"De la mort de la politique à la politique de la mort" Karletto n°1, Vis-à-vis, cahiers pour l'autonomie de classe http://web.tiscali.it/visavis/ email: karletto@rm.ats.it Guerre et lutte de classe sur l'horizon du marché mondial: conflits inter-impérialistes et prolétariat universel I Les Dérives Nécrogènes Du Capital Total En Guerre 1. La crise objective de l'accumulation capitalistique Comme il est désormais clair même pour les optimistes chanteurs des "magnifiques destinées et progressives" de la société du capital, aujourd'hui nous nous trouvons face à une crise prolongée, de laquelle il est impossible de sortir avec les outils ordinaires de la politique économique ou par des redressements automatiques du marché. La crise actuelle est une crise "objective de modèle", qui arrive après un trend de trente ans de stagnation de l'économie internationale, interrompu seulement par plusieurs phases (moitié des années 80, fin des années 90) d'expansion cyclique. Une crise qui apparaît de plus en plus difficilement réversible, vue l'impossibilité désormais prouvée, pour les mécanismes de l'accumulation, d'assurer le développement complet du cycle de la valorisation. La conséquence est que maintenant, sur presque toute la surface du globe (pas seulement dans ledit "Tiers-Monde", mais aussi et de plus en plus à l'intérieur des métropoles capitalistes), le Capital ne parvient pas à nourrir ses "esclaves", c'est-à-dire qu'il n'arrive pas à garantir la reproduction de la force-travail employée, après en avoir condamné une grande partie à la marginalité structurelle; une marginalité structurelle - non pas une pause provisoire dans des emplois stables - et fonctionnelle à la valorisation, à savoir dérivant non pas de l'imparfait fonctionnement des mécanismes du marché, mais de leur déploiement définitif. En outre, on voit désormais s'accomplir ce pillage et cette spoliation des ressources éco-systémiques qui font assumer à la crise l'apparence d'une véritable "apocalypse" implosive, d'un processus inhérent aux vicissitudes d'ensemble de l'humanité et de son environnement, et non seulement aux variables économiques. Si on veut saisir les causes et le contexte des événements explosifs qui ont caractérisé ces mois, et les profonds, bien que moins apparents, processus de mutation connexes, on ne peut pas ignorer ce dirimant et essentiel cadre de référence. En somme, sur les traces de ce que 77 avait déjà compris par intuition avec une finesse surprenante, la thèse que Vladimiro Giacché aussi avance et argumente dans l'article ici présenté, affirme que "sur l'arrière plan de cette phase de l'histoire du capital il y a la crise". A ce propos, les mots de Marx viennent tout de suite à l'esprit, quand il décrit le capital comme "la contradiction en devenir" ou comme la "vraie limite de lui-même". Et à nous aussi, qui - comme on le sait - n'avons aucune sympathie pour "Vladimir" (on parle du russe naturellement), reviennent en mémoire ses pages sur l'impérialisme et les caractéristiques spécifiques qu'on y trouve en tant que connotations particulières de tel stade de développement du capital: <>. Il faudrait faire une analyse sérieuse et approfondie des différences entre notre phase et celle décrite par Lénine. Au-delà des simples slogans sur la globalisation, un thème mériterait une attention spéciale: le développement des investissements directs étrangers, dans les derniers dix ou vingt ans, a été certainement imposant, mais cela a-t-il annulé la base nationale (ou macro-régionale en tout cas) de chaque capital particulier? Si c'était vrai on se retrouverait effectivement face à un cadre très différent par rapport au passé. En particulier viendrait à manquer la base de tout conflit interimpérialiste, c'est-à-dire entre appareils d'état qui soutiennent leurs capitaux de référence respectifs. Si on met de côté les slogans vides de pensée et pleins d'idéologie, aujourd'hui très à la mode, nous pouvons faire certaines découvertes intéressantes. Nous découvrons par exemple, que les dynamiques déclenchées par ce qu'on appelle la new economy ressemblent très peu à celles de l'économie informatisée des réseaux, tant exaltée par l'incontournable Totonno Negri, infatigable "perroquet" parmi les plus réputés rossignols du Prince. En fait, l'énorme bulle spéculative qui a accompagné la croissance de cette "nouvelle économie", fait penser, de façon beaucoup plus sensée (et sur la base d'un mouvement cyclique dans cette direction, historiquement déjà ultra-expérimenté) à une phase intense et prolongée de "financiarisation" du capital lequel, face à des difficultés de valorisation de plus en plus lourdes, sur le front de la production, tend naturellement à privilégier les investissements purement spéculatifs (voire de capital "fictif") en déclenchant une spirale qui, cependant, ne parvient pas à se rompre, étant données les énormes et croissantes difficultés à investir "productivement" en période de crise consolidée de super-production. Et cela, évidemment, sans toutefois invalider l'incontestable constatation que l'informatisation a eu un impact effectif et très important sur le processus de valorisation, même si une telle "rechute" n'a pas concerné la croissance de la productivité en soi, mais le raccourcissement exponentiel des temps de circulation, tant au niveau du cycle total du capital qu'à l'intérieur du cycle de la production en tant que tel. A tel point que la dernière et "épique" révolution technologique à base télématique, inaugurée par la découverte du "microchip", vers la moitié des années soixante-dix, a été immédiatement chevauchée par Monsieur le Capital sur un ton manifestement "politique": en effet, elle a représenté le levier pour faire sortir des gonds la rigidité du circuit machinal, sur lequel s'était modelée une composition de classe donnée, qui s'était fait elle-même "variable indépendante" grâce à cette anélasticité du corps-usine, dans lequel elle effectuait son propre travail. L'extrême "flexiblisation" du cycle productif consentie par l'introduction des outillages à contrôle informatique, eut enfin raison d'un type d'ouvrier (le "bleu de travail" en italien, "l'ouvrier-masse") qui de la rigidité avait su tirer sa propre force, en se faisant radicalement incompatible par rapport au commandement d'entreprise et aux exigences du profit, durant un cycle entier de luttes, né à l'aube des années 60 et définitivement vaincu à la fin des années 70. 2. Conflictualités inter-impérialistes et unipolarisme étasunien. L'hypothèse d'une surface planétaire désormais "lisse" et privée de tout obstacle aux investissements du capital, semble en outre se heurter à l'un des phénomènes les plus remarquables au niveau géopolitique: le conflit grandissant entre les zones monétaires américaine et européenne. Avec la naissance de l'Euro, non sans raisons fortement contrariée par les U.S.A., le dollar risque de perdre sa fonction d'équivalent général sur le marché mondial, ou - si l'on préfère - son rôle de monnaie de réserve globale. Par là se réduit cet "vasselage" absolu du dollar, par l'entremise du quel les U.S.A ont été, jusqu'à présent, en mesure de stoker des richesses dans le monde entier, en se permettant un déficit astronomique de la balance commerciale, compensé par le flux de capital en entrée. Tout ce mécanisme, qui par ailleurs a consenti la croissance exorbitante des valeurs boursières américaines, pourrait définitivement se dissoudre ou perdre sa potentialité avec le consolidation de l'Euro (à ce propos, rappelons qu'en juillet 2001 les transactions internationales dénommées en Euro étaient égales à 30% du total mondial, face au 24% enregistré fin 98). En effet, bien que dans le panorama de la crise de super-production la dévaluation du dollar puisse soulager la balance commerciale catastrophique des U.S.A., la faiblesse du "billet vert" va de pair avec le grave affaiblissement de son rôle de monnaie mondiale, auquel l'économie yankee est étroitement liée. Si on s'arrête à la logique de la pure économie du marché, en somme ce que les U.S.A gagnent d'un côté, ils le perdent de l'autre et avec des intérêts qui risquent de devenir vraiment "salés". Afin d'éviter, donc, que tout se réduise à un jeu "à somme zéro", ou carrément négative, il faut faire intervenir un élément extra-économique (tout au moins selon l'acception dominante de l'"économique"), un facteur qui rompe la dynamique inertielle des automatismes du marché et qui y introduise des forcements bien ciblés à caractère politique et, substantiellement, d'état. La libre compétition économique cède alors le pas à une dynamique de conflit politique-économique ouvert et ainsi réapparaît, avec une vigueur renouvelée, l'ancien protectionnisme don’t on avait été décrété la mort trop tôt, à partir de tous les "globalistes" aussi bien de droite que de gauche. Les droits d'entrée sur les importations d'acier, de la part des États Unis pourraient donc être le premier chapitre d'une longue histoire, faite de coups et contre-coups. Chaque mesure protectionniste, en effet, donne vie à une autre égale et contraire, à condition qui la cible de la première disposition soit assez forte pour se le permettre. Et l'Europe certainement s'apprête à le devenir définitivement, même si elle est encore gravement atteinte dans son talon d'Achille: à sa force économique ne correspond pas une force aussi considérable d'un point de vue politique et, surtout, militaire. Serait-ce pour cela que les États Unis se promènent dans la planète en disséminant des bombes et en édifiant des bases militaires? Serait-ce aussi pour cela que, face à la crise, les U.S.A. ont décidé de répondre à leurs adversaires sur l'unique terrain où ils trouvent nettement avantagés par rapport aux autres, c'est à dire le terrain militaire? Enfin, au delà des approfondissements nécessaires au niveau analytique, que nous avons mentionnés toute à l'heure, la dynamique qui se profile à l'horizon n'a rien d'inédit et ses passages sont clairement prévisibles: crise, protectionnisme (en réalité jamais aboli envers les pays dominés), guerre! L'objectivité de la crise de stagnation de super-production, qui tenaille Monsieur le Capital depuis désormais plus de vingt ans, déclenche, comme dans un jeu de dominos, une série incontrôlable de foyers de crises inter-capitalistique de plus en plus âpres et menaçantes et, dans la chute verticale d'une économie d'échelle incapable d'activer une demande adéquate, s'écroule le mythe de ce "développement de l'accueil" qui, nonobstant deux guerres mondiales, a caractérisé le cycle du capital tout au long de la première moitié du siècle qui vient de s'achever, jusqu'au dernier grand sursaut expansif de l'après guerre. Comme nous l'avons déjà dit, le capital n'arrive plus à "nourrir ses esclaves", à garantir les conditions minimes de survivance de la force-travail - tant de celle active (employée dans le processus de travail), que de celle mise en marge du marché -, car sa pleine utilisation ne serait pas fonctionnelle à la valorisation, tant que perdure cette situation de marché. La conflictualité inter-impérialiste ne s'est pas encore transformée en guerre ouverte entre les principaux acteurs géopolitiques du globe et a été cachée sous le masque hypocrite des "opérations humanitaires de police internationale" contre les "États-canaille" et le "terrorisme international", en créant l'illusion d'un pouvoir capitalistique unifié à l'échelle mondiale. Les choses, en réalité, sont bien différentes. Le pouvoir capitalistique dominant à l'heure actuelle, celui américain, que d'aucuns voudraient "biopolitique" et "impérial" (?!?), déroule sa puissance mortelle de guerre dans un panorama géographique qui: A) peut facilement se superposer sur la carte des sources et des voies de distribution de l'énergie (Moyen Orient, Balkans, Caucase et Asie Centrale), montrant l'incessante dépendance de l'accumulation capitalistique des "facteurs objectifs habituels" de la production (cette "matière morte", liquide ou gazeuse, qui nécessite ensuite de l'autant indispensable "facteur subjectif", exécutable uniquement dans le travail humain); B) trace une stratégie de contrôle préventif des acteurs géopolitiques potentiellement en mesure, à court ou moyen terme, de miner l'hégémonie américaine (Europe, Russie, Chine), en mettent en évidence une conflictualité inter-impérialiste en train de s'agraver profondément, bien qu'elle reste à un stade latent aujourd'hui, car actuellement aucune puissance n'est en mesure de contrer les États Unis simultanément sur le plan politique, militaire et économique; C) last but not least, voit l'apparition inattendue et invraisemblablement sanglante d'un ennemi perfide là où depuis de longues années il avait essayé de garder le contrôle total, à travers une politique réfléchie faite de complicités obscures et de distribution d'innombrables privilèges et immunités: parmi les potentats de ce "monde arabe" qui, depuis toujours, représentent les alliés les plus précieux (après Israël) de Washington, dans l'une des zones en absolu les plus riches de pétrole. Et c'est là, en effet, qu'on doit chercher de toute évidence la matrice originaire, bien cachée, des "Twin towers". Au de la des délires pan-répressifs imaginés ad hoc et amorcés habilement contre le fantôme d'un indéfini "Grand Satan" du terrorisme international (qui, quelque part, s'est révélé être un allié presque trop commode), au delà de la contre-révolution préventive, cachée derrière la "guerre infinie", que ces délires prétendent légitimer, au delà de l'inhumaine condition de négation de la vie même, imposée aux masses démesurées d'hommes et de femmes, objectivement poussées dans une spirale de réactions désespérées, au delà de tout cela, il reste une donnée qu'on ne peut pas éluder - pour le moment occulté par les U.S.A., presque dans une sorte de désespéré "refoulement pour conjurer le mauvais sort" - la désormais évidente la longa manus de larges secteurs de la "ploutocratie tribale" de l'Arabie, derrière l'énorme potentiel organisateur et logistique militaire de Al-Qaeda. Un "pouvoir fort", avec des ramifications inextricables jusque dans le coeur de cette finance mondiale dont les États Unis eux-mêmes sont protagonistes fondamentaux, un "pouvoir" évidemment pas plus disposé à tolérer le rôle de subalternité/dépendance économique-politique imposé, quand bien même avec des gants de velours, par un si encombrant et avide allié-protecteur, un "pouvoir" déjà là, et prêt à déchaîner une véritable campagne de déstabilisation des équilibres géopolitiques, en exploitant les contradictions de l'adversaire et in primis, évidemment, celles qui garantissent l'enrôlement des troupes à coût zéro parmi les rangs illimités des vraies victimes de la férocité despotique de celui-ci. Telles sont donc les fissures profondes et menaçantes, à la base de ce que certains fantaisistes aèdes de l'omnipotence "amérikaine" prétendraient proclamer comme le très consolidé "trône impérial" de l'Oncle Sam! Pour ceux qui ne sont pas encore convaincus il suffit jeter un coup d'oeil - par exemple - à l'étude Global Trends 2015, élaboré par le N.I.C. (National Intelligence Council) e par la C.I.A.: parmi les situations envisageables pour 2015 on y trouve un cadre dans lequel "l'alliance entre U.S.A et Europe s'écroule, à cause de l'intensification des guerres commerciales et de la compétition pour la leadership sur les questions de la sécurité". En même temps il se pourrait que "la