bras musclé. Le RIF n'est pas un attribut anecdotique dans l'histoire d'UR. Il lui a permis d'incarner et de véhiculer la vision du monde qui ont préparé sa naissance, en 1997, quand émerge une alliance tactique entre le Groupe Union Défense (GUD) et l'Union des cercles résistances, qui englobe la Nouvelle Résistance de Christian Bouchet, les écologistes d'extrême droite de Résistance verte ou encore Résistance ouvrière. Le but est d'élargir l'assise militante des «nationalistes-révolutionnaires», tout en se dotant d'un bras musclé incarné par le GUD. «En l'occurrence, il ne faut pas parler du GUD mais des GUD de Paris, de Nice, de Bordeaux, de Lille. Chaque groupuscule a ses spécificités, son autonomie», explique un spécialiste de l'ultradroite. La mouvance sur laquelle Unité radicale tente d'asseoir son hégémonie s'inspire notamment des idées extrémistes de Jean Thiriart. Durant la Seconde Guerre mondiale, ce Belge fut membre des Amis du Grand Reich allemand (Agra). Dans les années 60, il a créé le mouvement Jeune Europe, où il a développé un discours d'extrême droite classique, raciste et xénophobe, prônant une Europe blanche ethniquement pure tout en prêchant l'ouverture en direction des pays du tiers-monde, opprimés, selon ses thèses, par le grand capitalisme incarné par l'Amérique et le sionisme. Adepte de ce double discours, le Front européen de libération (FEL) qui rassemble plusieurs groupuscules, dont Unité radicale, prône par exemple l'alliance avec la Libye. Tout est bon, selon les instigateurs d'Unité radicale, pour promouvoir la «révolution identitaire» contre «le syndicalisme apatride, le libéralisme exploiteur et le jacobinisme métisseur». «Nous sommes les héritiers des bras-nus de 1793, de Blanqui et de Proudhon, de Barrès, de la Cocarde et du cercle Proudhon. Mais aussi des "non-conformistes des années 30" et de Valois», déclarait Fabrice Robert dans une interview à une revue extrémiste. Café arabe. La nébuleuse «nationaliste-révolutionnaire entend aussi s'inscrire dans la lignée d'Action directe comme elle célèbre l'insurrection des Communards», insiste un connaisseur d'Unité radicale. Même le terroriste Carlos a eu droit de cité dans une publication de la mouvance. Un Comité d'entraide aux prisonniers européens a aussi été créé, à Rennes le 21 mars 2002, pour venir en aide à des détenus comme Michel Lajoye, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir posé une bombe dans un café arabe du Petit-Quévilly (Seine-Maritime) en 1987. En France, Unité radicale a voulu incarner cette pensée rebelle et «antisystème» en la diffusant sur l'Internet (lire ci-dessus) et sur la scène du rock identitaire français (RIF). «Le rock identitaire s'adresse à une jeunesse contestataire et radicale décidée à rompre avec les dogmes de la soft-idéologie, ceux qui veulent faire en sorte que leur vie soit un combat, ceux qui sont attachés à leur histoire, leur terre, leur honneur, ceux qui sont conscients des dangers qui guettent la civilisation européenne», écrit un adepte du RIF sur l'Internet. Suivent les textes interprétés par Fraction. Extrait de la chanson Désordre international : «Au sein d'un puissant front uni / Contre le nouvel ordre mondial / Nous sommes les sentinelles aguerries/ Du désordre international.» Les albums s'intitulent Le fléau, Yankees, go home !, Rejoins nos rangs. Bleu Blanc Rock. Le groupe affiche clairement son objectif dans une interview à Jeune Résistance (hiver 2001), l'une des publications d'Unité radicale : «Diffuser un message politique clair sur un support musical susceptible de toucher le plus grand nombre.» Pour ce faire, les adeptes du RIF disent s'inspirer des théories de l'un des fondateurs du Parti communiste italien, Antonio Gramsci, et citent les exemples de «SOS Racisme et du groupe Zebda» pour souligner la nécessité d'élaborer une «propagande intello-culturelle qui doit servir la mobilisation électorale et politique». Il y a deux ans, UR a créé Bleu Blanc Rock (BBR) pour diffuser disques, cassettes, autocollants et affiches. Maxime Brunerie fut le responsable parisien de cette association jamais à court d'idées quand il s'agissait de faire la promotion du rock identitaire et de ses messages extrémistes : «Il faut faire un effort personnel, une bière en moins, c'est une K7 achetée. Dès que j'ai cinq minutes, je colle des autocollants dans les toilettes de la fac. Je ne sais pas si ça a un effet, mais, croyez-moi, que trois autocollants par toilette mis tous les jours pendant une durée suffisamment importante, ça se voit.» Reste à savoir si un décret de dissolution aura raison d'une telle opiniâtreté.