A Taïwan, Chen Sui Ban, adversaire déclaré de la réunification avec la Chine, a gagné les élections ce dimanche. Les médias occidentaux présentent cette victoire comme une victoire des indépendantistes sur les partisans de la réunification. En fait ce succès de Chen ne peut cacher la profonde division de la bourgeoisie taïwanaise
Commentaires de Mao Ning
La crise financière qui a secoué toute le sud-est asiatique (1) ces dernières années a sensiblement modifié lattitude des gouvernements de la région, majoritairement dirigés par des bourgeoisies nationalistes. La conséquence fondamentale qui en a résulté consiste en lémergence de la Chine socialiste en tant que pôle de stabilité, et dans une certaine mesure dexemple de développement dans le tiers monde. Cela sest concrétisé en un rapprochement spectaculaire entre la Chine et des pays comme la Thaïlande et la Malaisie, qui jusqualors demeuraient fortement anticommuniste et antichinois.
Dans le petit réduit nationaliste de Taiwan, les effets de la crise ne sont perceptibles que sur un laps de temps plus long. Ce nest quaujourdhui, que les milieux financiers locaux commencent à percevoir le goût amer du chômage en forte hausse ainsi que dune fuite des capitaux assez inquiétante. (2) A cette dégradation continue de la situation économique, vient sajouter une confusion politique sans précédent.
Casting hollywoodien
Pour défendre leur poulain du DPP indépendantiste Chen Sui Bian, les USA ont demandé à lancien président de Taiwan, Lee Teng Hui de le soutenir. Cette alliance inédite et quelque peu paradoxale, rend léchiquier politique encore un peu plus ridicule. En effet, Lee est aussi lancien leader des nationalistes du KMT, qui sopposent vigoureusement au morcellement de la Chine. Face à ce duo de choc, sest formée une triple entente toute aussi inédite. Le chef de file des nationalistes, Lien Chan, écrasé au présidentielles de 1999, apporte son soutien à un dissident du KMT, Song Zou-Yu, battu de très peu en 1999. Celui-ci jouit du soutien du parti Xing Tang, favorable à la réunification avec la Chine socialiste sous le même régime que celui accordé à Hong Kong.
Ainsi, pour ne pas se perdre dans ce paysage accidenté, nous pouvons dire que la bourgeoisie est tiraillée entre deux courants. Le premier, dirigé par le duo Chen Sui-Bian / Lee Teng-Hui, applique les ordres venus directement de Washington. Ils affichent des slogans indépendantistes. Le second, composé essentiellement par la bourgeoisie [réellement] nationaliste, cherche à composer avec le gouvernement central de la Chine socialiste et prend donc un caractère unioniste. Les dénominations des partis politiques ont pour ainsi dire perdu toute signification réelle.
Le vrai match
La vice-présidente Annette Lu, indépendantiste et proche des Américains, rappelle à ces derniers limportance stratégique de Taiwan pour eux. « Grâce à Taiwan, nous avons limité la progression du communisme dans la région, en particulier au Japon, affirme-t-elle. [ ] Si les communistes semparaient de Taiwan, ajoute-t-elle, ils feraient un pas de géant sur le plan maritime. Nous sommes un pivot entre lAsie du sud-est et lAsie orientale. Prenez lavion de Taïpei, et en moins de trois heures, et vous atteindrez les sept villes essentielles de la zone Asie-Pacifique. Nous sommes au centre, un lieu de passage incontournable pour le commerce maritime international et pour le transport aérien. Cest pour cela que le reste de la planète [en fait les USA] doivent veiller sur notre sort. » (7)
Ces quelques lignes constituent dans un style à peine voilé, un appel au secours destiné à Georges Bush. Ce dernier ne se fait évidemment pas attendre. Après la cuisante humiliation subie lors de laffaire de lavion espion capturé, larmée américaine prépare une occupation potentielle de Taiwan.
Realpolitik
Dans un cadre pareil, les communistes chinois misent, avec raison dailleurs, sur une realpolitik. Les unionistes de Taiwan méritent le soutien du continent, et de tous ceux qui poursuivent des rêves de développement et de Paix. Taiwan a été pendant ces cinquante dernières années, un facteur constant de déstabilisation politique. Cest en effet, le gouvernement de Taiwan, qui a aidé à la mise sur pied de la junte militaire en Birmanie (8). Cest encore lui, qui soutient toutes les dictatures dAmérique latine. (9)
Veillées darmes
Lors de la campagne électorale, pour regagner la confiance des classes moyennes, Chen Sui-Bian, a considérablement dilué ses discours indépendantistes. Il ne revendique plus que le statu quo dans les relations avec la Chine socialiste (10), mais cela natténue en rien lhémorragie provoquée par la crise. Lirritation des entrepreneurs de lîle, saignés à blanc par les diktats de limpérialisme américain, a même poussé Wang Yong-Qing à sortir du bois. Réputé comme étant lhomme daffaire le plus influent de Taiwan, il a fustigé Chen Sui-Bian et la sommé dentreprendre immédiatement des pourparlers en vue de la réunification avec la Chine socialiste. (11) De leur côté, les indépendantistes pro-américains lancent une nouvelle offensive de charme contre la réunification. « Dune main, les communistes attirent vos investissements. De lautre, ils vous menacent, lance Wang Rong-Yi. La Chine se sert de vous pour influencer la politique à Taiwan, ajoute ce proche de Chen Sui-Bian. » (12)
On le voit la situation est bien complexe que celle présentée par les médias occidentaux.
Notes :