Chine, l'Inde et la Russie forment de facto une alliance géostratégique, dans une tentative de contrebalancer l'influence étasunienne et occidentale" et/ou que "les principaux pays asiatiques établissent un fonds monétaire asiatique ou (ce qui est moins probable) une Organisation asiatique pour le commerce, sapant le F.M.I. et la W.T.O. (Organisation Mondial du Commerce) et par conséquent la capacité des États Unis d'exercer le leadership économique globale". A propos de ces problèmes on peut lire aussi le document stratégique du 30 septembre 2001 du Pentagone: "Même si les États Unis n'auront pas en face, dans le futur proche, un rival de force égale, il existe la possibilité que des puissances régionales développent des capacités suffisantes à menacer la stabilité de régions cruciales pour les intérêts étasuniens. En Asie, particulièrement, il existe la possibilité qu'émerge un rival militaire avec une base de ressources aussi formidable". La référence à la Chine, possible géant économique et militaire d'un futur prochain, est suffisamment claire, ... pour l'Arabie on pense plus prudent de glisser pour l'instant, en attendant la succession à l'actuel monarque momifié, sur lequel se préparent des demandes de comptes de portée inimaginable, par ailleurs déjà bruyamment annoncées à l'avance - comme mentionné auparavent - et, jusqu'au présent habilement "récupérées" au service d'un temporaire renforcement de son rôle de gendarme mondial, par la Maison Blanche (depuis toujours maîtresse sans pareille de cynisme politique-militaire raffiné et atroce). D'ailleurs, nous tenons à préciser que les hypothèses avancées par les documents-guide de la politique étrangère sont seulement des hypothèses prévisionnelles à moyen et long terme. Ce qui nous interesse ici c'est de souligner le fait qu'elles repèrent la précarité absolue comme trait caractérisant les relations entre les grands protagonistes de l'échiquier géopolitique, bien que évènements et dynamiques récents semblent, apparemment, tracer et anticiper un cadre de progressive atténuation des contrastes et des tensions. Parmi ces évènements, celui de majeur impact, médiatique-symbolique mais aussi bien substantiel, est constitué par le nouveau rapport (même si pour le moment à caractère consultatif exclusivement) qui s'est créé entre l'OTAN et la Russie. Un rapprochement que s'insère, en tout cas, dans une redéfinition globale du rôle de l'Alliance nord-atlantique. Putin en effet, il faut s'en souvenir, a imposé une majeure caractérisation en sens politique comme condition d'un véritable ralliement à l'OTAN de la part de la Russie. Et aux instances provenant de Moscou, il faut rajouter la considération du fait important que l'OTAN, pendant le démarrage de l'opération "Enduring Freedom", a été "écartée" de façon définitivement explicite. Si, justement, encore en1999 on discutait de l'élargissement du rayon d'action de l'OTAN, maintenant il est tout à fait clair que - surtout de la part étasunienne - il y a une tendance à la considérer "seulement" comme l'organisme militaire député à garantir la sécurité du contrôle dans le milieu strictement européen, c'est-à-dire rien de plus qu'une pièce de ce "nouvel ordre mondial possible", qui devrait être caractérisé par un réseau réticulaire d'alliances, apte à "blinder" le globe terrestre tout entier. Par ailleurs, comme l'ont désormais remarqué de nombreux "spécialistes", dans l'OTAN la force des composantes européennes est destinée à s'accroître, à cause d'une manifeste orientation de la Maison Blanche dans le sens d'une majeure autonomie et d'un caractère de plus en plus unilatéral dans la résolution des controverses internationales. En effet, le temps n'est plus à l'interventionnisme combiné avec les autres puissances, sous la suprématie yankee, mais toujours à l'intérieur d'un raccordement formel de collaboration américaine avec l'engagement d'autres pays. Passée aussi l'auto-représentation de cette modalité d'action dans le panorama international: la "guerre éthique", l'interventionnisme lié à des raisons présumées "humanitaires" ont fait leurs temps. Si ces "idéalités très édifiantes"mettent déjà en évidence leur féroce hypocrisie spectaculaire, dans une tentative opiniâtre de mystification idéologique des "effets collatéraux" des opérations de guerre/humanitaires qui déchaînent immanquablement l'extermination de populations inermes, moins que jamais celles-ci peuvent-elles être objet de propagande alors que c'est désormais une puissance unique qui agit et qui, en totale autonomie, déclare la guerre à ce que, à chaque fois, elle-même s'arroge le droit d'identifier comme "Le Mal". Il n'y a aucun doute, donc, que le moment que nous vivons soit marqué par l'unilpolarisme américain. Mais cet unilatéralisme ne renvoie pas (à la Toni Negri) à la force hyper-puissante d'un fantomatique, monolithique "Empire", mais plutôt à une effective perte d'hégémonie des U.S.A. qui, après 89, croyaient définitivement dominer en souverains incontestés/ables du monde. Une perte d'hégémonie toujours plus dramatique et difficile à contenir, à moins de recourir à "l'habituelle chère vielle" recette guerrière de Monsieur le Capital : de là (mais pas seulement comme on verra), la nécessité de rétablir son propre rôle hiérarchique et apical, à travers la relance de "l'instance militaire" - à nouveau ouvertement "guerroyé", après des décennies de "pacifique guerre froide" - comme élément qui, en soi, peut permettre à Washington de "régler/discipliner" les controverses internationales; et cela au moment même où on fait rentrer "par la fenêtre" ce volant bénéfique de l'interventionnisme d'état, en matière économique et de marché, qu'on avait triomphalement et idéologiquement "mis à la porte" à l'époque des "magnifiques destinées et progressives" d'une domination mondiale enfin épurée de la variable désagréable d'un "socialisme irréalisé", malgré tout toujours trop conditionnant. 3. De la mort de la politique à la domination de la guerre Bref, derrière les redressements des équilibres géopolitiques il y a la crise. C'est ce fait qui permet non seulement de définir un cadre d'ensemble de la phase actuelle, mais aussi de saisir le caractère structurel et endémique que la guerre est en train d'assumer: ce n'est plus une urgence mais la norme. Et la guerre, dans l'horizon qui se forme, entraîne un passage essentiel et continuement refoulé par les observateurs: la mort de la politique comme médiation et représentation. Le capital, qui dans les années quatre-vingt avait décrété la "mort de la politique" au nom d'une "logique du marché" devenue principe régulateur unique de sa domination définitivement globale, accomplit à présent un écart ultérieur et extrême, et impose directement au monde sa plus propre "logique de guerre"! Voyons ces passages plus en détail. Avec le mots de Marx nous pouvons dire que, dans l'état bourgeois, "l'homme vaut comme être générique, [...] il est le membre imaginaire d'une souveraineté imaginaire, il est dépouillé de sa vie individuelle réelle et rempli d'une universalité irréelle. Il est, en effet, porteur d'un "intérêt privé" en conflit avec "l'intérêt général". Sur la base de ce conflit "l'homme réel est reconnu seulement dans la figure de l'individu égoïste [le bourgeois, tandis que] l'homme vrai est reconnu seulement en tant que figure du citoyen abstrait". La sphère politique se perfectionne historiquement par l'introduction du suffrage universel et la naissance des partis de masse, passages définitifs pour l'entrée (récupération) des masses, justement, sur la scène politique. Tel processus a une double valeur: il signifie, d'un côté, accueillir quelques instances provenant des intérêts de la classe des travailleurs, de l'autre il comporte la réduction à sujet compatible du même prolétariat avec le système donné. Le parti de masse, donc, constitue une médiation "abstrayante", mais en mesure de déterminer un quelconque "lien ascendant" entre la volonté concrète de chacun en particulier et la gestion de la "res publica", lien quelque peu déformé/ant (dans le sens que, justement, il fait de "l'abstraction" des spécifiques déterminations matérielles) - de classe - des individus. De cette façon, la mystification présente dans la représentation démocratique-bourgeoise s'est accomplie: le "peuple souverain", tout entier, est reproduit dans les salles parlementaires, par l'intermédiaire de ses représentants, qui rendent "effective" sa souveraineté ("populaire"), en prétendent exprimer la volonté de la "société civile" sous une forme politique, tandis qu'en même temps ils exercent leur propre volonté personnelle, tout en profitant de la concentration, abstraite en elle-même, des "capacités de vouloir" des citoyens représentés, capacités aliénées dans le vote-procuration. La forme politique constitue la médiation (de fait compromissoire et à la baisse) entre intérêts matériaux irrémédiablement opposés dans la tangibilité du corps social: médiation ayant pour but la construction idéologique d'un impossible "bien commun", au nom duquel sauvegarder essentiellement la fonctionnalité systémique du cycle du capital. L'illusion partagée, constituée par le "bien commun", est essentielle en vue de clôturer le cycle de la représentation, sans laisser de résidus d'incompatibilités et d'altérités sociales, par rapport aux dynamiques fondantes de celle abstraction réelle qui connote le système donné de domination. Mais cycliquement de tels résidus, toujours exorcisés, recommencent à émerger et se révèlent tout autre que résiduels! Et cela parceque le mode de production capitalistique est fondé sur l'insoluble antagonisme entre capitalistes et prolétaires. A l'intérieur, ladite "société civile" est irrémédiablement scindée: elle n'est pas composée simplement d'individus qui, en poursuivant leur intérêt particulier à la Adam Smith, déterminent la concrétisation de l'intérêt général. Ceci pourrait être plausible dans une société d'individus qui, simplement, échangent entre eux des marchandises, entendues comme produits de leur propre travail libre. Mais quand un type d'échange différent apparaît, - la vente au capitaliste de la marchandise force-travail de la part du prolétaire - il se forme une véritable "antinomie: droit contre droit, tous deux consacrés par la loi de l'échange des marchandises. [Et] entre droit égaux c'est la force qui décide... la lutte entre le capitaliste collectif, c'est à dire la classe des capitalistes, et l'ouvrier collectif, c'est à dire la classe ouvrière". Cet antagonisme est résolu dialectiquement (dans le sens propre: en le retournant sur la tête à la façon "hégélienne") dans l'état bourgeois. En effet "l'État en tant qu'État annule ... la propriété privée, l'homme déclare supprimée politiquement la propriété privée dès lors qu'il abolit le critère du cens pour l'éligibilité active et passive". Et c'est en émoussant l'importance politique directe de la propriété privée, qu'on fait disparaître le poids, tout à fait politique, de cette propriété privée bien spécifique des moyens de production, qui définit la société capitalistique, et avec lui la valeur politique même politique de l'antagonisme entre capital et travail. Mais la solution de l'antagonisme est, justement, dialectique: elle supprime idéalement la propriété privée dans le ciel de la politique, en la laissant de fait subsister dans la matérialité du social. Et justement parce que l'antagonisme est inconciliable au niveau structurel, il faut qu'il soit résolu au niveau "super-structurel". L'unique façon de résoudre une contradiction est d'annuler les termes du rapport dont elle se nourrit. Mais cela à la fin signifierait nécessairement détruire le capitalisme. En conséquence l'unique solution disponible reste le refoulement, au sens psychanalytique, des termes eux-mêmes: les laisser "sophistiquement" de côté, ou mieux encore faire abstraction d'eux. Pour cela il faut préliminairement "réduire" l'antagonisme socialement nécessaire, qui fonde la société capitalistique - celui entre capital et travail -, à de purs conflits isolés entre des individus compris comme entités atomistiques, politiquement recomposables. Ainsi les classes sociales disparaissent et tout le monde est subsumé dans le cycle abstrayant de la marchandisation universelle, homologué dans la fonction de simples "opérateurs du marché" qui, librement et avec des droits égaux, offrent et demandent des marchandises en étant eux-mêmes, dans leur qualité humaine, réduits à pure quantité abstraite de valeur, à marchandise. Les intérêts de ces individus peuvent être ainsi représentés dans l'institution parlementaire et par là synthétisés dans un intérêt collectif au-dessus des égoïsmes particuliers (typiques de leur dimension "bourgeoise", c'est à dire comme sujets isolés vendeurs/acheteurs de marchandises, mis en relation par la concurrence et leur simple circulation). Le parlementaire élu, pour garantir le résultat, assume directement le rôle de représentant du "peuple" et non pas des particuliers qui l'ont délégué, et c'est à dire gardien du bien commun, dans la communauté imaginaire des "citoyens": l'état nation. Mais quand cette communauté imaginaire est conçue comme l'entreprise-pays, ce qui avait été scotomisé par le domaine de la politique redevient soi-même et l'absorbe même carrément. L'entreprise, devait rester en dehors de la communauté politique, justement parce que c'est le lieu par excellence de l'antagonisme direct entre capital et travail. Les individus devaient avoir une vie politique indépendamment de leur collocation sociale: ils devaient être individus abstraits, c'est-à-dire séparés de leur appartenance de classe. Les diverses étapes de l'institutionnalisation normative du corps social, de la cellule de parti jusqu'au parlement, à travers le cycle de représentation, pourvyaient à la dématérialisation de la détermination sociale concrète des individus, afin de subsumer cette dernière sous la mystifiante définition du "bien commun". La séparation entre le domaine syndical et politique, la partition rigide du travail entre parti et syndicat, concouraient au même résultat: scotomiser la complexité matérielle du social, en séparant ses attitudes le plus strictement corrélées, le long d'un parcours d'homologation/aliénation médiat à différents niveaux de représentation. Bien que les deux soient également inscrits dans les mêmes niveaux de la représentation, en tant que spoliation des sujets et de leur capacité décisionnelle, le syndicat et le parti fondent ce mécanisme de façon différente. Chaque représentant, en tant que tel, assume le contenu de l'universalité abstraite, l'intérêt général des ses représentés, déstructurant et dissipant par là la substance réelle, les autonomies concrètes et les intérêts spécifiques des sujets représentés. Toutefois, si le parti fonde la propre abstraction, ou bien la propre capacité à abstraire du caractère concret des représentés, par l'intermédiaire de la figure du "citoyen" (en recourant ensuite à des sous-espèces inscrites complètement au niveau de l'abstraction politique, comme "communiste", "libéral", "fasciste", etc.), le syndicat réalise un tel processus par l'intermédiaire de la figure du "travailleur". Une figure également abstraite, parcequ'elle légitime la cession de volonté et de pouvoir décisionnel (capacité de vouloir) au représentant, justement parcequ'il ne tient pas compte des déterminations matérielles des déterminations spécifiques du travail