Brrrr... il commence à faire froid à Métula. Sacré climat moyen oriental, qui fait l’impasse sur les saisons intermédiaires. Pas d’automne, pas de printemps ! La semaine dernière je travaillais avec deux ventilateurs (un pour mes oreilles, l’autre pour mon ordinateur) et ce matin, il fait 6 degrés dehors et j’ai allumé le feu d’hiver dans la cheminée de la Ména. En face, à quelques centaines de mètres de ma fenêtre, s’agitent les drapeaux vert et jaune du Hezbollah et de l’organisation Amal, entourés de quelques dizaines de Libanais chaudement habillés et de quelques méga-haut-parleurs. Je me demande un peu pourquoi aucune chaîne de tévé ne pose une caméra et un micro dans le jardin fleuri de la Ména ? Il n’y aurait aucun commentaire à faire, juste à enregistrer les appels des islamistes barbus. "Etbakh el Yehoud" ça signifie massacrer le juif, et c’est un slogan, parmi des dizaines d’autres de la même élévation d’esprit, que diffuse, plusieurs fois par semaine, les portes-voix de "l’organisation qui joue un rôle social important au Liban". Ouais, dans la même perception de l’histoire, on est bien forcés d’observer que le parti national socialiste dans l’Allemagne des années trente jouait lui aussi un rôle social important. Ca n’est pas pour autant que quelqu’un aurait imaginé organiser le sommet de la francophonie à Berlin en 36. C’est vrai qu’un tel sommet aurait subi l’ombrage des jeux olympiques… Père est en Californie pour un séminaire stratégique de grosses têtes, Juffa est engagé dans une succession de conférences en Europe, alors c’est moi qui me tape la plupart du courrier des lecteurs. Même l’humble salle de rédac de la Ména a l’air grande, lorsqu’on y passe des heures tout seul, entre les vociférations des politiciens chiites et la lumière bleue de mon pc. Et toujours les mêmes questions qui se répètent, dans les milliers des courriers que je reçois. Elles ont trait au sérieux de Nahum Shahaf, au bien fondé des conclusions de son enquête et à savoir si le gamin est toujours vivant ? Je ne vais ici dévoiler aucun des éléments qui font l’objet d’une étude approfondie de l’une de nos équipes mais je vous conseille d’avoir un peu plus de patience, de confiance en vos facultés de comprendre, de mémoire de ce que vous avez déjà vu et d’égard pour le travail professionnel que nous produisons. Vous a-t-on déjà menés en bateau, dites ? C’est vrai qu’au premier abord, sans réfléchir, ça paraît abrupte que l’Autorité Palestinienne organise le tournage de scènes d’horreur, mais en cherchant bien, parmi les feuilles d’histoire soumises au vent du temps qui passe, ceux qui doutent des réponses de Shahaf ont déjà oublié la scène du convoi funèbre de Jénine ! Celle dans laquelle on voit un mort tomber de sa litière, essuyer son linceul et y reprendre place ? Je ne connais pas bien les comportements des défunts dans les autres cimetières mais je peux témoigner, qu’à Métula, dans le petit coin, très beau, surplombant la rivière de l’Ayoun, où on enterre les nôtres, nos morts se comportent tout à fait différemment. Un convoi funèbre, des dizaines de figurants, des acteurs, des réalisateurs, des caméramans, des moyens techniques et, surtout, une volonté politique de gagner les âmes sensibles des gringos occidentaux à l’idée ainsi générée du satanisme génocidaire des soldats juifs, voilà assurément un montage qui n’a rien de spontané ! Je suis alors surpris, que certains intellectuels français puissent regarder la résurrection de Jénine et exclure que la même production mette en scène l’assassinat, pour les mêmes raisons, d’un petit garçon à Gaza. Et je leur suggère d’interroger, s’il en est encore temps, avant de claironner des faussetés probables à tous les points cardinaux, les reporters occidentaux coutumiers des territoires palestiniens. Ils leur feront tous état de ce que ces mises en scène sont, pour les propagandistes de Yasser Arafat, bien plus qu’une habitude, une partie intégrante de la stratégie de l’Intifada. Ceci dit, ce qui devrait être exclu d’une confrontation civilisée, c’est le modèle de pré-défense en vue des prochaines révélations de Shahaf et de la Ména au sujet de cette affaire, pour lequel ont opté Enderlin, ses amis et ses employeurs. Faute d’avoir des arguments sérieux à avancer – j’entends des arguments concernant les faits qui se sont déroulés ou qui ne se sont pas déroulés à Netzarim – ils tentent de détruire la réputation du chef de la commission d’enquête qui a diligenté les investigations. Il n’y a cependant pas trop à s’inquiéter pour le sort de la vérité sur l’affaire A-Dura et ses chances d’éclater au grand jour. Il faudra, au moment de la confrontation des évidences, beaucoup plus que quelques ragots et que quelques malveillances télécommandées pour sauver la mise des théories construites. De Métula engourdie, je