Conseil de l'Europe :

Pour l’interdiction de la «fabrication, des essais, de l'utilisation et de la vente» des armes à l'uranium appauvri ou au plutonium

Le Conseil de l'Europe a réclamé mercredi 24 janvier 2001, à Strasbourg l'interdiction de la "fabrication, des essais, de l'utilisation et de la vente" des armes à l'uranium appauvri ou au plutonium, qui ont été utilisées par l'OTAN notamment en Yougoslavie.

L'Assemblée parlementaire de l'organisation a aussi, dans une recommandation adoptée à la majorité, demandé à son exécutif, le Comité des ministres, "d'exiger de l'OTAN et l'ONU un programme de surveillance médicale des populations civiles dans les Balkans, des soldats qui ont participé aux opérations, des membres des organisations humanitaires aussi bien que des journalistes qui ont travaillé sur le terrain".

En demandant l'interdiction totale des armes à l'uranium appauvri, au terme d'un débat extrêmement critique à l'encontre de l'Alliance atlantique, l'Assemblée parlementaire est allée beaucoup plus loin que le Parlement européen des Quinze qui, lors de sa dernière session à Strasbourg, n'avait réclamé qu'un moratoire sur ce type d'armes.
Les 291 parlementaires du Conseil de l'Europe demandent également à leur exécutif d'entreprendre des discussions avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour rédiger une nouvelle convention sur la prévention des dommages à l'environnement consécutifs à l'usage de la force militaire.

Ils souhaitent aussi que des ressources soient affectées au soutien d'organisations non gouvernementales (ONG) pour réparer les dommages causés à l'environnement par les opérations militaires et réhabiliter le milieu naturel.


Strasbourg (AFP)

Carte des sites bombardés par l'armée américaine

avec des munitions à l'uranium appauvri

L'OTAN a publié mercredi 24 janvier 2001 sur son site Internet (http://www.nato.int) les cartes des sites visés par l'armée américaine avec des munitions à l'uranium appauvri en Bosnie en 1994-1995 et au Kosovo en 1999.

L'OTAN a fourni ces informations "pour faciliter" les enquêtes menées par plusieurs pays sur les risques éventuels pour la santé et l'environnement liés à l'utilisation de ces armes, a souligné le président du comité ad-hoc de l'OTAN sur l'uranium appauvri, Daniel Speckard, lors d'une conférence de presse.

"Jusqu'à maintenant, aucun pays n'a trouvé de preuve d'une augmentation de maladies chez des soldats ayant servi dans les Balkans par rapport à ceux qui n'y sont pas allés", a déclaré M. Speckard, qui est par ailleurs secrétaire général adjoint de l'OTAN pour les affaires politiques.

Environ 50 pays, soit les 19 pays de l'Alliance et les pays non-membres qui contribuent ou ont contribué aux forces multinationales de paix en Bosnie (SFOR) et au Kosovo (KFOR), ont participé mardi à la deuxième réunion du comité ad-hoc.

Lors de cette réunion, le représentant américain a "donné davantage d'informations" sur la présence de traces de plutonium dans les munitions à l'uranium appauvri et a promis un "rapport de 600 pages" sur la composition exacte de ces armes, a déclaré le porte-parole de l'OTAN Mark Laity.

Cinq organisations internationales, l'Organisation mondiale pour la santé (OMS), le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l'Union européenne et la Commission européenne étaient également présentes à la réunion, ainsi que la Bosnie, la Croatie et la Mission de l'ONU au Kosovo (MINUK).

La Yougoslavie a été invitée mais n'a pas envoyé de représentant mardi, a précisé M. Speckard.


Bruxelles (AFP)

Irak
Des armes à l’uranium appauvri et des hommes

La guerre du Golfe a été l'occasion de tester pour la première fois grandeur nature, sous forme de balles, obus, bombes ou missiles des munitions fabriquées avec de l'uranium appauvri. Environ 5 000 obus d'uranium appauvri ont été tirés par les 'tanks américains et britanniques, et plusieurs dizaines de milliers par les forces aériennes de ces mêmes armées, particulièrement les hélicoptères Apaches et les bombardiers AIO américains. Pour ce qui concerne la France, selon les témoignages de certains soldats, les chars AMX-10 RC et AMX-30 auraient été chargés avec ce type de munitions mais cela reste à vérifier. La publicité de Giat Industries vante cependant la « capacité anti-char de l'obus-flèche de 105 mm Otan » dont ils sont armés. Américains, Britanniques et Français utilisent également ce métal pour la fabrication des blindages de leurs nouveaux chars de combat et pour les stabilisateurs de certains missiles de croisière. C'est le cas du char Leclerc, par exemple, fleuron de l'année française qui est également armé de « flèches » (obus) en uranium appauvri…