lui-même, en réalisant effectivement une unité parmi des travailleurs différents, mais une unité en réalité abstraite par ce qu'elle n'est pas fondée sur ce qu'il y a en commun entre les expériences concrètes particulières, mais sur la négation de telles particularités qui est par constitution intrinsèque à la subsumption dans l'abstrait (c'est à dire à la marchandisation) du travail humain, à son apparition sur le marché, comme travail abstrait, travail sans qualité. Cependant, même dans son indétermination, l'abstraction "travailleur" fait encore allusion, au contraire de l'abstraction "citoyen", à la matérialité des sujets. Elle en préserve une trace et c'est sur celle-là que les syndicats doivent s'appuyer pour obtenir la légitimité par rapport à la "base". Dans ce sens, à cause de cette allusion résidue, la "représentation sociale" dont les syndicats sont historiquement saisis n'est pas entièrement réductible au caractère abstrait et générique de la représentation politique. C'est à dire qu'elle conserve dans la figure du "travailleur" une référence non seulement à la matérialité des conditions des sujets représentés, mais aussi, en conséquence, au rapport objectivement conflictuel avec la contrepartie "capital", même si conjugué dans le lexique a-qualitatif de la marchandise, et donc à chaque moment recomposable dans le cycle de l'échange, de la "libre" négociation du marché, et compatible avec lui de façon fonctionnelle. Revenant sur notre discours sur la "communauté d'entreprise", c'est aussi pour cette raison que l'entreprise comme lieu du conflit ne peut pas devenir paradigme de la communauté politique: elle-même doit être objet d'abstraction et amoindrie de ce point de vue. L'idéologie du "capital humain", du "capital intellectuel" comme axe fondamental de l'entreprise, cherche à masquer l'antagonisme et à le transformer en coopération, d'occulter la domination et de l'habiller des plus présentables habits du consensus et de la co-responsabilisation: l'entreprise elle-même essaye de plus en plus de se présenter comme "communauté de l'entreprise". L"‘individu" compris d'une manière générale, dans la dimension atomistique que la société bourgeoise lui confère (et, donc, sans tenir compte du fait qu'il soit capitaliste ou travailleur), participe à la communauté de l'entreprise et, grâce à elle, acquit une sorte de "droit informel de citoyenneté" dans l"‘entreprise-pays", c'est à dire dans l"‘entreprise des entreprises". Et à ce point-là, la médiation même des partis de masse tend à disparaître. Le "peuple souverain" est ainsi privé aussi de cette sorte de "pouvoir consultatif", que ces organisations lui reconnaissaient formellement (à travers la participation à leurs structures) dans la détermination de l'offre politique. Telle offre est désormais construite en parfaite autonomie, par "l'entrepreneur politique" qui ne consulte le peuple qu'avec des sondages, pour en connaître à priori les orientations. Le vote n'exprime plus la "volonté du peuple", mais se limite à déléguer le pouvoir gouvernemental à une leadership sur laquelle on exerce un contrôle seulement au moment de l'élection successive, à travers la possibilité de confirmer ou désavouer le vote précédent. Chaque forme de contestation contre le gouvernement (que ce soit même nos "rondes" inoffensives, qui ont coloré un peu pathétiquement les derniers mois) devient une forme de subversion inacceptable des règles du jeu, qui prévoient la complète liberté d'action pour tous ceux qui se sont adjugés "démocratiquement" le droit à diriger le pays. Quiconque agit en dehors des consultations des urnes devient un défaitiste qui "rame à contre-courant", incapable de comprendre les règles du jeu: de toutes façons, le jeu doit toujours continuer! Vider les prérogatives parlementaires en faveur d'un pouvoir concentré dans les mains de l'exécutif, transforme ce dernier en une sorte de "conseil d'administration de l'entreprise-pays". Le pouvoir se concentre dans des mains aux fonctions de plus en plus théoriquement exécutives, pratiquement pleinement décisionnelles, sur le modèle de la gouvernance d'entreprise. Le gouvernement se révèle, effrontément, comme pur comité d'affaires de la bourgeoisie, centre essentiel de médiation entre les différentes fractions capitalistiques en concurrence entre elles: c'est-à-dire une sorte de "retour à l'ancien", à ces origines de la "démocratie" bourgeoise au sein de la quelle une représentation encore limitée par des critères censitaires ou de genre, conférait à l'état le rôle quasiment d'un conseil d'administration, et non pas de sujet régulateur des impulsions les plus auto-destructives dans les esprits bestiaux de Monsieur le Capital, comme ce fut au contraire le cas pendant la longue période du welfare. De cette façon le citoyen est réduit à pur consommateur de marchandise politique: les électeurs ne contrôlent le gouvernement que par le refus de le réélire, dans la même mesure où le consommateur ne contrôle la production que par le refus d'acheter une marchandise donnée. Dans les deux cas le citoyen/consommateur n'a aucun pouvoir de déterminer l'offre, mais il se trouve contraint à choisir a posteriori, par rapport à une série de propositions de plus en plus homologuées qui se distinguent seulement par un brand que n'a presque rien à voir avec les caractéristiques des produits/services offerts, et est déterminé au contraire largement par des pures opérations de communication. Les partis ne rivalisent plus pour assumer la représentation des divers groupes ou classes sociales, mais pour se faire directement porte-parole des diverses fractions du capital, dans une logique lobbyste de fait: la politique n'est plus représentation et médiation fondée et articulée sur les différents groupes sociaux, mais elle est lobbying afférente aux différents groupes capitalistes. Il n'existe plus de politiques alternatives qui se disputent la faveur de l'électorat, mais des partis ou coalitions politiques en compétition pour montrer leur meilleure capacité "technique" de mettre en oeuvre la one best way du marché. En substance, les capitaux particuliers directement, et non plus les citoyens particuliers, se débarrassent de leur nature individuelle ("propriétaire") et s'élèvent au rang de l'universalité abstraite de la politique. Mais, en même temps, cette abstraction est "amoindrie", elle acquit des connotations …plus "concrètes". Il n'est plus nécessaire de faire autant de jeux de mots pour s'assurer la rente spectaculaire du guignol de la "démocratie représentative", en respectant scrupuleusement des règles formelles: à partir du moment où l'intérêt du pays s'identifie toujours plus avec sa compétitivité dans le marché international, la médiation entre les intérêts des capitaux particuliers opérants dans un terroir donné devient l'unique médiation concevable. La finalité suprême de la politique devient explicitement et effrontément celle de créer les conditions les plus favorables à la valorisation du capital social global. Ceci, d'un côté, signifie mettre en place les meilleures conditions pour l'exploitation de la force-travail, de l'autre, signifie soutenir la compétitivité des propres capitaux par rapport aux concurrents qui attentent à l'espace vital (national ou étranger) pour leur valorisation. 4. Les "bénéfiques effets" de la guerre a) "Warfare state" Les susdits objectifs peuvent être poursuivis avec des moyens plus ou moins pacifiques dans des périodes de croissance économique suffisamment généralisée et consistante. Dans ces phases, en effet, les profits ne se "nient" à aucun capital, même si à différents degrés hiérarchiques. Dans les phases de crise de super-production générale, et surtout aujourd'hui quand on assiste à la tendance à la synchronisation des cycles dans les différentes zones du globe, le conflit économique tend à devenir guerre ouverte pour l'accaparement des parts les plus grands possibles de la plus-value globale qui est produite insuffisamment, pour la valorisation du capital mondial. Ce passage de l'économie à la guerre ne doit pas surprendre. Le monde des affaires a depuis longtemps emprunté comportements, mots, techniques du monde de la guerre: dans l'entreprise on porte des uniformes, on lance des campagnes, on va voir les progrès sur le terrain, on attaque la concurrence. En particulier, le langage et les concepts du marketing et de la stratégie d'entreprise ont été empruntés à la sphère militaire: guerre de défense, attaque frontale, attaque de côté, guérilla sont les lignes de conduite contemplées par le prétendu "carré stratégique", outil conceptuel très diffusé dans les textes de management. Dans les mêmes manuels d'une telle "science d'entreprise", et pas par hasard, Von Clausewitz et Sun Tzu sont parmi les auteurs les plus cités. En paraphrasant un peu le langage du marketing, on pourrait dire qu'aujourd'hui, à cause de la crise généralisée, la compétition économique est passée définitivement de la guérilla à l'attaque frontale. La politique comme représentation démocratique-formelle meurt, mais (comme nous l'avons esquissé et comme le démontre Vladimiro Giacché dans les pages qui suivent) l'état ne meurt pas. L'état aujourd'hui, d'une part, grâce à l'affirmation de la guerre comme donnée permanente et à un nouveau conséquent keynésisme de guerre ("warfare state") qui en découle, redécouvre sa propre fonction de volant de l'accumulation du capital; d'autre part, il voit aussi et surtout redessinés rôle, formes et modalités opérationnels (centralisation décisionnelle, vidage de la représentation) autour de la fonction qui plus de toute autre définit l'essence de l'état lui-même : "le monopole de la violence organisée". b) Contre-révolution préventive A la guerre sur le front externe, dans plusieurs points de tension géopolitique, correspond - liée intrinsèquement à celle dernière - une guerre sur le front interne. La "guerre infinie" est utilisée comme contre-révolution préventive, plaidée par les secteurs bourgeois les plus désenchantés à propos de l'impossibilité de revenir à l'état/amortisseur social: de ce côté là, il n y a plus de marges pour gérer une telle opération de redistribution et il s'agit seulement de discipliner le social par la force, en "bypassant" n'importe quel petit truc pseudo-démocratique, conjugué dans le lexique de la représentation politique et du droit. De cette façon, le passage du domaine de l'économie à celui de la guerre est accompagné, sur le front interne, d'une autre importante mutation, qui voit "l'État social" se transformer en "État pénal". On pourrait carrément parler d'une sorte de fascisation, si cela ne donnait lieu à des équivoques trompeurs. En réalité, les transformations décrites tout à l'heure, dans le domaine de la représentation politique, consentent de faire passer de façon relativement indolore toute une série de mesures substantiellement autoritaires. Si on suppose "normale" une série de limitations consistantes des droits et des pratiques de participation démocratique, il est possible, à l'intérieur de certaines limites, de modifier les instituts juridiques sans violer formellement le prétendu "état du droit". L'unique droit reconnu, en effet, reste le droit de voter, pour le reste les gouvernants peuvent avoir les mains libres sans souci d'enfreindre leur "légitimité" démocratique" (et personne, parmi tous les participants au petit jeu du lobbying parlementaire, ne rappelle jamais le fait que Hitler lui-même est arrivé au pouvoir tout en respectant pleinement la "légitimité démocratique" de "l'état du droit" bourgeois !). Face à ce spectacle (la crise objective du modèle, le passage de la politique à l'économie et enfin à la guerre, et la métamorphose de l'état social en état pénal) l'alternative marxienne, "la victoire du prolétariat ou la défaite commune des classes en lutte", et l'alternative luxembourgiste "socialisme ou barbaries", sont désormais inscrits définitivement et irréfutablement dans l'horizon du présent. Néanmoins, le contexte ici décrit déclenche des réactions défensives de nature politique et culturelle de la part des "perdants" du développement capitalistique (tant du "premier" que du "troisième" monde); des processus qui, en refoulant la nature inéluctable de cette alternative, essaient d'introduire une nouvelle articulation "de l'espace de la politique", qui arrive à servir de rempart de l'identité menacée, en remettant en vigueur cette dimension des limites territoriales indispensables à n'importe quelle "subjectivité" qui veuille se faire politique. A ceux-ci on veut opposer, du côté des vainqueurs, l'ultérieure proposition de la classique idéologie historiciste d'un universalisme de toute façon "progressif" et objectivement inévitable, que ce soit dans ses versions "illuminées" ("théorie des droits humains"), ou dans des variantes ouvertement agressives ("la civilisation occidentale comme civilisation supérieure"). En Europe, spécialement du côté des secteurs "libéraux-progressistes" ou des composantes technocratiques, qui conjuguent pouvoir économique et pouvoir politique, on fait la tentative de redéfinir la géographie des pouvoirs: la construction d'une "Europe politique", comme alternative à l'unipolarisme américain et à l'hégémonie sans égale du marché global, est vue comme une sortie possible par beaucoup de monde, paradoxalement même à l'intérieur d'une gauche qui se voudrait radicale. 