CAS BELLACRUZ - COLOMBIE

 

Antécédents historiques

L'Hacienda Bellacruz se trouve dans le Département du César, s'étendant sur les municipalités de Pelaya, La Gloria et Tamalameque. Le litige pour la terre date de l'année 1934, année où Alberto Marulanda Grillo (père de Carlos Arturo Marulanda) acheta à la Banque Royale du Canada, une extension de 7 016 hectares, initialement sur la municipalité de La Gloria (Département du Magdalena). Ensuite, l'extension se poursuivit aux terrains contigus à Bellacruz grâce à différents "achats", et plus particulièrement jusqu'à la limite ouest de la municipalité, de même que jusqu'à El Caseiro (petit hameau) de Simana.

La concentration des terres par la famille Marulanda, s'est faite d'une part, par l'achat aux enchères de terres appartenant aux colons, et d'autres part grâce à des actes de propriété truqués moyennant le dépouillement des paysans avec des méthodes violentes en marge de la loi.

Selon le rapport de l'INCORA (institut Colombien de la Réforme Agraire), sur le processus de clarification de la propriété, "Il se dit et se répète que des colons ont été violemment dépouillés, en faisant appel à des moyens peu ou pas du tout honnêtes, ni légaux, peu ou en rien humanitaire, en à certaines occasions très lugubres, il se parle aussi de torture et d'autres délits" (1958 Cahier N°3).

Selon l'INCORA, la concentration des terres est estimée entre 25 000 et 30 000 hectares. Cette concentration s'ait accompagnée du dépouillement et du mauvais traitement de la population paysanne qui a été amenée à s'organiser en syndicats afin de défendre ses intérêts contre les projets expansionnistes de la famille Marulanda.

Les conflits entre la famille Marulanda et les syndicats paysans de Ayacucho, San Bernardo et Simana, représentés par les leaders Jesus Perroni Navarro et ELOISA CORRALES durent depuis la fin des années cinquante.

A la mort de ALBERTO MARULANDA GRILLO, la Hacienda Bellacruza était intégrée à la Société M.R. constituée en 1970, dont le représentant légal était son fils CARLOS ARTURO MARULANDA RAMIREZ. Parmi les sociétaires, il y avaient également Madame CECILIA RAMIREZ DE MARULANDA, GLORIA CRISTINA MARULANDA RAMIREZ, MARIA CECILIA MARULANDA DE SARASOLA et FRANSCICO ALBERTO MARULANDA RAMIREZ.

Depuis 1987, plus de 280 familles paysannes sans terre, dont un grand nombre d'entre elles étaient constituées des enfants des paysans qui avaient été dépouillés de leurs terres par la famille Marulanda, initièrent un processus d'occupation des terres. Ces familles exigèrent une intervention du Ministère de l'Agriculture afin de tirer au clair la propriété réelle des Marulanda, puisqu'elles détenaient des titres de propriété qui dataient de 1911. Depuis lors, CARLOS ARTURO MARULANDA, fit toujours usage de la violence (expulsions, destructions des cultures, emprisonnements) usant du Corps de Police de Pelaya et du bataillon Ayacucho de l'Armée Nationale qui se trouvaient cantonnés à Bellacruz au service de sa famille.

Les leaders paysans ont dénoncé à d'innombrables reprises les infractions dont Carlos Arturo Marulanda était l'initiateur; en conséquence les dirigeants GABRIEL LOPEZ et GUMERCINDO BUELVAS furent assassinés en 1988 et 1989. Les véhicules qui transportaient les assassins appartenaient à l'Hacienda Bellacruz.

Le 20 Avril 1994, la résolution N° 01551 de l'INCORA déclara terres incultes 7 domaines faisant partie de l'Hacienda Bellacruz (Los Bajos, Venecia, San Simon, Potosi, Cano Negro, Maria Isidra), qui étaient occupés et exploités par 170 familles. Cette dite résolution fut confirmée par l'INCORA et le Conseil d'Etat malgré l'appel fait par la famille Marulanda qui avait alors épuisé les recours légaux à sa disposition.