m’étonne aussi que notre consoeur Elisabeth Schemla de Proche-Orient prête son support médiatique à ce genre de manœuvres. Voici, par exemple, le commentaire dont elle s’enhardit à ce propos : J'ai visionné trois fois dans son intégralité la cassette de Abou Rahme, à Gaza, en octobre 2000 et la seule chose que je puisse en dire en mon âme et conscience, c'est qu'il est impossible de se prononcer sur la responsabilité des uns ou des autres ( de toutes façons, des tirs croisés en plein feu) . Je dis qu’elle a eu bien de la chance, Elisabeth, d’avoir pu visionner ladite cassette dans son intégralité, et qui plus est, en octobre 2000 déjà, puisque ce privilège fut refusé par Charles Enderlin à la commission d’enquête qui tentait de faire la lumière sur l’affaire. Il semble que pour Enderlin, l’expertise de Schemla en balistique était plus à même de conduire à la compréhension des choses que celle des spécialistes de l’armée israélienne… A propos, chère Elisabeth, vous a-t-il fait visionner deux minutes et demi de la cassette, ce qu’il a prétendu à Tsahal comme constituant l’entièreté non-montée des prises de vue, six minutes, comme il l’a dit à Esther Shapira, ou est-ce vingt-sept minutes, veinarde, que vous avez vues, puisque c’est la longueur des rushes que le caméraman de FR2 déclare, sous serment signé, avoir filmées ? Quant à vos conclusions, à votre âme et à votre conscience, j’estime qu’en matière de recherche de la vérité dans l’affaire A-Dura, elles ne sont d’aucun apport objectif et que le simple fait d’en faire étalage, de penser que des estimations de cette sorte peuvent se substituer à une enquête de spécialistes qui devait durer plusieurs mois, recueillir des centaines de témoignages, de documents filmés et sonores, prouve pour le moins que madame Schemla parle avec aplomb de ce qu’elle ne connaît pas. Pour ce qui est de la possibilité de se prononcer sur la responsabilité des uns et des autres, j’ai l’avantage de vous apprendre que vous faites ici une erreur abyssale. La source des tirs qui furent dirigés contre Jamal A-Dura et l’enfant qui se trouvait dans son dos est aujourd’hui identifiée avec certitude, au point que personne de sérieux ne mettra en doute les expertises et contre-expertises qui ont été effectuées à ce propos. A trop parler sans savoir assez, on ferait aussi bien de se taire ! L'expert interrogé, si je ne me trompe, faisait partie de l'équipe plus ou moins auto-proclamée ou manipulée par des éléments de l'extrême droite qui avait "enquêté"" et fait une "expertise balistique" concernant l'assassinat de Rabin et avait conclu que Ygal Amir n'est pas l'assassin! Eh oui, Elisabeth Schemla se trompe à nouveau ! Elle reprend, sans les vérifier, les ragots visant à défendre, à priori, la culotte de monsieur Charles Enderlin. Toute cette histoire de Nahum Shahaf (c’est le nom de l’expert, nommé par le général Yom Tov Samia, commandant à l’époque du front de Gaza dans l’armée israélienne afin de diriger la commission d’enquête sur l’affaire A-Dura) qui aurait conclu, dans l’enquête sur l’assassinat d’Itzkhak Rabin, qu’Igal Amir n’a pas tué le Premier ministre de l’Etat d’Israël, est une contre-vérité grossière. Cette contre-vérité est largement diffusée par le correspondant de France 2 à Jérusalem et reprise, outre par Schemla, par plusieurs dirigeants de la chaîne publique française. Si Enderlin avait voulu connaître des hypothèses soulevées par Shahaf, à l’issue du supplément d’enquête qui lui avait été requis par le Professeur Eviatar Frazer (responsable national des archives d’Etat Ndlr), il aurait répondu à l’invitation qui lui fut présentée de participer à la conférence de presse de Shahaf à ce sujet, conférence s’étant déroulée le 21 octobre 2001 dans un restaurant de Jérusalem. Le fait est, qu’Enderlin ne s’était pas rendu à cette conférence de presse. De là à considérer Dalia Rabin-Philosophe, la fille du Premier ministre assassiné, qui a demandé à ce que Shahaf participe à la contre-enquête, comme un élément d’extrême droite, il y a un pas qu’une âme bien faite se refuserait de franchir… C’est, en fait, même disqualifiant, pour une journaliste, de convoyer des ragots de cette sorte et de les prendre à son compte. Il est bien sûr regrettable, pour elle d’abord, qu’Elisabeth Schemla se corrompe en de tels artifices et qu’elle aille jusqu’à tendre une perche de salut en forme d’interview à Charles Enderlin – dans laquelle, au comble de notre surprise, elle répond à ses propres questions avant l’interviewé - sur son site Internet. La vérité dans cette affaire est en marche, ça n’est plus qu’une question de semaines avant que nous puissions tous la tâter du doigt. Il n’y a guère, ça va de soi, que les arracheurs de dents qui doivent craindre la vérité, s’acheter des moufles ou garder les mains dans leurs poches.