5. Tertium non datur Examinons donc plus en détail ces réponses illusoires et dangereuses, en partant justement de cette dernière: la construction d'une "troisième voie" géopolitique, "l'Europe politique". a) La pâle social-démocratie de la nouvelle Europe La crise accomplie et irréversible de la confiance absolue dans les capacités auto-régulatrices du marché global et dans l'automatisme des rechutes sociales positives est désormais une donnée incontestable de fait. Face à la crise structurelle, à l'aggravation des conflictualités inter-impérialistes, à la guerre permanente, personne ne croit plus que "l'économique" puisse, en ôtant du pouvoir au "politique", assurer un développement constant et une répartition équitable des richesses. Un seul exemple: un technocrate comme Tommaso Padoa Schioppa, ex dirigent de la banque d'Italie et actuellement membre du sommet restreint de la Banque Centrale Européenne, affirme que "autant les partisans que les ennemis de la globalisation sont prisonniers du même mythe: l'idée de l'économie comme la seule structure portante de l'ordre social. [...] Même quand elle fonctionne au mieux, le marché ne produit pas tous les biens dont l'homme et la société ont besoin." En bref, une fois perdue la foi aveugle et inébranlable dans les vertus thérapeutiques du marché, entrepreneurs, banquiers, politiciens et technocrates redécouvrent la nécessité de la "politique", d'une régulation globale du système, qui puisse opérer une stabilisation et une médiation pour dépasser les contrastes et les contradictions. Mais la récupération de la dimension politique, dans un cadre de marché global rénové, a besoin d'une nouvelle définition de l'espace. C'est pourquoi, pour pouvoir entrer en compétition avec le géant américain, les pays européens doivent procéder en direction de la construction d'une stratégie partagée et d'une mise au point commune des pouvoirs et des ressources et, en perspective, d'une progressive unification des commandements. Si un tel discours a une indubitable rationalité, au le point de vue du combat inter-impérialiste, là où certains des adversaires de moyenne voient dans la construction d'intérêts communs l'unique solution pour pouvoir réellement rivaliser avec les États Unis, les versions "de gauche" au sujet de la nécessité d'une "Europe politique" sont, dans la meilleure des hypothèses, victimes d'un grave et coupable éblouissement. On ne peut pas partir d'une telle idée de la constitution de "l'Europe politique" (convoitée par Negri, par "Le monde diplomatique", ou par n'importe quel nostalgique du rêve social-démocratique à la sauce européiste), pour arriver à délinéer une alternative réelle à un existant déjà aplati sur une "logique de guerre" très explicite. La constitution d'une Europe "des droits" est tout à fait interne à cet existant, car elle s'interface avec l'illusion néfaste du "capital à visage humain" et elle coïncide, de fait, avec le pur renforcement d'un des protagonistes du concert mondial cacophonique joué par ces mêmes puissances qui de toutes façons dirigent les danses sur la partition d'un compositeur unique: Monsieur le Capital. En omettant les vides illusions des social-démocraties européennes, nous voulons observer ici comment, même dans cette attitude, se relèvent les limites du regard sur la réalité contemporaine de ce Toni Negri qui quelqu'un prétendrait encore pétri d'un caractère subversif très hardi: un regard tellement prisonnier de "l'Immanence" qu'il est incapable de lire "le présent comme histoire", en plaçant les évènements dans le processus qui les comprend. Désormais, d'après l'ineffable Totonno (Negri) et son jeune confrère (Hardt), chaque phase, ou mieux chaque moment d'une phase particulière, assume en soi une valeur absolue et, loin d'être l'objet d'une analyse concrète spécifique, chaque moment est identifié tout court comme trait distinctif d'une époque historique entière. Sur cette base on prétendrait, par la suite, calibrer une action de contestation qui ne pourra jamais transcender/dépasser le caractère transitoire de son objet, mais tout au plus ne peut que l'accompagner, et ainsi le "dévier" dans un sens irrémédiablement réformiste. Bref, qui a l'intention de comprendre la réalité, en positionnant comme il se doit les évènements actuels dans un horizon perspectif large et articulé de façon diachronique, ne peut que se confronter à un panorama qui échappe totalement aux transfigurations de l'immanent, mises en place par le professeur de Padova - et par ses confrères -, en cohérence avec le pâté de spiritualisme et d'idéalisme actualiste gentilien (Gentile) qui a toujours connoté sa noble pensée. Ce n'est que sur la base de ces principes qu'on arrive à comprendre pourquoi la constitution de l'Europe "politique et sociale" peut être considérée, et même parmi ceux qui font profession de foi de "pensée critique", comme <>. b) Le particularisme concret de la droite occidentale Venons-en maintenant aux illusions pernicieuses d'une "droite sociale" de plus en plus dangereuse. Le particularisme exclusiviste et excluant (à base ethnique, nationale, religieuse ou culturelle) est brandi par les droites occidentales comme abri contre les dommages de la globalisation et de l'immigration. Le rappel aux valeurs traditionnelles côtoie la défense de l'espace et des confins de la communauté, une communauté fondée sur le sang et sur le partage d'un modèle de vie en commun qui ne tolère pas, et ne peut pas tolérer, d'autres présences. Le cas du Front National de Le Pen n'est que l'un des plus éclatants, à cause du succès obtenu, de la durée du phénomène et de l'articulation du projet au niveau idéologique: exemple d'une droite occidentale qui voit dans le marché global la menace principale, et dans le métissage un risque mortel, à conjurer absolument. L'organicisme néo-communautaire se matérialise en deux aspects: d'un côté dans le culte de la communauté, une communauté soutenue par les valeurs de la tradition et constitué sur une base rigidement hiérarchique, avec une connexion intrinsèque du rôle (le culte) du leader charismatique et la récupération d'une division de genre du travail social, avec le retour de la femme à des mansions et des activités qui ne rentrent que dans la sphère privée; d'autre part, le refus (apparent) du racisme biologique en faveur du différencialisme culturel, caractérisé avant tout par l'abandon du thème non égalitaire et de l'assomption de la différence culturelle comme valeur absolue, d'où provient la condamnation du mélange et l'affirmation du caractère réciproquement non assimilable des civilisations et des cultures. Une condamnation pour défendre la propre communauté mais aussi - de façon instrumentale - les traditions et les spécificités culturelles des autres. L'ennemi n'est donc pas l'immigré en tant que tel, en vertu de son infériorité biologique et raciale, mais l'iimigré déraciné de son contexte et inséré dans des communautés qui ne peuvent pas l'accueillir sans risquer "l'abâtardissement" de la propre identité. Il va de soi que parmi les droites européennes, et pas seulement les plus extrêmes, tel raisonnement se sert d'arguments et slogans purement racistes. Néanmoins, c'est le différencialisme la particularité, l'outil proposé en tant qu'alternative à l'anonymie de la société du capital, à la " déterritorialisation" du marché global. Un outil qui, de cette manière, veut protéger ceux qui, de l'intérieur des métropoles capitalistique, sortent perdantes de tels processus. Le suces auprès du prolétariat français de Le Pen est un voyant symptomatique de ce court-circuit. Le syndrome de la " citadelle des autochtones assiégés par les barbares immigrés" est d'autant plus enquiétant qu'il est potentiellement expansible, dans le contexte de la crise objective du capital à l'échelle mondiale, qui a rétréci les citadelles du bien-être capitalistique. c) Le particularisme concret en sauce islamique Parallèlement aux particularismes qui s'affirment dans les sociétés occidentales, dans vastes zones du prétendu troisième monde" , les désastres humains et sociaux provoqués par l'irruption de la modernité capitalistique trouvent du terrain fertile pour des rappels, souvent instrumentaux et intéressés, à la reprise d'une " tradition" présumée et au fondamentalisme qui en serait le légitime gardien et apôtre. Le radicalisme islamique - le cas le plus éclatant de fondamentalisme religieux pour l'impact politique qu'il a eu et qu'il a - n'est pas simplement la ré-proposition de la tradition: derrière l'écran mystifiant de la tentative de retourner au passé, se cache une pensée nouvelle. Celle-ci est le fruit des nouvelles contions sociales et économiques nées depuis la seconde après-guerre; Jusqu'aux années soixante-dix, en effet, les pays arabes ont enregistré une croissance économique importante, un très fort développement démographique, une urbanisation intensive et une sensible alphabétisation. Avec les années quatre-vingt, pourtant, en correspondance avec les effets planétaires de la crise d'accumulation débutée à la fin des années soixante-dix, la croissance des pays arabes s'interrompt dramatiquement. Tout le Moyen-Orient devient une zone en marge du contexte de l'économie mondiale. L'unique lien décisif qui unit le monde arabe à l'occident développé évidemment est celui de l'exportation du pétrole. Le Moyen-Orient devient ainsi une zone sous-développée qui survit seulement grâce à l'exportation de matières premières. Des grandes périphéries urbaines commencent à apparaître, partout dans les villes du monde arabe, des grandes surfaces dépourvues de structures et infrastructures adéquates, habitées par une masse d'exclus avec une forte composante de chômeurs et de précaires. Les régimes nationalistes arabes commencent à perdre leur base de consensus, qui avait été fondée, autrefois, sur la lutte anticoloniale et sur leur capacité d'intégrer une quantité majeure de population dans le circuit de l'économie moderne. Le projet "Nassérien", qui venait d'esquisser une idée de nationalisme pan-arabe conjugué au lexique pro-industrialisation et partisan d'un modèle de développement modernisant, est balayé définitivement. Ce projet n'échappait pas au schéma bipolarisé de la guerre froide et il était afférent à cette zone "grise" des "pays non alignés", qui fut le théâtre des stratégies opposées d'instrumentalisation, sur l'échiquier international, de la part des deux blocs adversaires. L'impérialisme américain qui n'avait certes pas entravé la naissance de ces phénomènes, facteurs objectivement déstructurants de la vieille hégémonie angle-française survécue au second conflit mondial, élargit ses trames hégémoniques à tout l'espace moyen-oriental, après avoir déjà expérimenté ce genre de trames dans le soutien au projet sionistique de l'état israélien. Et c'est ainsi que les régimes laïques et nationalistes des états arabes, apparus à la dissolution du colonialisme, ont démarré leur processus lent et incessant d'"islamisation", qui est en train de donner aujourd'hui ses fruits les plus empoisonnés (difficiles à digérer même, paradoxalement, pour les fortes capacités de "l'estomac" yankee !). L'idéologie religieuse a été employée pour créer petit à petit une nouvelle base de consensus et freiner le développement des mouvements encore plus radicaux "de gauche" (qui étaient inspirés du/par le "champ socialiste"). Dans ce contexte, issu des transformations intervenues à la fine des années soixante-dix, les mosquées, avec leurs activités d'assistance sociale, de recréation, et culturelles, restent l'unique pole agrégatif possible pour un prolétariat urbain exponentiellement grossi. Mais une partie de la classe moyenne aussi est attirée dans l'orbite de l'islamisme, parcequ'elle a été poussée aux marges de la société ou en tous cas elle voit baisser son bien-être et se voit nier toute influence sur le pouvoir politique, qui demeure toujours solidement autoritaire; le pouvoir économique, justement, est apanage d'une élite liée étroitement au pouvoir politique. La caste économique-politique dominante est, à son tour, liée aux intérêts économiques occidentaux, qui utilisent cette nouvelle bourgeoisie compradora pour monopoliser le contrôle des sources énergétiques et de l'emploi des gains pétroliers, tout en faisant d'elle une complice dans la déprédation des ressources locales. Cette énorme richesse pourrait être, autrement, une base excellente pour un développement économique qui irait fatalement contre le capital occidental, surtout dans une phase qui après les "trente glorieuses" du boom de l'après-guerre, cède le pas à des années de lourde crise de superproduction, dont on voit se prolonger les effets à l'heure actuelle. Dans une situation pareille on comprend comment à travers le fondamentalisme islamique, on se retourne vers le passé: c'est comme si, face à une modernisation avortée - pas avant d'avoir produit des désastres sociaux et d'avoir induit la rapide et définitive dissolution des structures sociales préexistantes -, on s'adressait à un "âge d'or" mythique et passé, en se leurrant de pouvoir le reproduire encore. Mais ce n'est rien d'autre qu'une douce illusion: les rapports sociaux, qui fondaient les anciennes coutumes et les "vénérables" cultures précapitalistiques, sont morts et enterrés, que se soit dans le Moyen Orient, ou dans la grande majorité du globe. Les anciens liens communautaires sont définitivement brisés et à leur place siège en position dominante un atomisme marqué par une misère matérielle si grave qu'il met en danger l'auto-reproduction d'énormes masses d'individus. A celles-ci n'est permise que la simple contemplation du monde rayonnant des marchandises, sans pourtant y pouvoir accéder. Le paysan précapitalistique ne connaissait que son champ, cultivé par lui-même, et son village, tandis que les damnés du troisième monde peuvent voir toute l'aveuglante splendeur de l'occident, réfléchi sur les vitrines des boutiques ou sur les écrans des télévisions, mais s'ils tendent leurs mains pour saisir le fruit interdit des marchandises ils se heurtent à une glace infrangible: pour eux ce monde-là est transparent mais inaccessible. La pulsion frustrée devient "religieusement sublimée" au nom de hiérarchies des valeurs dérivant d'une tradition archaïque, qui semble classiquement se référer à une sorte d'organicisme communautaire qui aurait eut lieu dans ces modèles sociétaires. Mais là où sont niées même les plus élémentaires des bases de survivance, ces racines ne suffisent pas à expliquer le sens d'une condition si atroce. La sublimation peut donc devenir une vraie et propre pulsion de mort, même quand elle est interprétée par un mysticisme fondamentaliste qui se fait projet politique. Mais cette catharsis purificatrice et suicidaire est tragiquement instrumentalisée/able par des potentats anxieux d'obtenir un regain de reconnaissance et d'internité, par rapport au cycle de valeur qui produit ces vitrines. D'ailleurs, le retour en arrière est impossible. Considérons seulement un phénomène le plus éclatant: le développement démographique. La croissance élevée de population dans les zones du troisième monde n'est pas la conséquence de quelque loi métaphysique malthusienne: elle est la conséquence même du sous-développement. On le sait bien, dans le monde occidental la natalité est contrôlée, la société s'est donnée elle-même des formes d'autorégulation. Par ailleurs il est probable que des mécanismes similaires puissent être repérés dans chaque type de société structurée de façon cohérente, si on les cherche avec attention. Tandis que des dynamiques de cette nature ont complètement sauté dans le tiers monde et, plus grave encore, sans avoir été remplacées par des nouvelles, parce que le vieux mode de production et ses mécanismes d'autorégulation ont disparu sans qu'à leur place se soit affirmé rien de semblable à un système cohérent, autosubsistant. Or prétendre ici de résoudre le problème par le retour aux vielles cultures - et aux vieux modes de production et reproduction, basés sur des forces productives à niveau bas -, signifie condamner à la famine une partie importante de l'humanité, ou - pire encore! - à une décimation de l'humanité sans pair dans l'histoire. Les vieux modes de production, en effet, pouvaient satisfaire, quoique misérablement, les nécessités reproductives d'une population considérablement plus petite de celle actuelle. d) L'universalisme abstrait du "capital à visage humain" Au particularisme concret des droites européennes et des fondamentalismes religieux s'oppose, de manière stérile, le renvoi à l'universalisme de tradition illuministe, opéré par la culture démocratique et progressiste occidentale. La "civilisation occidentale" représenterait le lieu d'abordage le plus élevé de l'histoire de l'humanité: le respect pour les droits de l'individu et du citoyen, les garanties libérales, les libertés démocratiques, le développement économique, les protections sociales, le laïcisme et le pluralisme culturel sont ses traits les plus identifiants. Tels traits, rappelés en sens meta-historique et de fait idéologique - c'est à dire au-delà de leur effective vigueur désormais épuisée dans ce monde occidental qui avait été, c'est vrai, son expérimentateur originaire - devraient être patrimoine de toute l'humanité et pas seulement d'une part exiguë de celle-ci. Mais il y pire, sur la base d'un discours rarement explicité (à exception du gaffeur de Arcore Berlusconi, de la raciste Fallaci et de quelques autres), la civilisation occidentale est