En Février 1995, selon les déclarations du Commandant de Police de la municipalité de Aguachica, faites à la Direction de la Police Judiciaire "…le narcotrafiquant Victor Carranza, serait sur le point d'acquérir une hacienda sur la juridiction de La Gloria, nommée Bellacruz, laquelle il compterait utiliser comme base pour ses activités et qu'il embaucherait 200 paramilitaires pour l'acquérir…, lesquels auraient pour mission de nettoyer la zone,…Cette hacienda sera achetée à un politique connu… nommé Marulanda Ramirez"

En Octobre 1995, l'Association Nationale des Usagers Paysans ANUC UR, a prévenu les autorités nationales des projets d'extermination et de déplacement massifs dont seraient victimes les communautés occupants l'hacienda Bellacruz, sollicitant une intervention afin de légaliser la situation des paysans qui occupaient toutefois des terres déclarées incultes le 20 Avril 1994.

Alors que la famille Marulanda perdit les batailles judiciaires qui lui aurait permis de maintenir l'étendue de sa grande propriété, un nouvel épisode du conflit entre paysans et grands propriétaires s'ouvrit.

 

CHRONOLOGIE DES FAITS

 

 

PARAMILITARISME: STRATEGIE D'ETAT

La constitution de groupes paramilitaires est une stratégie créée par l'Etat colombien lui-même ayant pour finalité l'exercice d'un contrôle sur la population, au moyen de procédés comprenant massacres, tortures, enlèvements et déplacements forcés de populations entières, sans que cela n'entraîne aucun coût politique, ni contrôle de la part de la communauté internationale, vue l'origine présumée de ceux qui, qualifiés de particuliers, intègrent les groupes paramilitaires ; cela leur permet d'agir de façon sanguinaire avec la population.

Il convient de souligner que dans de nombreux cas, les groupes paramilitaires intègrent ou sont dirigés par d'anciens membres des forces armées (police, Armée, DAS) ; ceux qui ont été démis de leur fonction pour avoir commis des délits, ou parfois pour violation des droits humains.

Les zones où agissent les groupes paramilitaires coïncident avec une forte présence de Bataillons, Brigades, et en général avec des détachement militaires. Les paramilitaires ont agit avec la bénédiction des membres de la force publique qui vont même jusqu'à leur procurer les appuis logistiques nécessaires pour commettre des faits illicites, et postérieurement les protègent.

Dès l'année 1983, le Procureur Général de la Nation d'alors a dénoncé la participation de membres des forces armées à la conformation de ces groupes qui ont entre autres agit dans des zones comme Uraba, Cordoba, Sucre, Meta, le Nord de Santander, et le Sud du César.

En ce qui concerne le cas de la hacienda Bellacruz, sur les terres connues sous le nom de Vistahermosa, il y a toujours eu des unités de l'armée à l'intérieur de l'Hacienda. Elles appartenaient initialement à la base militaire de Ayacucho, au Bataillon des Héroes de Santuario de la Vème Brigade de l'armée, au Bataillon Pichincha et, à l'époque des faits, il y avait la base du Bataillon No. 40, qui était de la responsabilité du Lieutenant HENRY CAPACHO.

Dans la nuit du 14 février 1996, de nombreux paysans victimes de l'attaque virent le Lieutenant Capacho agir avec les paramilitaires qui pénétrèrent chez eux pour les menacer, incendier leur maison, endommager leurs cultures et les obliger au déplacement forcé en argumentant que CES TERRES APPARTENAIENT A CARLOS ARTURO MARULANDA.

En Colombie, les bandes criminelles connues comme groupes paramilitaires se forment dans le but de terroriser la population, assassiner, faire disparaître, incendier, massacrer. Le génocide, le déplacement forcé, la persécution, la torture, la disparition ou la mort de paysans, de responsables syndicaux, civils ou politiques (à cause de leurs opinions), sont les actions qu'ils mènent en permanence, pour lesquelles ils jouissent de l'appui de certains secteurs du gouvernement, et principalement de la Force Publique (Armée et Police Nationale) et d'organismes de sécurité, comme cela a été prouvé judiciairement et dénoncé par des autorités et organisations nationales et internationales. Ceux qui financent la formation de ces groupes délinquants le font en sachant que ces dits groupes commettront des délits, qui dans tous les cas profiteront aux financeurs.

Pour conséquence directe de la formation et de l'action de ces groupes, depuis le 15 février 1996, CARLOS ARTURO MARULANDA a de nouveau annexé à son hacienda les terres que possédaient légalement les paysans, et pour lesquelles le processus d'attribution par l'INCORA était en cours, en accord avec les lois colombiennes.