Déclarations du président Hugo Chavez
sur la situation actuelle au Venezuela

Rebelion, 12.12.02

- Monsieur le Président, qu'en est-il au sujet de l'industrie pétrolière?

Hugo Chavez: Nous travaillons là-dessus et nous sommes en train de résoudre la crise. Je peux vous l'affirmer: nous sommes effectivement en train de trouver une solution et de dépasser cette crise.

Comme vous le savez, dans ce pays, s'est mis en marche un gigantesque plan de sabotage. On pourrait le comparer à ce qui se passe en Colombie lorsqu'un groupe armé place une bombe sur un oléoduc ou un puit de pétrole pour les faire sauter. Ici, heureusement, ils ne les font pas sauter et ils ne le feront pas, mais il s'agit d'une subversion très efficace qui, au coeur de notre industrie, l'a exproprié des vénézuéliens depuis trop longtemps. Il s'agit de personnes qui ont cru que la PDVSA leur appartenait.

Vous savez, et c'est déplorable, que les coûts de production de la PDVSA ont augmenté à un point tel ces dernières années qu'il nous coûte presque trois fois plus cher de produire un barril de pétrole comparé à une entreprise internationale ou transnationale.

Une opération bien planifiée de sabotage s'est mise en place, mais cependant nous démontrons notre force en l'affaiblissant car ceux qui l'ont planifiée de l'intérieur et de l'extérieur ont le grand avantage de manier ou d'avoir manié pendant des années tous les systèmes d'une entreprise dont ils connaissent les moindres détails; sur terre, sur mer et depuis l'extraction jusqu'au raffinement. J'en ai appris énormément...

Le plus importan, c'est que nous sommes en train de dépasser la crise et cela est une démonstration de force, parce qu'il s'agit ici d'un coup d'Etat. Les mêmes conspirateurs du mois d'avril ont eu plus de 6 mois pour préparer leur coup en agissant au sein et à l'extérieur de l'entreprise.

J'ai notamment parlé de manière fréquente avec un marin sur un pétrolier. Je lui ai demandé qu'ils n'agressent pas leur capitaine, car ils voulaient le faire. Ce capitaine les avait littéralement séquéstrés, lui et ses compagnons. Ces messieurs les officiers devaient décharger le navire depuis sept jours et les marins voulaient rentrer chez eux voir leurs familles, mais ils ne pouvaient quitter le navire. Ils étaient séquéstrés par la décision du capitaine qui commandait depuis l'extérieur.

L'un des marins m'a dit: "Président, ils ont préparé leur coup depuis longtemps parce que cela fait un mois, plus ou moins, que je vois des choses bizarres. Des gens curieux montent sur les navires en emportant, par exemple, des plans de ces derniers. Ils ont également amené d'autres personnes de l'étranger, d'un pays "X" pour donner une série de conférences, chose qu'en 20 années de travail je n'avais jamais vu".

C'est dire s'ils ont travaillé durement et avec toutes leurs capacités, ils les ont utilisés dans un plan de sabotage, afin de susciter le chaos dans le pays et de justifier un coup d'Etat, pour justifier n'importe quoi.

Mais je suis actuellement très content car, tout comme en avril, le pays est sorti renforcé de l'épreuve comme nous le démontrons aujourd'hui. Quelle force que celle du Vénézuéla qui, malgré toutes les violences qu'il subit du fait de ce plan bien calculé et de grande magnitude, est là, il se défend, réagit et répond au défi. Le peuple est en train de répondre partout. Le peuple est sorti dans la rue, des millions de personnnes sont sorties dans les rues ces derniers jours, pour manifester leur rejet des conspirateurs et pour manifester leur appui au gouvernement constitutionnel, légitime et démocratique.

Les travailleurs de PDVSA ont également répondu présents, certains ont travaillé pendant trois jours sans interruption, sans dormir. Sans oublier les travailleurs pétroliers, ceux qui sont restés dans les puits, dans les sites de production.

A La Palito, par exemple, les conspirateurs avaient saboté un laboratoire où l'on mélange de l'essence, ils l'ont saboté mais les travailleurs ont résisté sur place. Les gérants ont abandonné le site et ce sont les travailleurs qui ont repris la production. C'est une chose merveilleuse, c'est cela une révolution. Les travailleurs ont pris les sites industriels.

Il faut aussi ajouter quelques gérants, techniciens moyens ou des cadres dirigeants qui ont également résisté, j'ai parlé avec certains d'entre eux par téléphone et personnellement, ici, au Palais, et je les remercie infiniment car il s'agit de gens conscients qui, malgré le fait d'appartenir aux directions, ne se sont pas laissés faire malgré les pressions, l'énorme chantage.