proclamée " civilisation supérieure", et en raison de cette supériorité devrait être appelée à s'imposer, "humanitairement", au reste du monde. Si le discours de la "civilisation supérieure" n'est pas perçu comme politically correct, on accueille et on partage largement l'idée que le complexe de droits, libertés et protections, virtuellement encore garanti aux citoyens occidentaux, constitue des valeurs universelles et que, justement, il faut les exporter dans tout le globe; l'idée qui a fondé, au-delà et contre les "nobles intentions", de fait l'impérialisme culturel qui a été, pendant trois siècles, complément justificatif de la domination colonial et l'idée qui, maintenant, offre la possibilité d'ouvrir la porte à une interprétation "démocratique-progressiste" pour couvrir l'expansionnisme e "l'interventionnisme" des puissances impérialistes. D'autre part, l'idéologie du "combat entre civilisations" est l'inévitable corollaire implicite de l'initialisation de l'opération "Enduring Freedom". Une idéologie consciemment falsificatrice qui a besoin, pour se soutenir, de postuler l'existence de modèles de civilisations différents, qui ne peuvent coexister en aucun cas. Une idéologie obligée aussi à exalter emphatiquement cette "hétérogénéité multiple" que des processus unilatéraux et violents en cours sont en train de réduire à unité homogène. Dès maintenant il n'y a qu'une seule civilisation déjà: celle qui a eu la force de supprimer ou subsumer les autres, non sans avoir rencontré des résistances significatives et des moments transitoires d'opacité intermédiaire de la part des communautés impliquées dans le nouveau développement capitalistique. Le cycle du capital a en effet envahi le monde désormais, en homogénéisant progressivement (dans l'aliénation de l'abstrait) la structure sociale de régions très distantes sur le plan "espace-temporel" et en imposant son propre modèle, sans pourtant garantir la "réciprocité" effective dans la redistribution des richesses et des pouvoirs; et tout ça, dans une extension à l'échelle planétaire qui conjugue coaction directe et consensus induit, et universalise une seule et exclusive "partie" (la seule propédeutiquement fondamentale pour Monsieur le Capital ), celle de l'échange, du marché, tandis qu'elle abandonne toutes différences à leurs propres autonomes "inertialités", car ces différences là, loin de toucher la sphère des déterminations concrètes des individus, ne regardent que la sphère des projections auto-perceptives, aliénées dans l'abstraction religieuse et pour cela tout à fait compatibles au système. Un seul exemple: l'Afghanistan des Talibans, île socialement et économiquement arriéré, a connu la coexistence d'une sorte de théocratie ultra-traditionaliste avec l'emploi habile de nouvelles économies (en particulier dans les domaines de la communication et militaires). Les termes pour pouvoir parler, à la rigueur, de "guerre de civilisations" n'existent donc pas! Si le particularisme concret veut affirmer une fermeture vers l'extérieur, pour défendre les identités menacées et les protéger de l'autre, porteur d'une diversité irréductible, l'universalisme, au contraire, préconise la diffusion des valeurs et modèles culturels communs, qu'on prétend être préexistants aux constructions idéologiques ou politiques, en niant ainsi toute spécificité historique-matérielle. Il s'agit d'une opposition qui cache alors une spécularité: l'opinion partagée selon laquelle, l'une et l'autre des deux options (idéologiques !) considèrent que l'existence concrète des individus ne peut pas coexister avec la commune appartenance à la vraie et universelle "communauté humaine". L'universalisme pense que seulement la négation des spécificités des existences humaines concrètes et l'affirmation de valeurs absolument abstraites rendraient faisable une telle hypothèse, alors que le particularisme soutien que la défense et la restauration de ces spécificités (profondément mal compris, voire manipulés!) comporterait nécessairement la fermeture et l'exclusion par rapport à celui qui est différent. Une spécularité pareille a engendré un véritable court-circuit. Qu'a représenté le cas hollandais de Pym Fortuyn, sinon cette contradiction? Le cas d'un dandy libertin, libéral et laïque qui voit le côté culturellement progressif et ouvert de la société occidentale mis en danger par l'arrivée, non pas de divers (les immigrés), mais de la "diversité" (cultures différentes, sous beaucoup d'aspects plus rétrogrades, qui refusent ces aspects progressifs justement), et qui propose la fermeture et l'exclusion sélective comme défense de l'ouverture (tolérance, inclusion etc.). Que représente-t-il sinon un tragique et paradoxal court-circuit du contraste entre particularisme et universalisme abstrait? Comment rompre ce cercle vicieux qui semble nous contraindre à défendre les valeurs progressives de la modernité au détriment de ceux qui en sont exclus ou, alternativement, à défendre ces exclus en renonçant aux valeurs? LLa seule façon réside dans le dépassement en avant et non par en arrière des contradictions de la modernité ! Encore une fois c'est au "barbu" habituel que nous puisons pour aborder le problème dans ses termes corrects. L'unique solution est de regarder en avant, vers un stade ultérieur de la société humaine: <> constitue l'unique chance de l'humanité! <>, ici Marx parle du capitalisme comme système contraire à toutes les autres sociétés fondées sur "des rapports de dépendance personnelle (...où ) la productivité humaine ne se développe que dans un domaine limité et dans des points isolés>>. La dépendance matérielle, - c'est à dire la séparation entre producteurs et moyens de production - caractéristique exclusive du mode de production capitalistique, c'est l'obligation de vivre dans des conditions de misère pour une partie croissante de la population, à cause des dynamiques intrinsèques de la valorisation capitalistique. Dans ce contexte, sous la protestation intégriste contre la modernité, se cache le cri de douleur pour une modernité avortée qui a, néanmoins, éradiqué les bases des vieux modes de reproduction sociale. Il n'y a que le communisme qui puisse donc être porteur d'un universalisme concret; capable de synthétiser avantageusement ce qu'il y a de bon tant dans la culture occidentale, que dans les résistances/rémanances aux bords du marché capitalistique. Seul le communisme peut se relier non pas au refus total de la modernité, mais à la définition d'un autre chemin qui sache partir de celle-ci, en tenant compte ici et maintenant des conditions historiques-sociales spécifiques de ce présent, dans la direction du "royaume des libertés", vers la communauté humaine. L'unique solution est donc de regarder en avant, vers un stade ultérieur de développement de l'humanité, finalement au-de-là de sa "préhistoire", l'âge de la nécessité, vers la société humaine: <> constitue l'unique chance de l'humanité! II Les Abords Difficiles Du Prolétariat Universel En Lutte 1. Le prolétariat universel: quelques chantiers ouverts La critique de la dialectique stérile entre particularisme concret (de la droite) et universalisme abstrait (de la "gauche bourgeoise") devient de plus en plus urgente. La "barbarie" avance, que se soit sous forme de retour à des présumées traditions (intégrisme religieux, ethnicismes) ou de "progrès" (guerres, option nucléaire, "défense des valeurs occidentaux"), elle s'inscrit dans cette dialectique, et par cette dialectique elle est alimentée, à l'ombre de l'horizon idéal/idéologique ainsi déterminé. Et telle critique ne peut qu'assumer le contenu de l'universalisme concret de l'option communiste, qui dévoile et nie radicalement l'abstraction illuministique-bourgeoise, ainsi que le différencialisme (à la sauce " crypto-réactionnaire" et à la sauce " pseudo-antagoniste" ), dans la perspective d'un métissage égalitaire et libertaire, comme condition indispensable pour la vraie communauté humaine, enfin réalisée. Nous continuons à ne pas voir des alternatives à l'alternative marxienne-luxembourgienne: contre la guerre permanente globale du capital, le communisme, en déployant toute sa radicalité et cohérence, reste l'unique chance. Face à l'épouvantable crise du système capitalistique, l'option du communisme répond en s'ancrant dans ce terrain de la production/reproduction sociale, dans le rapport direct (vis-à-vis) capital-travail, là où le droit formel n'a jamais été en vigueur mais où, à sa place, a toujours valu le " droit de la force" , l'affrontement direct, sans possibilité de médiation, entre les protagonistes opposés du cycle de production: la négation et la négation de la négation. Et face à une domination capitaliste qui s'est globalisée, l'adversaire de cette domination ne pourra qu'être à sa mesure, global: le prolétariat universel. Ces Messieurs savent que son irruption sur le scénario international comme classe unique (bien qu'elle contienne des myriades de segments), comme sujet collectif révolutionnaire à l'échelle planétaire, sonnera pour eux " les cloches de la mort" ! Voilà pourquoi l'actuelle " guerre infinie" , même si elle est destinée à faire exploser à nouveau des conflits ouverts et dévastateurs, les voit encore unis pour le moment, dans l'effort global de contenir/réprimer les contradictions qui traversent la planète. Des contradictions qui engendrent des phénomènes contestataires de moins en moins contrôlables, qui risquent d'amorcer un processus de recomposition matérielle de toutes expressions multiformes de la rébellion sociale contre leur domination: un niveau d'unification prolétaire qui n'avait jamais atteint une telle hauteur, car il est davantage et définitivement enraciné dans la perception consciente des exploités, à chaque coin de la terre, d'être une " partie organique" d'un ensemble plus grand et répandu dans le globe. C'est justement un tel niveau d'unification, " le spectre" qui agite les nuits et le sommeil de ces Messieurs. Et face à l'horreur qu'il suscite, les intérêts immédiats sont souvent sacrifiés. Il arrive qu'un conflit entre différentes nations du capital international, d'une durée et intensité particulières (par l'ampleur de ses enjeux stratégiques), soit désamorcé consciemment dans la crainte de créer, dans l'acharnement du combat, des conditions favorables pour le déclenchement d'un processus de prise de conscience et d'unification des luttes du prolétariat local, avec en conséquence le danger d'élargir le rayon de ces luttes aux régions limitrophes et activer une dynamique potentiellement illimitée. Dans ce sens, le sanglant conflit israélien-palestinien est tout à fait paradigmatique. Israël n'est plus le " bastion de l'occident" dans le monde arabe, mais il s'est progressivement auto-réduit à être l'avant-poste privilégiée des seuls États Unis, dans une zone stratégique où la concurrence européenne est de plus en plus importante. Si les U.S.A. soutiennent l'agressivité israélienne, même dans ses projections en avant contre les pays voisins, et son refus de la création d'un État palestinien, l'U.E. par contre semble intéressée à la consolidation d'une Palestine finalement indépendante: un état autonome, libéré d'Israël, qui pourrait rejoindre les autres pays arabes avec les quels l'U.E. entretient des rapports économiques et commerciaux. Mais le soutien européen à la cause palestinienne ne peut qu'être tiède et circonspect: il y a le problème de l'Intifada, dont tout le monde craint les évolutions, les avancements possibles. Et il est vrai que, si cette forme de lutte par le bas arrivait à abandonner ses formes désespérées et aphasiques sur le plan politique (c'est le cas des kamikaze), des perspectives nouvelles pourraient s'ouvrir en Moyen-Orient: l'éventualité, par exemple, d'une propagation et d'une réarticulation de cette lutte, capable de mobiliser davantage les prolétaires palestiniens - qui pour Israël sont, depuis le début, une source de main-d'oeuvre à des prix dérisoires -, pourrait entraîner des conséquences énormes, vue la contestation en cours de la représentation de l'Autorité Nationale Palestinienne, et faire émerger et imposer la centralité de l'instance de classe à l'intérieur de la question de l'autodétermination nationale. Et à ce moment là d'après ces Messieurs - TOUS! -, l'hypothèse d'un évolution de l'Intifada est à conjurer bien évidemment! Une hypothèse qui, non sans raison, oblige l'U.E. à continuer de chercher, avec les U.S.A., une solution commune du problème, malgré les divergences objectives de leurs intérêts. Le fait est que U.S.A. et U.E. craignent le retour de ce " fantôme" mille fois exorcisé et mille fois réapparu! Tous deux savent qu'un lent processus souterrain est en train de redonner corps, à niveau mondial, à leur véritable ennemi unique, inéluctable et mortel: le prolétariat qui depuis le jour de son existence menace leur pouvoir, étant innervé à la base par constitution, dans les rapports de production-reproduction sociaux, qui en sont l'expression directe et fonctionnelle. Ce n'est pas un hasard si, au-de-là des conflits actifs plus ou moins souterrainement entre les acteurs principaux de la géopolitique mondiale, et au-de-là aussi de l'actuel choix homicide de la " bande à Sharon" , il y a un acquis pour TOUS ces Messieurs: le conflit israélien-palestinien devra être résolu dans les formes de la politique et, donc, à " l'abri" de ce même modèle d'état-nation intrinsèquement conçu par et pour la logique de domination spécifique à la classe bourgeoise. Ce genre de morphologie à caractère institutionnaliste, en fait, est l'unique qui prévoit des mécanismes pour briser dimension particulière " par le bas" qui a marqué jusqu'à présent l'Intifada et ses manifestations successives. Elle constitue l'unique outil de " normalisation" possible, pour redémarrer ce cycle de la représentation et de la médiation politique qui, à lui seul, peut " redonner corps à l'abstraction réelle" d'une leadership légitimé selon les canons prévus (de Madame la Bourgeoisie) et pour cela " crédible" sur l'échiquier des relations internationales. Et peu importe si cette leadership tombait probablement, étant donnés les équilibres internes aux différentes fractions actuellement actives en Palestine, dans les mains des " peu recommandables" fondamentalistes de l'Hamas, la seule organisation politique capable d'afficher, dès maintenant, un niveau quelconque de " légitimation" sur le plan de la capacité gestionnaire d'assurer une base d'infrastructures assistentielles, comme ce n'est pas le cas de la nomenclature corrompue et largement discréditée de l'Anp. Face à cela, faut-il garder et affiner une capacité critique pour reconnaître et soutenir la seule chance d'éviter, grâce à la poussée décennale que les masses palestiniennes continuent à exprimer par le bas, les nécrogènes " fourches caudines" cachées derrière le slogan " Deux peuples, deux états" : dans la meilleur des hypothèse l'aliénation politique de l'état laïc/bourgeois, au pire des cas la théocratie d'un état étique/fondamentaliste. Cette poussée pourrait, en effet, inaugurer un laboratoire expérimental des formes de gestion publique délivrées des mécanismes de délégation et en mesure, peut être, de mettre en place une recomposition directe du social dans une perspective qualitative qui est finalement consciente de son altérité par rapport aux aménagements de la domination capitaliste. Mais il est hors de question que ce passage puisse s'achever dans le cadre d'une