Ce qui s¹est passé le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis est une abominable tragédie. Un massacre est toujours un massacre, nous ne devons pas nous lasser de le répéter. Il n¹y a pas de « si », et pas plus que de « mais ». Je crois qu¹est un préalable que nous devrons ressasser pendant très longtemps encore. La raison en tient entièrement dans l¹effondrement des twin towers (1), parce que cela s¹est passé à New York, au coeur de ce que nous définissons globalement comme l¹« Empire ». Au coeur de cette modernité qui, désormais, en temps de guerre, est codifiée comme « civilisation », par opposition à une autre. Mais en temps de guerre, on le sait, la propagande est déterminante. Pour nous, et de tout temps, tout massacre est une horreur. Quelqu¹en soit le lieu et les causes Les bombardements « humanitaires » ou le génocide par la faim. Mais pour autant ce qu¹il y a en dessous ou au dessus des ruines, au milieu de cette fumée acre et blanche à Manhattan, ne nous empêche pas de mieux voir ce que, de Seattle au Chiapas, en passant par Prague et Gênes, nous avions imaginé : l¹Empire, ses signifiés, le monstrueux qui pousse en lui et explose contre l¹humanité. Avec Manhattan c¹est la fin de toute ambiguïté, la fin de toute filiation avec les paradigmes passés qui ont définis pendant un siècle la domination sur cette planète. Il n¹y a plus d¹Etats-nations, il n¹y a plus d¹impérialisme amérikain, il n¹y a plus la guerre sous la forme où nous l¹avions connue, il n¹y a plus de société ouverte, il n¹y a plus de « globalisation à visage humain », il n¹y a plus de « basse intensité ». Ce qui se met en place c¹est l¹Empire global du néo-libéralisme, la guerre globale permanente, les compagnies multinationales de la sécurité planétaire. Le concept de citoyenneté est mort et laisse la place à celui d¹une armée globale. Celui qui n¹est pas soldat ne pourra être citoyen. Nous avions défini l¹Empire comme cette tendance qui, au sein de la globalisation des marchés, se dessinait avant tout comme nécessaire en plus d¹être efficace. On n¹a jamais vu un marché sans un gouvernement, et pour gouverner cette planète, tout comme le nouveau mécanisme de valorisation capitaliste, de nouvelles dimensions ont pris forme permettant de dépasser la crise des Etats-nations. Il y a une chose sur laquelle nous ne nous étions pas exprimés de façon approfondie : la guerre comme caractéristique structurelle de l¹Empire. Un Empire qui n¹est pas l¹Amérique, qui est bien plus et bien au-delà. C¹est, par exemple, la Bank of America qui gère les comptes de Bin Laden, c¹est le Pakistan qui valorise l¹opium avec la Central Bank, c¹est la Taba Inc. vendant toutes ses actions à Wall Street quelques heures avant l¹attaque contre les tours, c¹est Mc Donald¹s et Mc Donnel Douglas, c¹est la bombe atomique de l¹Inde et le régime des équipé en armes américainesS C¹est la Cia et la shaaria combinés ensemble. C¹est cela l¹Empire. C¹est cela sa constitution « mixte ». « Nous sommes tous des américains » ont immédiatement titré les quotidiens au lendemain de la tragédie (2). Alors que, bien au contraire, ce qui a été démontré c¹est que plus personne n¹est « américain », comme plus personne n¹est « italien » ou « afghan ». Ce n¹est pas un hasard si la simplification nécessaire à la propagande de guerre a due s¹appuyer non pas sur les nationalités mais sur les « civilisations », cherchant à entrecroiser les religions avec la politique. C¹est ainsi que la guerre se fait « sainte » et inévitable. Bush parle d¹extirper le mal exactement comme Omar, le chef des Talibans. Tous deux servent finalement la même cause. Celle de la guerre permanente nécessaire pour reproduire le pouvoir à l¹ère de la globalisation. Et ainsi s¹affirme ce qu¹Israël connaît depuis très longtemps, l¹état de guerre : « que chaque personne ayant un uniforme se prépareS ». C¹est pour cela que nous devons aller à Naples (3), et participer à la marche Pérouse-Assise (4), contre tout cela. L¹Otan n¹est plus la « police internationale » que nous avions connu avec la Guerre du Golfe et du Kosovo, c¹est une corporation, une multinationale dont, dans peu de temps, on pourra acheter des actions à Frankfort tout comme à Wall Street. Comme le sont d¹ailleurs les autres corporations de la terreur, alimentée par les pétrodollars qui circulent dans les mêmes bourses. La Guerre désormais est « privée » et comme toute privatisation elle détruit le public. Il n¹y a plus, et il n¹y aura plus jamais, de dimension publique de la décision, ni des valeurs. Il y a la guerre, installée et elle s¹achète au coup par coup. Les morts et les massacres font partie de ces « inconvénients » dont parlait Berlusconi en se référant à la faim dans le monde et au Sida à l¹heure de la globalisation. A Naples et à Pérouse-Assise, nous devrons introduire des concepts comme la désobéissance à l¹Empire de la Guerre, et comme la désertion des troupes armées de la guerre. La désertion est punie de la peine de mort en temps de guerre et déjà de nombreux et célèbres commentateurs nous définissent comme des collaborationnistes ou, pire, comme des complices de l¹ennemi. Nous devrons combattre pour la démocratie et contre l¹Empire, et ses massacres. Ce ne sera pas facile. Mais c¹est le seul parcours possible, comme disait Martin Luther King, pour ne pas être engloutis par une obscurité où les étoiles ne se voient déjà plus. Nous devrons redéfinir nos objectifs, être capables de construire la résistance à la guerre permanente, et le faire en pensant à l¹humanité, au désir d¹égalité et de justice. Nous avons tout le monde contre nous, Bush et Bin Laden. Ils nous rigoleront au nez, en brandissant des drapeaux et en chantant des hymnes nationaux. Ils nous cracheront dessus, ils nous accuseront d¹être des terroristes, mais nous nous devons continuer. Nous devons nous battre contre la peine de mort et le super pouvoir des corporations, contre les OGM et pour les droits globaux. Nous devons continuer à dire que le G8 est illégitime, tout comme sa logique, tout comme l¹Omc et le Fmi. Nous le devons et nous le voulons. Désobéir et déserter. Parce que, comme le dit Marcos, ceci n¹est plus « la lutte des classes »., c¹est la lutte pour la sauvegarde de l¹humanité, dans un monde où elle n¹a plus sa place. 18 septembre 2001 (1) Les tours jumelles de Manhattan ­NdT (2) En France, Jean-Marie Colombani, directeur du quotidien Le Monde, a aussi titré ainsi un de ses éditoriaux ­ NdT. (3) A Naples devait se tenir une réunion de l'Otan afin de discuter entre autre du projet de « bouclier anti-missiles » voulu par Bush. Le sommet a depuis été déplacé à Bruxelles ­ NdT. (4) La marche Pérouse-Assise est une marche organisée chaque année par les mileux pacifistes et catholiques italiens. C'est l'un des plus grands rendez-vous de masse en Italie ­ NdT. No © 2001 Luca Cazarini. Tribune publiée par le quotidien communiste italien Liberazione, 18 septembre 2001. Traduction de l¹italien par Ludovic Prieur.