TEXTE DE L'UNE DES AFFICHES IMMÉDIATEMENT ARRACHÉES PAR LES « COMMANDOS » New York, Etats-Unis -11/09/2001 Inacceptable Bali, Indonésie -12/10/2002 Inacceptable Barcelone, Espagne -19/06/1987 Inacceptable Zamboanga, Philipinnes -17/10/2002 Inacceptable Belfast, Irlande du Nord(Royaume-Uni) -15/08/1998 Inacceptable Louxor, Égypte -17/11/1997 Inacceptable Tokyo, Japon -20/03/1995 Inacceptable Vantaa, Finlande -11/10/2002 Inacceptable Benjamin F. 20 ans, étudiant en 2è licence polytechnique (Bac + 4) :« On sait que tu t'appelles Benjamin F. On connaît ton frère, ta copine. On connaît ton adresse. Enlève les affiches immédiatement ou tout le monde est mort. Ton frère, ta copine, ta famille, tout le monde est mort ! Prends cela très au sérieux ! » D'abord, j'ai cru à une blague, dit Benjamin, puis au fur et à mesure que la voix anonyme précisait ses menaces sur mon téléphone portable, mon sang se glaçait. Je ne rêvais pas. C'était vraiment à moi que cette voix d'homme jeune s'adressait. J'ai eu très peur pour les miens, pour moi. C'est très dur de garder son sang-froid, on est dans un état d'angoisse folle ». Micol L. 21 ans, étudiante en sciences appliquées, a aussi reçu, ce vendredi, peu avant midi, un appel sur son téléphone portable suivi de deux SMS avec les mêmes menaces : « On sait qui tu es, on sait que tu as mis des affiches, enlève les avant 18 heures sinon on fait tout sauter, on brûle ta voiture, ta maison et celle de l'UEJB (Union des Etudiants Juifs de Belgique) aussi. Et dis à Benjamin F. que, s'il tient à son frère et à sa copine, il dissolve son groupe. On voit des choses. On entend des choses. On sait des choses ». D'abord, j'ai été prise de panique. Puis, je me suis rappelée que j'avais déjà été confrontée à une situation de cet ordre. Quand je m'étais présentée aux élections facultaires, l'année précédente, j'ai découvert ma photo maculée de croix gammées. C'était un choc terrible. Cette fois-ci, j'étais un peu préparée en quelque sorte, j'ai pu plus facilement relativiser les choses. Mais l'ambiance est difficile. Je n'ose plus mettre mon étoile de David. Je me sens obligée d'être discrètement juive. Et, avec cela, se développe une atmosphère de propagande pro-palestinienne intense, ce qui ne me pose pas problème, les Palestiniens peuvent défendre leur cause mais un anti-israélisme virulent l'accompagne, c'est psychologiquement intolérable. La vente de T-Shirts avec la mention imprimée dans le tissu : « Israël Assassin » C'est pourquoi nous avons formé un nouveau groupe, indépendant de l'UEJB, organisation apolitique, et que nous avons entamé une campagne d'affichage basée sur la tolérance. Nous souhaitons informer la communauté universitaire de manière active pour faire face à la désinformation systématique au détriment d'Israël. Depuis le début de l'Intifada, l'atmosphère s'est corsée. Il y a eu la vente de T-Shirts avec la mention imprimée dans le tissu : « Israël Assassin », puis, cette pièce de théâtre « Check Point » en langue arabe ; je ne comprenais pas mais en français, lors des cinq dernières minutes, un personnage disait : « ceci est un check point parce qu'un colon veut aller nager. Comment les Palestiniens peuvent-ils être heureux ? On les tue et pendant ce temps, les colons s'amusent ! » Et aussi la mise en place d'un Check Point à l'entrée du campus : à l'initiative d'étudiants arabes, on fouillait les gens qui entraient sur le campus et on leur disait : vous voyez, c'est seulement pour humilier les Palestiniens, pas pour la sécurité des Israéliens. Le recteur est intervenu et a fait évacuer l'installation ainsi que la trentaine de non étudiants sur quarante environ qui participaient à cette mascarade. Sur le campus, il y a de plus en plus d'affiches qui soutiennent le peuple palestinien mais elles attisent la haine, elles diabolisent Israël sans prôner un discours de paix. On est aussi confronté à l'activisme intense du MML (Mouvement marxiste léniniste) : affichage invasif, tracts, manifs, soutien à l'Irak.. Une nouvelle organisation, l'Union des jeunes progressistes arabes (UPJA), vient de se former . On les soupçonne d'avoir arraché nos affiches. Il y a aussi les Brigades Che Leila, un groupe récent, très anti-israélien. Puis, le lancement du boycott d'Israël par des professeurs, promotionné par les journaux… Karine B., 24 ans, étudiante en 