fantomatique gestion interéthnique israelo-palestiniennne. Les Palestiniens, on l'a déjà dit, représentent pour le capital israélien une resource de force-travail inrenonçable et donc, dans le contexte immédiat d'un inéluctable conflit avec celui-ci et l'état qui le soutient, ils seront appelés à se reconnaître en tant que fraction du prolétariat universel. Si un tel passage s'accomplissait, une situation nouvelle verrait le jour, situation de fait très semblable à celle des moments les plus hauts de l'expérience zapatiste, mais avec un avancement plus important. Loin des instrumentalisations spectacularistes de certains politiciens de chez nous, le peuple du Chiapas a su tracer un parcours de recherche, au-de-là des formes abstrayantes de la politique, tout en arrivant à conjuguer la particularité concrète de son identité socio-culturelle avec l'universalité, aussi concrète mais pas encore capable d'une expression directe aussi authentique, du prolétariat universel: et par là ce peuple a anticipé l'urgence de " l'évènement Seattle" . Le peuple palestinien commence son parcours avec des racines solides dans la modernité dolente qui le voudrait, objectivement mais encore inconsciemment, positionné dans une condition prolétarienne totalement fonctionnelle aux intérêts du " sub-impérialisme israélien. Il s'agit bien, pour celui-ci, de prendre conscience de cette condition de classe, pour éviter le piège de l'encagement/récupération dans les formes de l'aliénation étatique, et pour jouer la carte des formes publiques d'auto-organisation qui pourraient trouver, à ce moment là, un patrimoine de référence capital dans l'expérience zapatiste. Évidemment, tout cela comporte l'énorme responsabilité de tous ceux qui luttent pour diriger le vent de Seattle contre les rapports de production capitalistes. Ces derniers, en élargissant leurs filières des métropoles nord-occidentales aux périphéries de tous les " Sud" du monde, sont le lieu possible de recomposition où le prolétariat universel pourra aboutir à son auto-détermination en tant que nouveau sujet collectif révolutionnaire. Pour les prolétaires palestiniens il n'y a pas d'autre voie que celle de pouvoir se reconnaître comme effectivement englobés dans le processus constituant d'une altérité " communautaire" réelle et opérante, sans lequel ils ne pourront certainement pas espérer éviter le passage fatal de la normativisation oppressive de l'institution étatique qui est, inéluctablement et de tout façon, pétrie de l'aliénation de l'abstrait. 2. Les Retards de la subjectivité anticapitalistique. Par ailleurs, c'est justement le capital lui-même qui, par sa nature, est toujours obligé de créer les conditions matérielles qui puissent favoriser un tel passage. Il subsume chaque forme productive, y compris les plus archaïques, en introduisant chaque produit/activité de l'homme dans le marché mondial. Mieux: il homologue les structures sociales dans les différents pays (tout en soulignant, bien entendu, que les conditions d'exploitation dans les pays " en développement" sont toujours les plus extrêmes) et, pour l'avenir, les conséquences de ce processus peuvent être vraiment extraordinaires. La marchandisation universelle et la conséquente universelle précarisation de la vie quotidienne de milliers d'êtres humains, partout dans le monde, produisent les conditions matérielles, enfin, pour une chance de libération autant possible qu'indispensable et très urgente, vers l'altérité radicale d'une " communauté humaine" qui ne pourra qu'être, justement, universelle. Pour conjurer cette occasion historique, cette possibilité d'unification concrète, Monsieur le Capital, comme d'habitude cherche à diviser ce que, malgré tout, lui-même est matériellement forcé à unifier. Comme on l'a vu, il a toujours cmasqué/empêché une telle unification, en transposant et en refoulant sa nature concrète dans des formes aliénées de l'abstraction universelle: la religion, le droit, la politique ont été jusqu'à présent les armes de sa stratégie, pour interdire la réémergence des déterminations spécifiques et concrètes des individus, leurs différences de classe et les contradictions matérielles insupprimables dont celles-ci sont l'expression et au centre desquelles se matérialise celle qui existe entre capital et travail, qui les fonde toutes. Malheureusement, au-de-là de l'objective " rente de position" garantie par cette conjoncture de durcissement des contradictions matérielles qui minent aussi les bases du cycle et de la domination du capital, il est nécessaire de mettre en évidence un grave retard, sur le versant de la subjectivité anticapitalistique. Si pour souligner ce fait préoccupant, le cadre général de la dialectique sociale qui, même en se réactivant à l'échelle planétaire, continue à exprimer des valences de refus et de rébellion, on trouve une confirmation ultérieure de cette appréciation dans le très particulier " cas argentin" . Et celui-ci, malgré son exemplarité inégalée, est instructif sur le plan d'une définitive " mise à nu du roi" , suivie et accompagnée d'une délégitimation universelle du " pouvoir constitué" (et de ses laquais politiques de toutes couleurs, ainsi que de ses " parrains impériaux" ). En effet, même si en Argentine depuis presque un an déjà on assiste à une mobilisation large et sans doute pas éphémère (qui rappelle vaguement l'époque des cordones obreros de Santiago et Valparaiso, avec ses réseaux de comités territoriaux d'autogestion et auto-organisation, au temps de Unidad Popular, sauf - comme suggéré par l'appellation - que ceux-ci étaient enracinés dans les cités industrielles et prolétaires des deux métropoles chiliennes), l'impasse dramatique de la situation stationnaire de cette " révolte populaire" , risque de confirmer une fois de plus, de toute évidence et sans aucune pudeur, le fait qu'un monde différent est certainement nécessaire, mais en même temps terriblement " problématique" : la " multitude qui désobéit" ne représente pas une force capable de changer le sens du mouvement inertiel qui reproduit, en pire, l'état des choses présent. La " multitude" , à nouveau, ne se révèle en rien d'autre que le corps social lui même, (c'est à dire la fantomatique " société civile" , homologue de " l'ânerie" qu'était le " peuple" pour Marx) en son état d'atomisation et d'impuissance objective conséquente. La pure et immédiate rébellion à l'état présent des choses, ne peut qu'affirmer comme première expression de soi-même, un antagonisme acéphale, un refus qui nécessite un ultérieur passage, qualifiant et essentiel: ce qui est urgent, sur le versant de la subjectivité, est une pratique théorique de masse capable de se conjuguer dans le lexique d'une autonomie réelle et d'une projectualité consciente et possédant une orientation finalistique, centrée sur la ligne de faîte qualitativement déterminante du rapport capital/travail. Sans un écart subjectif de telle portée sur le plan d'une autodétermination stratégique active, le court-circuit de la passivisation ne peut que se remettre en marche, en reconduisant tout sous la domination du cycle de l'abstrait. Ce cycle de l'abstrait qui donne substance à la réalité du processus de valorisation du capital, en cachant la commune fondation des individualités, sous l'unique forme relationnelle aliénée qui leur est concédée en tant que marchandises (le marché!), qui composent la " multitude" elle-même: un fondement exécutable uniquement à l'intérieur du " laboratoire secret de la production" , dans la complexité réticulaire des rapports sociaux de production. Sans la conscience critique et de masse de telle " fondation" , dans un " corps social" unifié seulement par l'aversion commune contre le pouvoir politique-économique " transcendent" , on ne peut résoudre ni hégémoniquement" , ni " conflictuellement" les profondes fractures de classe, qui traversent chaque prétendue " société civile" . Et une fois de plus, l'Argentine docet: les assemblées des barrios n'arrivent pas à recomposer, par la seule dialectique de la démocratie directe autogestionnaire, l'antagonisme des intérêts de classe opposés, comme c'est le cas des intérêts des couches moyennes, qui voudraient rétablir le status quo ante, quand elles avaient la concession de se partager les miettes des banquets spéculatifs-financiers et du prolétariat qui, dans les conditions qui précédaient la crise, n'avait que sa propre misère à partager. La précarisation structurelle du prolétariat, aboutie aujourd'hui à l'expulsion définitive d'énormes masses de salariés chassés de leur postes de travail (les piqueteros), doit arriver à produire, dans ses rangs, une pleine conscience critique de ses intérêts spécifiques, forcement en conflit avec qui revendique en priorité que des petits privilèges perdus dans le déchaînement d'une crise systémique dont on n'imagine pas encore vraiment les conséquences (Venezuela, Uruguay, Columbie, Chili, indiquent une crise structurelle en expansion partout en Amérique Latine). Et la pratique directe sur le terrain concret des besoins prolétaires, en Argentine comme n'importe où, reconnaîtra, sans aucun doute, et démontrera dans les luttes auto-organisées sur le front stratégique du conflit anticapitaliste, à l'intérieur des rapports de production, la réelle autonomie d'un nouveau processus de recomposition politique de classe. Toujours dans l'exemple offert par l'emblématique et avancé cas argentin, un débouché inévitable serait une crise tragique sans solution, SI par malheur on devait en rester à l'existant, et on confondait les traits embryonaux d'un nouveau sujet collectif révolutionnaire avec sa forme accomplie. Les difficultés actuelles deviendraient ainsi des obstacles structurels et ontologiques. Et justement cette conviction, hélas!, a été très pernicieusement diffusée même parmi ceux qui, à l'occasion du trop " bigarré" kaléidoscope du Forum intercontinental de Porto Alegre, se disaient " antagonistes" . Mais avec l'aggravante que la même conviction, renonciataire par définition, est arrivée à se renverser en triomphalisme, transformant idéalistiquement (spiritualistiquement?) la faiblesse en " force" , la limite en " point d'arrivée" , le misérable tacticisme en " grande stratégie" . 3." Mouvement des mouvements" et fondation matérielle Ce phénomène assez singulier a été remarquable en Italie. Dans notre péninsule " béate" , l'habitude de s'amuser de boutades verbales brillantes s'est largement diffusée, avec le prétention de transformer en or une réalité qui n'est pas exactement " reluisante" . Dans ces trouvailles il y en a une incomparablement géniale: le " mouvement des mouvements" . Là où un mouvement de masse n'est rien d'autre que l'active abolition/dépassement de la séparation atomistique, que le marché capitaliste détermine dans le sein du corps social par lui-même reproduit/remodelé, on ne voit pas très bien ce que peut être un mouvement constitué par une série indéterminée de " corps séparés" . Il est évident qu'un mouvement n'est pas une " union mystique" où toutes différences sont abolies: chaque mouvement exprime à son intérieur des tendances différentes, parfois contradictoires, qui déterminent une dialectique interne très aspre aussi laquelle, pour être librement articulée, nécessite de lieux spécifiques députés à l'autodécision collective, en termes de démocratie directe, et à chaque fois il faut revivifier les phases de mobilisation, pour sauvegarder leur dépassement synchronique, et l'authenticité de leur fusion matérielle. Cependant, des différences pareilles devraient s'articuler par rapport au contexte d'un horizon de finalités, soutenu par un cadre analytique-catégoriel partagé par toutes les composantes. Une analyse commune, en quelque sorte des formes présentes du capitalisme, des modes d'exploitation e de contrôle, de la composition de classe, mise en place par le cycle actuel de l'accumulation, des contradictions matérielles intrinsèques (conflits intercapitalistiques et tensions sur le plan géo-économique et géopolitique); de même qu'un horizon de perspectives générales, qui sachent tracer un parcours global capable de dépasser les échéances pures et simples (symboliques ou de lutte), pour passer de la contestation de chaque événement, à une présence conflictuelle dans la domination " quotidienne" du capital, à commencer par ces rapports sociaux de production qui nourrissent les dynamiques expansives et d'accumulation, tout en permettant la valorisation par les termes propres de cette domination: la subordination/exploitation du travail. Ce n'est que dans un tel cadre de référence général que les composantes (individuelles et/ou collectives) du mouvement se fusionnent en renonçant véritablement, et pas " formellement" seulement, à être des " parties séparées" , pour devenir composantes d'une universalité qui se détermine comme concrète (le mouvement de masse à structure subjective), car personne n'abdique à la pleine liberté d'intervenir dans ses processus décisionnels, mais en même temps tous partagent un refus orienté par des finalités qui visent la destruction de l'état présent des choses. Le " comment" de tel changement radical est l'objet de la dialectique concrète interne au corps social du sujet collectif: sur celui-ci s'exerce la pluralité effective des options comparées, sur celui-ci chaque composante joue son rôle, dans une relation de internité permanente par rapport au niveau d'une critique théorique-pratique, déployée et opérée par les masses eux-mêmes. En parlant de " mouvement des mouvements" , au contraire, on fait allusion au fait que ces parties se juxtaposent, en se sommant formellement et en demeurant, de cette manière, étrangères les unes aux autres; une allusion qui nie, de fait, toutes les chances effectives que ce mouvement a, de pouvoir aboutir à se constituer en tant que vrai sujet collectif. La présumée " richesse des diversités" quand elle n'est pas posée sur le plan de l'articulation tactique, mais sur le plan de la sélection de la cible qu'on veut (doit) toucher, en fonction de la propre finalité stratégique (le changement radical de cette société de merde!), constitue un élément d'absolu affaiblissement de la critique dont le mouvement est porteur: cette critique, pour être l'arme authentique dans les mains d'un vrai sujet collectif révolutionnaire, doit savoir de manière univoque toucher le point névralgique de l'adversaire et celui-ci ne se trouve pas dans le royaume de l'éthique, mais dans le royaume de la production/reproduction sociale, d'où Monsieur le Capital tire sa propre force motrice, par l'exploitation du travail. Les " ménestrels des milles diversités" , en réduisant et bloquant de fait le mouvement à pur mouvement des consciences, obtiennent deux résultats absolument néfastes. En premier lieu, derrière la volonté d'offrir une noblesse à cette segmentation qu'eux-même ont sponsorisée comme étant indépassable, se cache la destitution objective du mouvement, sur le plan de son autonome projectualité politique: une fois de plus le " social" est conçu comme essentiellement incapable d'expression directe. La classe politique qui a voulu s'affirmer comme " de mouvement" (trop de déclarations ont été étalées à propos du désintérêt total vers la formation " d'autres" partis politiques), en théorisant une telle aphasie du social, restaure implicitement le cycle complet de la médiation politique, avec " l'intégration" exclusive pour la reconnaissance de lui-même comme premier " échelon" du