Il y a deux jours, je parlais au téléphone avec un capitaine qui avait pris un remorqueur dans la région d'Oriente. Ce capitaine m'a dit, "je suis en train d'embarquer, président, je suis prêt car je vais aller chercher et ramener ce bateau (un pétrolier mis en panne, NDLT)." Alors qu'il s'appoche du pétrolier, on a commencé à le menacer par la radio de bord de tuer sa famille s'il agissait ainsi.

Du terrorisme par la radio. Qui d'autre manie cette radio si ce n'est les dirigeants de la PDVSA? Ils ont donc commencé par menacer de tuer sa famille en lui disant notamment qu'ils savaient où étudiaient ses enfants, etc.

L'équipage du remorqueur a eu peur et ils ont demandé au capitaine de stopper et de faire machine arrière. Le capitaine a insisté mais il n'a pû les convaincre et il m'a dit, attristé, "Commandant, je n'ai pas pu, mais je vais encore essayer." Il a encore essayé deux fois et a fini par en tomber malade.

- Président, que va-t-il se passer avec ces gens?

H.C: La crise est passée, ces événements ont eu lieu il y a deux jours. Le Ministre de l'énergie et des Mines a fait une bonne déclaration où il a dit que le blocus du pays - nous sommes en train de célébrer les 100 ans du blocus du pays à l'époque de Cipriano Castro - a été aujourd'hui un "auto-blocus".

Nous sommes en train de briser cet auto-blocus du pays. A Guaraguo, les navires sont en train de bouger. L'anecdote que je vous ai conté s'était justement déroulée à Guaraguo. De telles tentatives de désobstruction ont tellement eu lieu que la situation s'est finalement désobstruée. On vient de remplir des navires avec 350.000 barriles de pétrole. A l'ouest, à Las Salinas, à Maracaïbo, une bonne partie des obstructions ont été levées. Le gaz d'Anaco, comme on vient de me l'informer il y a peu, est de nouveau redistribué.

J'ai parlé avec le président de la CVG (Centrale Vénézuélienne du Gaz, NDLT) car les entreprises de base de l'Etat sont là-bas et elles sont en train de redémarrer.

Comme vous le savez, ils ont pu arrêter les entreprises de base non pas parce que les travailleurs voulaient arrêter le travail mais parce qu'elles n'étaient plus alimentées en gaz.

La situation est en train de s'améliorer de manière progressive, le ravitaillement en combustible est de plus en plus fluide. Mais il reste encore quelques problèmes dans des régions comme celle d'Apure parce qu'il y avait clairement du sabotage de la part des autorités aux mains de l'opposition: ils ont utilisé leurs polices pour stopper les péniches. Nous avons dû envoyer la Garde Nationale, en postant deux Gardes Nationaux sur chaque péniche et j'ai dit aux commandants des garnisons qu'ils n'hésitent pas, si nécessaire, à disposer également de quatre soldats par péniche car nous ne pouvons pas permettre qu'un policier ou qu'un gouverneur sabote un service social.

- Est-ce que le gouvernement pense prendre des mesures légales contre ces personnes qui ont saboté PDVSA?

H.C: Je ne vais pas donner d'opinion sur ce sujet car cela est du ressort des organes judiciaires. Mais je voudrais insister; est-ce que la crise se réduit à PDVSA? La crise est historique. Je voudrais faire une citation d'Antonio Gramsci sur le sens d'un tel mot: les véritables crises surviennent au moment où l'ordre mourant n'a pas encore terminé de mourir et que l'ordre naissant n'a pas terminé de naître, là est la crise.

Lorsque l'on a nationalisé l'industrie pétrolière, cela s'est fait sans la participation des travailleurs, sans que la nation n'ait eu son mot à dire. C'est seulement aujourd'hui que le pays connaît réellement son industrie pétrolière, ce qu'est PDVSA, combien elle coûte, combien elle vaut, d'où est extrait le pétrole, d'où provient le gaz; cela nous a permis à tous d'apprendre beaucoup car les crises sont prédagogiques. En réalité, il n'y a pas eu beaucoup de changements entre l'avant-1975 (date de la nationalisation, NDLT) et l'après-1975. J'ose avancer l'idée, que d'autres pourront développer ou non, que nous sommes seulement aujourd'hui en présence d'une véritable et authentique nationalisation du pétrole vénézuélien.

