Non à la criminalisation ! Non aux expulsions !
Ce lundi 23 avril 2001, au théâtre Varia à Ixelles, le comité de soutien aux inculpés des collectifs contre les expulsions a tenu une conférence de presse pour annoncer sa création.
Depuis avril 1998, les collectifs contre les expulsions se sont mobilisés pour combattre la politique d’asile et d’immigration de l’Etat belge en particulier, de l’Europe en général. Par des actions radicales non violentes, par des pétitions, par une présence régulière à l’aéroport de Bruxelles National, les activistes ont permis, dans une certaine mesure, de montrer à l’opinion publique, du moins à une partie, la réalité de milliers d’étrangers, de sans papiers, de clandestins, de réfugiés, de prisonniers que les autorités belges ont toujours préféré cacher derrières des vitres sans teint et des barbelés.
Manifestation contre les centres fermés, blocages de fourgon de l’Office des Etrangers, occupations, sensibilisation de passagers à l’aéroport, participation aux actions des sans papiers dans les églises, etc.… ont rythmé l’activité des collectifs depuis 1998 jusqu’à encore ce vendredi où une vingtaine d’entre eux occupait le cabinet du ministre Vande Lanotte, un des concepteurs des lois xénophobes qui régissent la politique d’asile et d’immigration, ancien ministre de l’intérieur et "promoteur" de la "technique du coussin" qui mena à la mort Semira Adamu le 22 septembre 1998 dans un avion de la Sabena à destination du Togo. Au-delà des nombreuses actions des collectifs, c’est surtout ce meurtre légal ainsi que l’évasion deux mois plus tôt de 25 prisonniers sans papiers du centre fermé 127 bis (Steenokkerzeel), alors que le Collectif manifestait autour, qui mit les activistes sous les feux de l’actualité.
Aujourd’hui, les actions sont moins nombreuses, la régularisation s’embourbe dans des conflits communautaires, juridiques et politiques, la réforme du droit d’asile s’éloigne toujours plus de la Convention de Genève et de la déclaration universelle des droits de l’homme, la machine à expulser fonctionne comme jamais et anéantit encore quotidiennement les vies et les espoirs de milliers de migrants, les expulsions collectives par charter passent comme une lettre à la poste, le parti Ecolo qui avait activement soutenu des actions des collectifs s’embourbe dans la gestion gouvernementale de la " misère du monde ". L’Etat sent probablement que le rapport de force est plus en sa faveur maintenant, il peut lancer, une fois de plus, son appareil judiciaire contre des militants politiques alors que les meurtriers de Sémira ne sont toujours pas jugés.
Résumé du dossier juridique contre les inculpés des collectifs contre les expulsions
[document distribué à la conférence de presse]
Le CCE est actuellement sous le feu de trois dossiers d'inculpations qui résulteront dans des procès dans un avenir plus ou moins proche.
Le premier, dont la date est fixée au 4 mai [ce sera peut-être reporté], ne concerne qu'une personne mais aura pour nous valeur de test que nous ne pouvons rater. Les deux autres concernent les actions que nous avons menées en 1998 et visent au total 19 personnes. Il est presque certain que ces deux derniers dossiers seront liés.
En résumé, 19 personnes se partagent au total 22 inculpations. Certains égoïstes (les chefs, diront les malveillants) raflent une bonne part des charges.
1. Le dossier " Pascal Marchand "
Le contexte est la manifestation du 3 octobre 1999 à Steenokkerzeel, contre l'expulsion collective des Roms. Pascal Marchand est accusé de tentative de vol ainsi que de coups et blessures (avec effusion de sang) à l'encontre d'un gendarme en civil qui prenait des photos. Il lui est reproché en outre une destruction de matériel, en l'occurrence la grille du centre 127 bis. L'affaire est passée en procédure accélérée, ramenée à un fait de vandalisme et décontextualisée tant de la manifestation que de l'action du collectif.
Le dossier est rédigé par un seul gendarme, la victime, et la seule preuve exhibée consiste en une note de pressing (la victime avait son veston tâché de boue).
Pascal a été condamné par défaut une première fois à un an de prison ferme. Le
jugement fut cassé et est reporté au 4 mai [à confirmer].
Indymedia avait couvert cette affaire, voici ce qui était paru sur le site :
Un an de prison ferme pour délit de solidarité
Ce mardi 30 janvier, vers 22h30, Monsieur Pascal Marchand, un membre du Collectif contre les Expulsions, a été interpellé à son domicile et écroué à la prison de Forest, en application d’un jugement rendu par défaut par la 50ème chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles. Pascal Marchand a été condamné le vendredi 26 janvier à une peine d’un an de prison ferme pour des accusations de coups et blessures, de tentative de vol et de destruction de matériel.