cycle de la représentation, exactement là où il prétend être légitimé à accomplir la tâche de " interface" avec la classe politique institutionnelle" ' des partis, dans le but de lui représenter les instances du " mouvement des mouvements" (autrement indéchiffrables pour le lexique politique), et de lui transmettre la procuration à décrypter définitivement ces instances à l'abri des formes de projectualité institutionnelle " opportunes et inévitables" . Tout cela, en aménageant un mécanisme de lobbing à sa manière absolument " fonctionnelle" : les différents esprits du " mouvement" deviennent en quelque sorte des convecteurs d'intérêts sectoriels qui, suite à la première " médiation directe" des ses porte-parole, arrivent à l'intérieur du " Palais" , où chacune essayera ensuite de trouver son interlocuteur, à l'intérieur des représentations parlementaires des divers partis, selon les feelings les plus bariolés et instrumentales. Deuxièmement, en bloquant le mouvement naissant à un premier niveau de la mobilisation/union " des consciences" , selon des facteurs de contestation orientés en sens éthique le plus souvent, on finit par contribuer ultérieurement à l'occultation des connexions matérielles du vécu quotidien, avec les articulations spécifiques des rapports sociaux de production, qui a été continuement perpétrée par l'idéologie colonisatrice du capital. En effet, bien que le travail, au niveau de l'imaginaire général, ne constitue plus le fondement de la société et de l'identité sociale, il demeure toutefois dans sa forme historiquement déterminée (spécifique au mode de production capitaliste), comme travail abstrait, " sans qualité" , comme marchandise force-de-travail, moteur irremplaçable de tout le cycle du capital. Et, en vertu de ça, il surdétermine les formes de la reproduction de la quotidienneté prolétaire: la marchandisation universelle oblige ceux qui ont été réduits à marchandise force-de-travail à passer par les " fourches caudines" du marché, afin de pouvoir reconvertir la valeur abstraite " de soi" dans les marchandises nécessaires à la propre existence aliénée/chosifiée. " Marchandise tu es et marchandise tu redeviendras" , c'est cela la " loi de bronze" par laquelle le marché capitaliste condamne l'humanité à la reproduction de sa misère quotidienne. Quiconque veut contester le résultat de tel impératif catégorique, en brisant le cycle de l'éternel retour de la marchandise " humaine" , ne peut pas éluder l'objectivité de la donne du départ: la marchandisation universelle impose à l'individu chosifié la nécessité, impossible à déroger, de se vendre pour survivre (et en plus à un prix " convenable" si possible!); ce qui constitue la condition logique et concrète pour la probable prise de conscience du mécanisme pervers de son aliénation qui active la négation conséquente de cette négation de soi-même. Et alors, si " le centre de gravité permanent" de la société du capital est encore constitué par la soumission réelle du travail vivant, c'est sur celui-ci qu'il faut faire converger toute forme de conflit radicalement et cohéremment adressé contre l'état des choses présentes. L'arrêt, la destruction du circuit de la valeur ne peut que partir de l'élément pivot de celui-ci, ne peut donc que nier la subordination du travail vivant au travail mort, le fait qu'il soit exproprié pour être conformé à la rationalité calculatrice du profit. Bref, " un autre monde est possible" , bien sûr, mais pour qu'il devienne réel il est nécessaire de transformer la force de travail de simple facteur " subjectif" (variable dépendante) de la production de capital, en " agent historique social" (variable " indépendante" ), capacité théorique-pratique autonome de projeter/constituer altérité qualitative, par rapport à l'abstraction concrète de " l'a-qualitatif" . Tout cela devrait être banal et évident aux yeux de toute conscience critique, mais, hélas!, des refoulements très graves semblent peser sur plusieurs secteurs du mouvement. 4. " Porto Alegre" , l'insoutenable légèreté des... grandes orges Si la situation italienne, que certains définissent l'une des plus " avancées" au niveau international, en est à ce point, personne ne peut s'étonner que " Porto Alegre" , au début de cette année, loin d'imprimer des poussées en avant qualifiantes, ait au contraire marqué une régression aussi inattendue que nette, par rapport au niveau atteint lors de l'expérience du précédent Forum mondial. Bien que jamais comme dans ce cas on puisse que le temps a travaillé pour nous, sur le plan " objectif" , il est incontestable que, face à tout cela, les insuffisances subjectives dont on a parlé ont accentué leur poids, avec une évidence encore plus impitoyable. D'un côté, après le tournant militaristique imposé par les U.S.A. à leur propre hégémonie mondiale vacillante, suite à l'événement des " Twin towers" , on a pu remarquer un subtil durcissement des contradictions inter-impérialistiques entre le " vieux" gendarme du monde et le nouveau pôle économique-financier de l'Europe, toujours subordonné au premier sur le plan politique-militaire, mais encore plus intentionné à s'approprier de nouvelles zones d'expansion autonome d'accumulation. D'un autre côté - et justement à cause de ces contradictions accentuées sur le versant du capital global -, on a vu malheureusement se retourner vers Porto Alegre l'intérêt des secteurs financiers européens, qui ont pensé de mettre sur le terrain leurs représentants politiques, pour leur faire jouer la carte d'une fantomatique " Europe sociale des droits et des règles, capable de se dialectiser avec le même " mouvement no-global " , en leur offrant un rôle interlocutoire aussi captivant, sur le plan d'une " logique de l'objectif", que polluant sur le plan de son auto-identification stratégique. Et ainsi il est arrivé que la " pâle mère Europe" , contre le projet made in U.S.A. de l'Alca, variante nouvelle de la bien connue " doctrine Monreau" qui définissait le continent sud américain comme la cour de la maison yankee, a joué la carte de la primauté sur le terrain des droits humanitaires et, lâchant ses chiens social-démocrates chantres d'un " capitalisme à visage humain" , a posé son hypothèque dénaturante sur l'événement " Porto Alegre" ! Évènement qui par conséquent, s'est déroulé sur deux niveaux bien distincts: l'un " officiel" (celui des Ong, des social-démocraties, des PC, des hiérarchies et communautés religieuses, et.) et l'autre " officieux" (celui des " incompatibles" , des hôtes " peu recommandables" , voir " imprésentables" ). Le premier niveau, caractérisé par une duplicité politicienne, a été étudié comme la tentative (encore en cours) d'une opération de récupération/intégration avec des finalités fonctionnelles au conflit inter-impérialistique, tandis que le deuxième a écopé du rôle hypocrite de classique " carotte" à distribuer pour s'assurer le fin du fin de la participation " démocratique" au Forum pour chacune des innombrables composantes du " mouvement des mouvements" . Le tout dans une ambiguïté de fond insoluble, dénaturant les finalités originaires du Forum et partisane non pas d'une critique de la globalisation " à la sauce capitalistique" , mais de la sponsorisation d'une reforme illusoire dans le ton néo-social-démocratique (pour une " globalisation à visage humain" ); tendant non pas à la critique du capitalisme tout court, mais de sa " version néo-libérale"; non pas à la critique de l'économie globale du capital, mais à la relance de la politique comme régulation utile de ses apories internes les plus aspres. A " Porto Alegre" les gauches institutionnelles de l'U.E. ont débarqué en force, en laissant les bombes de côté, certainement pas pour faire un voyage exotique, ni pour se refaire une " virginité" à laquelle ils n'ont jamais conféré aucune valeur: ces vieux loups de la politiK se sont précipités pour jouer un match pervers sur le dos des " multitudes désirantes" , pour se démarquer de l'envahissant père/patron américain, à la recherche d'une alliance stratégique avec le peuple " no-golbal " , qui aurait la fonction d'un outil de pénétration politique-économique dans les zones où l'oppression séculaire yankee est en train de provoquer un état de crise permanente, avec les explosives " crises de rejet" conséquentes. D'ailleurs, le soutien des socialistes français à Attac est très éloquent sur les instrumentalisations possibles du " mouvement des mouvements" . Ne parlons pas de la fonction objective de " diplomatie informelle" des Ong, qui, sont un véhicule, pratiquement à coût zéro (étant financées pour la plupart par les institutions internationales de l'Onu), dont la " fraction impérialiste social-démocratique" (l'Europe) se sert pour la création de têtes de pont très précieuses, en fonction affairiste-marchande, partout dans le monde: contrôler la mondialisation en sens humanitaire" devient alors rien d'autre qu'un slogan hypocrite derrière lequel se cache le désir ardent européen de s'ouvrir toute une série de débouchés commerciaux absolument vitaaux, dans une pareille période de crise de super-production! Bref, à Porte Alegre, à nouveau, l'indétermination des contenus et le politicisme de la plus part des soi-disant " directions de mouvements" ont été le prétexte objectif pour couvrir/servir des projets qui n'ont rien à voir avec les intérêts du prolétariat universel. Mais il y a mieux: la légitimation/canonisation objective de la " gauche gouvernementale" par rapport à la classe politique " de mouvement" , a eu une finalité fondamentale ultérieure. Une sorte d" 'exorcisme préventif" du spectre qui RE/hante le monde, le prolétariat universel. Ces deux secteurs professionnels de la politique-politicienne, en soudant (avec un semblant d'officialité) le lien d'homogénéité dans l'abstrait que la sphère de la médiation politique et de la représentation ont en commun, ont essayé - et essayent - d'exorciser la matérialisation de ce spectre qui finira par les dévorer quand même ! Sans la présence des Madres de la Plaza de Mayo comme garantie de la visibilité de la mémoire de classe et d'une analyse de phase centrée sur la nécessité stratégique du conflit anticapitaliste, ainsi que de la reconnaissance de ses protagonistes les plus authentiques (les piqueteros du Rio de la Plata, dans lesquels elles ont su reconnaître leurs fils et filles massacrés), sans la présence de ces femmes pour imprimer une dystonie, avec leur cohérence et radicalité à la grande kermesse de Porto Alegre, nos glorieux "représentants" italiens n'auraient pas su/pu faire rien dans ce sens (représentants parmi lesquels ne manquaient pas des sporadiques et isolés, mais infatigables, partisans d'un " no-global" effectivement étranger aux illusions néoreformistes). Ces connotations négatives risquent de se représenter de façon encore plus exacerbée au prochain Forum européen de Florence. Au-de-là de l'ingérence inévitable de l'appareil institutionnel local de l'Ulivo (l'Olivier est la coalition de centre-gauche *ndt), le généreux (?!?) hôte du meeting, toutes les conditions sont là, sur le versant de la classe politique " de mouvement" , pour détourner " l'événement" en direction de l'option politique d'une Europe " à visage humain" dont nous avons, jusqu'à ce point, confuté toute praticabilité. La seule possibilité d'en caractériser différemment la qualité consiste dans l'éventualité d'un réchauffement - que nous avons vivement souhaité - du vent de Seattle, provoqué par une nouvelle explosion des luttes de masse articulées directement à l'intérieur de la matérialité du conflit capital/travail: il n'est pas improbable que l'automne à venir soit chaud! Si cette éventualité se vérifiait, à ce moment-là les règles du jeu ne respecteront plus, encore une fois, le manuscrit préconfectionné par les " habituels renards" de la scène politique. La partie, donc, se jouera avec la participation d'un hôte capable d'imposer d'autres règles, d'autres directions possibles. Et surtout, qui saura exorciser et briser l'étau pervers qui est encore une fois clairement mis en place afin d'empêcher la soudure entre un nouveau cycle de luttes de masse, sur le terrain du " travail" , et la charge d'antagonisme du vent de Seattle qui a, en forme d'embryon pour l'instant, tourbillonné sur les métropoles de la moitié du monde. Un étau qui, comme toujours, s'articule entre les jamais " assainis/guérissables" appareils répressifs de l'état, avec leurs trames terroristes pourries, et les jamais " éteints/extinguibles" sursauts d'un hyper-subjectivisme soi-disant révolutionnaire, aussi velléitaire sur le plan des objectifs déclarés, qu'objectivement fonctionnel à des logiques hétéronomes sur le plan des résultats effectifs: l'histoire nous a appris que les noyaux armés clandestins sont rarement composés d'imbéciles manipulés, mais très souvent de manipulés parce que imbéciles. 5. La contradiction de classe en " mouvement" La seule " garantie" possible par rapport à un si néfaste débouché, est de recourir à la constitution d'uneintelligence collective forgée dans la pratique de masse de la démocratie directe, et capable de trouver, dans sa fondation matérielle et à l'intérieur de la contradiction capital-travail, la force et la constance pour auto-déterminer ses objectifs et ses niveaux de mobilisation. D'ailleurs, ce processus a fait ses premiers pas, puisque le mouvement naissant a déjà rencontré dans son chemin la contradiction de classe. Une " rencontre" qui s'est achevée dans quelques échéances de mobilisation très réussies: l'énorme manifestation du syndicalisme de base, le 15 février de cette année, et les grands cortèges qui, le jour de la grève générale, ont rempli les places " historiques" des principales villes italiennes, avec une participation, dans certains cas, supérieure à celle des manifestations confédérales, ont été l'expression la plus élevée du processus en question. Et dans une telle perspective, absolument centrale, on peut affirmer que l'explosion des journées de Gênes 2001 a interrompu la lente et apparemment impitoyable disparition du " travail" (de la matérialité des spécifiques conditions de vie individuelles), non seulement de l'agenda de la politique, mais aussi de l'imaginaire social e de l'horizon projectuel de ce qui restait encore en vie de " l'antagonisme" . " Refoulement" authentique, qui n'avait pas même été guéri par l'importante, encore que marginale et limitée, expérience du " syndicalisme de base" , sédiment précieux du bref mais fondamental sursaut que fut " l'automne des boulons" , quand le " travail" a su rompre le silence de plomb des " années quatre-vingt" , et retrouver la force pour une première, quoi que fugace, reprise de parole! Le " mouvement" qui a pris forme à Seattle, de façon inattendue et imprévue, et qui a explosé à Gênes, a vraiment brisé la chaîne de la passivisation sociale qui a succédé à la défaite historique subie à la fin des années soixante-dix, et a fourni la représentation en acte d'une recomposition possible, dans la reproposition d'un imaginaire défini en fonction de la capacité enfin retrouvée d'activation à base collective. Même si nous sommes loin de la réalisation du développement de " mouvement des consciences" en sujet collectif fondé dans la matérialité du conflit de classe, un fait est sûr et certain: sans le " mouvement" de Seattle, Prague, Nice, Naples, Göteborg, Gênes, il n'y aurait pas eu à Rome les trois millions de personnes au Circo Massimo, il n'y aurait pas