Verts
ou kakis ?Ils se disent verts, certains parlent de s’allier avec les roses, ils légitiment des politiques plutôt bleues, voilà maintenant qu’ils virent complètement au kaki … C’est du moins la conclusion que l’on peut tirer des propos tenus le 29 mai par le secrétaire d’Etat à l’énergie Olivier Deleuze lors d’une interview accordée à AlterEcho, une émission de contre-information et de critique des médias sur Radio Campus (ULB). Extraits.
AlterEcho : (…) Je pense que vous avez appuyé un gouvernement qui appuyait les frappes américaines, très pétrolifères, en Afghanistan…
Olivier Deleuze : Ce n'est pas pétrolifère en Afghanistan (sic). Eh bien, je vais vous dire: oui. Moi, je n'étais pas opposé, et je ne suis toujours pas opposé à cette décision des frappes américaines en Afghanistan, parce que je pense qu'il ne faut pas oublier le problème qui se pose à la base : c'est qu'il y a effectivement, j'en suis convaincu, que suite à la faiblesse de l'Afghanistan, suite à son histoire (…) Suite à ce système d'allées et venues se sont établis en Afghanistan des gens qui sont des terroristes antidémocrates moyen-âgeux extrêmement dangereux, par rapport auxquels je n'ai aucune espèce de scrupule de dire que si ces gens-là, il faut les contenir par des frappes, je n'ai pas de problème avec ça. Et si les frappes sont américaines, c'est parce que l'Europe n'a pas une capacité de défense, une capacité militaire suffisante. Moi je suis pour que l'Europe ait une capacité militaire bien plus grande qu'elle a aujourd'hui, parce que je crois que ça amènera la paix, davantage qu'aujourd'hui, et je pense aussi que ça réduira l'influence américaine davantage qu'aujourd'hui.
AE : Mais est-ce que, en disant ça, vous n'avez pas l'impression qu'à ce moment-là, on n'a plus besoin des Etats-Unis, puisque on joue les Etats-Unis à leur place ? C'est justement copier une espèce de mode de fonctionnement qui est extrêmement pernicieux, on l'a vu. Est-ce qu'à ce moment-là, on ne deviendrait pas les "Etats-Unis bis" ?
O.D. : D'abord, je pense qu'il n'y a pas 36 manières de contenir des gens moyen-âgeux, non-démocratiques et violents. Ce n'est pas en faisant de la prévention et de la formation…
AE : Mais on n'a pas fini, alors. S'il y a un gouvernement d'extrême-droite qui passe en Colombie, vous allez soutenir des bombardement là-bas demain, parce qu'il y a des dizaines de milliers de prisonniers politiques ?
O.D. : Non, non, je ne crois pas qu'il faille… Il n'y a pas de limites scientifiques, mathématiques, automatiques à ce genre d'attitude, ni dans un sens, ni dans un autre, parce qu'alors je pourrais rétorquer : 'et vous attendez qu'il y ait un avion qui s'écrase rue de la Loi avant de faire quelque chose ?' Donc, ne rentrons pas dans ce type de 'tout ou rien'. (…) Et donc, pour parvenir à une politique plus équilibrée, je ne pense pas qu'il faille négliger ce qui se passe en Afghanistan, je pense au contraire que l'Europe devrait se donner les moyens de rééquilibrer. Et pour rééquilibrer, il faut une force, j'allais dire : de la force bête et brutale. Ne fût-ce que comme dissuasion, il faut une force militaire européenne crédible. Si nous voulons que le monde ne soit pas dominé aujourd'hui par les Etats-Unis… Jamais, depuis l'empire romain, nous n'avons vécu dans un monde unipolaire où il y avait une super-puissance comme aujourd'hui. Et si on veut arrêter, faire en sorte qu'on ne soit pas dominé, culturellement, militairement, économiquement, par un pays, il faut alors développer d'autres lieux de pouvoir (l’Europe militaire ! ?), en quelque sorte, de contre-pouvoir, sinon ce sera toujours : 'Ah ! il y a un problème en Afghanistan. Qui peut intervenir ? Il n'y a qu'un pays qui peut intervenir, eh bien qu'il intervienne.' Pour que ce soit plus équilibré, moi je pense qu'il faut renforcer l'Europe.
Equilibre de la dissuasion, renforcement de l’Europe militaire, de la force " bête et méchante " pour contrer " des terroristes antidémocrates moyen-âgeux " - pas un mot sur la population civile ! Décidément, les propos lamentables de M. Deleuze sont une fois de plus l’expression de la capacité extraordinaire des Verts à s’adapter au discours dominant, à faire fi de leur programme qui dit que " Seul les Nations Unies sont habilitées à déclencher des interventions ".