2ème licence tourisme, trésorière de l'UEJB : « Lors de l'incendie de la librairie-traiteur, Shoresh, à Bruxelles, en avril dernier, nous avons lancé une campagne de tracts pour informer les gens et organiser quelques conférences. Mais ce n'est pas notre rôle d'être des militants au service de la cause israélienne. L'UEJB est apolitique. Je dois signaler que les étudiants se sentent mal, ils entendent les gens parler du conflit et prendre position sans connaître l'histoire. Quand ils essaient d'expliquer que les deux parties, Israéliens et Palestiniens, ont fait des erreurs et qu'il faut aider les deux peuples au lieu d'importer le conflit ici, on ne les écoute pas. Alors, certains ont décidé de s'organiser, secrètement parce qu'ils ont peur et on voit qu'ils ont eu raison d'être prudents : deux d'entre eux ont été repérés et leurs coordonnées sans doute relevées dans l'annuaire de Polytechnique. Pascale Falek, notre présidente, a pris la décision d' enlever nos affiches par souci de sécurité pour les étudiants concernés et parce les menaces visaient aussi le bâtiment de l'UEJB que nous avons aussitôt évacué. Dès que nous avons été prévenus, notre responsable, Meir Assouline a prévenu la police et Eddy Grynspan, le chef de la sécurité de l'université. Je suis allée déposer une plainte au commissariat. Les étudiants menacés ont été bien entourés, protégés aussi physiquement et le seront encore sans doute pour un bon moment ! Un journaliste de RTL est venu filmer les affiches arrachées et nous a interviewé mais le sujet n'a pas été diffusé… » Pierre de Maret, recteur de l'Université, déclare : « Mon souci constant est de préserver un espace de dialogue. Même au moment le plus chaud de la guerre des Six Jours, on arrivait à dialoguer. Je condamne vigoureusement ces atteintes à la liberté d'expression qui se traduisent par des menaces de mort et par l'arrachage des affiches. On ne connaît pas encore les responsables mais s'il s'avère que ce sont des membres de la communauté universitaire, outre l'action pénale, la commission de discipline peut demander leur exclusion. Je suis très préoccupé par l'érosion du capital de sympathie dont bénéficiait Israël. La politique répressive de Sharon y contribue certainement . Ce conflit canalise les frustrations des laissés pour compte de la mondialisation y compris au sein de nos populations, sans compter l'existence de sympathies parfois pro-palestiniennes. En tout état de cause, il faut préserver l'université comme lieu de débats sans exclusion, permettre l'engagement des étudiants, mais s'opposer avec la plus grande virulence à ces méthodes violentes, de contraintes larvées, affichées ou cachées. » Le recteur met ainsi le doigt sur ce qui, dans la société belge en tout cas, manque cruellement, à savoir l'absence totale de débat. On fait appel à des pro-palestiniens pour défendre le point de vue palestinien, ce qui est bien normal, mais le point de vue juif est le plus souvent défendu par des juifs d'extrême gauche surtout sensibles à l'oppression de la population palestinienne et beaucoup moins à l'insécurité de la population israélienne. Le point de vue israélien, lui, est la plupart du temps exclu du débat. Se battre pour la liberté des Palestiniens en imposant le silence aux autres – comme tout récemment dans la petite ville de Lessines où le représentant des Amitiés belgo-israéliennes fut exclu suite aux pressions exercées sur les organisateurs par le représentant des Amitiés belgo-palestiniennes – n'est pas le meilleur moyen de favoriser la cause de la paix. Pour Maurice Einhorn, rédacteur en chef du « Journal du Médecin » et fondateur du Collectif « Dialogue et Partage », « un véritable débat sur le conflit du Moyen- Orient doit permettre que s'affrontent un point de vue sioniste et un point de vue palestinien. » Serge Pahaut, anthropologue, chercheur à l'ULB : Il est très regrettable que la communauté juive soit poussée à assumer seules la défense d'Israël. On parle beaucoup de droit à la sécurité, mais c'est l'inquiétude qui devient le mode de discussion imposé, même dans des pays en paix comme le nôtre. La légitimité d'Israël devrait être plus simple. On éprouve parfois l'impression que les politiques la mentionnent du bout des lèvres, comme une clause de style. Et nombreux sont ceux qui croient pertinent de faire dans la nuance.