Dernières nouvelles de Pascal Marchand
Communiqué de presse du 4 février 2001
Collectif contre les expulsions
Lettre d'auto-inculpation
Par la présente, je soussigné affirme avoir participé à la manifestation qui a eu lieu le 03 octobre 1999 devant le centre de rapatriement 127bis à Steenokkerzeel, pour marquer ma solidarité avec les demandeurs d’asile tziganes en voie d’expulsion collective.
Lettre des avocats de Pascal au Ministre de la justice
Lettre ouverte au ministre de la justice
Lettre de Benoît Clair, Journaliste, Président - Fondateur du Club de la Presse Européenne (225membres), Los Angeles, CA, USA.
Question parlementaire refusée
Je souhaitais poser une question orale en rapport avec l’affaire Pascal Marchand, cet activiste détenu ayant subi des violences. N’ayant pu exercer mon droit démocratique au Parlement même ni dès lors obtenir la moindre réponse de la part du Ministre, je souhaite que vous soyez informé-e de ce qui aurait pu devenir une question parlementaire.
400 personnes pour fêter la libération de Pascal Marchand
Ce vendredi 9 février, à 8h45, à l’appel du Collectif Contre les Expulsions, quelques 400 personnes se sont rassemblées pacifiquement devant le Palais de Justice de Bruxelles pour exiger la libération immédiate de Pascal.
Interviews:
G-H Beauthier, avocat de Pascal Marchand
Dan Van Raemdonck, président de la Ligue des Droits de l'Homme
Serge Thiry, Collectif contre les expulsions
Interview de Pascal Marchand
Affaire Pascal Marchand: Nouvelle Gendarmerie : 2 fois plus efficace !
Dimanche 18 février à 9 heures, la police de Schaerbeek s'est à nouveau présenté à son domicile Pascal est libre mais les procès continuent...
2. Les dossiers " CCLE "
1. Les faits
Ces dossiers concernent principalement 5 actions menées en 1998 :
a. 29 juin : blocage d'un fourgon cellulaire de l'office des étrangers
transportant un mineur somalien à l'aéroport en vue d'une expulsion
b. 21 juillet : évasion de 25 détenus du centre 127 bis suite à un
rassemblement de soutien à Semira Adamu
c. 18 août : blocage d'un fourgon de l'office des étrangers transportant une
fille du groupe des évadés du 21 juillet à l'aéroport pour expulsion. La
technique utilisée était la projection d'œufs remplis de peinture sur le
fourgon à l'arrêt.
d. 14 octobre : manifestation au centre 127 bis contre les expulsions et
centres fermés
e. 10 décembre : action devant le parlement à l'occasion de l'anniversaire des
50 ans de la déclaration des Droits de l'Homme.
f. A cela s'ajoutent différentes manifestations en zone neutre (23 et 24/9,
10/12) dont une datant du 3/7/97, dans le cadre d'une action de l'îlot Stevin.
2. Les charges
Toutes ces actions se transforment en 19 charges réparties comme suit :
1.. destruction de propriété mobilière (x2 puisque l'un était le chef) ;
entrave méchante à la circulation - 12 personnes
2.. destruction de clôture (8) ; aide à évasion de détenu (8) ; menace par
geste (8) ; tentative d'incendie volontaire (8) ; coups et blessures (8 + 1
détenu)
3.. entrave méchante à la circulation (3) ; destruction de bien mobilier (3)
et rébellion (1)
4.. rébellion avec violence (3) et destruction de clôture (3)
5.. rébellion armée (2) ; rébellion avec violence (4) ; coups à agent (1) ;
détention illégale d'arme prohibée (1) ; outrage à agent (3)
6.. manifestation en zone neutre (8)
Ces deux dossiers doivent encore passer devant la Chambre du Conseil, qui
décidera de son renvoi devant les tribunaux. Le Procureur a déjà demandé leur
jonction. Nous n'avons pas pour l'instant de date de comparution.
3. Le fond
Le plus marquant à la lecture des plus de 1000 pages que contiennent ces 2
dossiers, c'est l'accumulation des charges retenues et l'image de groupe
organisé et violent utilisée pour présenter le collectif ( chaque accusation
est agrémentée de la circonstance que l'action a été commise en bande et par
suite d'un concert préalable).
L'absence de preuves dans ce dossier ne nous pousse pas à l'optimisme. Il
existe, dans les milieux du Pouvoir " 3 en 1 " une volonté manifeste de nous
faire payer notre insolence et dans un même élan de légitimer un peu plus la
politique d'expulsion et les acteurs qui la portent.