eu la cassure de l'unité de la " triple" des syndicats confédérales, il n'y aurait pas eu " le Palavobis" (le meeting des rondes avec Moretti et d'autres *ndt), ni les " rondistes" , il n'y aurait pas eu les 400.000 de Barcelone, ni l'accueil "très chaleureux" à Bush en Allemagne, ni Amato e Blair qui, fulgurés sur le chemin de Damas, ont redécouvert les " pauvres contre les riches "bohémiens" ... etc.!!! Le " mouvement de Seattle" , a donc lentement et avec beaucoup de difficultés essayé de se débarrasser des caractères génériquement étique-symboliques qui en avait constitué les traits unifiants (l'étiquette absolument équivoque " no global" par exemple). Mais au-de-là des échéances importantes qu'on a rappelé, il a encore du mal à " croiser stablement" la contradiction de classe, le conflit direct capital/travail, en y rédécouvrant ses propres fondations matérielles, et hésite sur le terrain " raréfié" des consciences, de l'imaginaire, en clair du " marché" , de l'échange. Ce n'est pas par hasard qu'au moment où la centralité de la contradiction entre capital et travail reprend à se manifester, le travail, incapable d'expérimenter directement un véritable parcours d'autonomie, a du " se limiter" à forcer la main de la CGIL, par la surdétermination, d'une certaine façon par le bas avec la seule force des " ses propres nombres" (les trois millions de la " Rome en rouge" du 23 mars!), de la collocation politique de la CGIL en lui imposant, de fait ob torto collo (avec la force de Rome! *ndt), de récupérer ce rôle de représentation sociale qu'elle avait répudié déjà à l'occasion du " coup de barre de l'Eur" de 1977. En outre, au moment où il a rencontré le conflit de classe, le " mouvement" n'a plus été en mesure d'activer celle capacité d'autodétermination, limitée mais ferme et cohérente aussi, dont il avait fait preuve quand il avait débuté, autodétermination jouée sur la capacité de choisir et qualifier les échéances uniques de mobilisation que la classe politique lui avait, à chaque fois, proposé. Sur le terrain du conflit capital/travail il est plus difficile de saisir des moments spécifiques de condensation de sens antagoniste (considéré comme la permanence constitutive que la dialectique de ce conflit exprime) et surtout, dans le continuum de confrontation/affrontement avec l'interlocuteur antagoniste, le " travail" ne se reconnaît pas lui-même immédiatement comme porteur de valeurs radicalement alternatives et incompatibles. Donc, encore plus aujourd'hui, après de longues années de passivité, la réactivation en sens antagoniste des travailleurs ne peut qu'exprimer, en premier lieu, la revendication immédiatiste de conditions d'échange plus avantageuses en sa faveur (que ce soit sur le plan du salaire réel et social, ou des garanties et des droits connectés). Dans cette phase, on a nécessairement la restauration de cette représentation sociale que le syndicat, en tant que tel, serait député à exprimer sur la base, justement, des luttes de ses délégués. Cette particulière forme de représentation, lors de ses premiers passages, instaure un mécanisme pour le quel la dialectique entre les deux pôles lie et surdétermine l'interaction réciproque parmi eux: d'un côté les travailleurs, avec leurs luttes, délèguent " vers le haut" le syndicat à représenter les besoins et les intérêts dans les sièges appropriées, de l'autre côté, ce dernier doit, " vers le bas" , savoir garantir protection (dans les luttes spécifiques, dans le support logistique, dans l'assistance légale, etc...) à ses représentés. Dans ce passage initial l'antagonisme de classe, qui s'exprime sur les fondations concrètes de la contradiction capital/travail, ne permet pas l'auto-perception immédiate de la classe des travailleurs, en termes d'une effective et radicale autonomie stratégique: la marchandise force-de-travail ne se nie pas encore en tant que telle, mais elle revendique seulement des meilleures conditions d'échange sur le marché. Celle valence de dénonciation et de proposition radicale qu'à chaque fois le " mouvement" arrivait à exprimer à l'occasion des rendez-vous métropolitains auxquels il choisissait d'adhérer, peine maintenant à trouver, pourtant, expression et réception adéquates. Cette difficulté ne doit certes pas étonner. En effet, exceptées toutes les fantasmagories idéologiques, administrées à volonté par les multiples troupes des " rossignols du prince" , en ce qui concerne certains passages d'époque à des présumées " post-modernités post-fordistes et post-travaillistes" , il reste la donnée d'une victoire complète du capital qui est devenue désormais totale. Un capital qui joue sa partie à 360 dégrées, pour pouvoir maintenir en subordination et pour mettre à valeur chaque attitude biopsychique de l'homme, grâce aux infinies modalités d'emploi/exploitation du temps de vie de celui-ci, parmi lesquelles il peut sélectionner à l'occasion les plus adéquates à sa valorisation. Le " classique" lieu-usine, ex horizon spatial-temporal obligé du cycle productif, face à ce tourbillon absolu et rutilant de possibilités, a connu un redimensionnement drastique, réduit à une hypothèse éventuelle parmi tant d'autres à disposition, non syndicables, de Monsieur le Capital. C'est cela aujourd'hui, La donnée qui coupe, en un certain sens, le fil même de la mémoire de classe, car elle mine à priori toute proposition relative aux expériences de lutte sedimentées, avec la dissolution du cadre matériel où ces expériences pouvaient incuber, exploser, s'épanouir en étendant leur propre valence sur le social, qui dans ce cadre avait été totalement compris et strictement interrelationné: " l'usine" était le barycentre du corps social entier et, par sa physicité compacte, elle explicitait le centre de l'affrontement de classe, le vrai fondement de la totalité systémique de la domination. Elle était (comme l'avait bien vu le barbu de Treviri) le lieu de la " contiguïté des corps coopérants" concrète et directe, en dehors de l'évanescence abstrayante de l'échange, du marché, mais en dedans de la matérialité du mode d'emploi capitaliste du travail, dans ce " laboratoire secret de la production" où agissait cette proximité/communication immédiate des travailleurs. Aujourd'hui, ce cadre est définitivement déstructuré, sur la lancée d'une réticularisation du cycle de capital, responsable de la capillarisation de tout le tissu métropolitain et, par l'extension hypertrophique de ce dernier, de tout un " territoire" de zones de plus en plus vastes des pays, subsumés en tous cas eux-mêmes par le processus global de l'accumulation/valorisation. L'espace député par définition à la recomposition politique de la classe ne coïncide plus, vertueusement, avec la dimension spatiale de sa composition technique: la composition de classe modelée par la dernière restructuration technologique, s'articule le long de filières infinies de réseaux productifs encore innervés sans doute dans de grandes unités productives, mais la " vieille" conformation, fortement centralisée et à concentration ouvrière élevée, est circonscrite désormais à des noeuds de périphérie marginalisés, par rapport à la complexité polymorphique du système productif et surtout aux centrales de commande du capital, toujours plus compactes mais " invisibles" . Un élément ne pourra jamais être éliminé, si non en rompant la chaîne du cycle de valorisation/accumulation capitaliste, et c'est - pour employer les mots de Marx - cette " antinomie" entre les " deux droits égaux" du capitaliste et du travailleur, " tous les deux consacrés par la loi de l'échange des marchandises" , qui impose, pour sa propre instable et temporaire " solution" , la nécessité que ce soit toujours " la force" à décider de l'affrontement entre les deux adversaires. Cette " nécessité" coactive et inéluctable du conflit capital/travail demeure à présent le paradigme fondatif de toutes chances d'altérité radicale par rapport à l'existant; LE vrai problème se trouve sur le versant de la recomposition du " front du travail" , aujourd'hui très fragmenté, à cause de la chute de la centralité " physique" du lieu-usine. Et précisément cette difficulté spécifique et intrinsèque de la phase a terriblement compromis la construction des organismes associatifs aptes à devenir des sièges réels d'autodétermination. Heureusement le grand équivoque alimenté par ceux qui voulaient présenter les Social Forum comme des lieux de la recomposition, de la reconnaissance, de l'auto-expression des sujets sociaux, est en train de s'éteindre. Les Social Forum portaient (et portent) la marque de la classe politique qui les avait assemblés à son image et ressemblance, ce sont une mixture de sigles innombrables tout à fait interne à l'abstraction de cette médiation politique qui constituait/constitue l'essence fondamentale de la classe politique elle-même. Mais plutôt que se féliciter de la fin d'une ambiguïté néfaste, c'est à dire du fait que les Social Forum se proposent comme des lieux horizontaux et ouverts - faussement - qui maintenant n'ont plus d'autre rôle qu'être un élément de force, utilisé instrumentalement, dans les mains des secteurs de classe politique, il nous serait davantage utile maintenant d'aborder la question à la base de cette ambiguïté: quels sont et quels peuvent être les lieux effectifs de la recomposition? Une chose est sûre: dans le passage à la matérialité du conflit de classe, la morphologie des " meeting" ne sera plus conjuguée sur le versant de l'abstrait, de la représentation des groupes de " intervention politique" et des cultures et projectualités différentes, mais dans la matérialité des déterminations spécifiques de classe des sujets. Mais même après avoir réaffirmé cela, la question n'a pas changé: quels sont les lieux de la recomposition? Sauf les risques d'erreur qui menacent toujours les expériences des " minorités actives" (ou classe politique si l'on veut!), la gravité d'une telle interrogation AUJOURD'HUI est la donnée issue de ce profond processus de restructuration globale du cycle de la production/reproduction sociale, que le capital à su mettre en marche, entre les " années soixante-dix" et les " années quatre-vingt" , grâce à sa dernière révolution technologique à base télématique. Nous n'avons pas de réponses préconstituées à cette question. Nous savons que les réponses fournies jusqu'au présent par la classe politique ont été tout à fait insatisfaisantes. Mais ce qui nous rend un peu plus optimistes, c'est que la classe politique n'est pas le mouvement. Et cela a été confirmé, à nouveau, par la mobilisation de juillet 2001 à Gênes où, une fois de plus, le " social" a bousculé la classe politique et a avancé ultérieurement vers la reconquête de sa propre autonomie, sans que les structures politiques organisées s'en soient vraiment aperçues. A Gênes, en effet, a eu lieu la rencontre et la fusion de dizaines et dizaines de milliers de sujets; à Gênes le " mouvement" a encore démontré d'être là, de se reconnaître lui-même, de vouloir poursuivre son chemin vers sa propre auto-constitution en sujet collectif, c'est-à-dire vers une authentique capacité d'autodétermination, en décidant lui-même ses engagements pour se réapproprier des territoires métropolitains. D'ailleurs, aux manifestations du syndicalisme auto-organisé et de base du 15 février et du 16 avril, il y avait aussi de nombreux " no-global" , mais leur présence est passée inaperçue (il suffirait de lire le compte-rendu du 16 rédigé par la Confédération Cobas, à laquelle il faut reconnaître le mérite d'avoir su se dialectiser correctement au " mouvement" , au moins en comparaison avec Rifondazione et les " Désobéissants" ): quand on réfléchit sur la base du lexique de la médiation politique, on a tendance à " voir" la soudure entre les secteurs sociaux représentés par les divers compartiment organisés de classe politique, comme simple rencontre entre sommets, présence des banderoles des uns aux manifestations des autres. Et précisément, dans les deux cas examinés personne ne s'est aperçu d'un fait objectif: si dans les deux cortèges la " présence organisée" des Social Forum était risible (le 16 avril par choix explicite), cela n'a pas empêché que les " jeunes du mouvement" soient effectivement présents en masse, en "s'auto-représentant" enfin sur le terrain de leur propre vécu quotidien, voire sur la base des spécifiques déterminations concrètes de chacun: " cococo" , opérateurs des coopératives sociales, travailleurs d'utilité publique (ces sont les multiples définitions contractuels du travail précaire légalisé *ndt) , mille et mille figures qui contribuent, aujourd'hui, à composer l'univers fragmenté du prolétariat métropolitain. Maintenant, comme depuis long temps nous ne nous lassons pas de répéter, la question est celle-ci: est-il possible que les cortèges du " mouvement" soient traversés par la contradiction capital/travail, grâce aussi à l'auto-perception comme exploités des femmes et des hommes qu'y participent? Et puis: est-il possible de faire encore un pas et que ces nouvelles figures sociales se soudent à celles qui sont liées à la composition de classe précédente, si gravement attaquées, et que ainsi réunifiées elles réagissent à la tentative ridicule de division entre " les garantis" et les " non garantis" ? Il est certain que ce dernier passage aurait besoin de lieux et de moments de rencontre stable entre le " mouvement" et ceux qui, cet automne, descendront dans la rue: des espaces et des temps par lesquels on puisse aboutir à une authentique recomposition de classe. Peut-être que l'incertain " mouvement" dont on parle, n'a pas la carrure nécessaire pour soutenir des poids pareils, et probablement quelques-uns de ces passages sont au-dessus de ses possibilités. Mais en revanche il ne faut pas oublier certains faits: ce mouvement en embryon a déjà su soutenir des défies assez ardus, sans se laisser balayer par la dynamique de criminalisation de l'opposition introduite au début de l'opération " Enduring Freedom" , quand " ses dirigeants" avaient décidément perdu la boussole. En outre: avec les dernières journées de Gênes, un authentique moment de "temps concentré" (selon la définition de Ernst Bloch: fracture dans le vécu collectif d'un pays et pas seulement cela), le mouvement a su réveiller, dans une ville apparemment endormie, la mémoire d'autres lointaines insurrections. Bref, même s'il est né comme un mouvement des consciences, le " mouvement de Seattle" représente la première expression de processus profonds de recomposition matérielle du nouveau futur sujet collectif révolutionnaire. L'accomplissement de tels processus, nous le répétons, n'est pas du tout garanti, ni automatique, mais il est l'unique facteur qui puisse permettre au " mouvement" d'acquérir la force, la permanence, l'homogénéité interne suffisante, sur le plan des objectifs stratégiques, dont il a besoin pour enrayer le jeu pourri du capital total. Pendant que de nouveaux défis mortels se profilent à l'horizon, avec la poursuite de la guerre globale du capital, pendant que la terrible machine de guerre amérikaine fait chauffer ses moteurs pour frapper à nouveau l'Irak de Saddam Hussein - le dégoûtant despote soutenu d'abord et rejeté ensuite par l'impérialisme yankee -, la métamorphose du prolétariat universel en nouveau sujet collectif révolutionnaire demeure l'unique chance pour éviter le gouffre des barbaries que le capital creuse, sous les pieds de l'humanité entière! Traduction stecunga