Une semaine plus tard, AlterEcho revenait sur cette interview consternante en présence de Frans Lozie, d’Agalev. Extraits :
Frans Lozie : Immédiatement après le 11 septembre, on avait la possibilité de décider de l’application de l’article 5 de la convention de l’OTAN. On avait le choix : ou bien on disait non et les Etat-Unis se retrouvaient seuls à faire ce qu’ils veulent. Ou bien on intervenait et on les impliquait dans la ‘solidarité’ de l’OTAN’ et, on espérait quand même d’avoir un certain pouvoir, d’influencer le comportement américain.
AlterEcho : Cela a eu lieu ?
F.L. : Oui, cela a eu lieu. Il faut bien dire qu’il y a eu pas mal de temps entre le 11 septembre et, je pense, le 12 octobre …
AE : Vous trouvez que c’est " pas mal de temps " entre un acte et des représailles qui nécessitent des semaines de préparation. Vous trouvez qu’on a eu le temps de réfléchir et de trouver les coupables réels …
F.L. : On n’a pas retrouvé les coupables, mais je pense …
AE : Vous, en tant que parlementaire, vous avez eu des preuves de l’implication d’Al-Qaeda, de Bin Laden, de qui que ce soit d’Afghans, … puisque, finalement, parmi les pirates de l’air, il y avait principalement des Saoudiens mais on n’a jamais inquiété l’Arabie saoudite.
F.L. : Là, on a un problème. Les plus grands coupables, ce sont … probablement les Saoudiens …
AE : Ne croyez pas que d’avoir incorporé cette attaque dans le cadre de l’OTAN, cela permet finalement d’affirmer le poids prépondérant des Etats-Unis au sein de cette structure et de faire des pays européens des satellites des Etats-Unis servant de garanties à ces frappes ?
F.L. : Oui, après coup, oui …
AE : On pouvait s’en douter un petit peu avant …
F.L. : Mais on s’en doutait …
AE : Vous avouez finalement …
F.L. : On nous a même reproché d’avoir pris une heure, une heure seulement, pour poser des questions à ce moment vital. On a pris cette période pour voir ce qui se passe.
Le plus grand danger, c’est … Je suis d’accord avec Olivier Deleuze …. C’est le super pouvoir des Etats-Unis qui n’ont aucun contre-poids. Mais je ne suis pas d’accord qu’une force militaire européenne sera, à un certain moment, un contre-poids aux Américains. Seulement une force politique, un rassemblement des idées politiques de l’Europe peut avoir un poids contre les Etats-Unis, jamais au niveau militaire. Cela, c’est impossible, le militarisme a sa propre logique et ses propres moyens de fonctionner et notre pensée, comme Verts, n’entre jamais dans cette logique.
AE : Donc, je récapitule sur l’Afghanistan : Vous craigniez de vous faire entuber. Vous avez voté oui et vous vous êtes faits entuber et vous n’en tirez pas les conclusions.
F.L. : Mais on tire les conclusions là-dessus … S’ il y a de nouvelles frappes des Américains sur l’Irak, ce sera sans nous.
Il faut être un peu conscient aussi de notre pouvoir. Je pense, avec l’Allemagne, on est les deux seuls pays où il y a encore des Verts au pouvoir. Espérons que cela sera encore le cas fin de l’année. Mais il faut être au pouvoir pour avoir un peu l’information.
AE : L’information … Olivier Deleuze qui est au gouvernement, à l’Energie, il a toute l’information qu’il veut et il vient encore affirmer que cela n’a rien avoir avec le pétrole. Soit il ment, soit il est con, je suis désolé …
F.L. : S’il dit cela, il est con, oui … Si les Américains font des frappes, ce sont toujours pour des raisons économiques, jamais des raisons politiques ou de démocratie …
AE : Vous ne vous sentez pas les mains sales après avoir entériné ce genre de décision dont vous saviez à l’avance où cela allait mener?
F.L. : Si nous n’étions pas au pouvoir, cela passerait peut-être encore un peu plus vite … hein !
AE : Oui mais au final, qu’est-ce que votre action a changé ?
F.L. : On a fait quelques remarques. Si nous n’étions pas au pouvoir, il n’y aurait même pas eu ces quelques remarques. On a appris ce que cela veut dire d’être au pouvoir et les conséquences que cela engendre. Cela nous salit les mains, ça, c’est clair ! Cela veut dire que, dans l’avenir, ce sera plus dur pour nous convaincre, ça , c’est clair aussi !
AE : Vous parlez de l’importance des partis verts dans les gouvernements comme contre-poids. Mais finalement, comme l’a fait Deleuze de confirmer ces attaques en Afghanistan … cela semble très éloigné des idées vertes, non ?
F.L. : Sur le principe, oui. Au début des difficultés, oui, c’était difficile pour nous de prendre cette décision. Le fait que la guerre, sur le terrain, est terminée en ce moment, du moins les grandes attaques, c’est une bonne chose pour nous car, sinon, nous serions déjà sorti du gouvernement.
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