4. La défense
Nous savons que le combat ne se situera pas au niveau des preuves : nous avons
fait ces actions, nous les avons revendiquées ouvertement et nous n'éprouvons
ni " regrets ni remords ". Aux yeux de certains, cela suffit largement à faire
de nous des coupables.
Aux nôtres, ces procès n'ont aucune légitimité : ils visent à sortir nos
actions du cadre politique pour les placer dans le cadre judiciaire, les vider
de tout sens et effacer les questions que nous posons. En agissant de la sorte,
nous pouvons affirmer que le Pouvoir nous fait un procès politique. Nous allons
donc leur opposer une défense politique.
Sans nous avancer sur une ligne de défense qui reste à définir, nous pouvons
déjà préciser quelques points :
a. nous viserons dans la mesure du possible à mettre sur pied une défense
collective de l'ensemble des inculpés. Toutefois, chacun reste libre d'assurer
sa propre défense sur d'autres bases et devra compter avec le soutien de tous ;
b. nous n'avons pas à justifier ni de nos actions, ni de nos convictions
devant un tribunal. Ce faisant, nous étudions l'hypothèse et les conditions
d'un procès de rupture qui verra dès lors s'opposer deux logiques antagoniques.
Il doit être, en tous points, un événement exceptionnel ;
c. Nous voulons que ce procès soit une nouvelle occasion de dénoncer et
combattre la politique d'expulsion, de détention et d'exploitation des sans
papiers, le régime sécuritaire et ses logiques de contrôle qui nous étreignent.
Nous appellerons à témoigner toutes les personnes qui peuvent apporter, par
leur recherche, leur travail et surtout leur expérience un élément de
réflexion.
5. Le comité de soutien
Un procès en rupture n'a de sens qu'à la condition de susciter un écho autour
de nous et de chercher à ouvrir des brèches nécessaires à la construction de
nouveaux espaces de liberté.
Pour y arriver, il nous faudra rencontrer ceux qui dans leur quotidien, vivent
la précarité, l'absence de droits, les contrôles au faciès, les visites
domiciliaires, les brimades des gardiens. Il nous faudra construire les ponts
et créer les espaces d'expression et d'échange.
Mais nous aurons aussi besoin d'être entourés, protégés et conseillés pour ne
pas foncer droit dans un mur. Nous sommes partis pour un combat difficile pour
lequel nous demandons un triple soutien moral, politique et matériel. [fin du document]
Il vous est maintenant plus facile de comprendre la nécessité d’un tel comité et de l’appel de soutien. Le comité se place dans une démarche active. Plus que de faire signer une simple pétition, il veut mobiliser sur le long terme et apporter ou du moins contribuer à apporter une réponse politique face à la criminalisation croissante des mouvements sociaux et en matière de politique d’asile et d’immigration. Il veut combattre l’idée d’une forteresse assiégée qui, pour reprendre les mots de la philosophe Isabelle Stengers à la conférence de presse, est "le lieu d’une anti-démocratie par excellence". Nous sommes en face d’un procès politique, d’une agression contre le mouvement social. Or, comme l’a rappelé ce matin Dan Van Raemdonck, président de la Ligue des Droits de l’Homme francophone, le droit à la rébellion est un droit de l’homme, un droit des peuples face à des politiques inhumaines. Soutenir le comité, c’est résister à la construction d’une Europe policière voulant éradiquer certaines formes de protestations, des formes qui ne rentrent dans le corset institutionnel. C’est aussi un moyen de redonner éventuellement une dynamique à un mouvement contre les expulsions et contre les centres fermés pour étrangers qui cherche un nouveau souffle.
A peine était-il créé que ce comité a récolté un millier de signatures de soutien. Ce n’est que le début, cette lutte se base sur le long terme, participez-y.
Pour plus d’informations :
Porte-Parole du Comité de Soutien :
Mateo Alaluf : 02/650.34.31
Isabelle Stengers : 02/380.93.53
Pascale Fonteneau : 02/735.12.30
Porte-Parole des inculpés :
Serge Thiry : 0486/413010
Daniel Liebmann : 0495/635469
Avocats :
Christophe Marchand 02/5357222
Philippe Erkes : 02/538.07.36
Attachée de presse :
Corinne Barella 0479/310223
Contact néérlandophone :
Angela Van de Wiele 0497/29.18.39
Courrier : comitedesoutien@collectifs.net
Adresse : Section de Bruxelles de la LDH, 15 rue de Londres, 1050 Ixelles
Tel : 02/511 45 41 (répondeur)
http://www.collectifs.net/comitedesoutien/
soutien financier à verser à Antidote 001-3535723-52