L'affaire de l'uranium appauvri

C'est la publication, le 10 novembre 1991, par le journal de Londres the Independant on Sunday, d'un rapport secret de l'Agence britannique de l'énergie atomique daté du 30 avril 1991 qui a mis « le feu aux poudres ». Pour la première fois, en effet, l'utilisation de l'uranium appauvri dans l'armement était rendue publique. Quelques mois après la fin de la guerre du Golfe, ce rapport établissait que 40 tonnes au moins de débris d'uranium appauvri avaient été laissées sur le terrain par les armées alliées. Selon les auteurs, une quantité suffisante pour causer « 500 000 morts potentiels, chiffre théorique » et poser « un problème certain ». Le département américain de la Défense (DOD, ministère de la Défense) avait admis dès mai 1991, dans un mémorandum secret rendu public dans le cadre de la loi sur la liberté de l'information, que « l'usage d'uranium appauvri peut entraîner une contamination environnementale pouvant avoir des conséquences graves sur la santé humaine ». Par ailleurs, une enquête menée par Greenpeace en 1992-1993 à partir des documents de l'armée également « déclassifiés » a permis à cette organisation d'établir qu'il reste en réalité sur le sol irakien environ 300 tonnes de déchets radioactifs et toxico- chimiques, un chiffre qui n'a d'ailleurs pas été contesté.

Après la guerre, l'uranium appauvri a été désigné par certains scientifiques et par les associations d'anciens combattants américains et britanniques comme l'un des facteurs de certaines des maladies regroupées sous l'expression « Syndrome de la guerre du Golfe ». On retrouve en effet les mêmes pathologies chez de nombreux Vétérans du Golfe et dans la population irakienne que chez les personnes ou les animaux contaminés par l'uranium: cancers, immunodéficience, mutations génétiques, stérilité. C'est également à l'exposition à l'uranium appauvri des soldats irakiens que l'on attribue les malformations congénitales chez des enfants nés après la guerre de pères présents sur le site des opérations et l'augmentation significative des leucémies chez les enfants irakiens dans les années qui ont suivi la guerre.

Qu'est-ce que l'uranium appauvri?

L'uranium naturel contient principalement deux éléments, l'U235 (0,71 %) et l'U238 (99, 99,3 %). Pour obtenir la réaction en chaîne indispensable à la production de l'énergie nucléaire utilisée dans les centrales, les bombes ou les engins à propulsion nucléaire comme les sous-marins, on enrichit l'uranium naturel en isotope. À la fin de ce processus de traitement, l'U238 est considéré comme un « déchet », c'est l'« uranium appauvri », composé à 99,79 % d'U238, de 0,2 % d'U235 et de 0,008 % d'U236. L'uranium appauvri est le métal le plus dense; il est plus dense que le tungstène généralement utilisé dans l'arme- ment. C'est cette densité qui permet de projeter les munitions à une vitesse de plus de 1 500 mètres/seconde, et leur donne ainsi la capacité de percer les blindages de tanks ou, comme l'ont montré certaines expériences, une épaisseur de béton de 50 cm placée sous trois mètres de terre. Quant au blindage des chars fabriqués avec l'uranium appauvri, ü résiste à toutes les munitions classiques.

L'uranium appauvri présente-t-il un danger? Dans les pays grands producteurs d'énergie nucléaire comme la France, des précautions particulières sont prises pour le stockage de l'uranium appauvri, même s'il est considéré comme peu radioactif à l'état naturel. Cependant, l'utilisation de ce métal à des fins militaires a, dans certaines conditions, des effets beaucoup plus dangereux pour l'homme et l'environnement. En effet, projetées à cette vitesse, les munitions dégagent une chaleur d'environ 500°C au moment de l'impact contre la cible et explosent. Mais l'uranium appauvri est également pyrophorique: porté à une telle température, il s'enflamme. Il libère alors des micro-particules radioactives, et, tout aussi dangereuses, des poussières toxiques chimiques de type métaux lourds comme le plomb ou le mercure. Chimiques ou radioactives, ces micro-particules suspendues dans l'air sont transportées par le vent sur de vastes zones. Lorsqu'elles retombent, elles peuvent être inhalées ou ingérées par les animaux et les humains, contaminent les nappes phréatiques et, en fin de course, la chaîne alimentaire, avec des effets à long terme dont il est aujourd'hui prouvé qu'ils risquent d'être catastrophiques pendant des milliers d'années, voire des millions.

Extrait du livre « La salle guerre propre »
de Christine Abdelkrim-Delanne
aux éditions Le Cherche Midi éditeur