Dans le cadre de leur "lutte contre les drogues" en Colombie, les Etats-Unis et les autorités colombiennes mènent une campagne d’épandage sur les champs de paysans cultivant des produits illicites comme la coca ou le pavot.

Récemment, le journal hollandais NRC Handelsblad a apporté de nouvelles informations sur les graves conséquences de ce type de bombardement chimique.

Le travail de ce journaliste a eu lieu dans le département du Putumayo dans le sud de la Colombie.

Le 3 novembre 2000, les épandages ont commencé dans la réserve indigène d’Aponte, grande de quelques 8.000 hectares. Durant une dizaine de jours, trois avions, accompagnés de trois hélicoptères de combat, ont déversé leur dangereux herbicide.

Conséquence:

Avant les épandages, quelques 10% des enfants étaient atteints de maladies dites "normales" comme la grippe.

Après le passage des "rapaces d’acier", quelques 80% des enfants sont atteints de maladies à Aponte: fièvres, éruption de boutons, blessures, brûlures, diahrrée, infections oculaires, douleurs abdominales, vertiges, nausées… On y assiste à une véritable épidémie et, étant donné le peu de moyens médicaux dans la région, la situation sanitaire pourrait encore empiré.

Mais la santé des populations locales n’est pas l’unique conséquence de ces fumigations. Les cultures dites licites sont également détruites par les épandages de produits chimiques. L’environnement également est touché, des animaux y succombent et les sources d’eau sont empoisonnées.

Tout cela précarise encore davantage la survie des habitants de la réserve.

Et l’absurde n’est pas absent de cette histoire tragique. En effet, par les fumigations, le gouvernement colombien et ses souteneurs étatsuniens détruisent également les produits de projets de développement alternatifs.

170.000 dollars US ont été investis dans la réserve d’Aponte dans le cadre du programme Plante. En arrosant toute la région, le gouvernement détruit aussi ce qu’il finance, ce qu’il promotionne, c’est-à-dire le remplacement des cultures de coca par la production de produits licites.

Recherchant des explications sur ce qui se passe à Aponte, le journaliste hollandais a été poser des questions aux autorités concernées. Un colonel chargé de la Division Sud a affirmé que tout était un montage des narcotrafiquants pour discréditer la mission des militaires, et sur l’insistance du journaliste, termina en disant: "Aponte n’existe pas, tout ce que vous avez vu n’existe pas". A Bogotá, le directeur de la police antinarcotiques a affirmé: "Vous n’avez pas vu ce que vous avez vu. Nous n’avons jamais fait de fumigations là-bas". Il n’a pas voulu voir la vidéo et les photos du journaliste.

"La preuve que vous voulez me donner est fausse", répéta le policier avant d’expulser le journaliste de son bureau. "Ne venez pas ici pour discuter; Je ne permet pas que vous me questionniez."

D’autres autorités ont affirmé quant à elles que s’il y a eu épandage sur des récoltes ordinaires, c’était la "narcoguérilla" qui les avait planté là pour embobiner des journalistes.

Comme le montre Maurice Lemoine dans le Monde Diplomatique de janvier 2001, cette situation n’est pas propre à la réserve d’Aponte. Ce spécialiste de l’Amérique latine nous rapporte aussi que des épandages ont lieu sur des terres où il n’y a plus ou presque plus de coca. "Après que l’armée, une première fois, eut arraché les cocaïers, tout le monde s’est mis au café. Mais, avec cette pluie si peu naturelle, les caféiers s’assèchent. Le yucca aussi, les bananes, le maïs et les haricots. La coca pareil, forcément. La terre ne veut plus produire. Les singes meurent empoisonnés, des finqueros l’ont constaté."

Et pour faire encore plus dans le dramatique, l’envoyé spécial du Monde Diplomatique rapporte que Marlène, enceinte de 7 mois, a perdu son bébé parce qu’elle a bu de l’eau contaminée par les produits chimiques.

La fumigation comme stratégie pour affecter consciemment la survie des communautés?

Toujours selon Maurice Lemoine, "Les six dernières années de fumigation (300 millions de dollars US par an) ont affecté 110.000 hectares. Résultat: de 50.000 hectares en 1995, la culture de coca a atteint 120.000 hectares fin 1999. Le pavot passe pour sa part de zéro à 6.000 hectares. Washington et Bogotá n’en ont cure. Les Etats-Unis ont conditionné leur appui aux "efforts de paix" du président Andrès Pastrana à la poursuite des épandages chimiques. Et à la militarisation de la lutte."

A qui profite les épandages de produits chimiques?

Le programme de fumigations financé et coordonné par les Etats-Unis et mis en pratique par le gouvernement colombien a utilisé toute une gamme de produits chimiques, légaux et illégaux pour éradiquer les cultures illicites. Mais, depuis 1986, ce qui fait merveille c’est le Glifosato mieux connu sous le nom de Roundup.

Comme l’a récemment déclaré un porte-parole du département d’Etat étatsunien, on utiliserait maintenant le Roundup Ultra qui contiendrait de nouvelles substances qui renforcerait le Roundup original. Ce sont peut-être ces nouvelles substances qui mettent en danger la vie des paysans colombiens. Rappelons que le procureur général de l’Etat de New York avait déjà contraint la firme productrice à retirer les termes "biodégradable" et "écologique" de ses publicitéspour le Roundup.

Et quelle est cette firme? C’est Monsanto, cette multinationale, reine dans le domaine des biotechnologies, grande promotrice des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) et qui a une histoire de collaboration fraternelle avec l’armée des Etats-Unis.

Rappelez-vous, "l’agent orange", lors de la guerre du Vietnam, ce produit chimique qui était bombardé sur les terres dite "viet-kong" et sur, par conséquent, ses occupants. Un produit chimique extrêmement nuisible qui a encore aujourd’hui des conséquences écologiques et physiques pour les vietnamiens et les soldats américains. Eh bien, c’était Monsanto qui l’avait développé et vendu à l’armée américaine pour "extirper la gangrène communiste" du Vietnam.

La guérilla des FARC a promis, avec la mise en place du Plan Colombie, un nouveau Vietnam pour les réprésentants armés de l’Empire du nord. Ce n’est pas encore le cas mais la composante "Monsanto" est déjà là. Espérons qu’un jour, cette multinationale nuisible, dangereuse, criminelle devra rendre des comptes.

 


Sources:

Maurice Lemoine, Cultures illicites, narcotrafic et guerre en Colombie, Le Monde Diplomatique, janvier 2001.

Iris Comunicaciones, Las imagenes de los efectos de las fumigaciones en Colombia, 10/01/01.
http://www.rebelion.org/plancolombia/fumigacion100101.htm

Marjon van Royen, NRC Handelsblad [Holanda], Enloquecidos por la picazón, 10/01/01
http://www.rebelion.org/ecologia/colombia100101.htm