Une autre leçon de l'après-11 septembre, c'est que la mondialisation continue et s'affirme comme la principale caractéristique du monde contemporain. Mais la crise actuelle a révélé sa vulnérabilité. C'est pourquoi les Etats-Unis soutiennent qu'il est urgent de mettre en place ce qu'on pourrait appeler l'appareil de sécurité de la mondialisation. Avec le ralliement de la Russie, l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et le prétexte de la lutte mondiale contre le terrorisme, qui permet partout de réduire les libertés et le périmètre de la démocratie, les conditions paraissent désormais réunies pour que ce dispositif global de sécurité soit rapidement en place et confié sans doute à la nouvelle OTAN, qui devient ainsi une organisation d'attaque et non plus de défense.
La décision-cadre sur le terrorisme, adoptée le 6 décembre 2001 par le conseil des ministres chargés de la justice et des affaires intérieures, pose de semblables problèmes. En effet, elle définit comme infraction terroriste " les actes intentionnels qui, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale " quand " l'auteur les commet dans le but de gravement intimider une population " ou de " contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque " ou enfin de " gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation internationale ". Ces infractions peuvent être " le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, à un lieu public ou une propriété privée, susceptible de mettre en danger des vies humaines ou produire des pertes économiques considérables ".
Vague, cette définition permet des interprétations très larges. Toute action sociale d'opposition a pour effet d'intimider une partie plus ou moins importante de la population et a pour but de contraindre le pouvoir à poser certains actes ou à ne pas les poser. Les termes " graves " ou " indûment " sont purement subjectifs et n'apportent aucune précision objective pour qualifier l'acte.
Les notions de déstabilisation et de destruction des structures économiques ou politiques d'un pays permettent d'attaquer de front les mouvements sociaux. C'est avec ces arguments que, au début des années 1980, Mme Margaret Thatcher, premier ministre britannique, tenta d'appliquer la loi antiterroriste à la grève des mineurs. Cette définition rompt avec la tradition de l'Etat de droit.Le caractère liberticide du texte est tellement apparent qu'il est stipulé, en annexe, que " rien dans la décision-cadre ne peut être interprété comme visant à réduire ou à entraver des droits ou libertés fondamentales tels le droit de grève, la liberté de réunion, d'association ou d'expression, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier pour la défense de ses intérêts et le droit de manifester qui s'y rattache " Mais il ne s'agit là que d'un engagement sans force juridique qui laisse chaque Etat membre libre de mener la politique pénale de son choix.
Toutes ces législations font de la déstabilisation du pouvoir politique ou économique un élément spécifiant l'infraction terroriste. Par exemple, l'article 4201-1 du code pénal français définit les actes terroristes comme des actes ayant " pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ". Le code espagnol fait référence à l'objectif de subvertir le système constitutionnel et de porter gravement atteinte à l'ordre public. Le code italien parle du renversement de l'ordre démocratique. Le code pénal portugais fait référence au fait d'altérer ou de perturber le fonctionnement des institutions nationales.
Le texte de la décision cadre sur le terrorisme est entierement disponible sur cette adresse:
Pour rappel, voici le texte de loi belge qui concerne le procès des altermondialistes demain au palais de justice à Liège. Le texte est disponible sur le moniteur belge.
Celui-ci est tellement flou qu'ils ont été obligé de rajouter que les religions et les syndicats, notamment, ne sont pas repris sous le terme d'organisation criminelle!!! Effarant! Le caractère liberticide de la décision cadre européenne est très bien conservé aussi dans notre loi. Le parlement à bien fait son travail.
Art. 324. Tous autres individus faisant partie de l'association et ceux qui auront sciemment et volontairement fourni à la bande ou à ses divisions des armes, munitions, instruments de crime, logements, retraite ou lieu de réunion, seront punis :
Dans le premier cas prévu par l'article précédent, d'un emprisonnement de six mois à cinq ans;
Dans le second cas, d'un emprisonnement de deux mois à trois ans;
Et dans le troisième, d'un emprisonnement d'un mois à deux ans.
Art. 324bis. (inséré par <L 1999-01-10/49, art. 3, En vigueur : 08-03-1999>) Constitue une organisation criminelle l'association structurée de plus de deux personnes, établie dans le temps, en vue de commettre de façon concertée, des crimes et délits punissables d'un emprisonnement de trois ans ou d'une peine plus grave, pour obtenir, directement ou indirectement, des avantages patrimoniaux, en utilisant l'intimidation, la menace, la violence, des manoeuvres frauduleuses ou la corruption ou en recourant à des structures commerciales ou autres pour dissimuler ou faciliter la réalisation des infractions.
Une organisation dont l'objet réel est exclusivement d'ordre politique, syndical, philanthropique, philosophique ou religieux ou qui poursuit exclusivement tout autre but légitime ne peut, en tant que telle, être considérée comme une organisation criminelle au sens de l'alinéa 1er.
Art. 324ter. (inséré par <L 1999-01-10/49, art. 3, En vigueur : 08-03-1999>) § 1er. Toute personne qui, sciemment et volontairement, fait partie d'une organisation criminelle, est punie d'un emprisonnement de un an à trois ans et d'une amende de cent francs à cinq mille francs ou d'une de ces peines seulement, même si elle n'a pas l'intention de commettre une infraction dans le cadre de cette organisation ni de s'y associer d'une des manières prévues par les articles 66 et suivants.
§ 2. Toute personne qui participe à la préparation ou à la réalisation de toute activité licite de cette organisation criminelle, alors qu'elle sait que sa participation contribue aux objectifs de celle-ci, tels qu'ils sont prévus à l'article 324bis, est punie d'un emprisonnement de un an à trois ans et d'une amende de cent francs à cinq mille francs ou d'une de ces peines seulement.
§ 3. Toute personne qui participe à toute prise de décision dans le cadre des activités de l'organisation criminelle, alors qu'elle sait que sa participation contribue aux objectifs de celle-ci, tels qu'ils sont prévus à l'article 324bis, est punie de la réclusion de cinq ans à dix ans et d'une amende de cinq cent francs à cent mille francs ou d'une de ces peines seulement.
§ 4. Tout dirigeant de l'organisation criminelle est puni de la réclusion de dix ans a quinze ans et d'une amende de mille francs à deux cent mille francs ou d'une de ces peines seulement.