- Qu'en est-il des forces armées? ... On parle de coup d'Etat?

H.C: Ils n'ont jamais pu le faire - et quand l'auraient-ils pu? Ils ne le pourront jamais, mêmes s'ils le pensent. Je veux profiter de ta question pour féliciter tous les officiers, sous-officiers et hommes de troupes de l'armée, de la Garde Nationale, de la Force aérienne - qui ont fêté leur anniversaire et ont fait un très beau défilé hier à Maracay -, la Marine de guerre, tous se sont pleinement investis dans leurs tâches pour la sauvegarde de la souveraineté du pays.

- Comment vous sentez-vous, vous qui êtes soumis à une telle pression?

H.C: Je me sens, spirituellement, d'une grande tranquillité positive, active, dynamique, je me sens dans mes pleines conditions spirituelles, morales, physiques après ces épreuves. Je rends grâce à la vie qui m'a permise de me préparer à travailler et à vivre dans les difficultés. Je crois que depuis que je suis né, quand quelqu'un vient au monde dans une maisonnette au toit de paille, près d'un fleuve et dans la nécessité de lutter pour vivre depuis tout petit, cette personne a déjà appris à percevoir la vie comme une lutte contre la pauvreté et contre les limitations (...)

Je me sens donc très bien, je crois que nous avons passé, même si n'en avons pas encore vraiment fini, une épreuve de plus, le pays a passé une épreuve de plus. J'ai confiance dans le peuple, je suis très confiant envers le Venezuela, envers les Forces armées et dans la capacité que le pays a développée pour affronter des difficultés comme celles-ci et même des plus difficiles encore.

- Quel message donneriez-vous à ceux qui ont empêché le sabotage de la part de certains gérants de PDVSA et ont remis en marche, par exemple, le site de Yagua?

H.C: Je pense que ce sont des héros, il faudra qu'ils soient reconnus. Il faudrait leur faire une statue, un monument pour que tous le sachent. (...) Les travailleurs nous avertissaient depuis longtemps déjà qu'il se préparait quelque chose. J'ai plusieurs fois reçu Raphael Rosales, président de Fedepetrol et il m'a dit plusieur fois; "président, ils sont en train de conspirer dans l'entreprise". Nous avons eu plusieurs réunions avec Ali Rodriguez, avec le ministre et d'autres personnes qui travaillent à PDVSA et nous étions en alerte, mais cependant, les capacités de ces gens et leur connaissance de l'entreprise leur a permis d'avoir de grands avantages pour mettre sur pied ce plan conspiratif et criminel, car il s'agissait d'arrêter le coeur économique du Venezuela.

Le Venezuela est aujourd'hui comme une personne à qui on a donné un coup de couteau dans le coeur et cependant, la personne vit, elle vit et elle continue à marcher. Une des conséquences positives de cette crise du pétrole va être qu'à partir de maintenant, les Vénézuéliens vont véritablement avoir une industrie pétrolière, qu'à partir de maintenant, on va approfondir l'utilisation nationale de l'industrie pétrolière.

(...) Lorsque l'on a réalisé la nationalisation, ce ne fut pas autre chose qu'un acte de plus du cynique politique incarné par le Pacte de Punto Fijo (Pacte qui a instauté dans les faits un régime de bipartisme, NDLT), ce fut un accord entre les élites et ils ont fait croire au pays et au monde que le Venezuela avait récupéré son pétrole. Mensonge! Cette élite anti-nationale, "dénationalisée" même (...) a ensuite tout fait pour préparer la privatisation. Mais la révolution est arrivée et les a bloqués. (...)

- Président, vous pensez que les Vénézuéliens connaîtront un "joyeux Noël"?

H.C: J'ai la certitude qu'après tous ces événements, qu'après cette nouvelle embuscade et lorsque nous aurons pris toute la mesure de cela après autant de tension, de campagnes de rumeurs et médiatiques, nous aurons doublement ou triplement raison de célébrer Noël! (...)

Qu'elle le veuille ou non, cette opposition déséspérée devra finalement accepter que le Venezuela a changé. Eux, ils sont dans le passé, ils sont totalement coupés de la réalité du pays, tellement déconnectés qu'ils en sont venus à s'auto-proclamer au pouvoir sans se rendre compte que le Palais était encerclé par des millions de Vénézuéliens, ils ne s'en sont même pas rendus compte tandis qu'ils prenaient leur whisky...

*Traduction: Ataulfo Riera
Article original:
http://www.rebelion.org/venezuela/chavez121202.htm