Commission de l'Intérieur, des Affaires
générales et de la Fonction publique
Séance du 26/02/2003
Compte-rendu intégral provisoire – CRIV 50
COM 1006
15 Question de Mme Zoé Genot
au ministre de l'Intérieur sur "l'encadrement policier de la manifestation
devant le Centre 127bis" (n° B104)
15.01 Zoé Genot (ECOLO-AGALEV): Monsieur le président, monsieur le
ministre, ce dimanche 23 février, de nombreuses personnes se sont rassemblées
devant le centre 127bis pour étrangers en situation illégale, afin de marquer
leur solidarité avec les personnes qui sont détenues et de protester contre ces
centres fermés.
Les forces de police présentes ont procédé au contrôle de quasiment
toutes les personnes présentes, notant systématiquement le numéro de leur carte
d'identité et refusant même des cartes de presse.
Pouvez-vous me dire selon quelles instructions et modalités ces
contrôles ont été effectués? Quel est le traitement prévu pour les données
personnelles récoltées de cette manière à cette occasion, ainsi que celles
concernant les nombreuses photos qui ont été prises à la même occasion?
Les organisateurs avaient renseigné deux personnes de contact à la
police pour permettre une meilleure coordination avec cette dernière. Celles-ci
n'ont quasiment pas été consultées par la police et lorsque cette dernière a
décidé de faire reculer les manifestants, les organisateurs ont établi une
chaîne pour faire tout doucement reculer les manifestants. C'est à cette
occasion qu'une des jeunes femmes qui étaient dans la chaîne de sécurité a été
blessée par une autopompe.
En effet, elle a été atteinte très
violemment au visage par le jet de l'autopompe et comme manifestement, elle se
trouvait à proximité de cette autopompe, en plus d'avoir un gigantesque hématome
au visage, ses yeux sont, semble-t-il, en danger et elle est toujours
hospitalisée à Saint-Luc à l'heure actuelle. Les
médecins, toujours inquiets pour ses yeux, ne lui permettent pas de quitter
l'établissement. Quelle évaluation a-t-elle été faite?
Vous avez parlé tout à l'heure de directives et de formations pour les
sprays au poivre. J'espère qu'il y en a aussi pour l'utilisation des autopompes.
Je n'avais jamais vu une autopompe utilisée si près de la foule. Il y avait
peut-être un mètre et demi entre l'autopompe et les manifestants. J'ai
l'impression qu'un mauvais usage de l'autopompe a été fait dans ce cas précis.
15.02 Antoine Duquesne, ministre: Monsieur le président,
madame Genot, les contrôles ont été effectués en
fonction de l'exécution de l'article 31 de la loi sur la fonction de police et
à la suite d'une manifestation non autorisée, pendant laquelle l'usage de la
violence par les manifestants était probable. A la manifestation participaient,
en plus des membres, certains groupements bien connus des services de police et
qui doivent faire, de leur part, l'objet d'une vigilance particulière.
Les données personnelles récoltées seront traitées selon les directives
de la circulaire MF03 et feront l'objet d'enquêtes judiciaires pour
l'identification des auteurs d'actes de vandalisme vis-à-vis du centre 127bis.
La circulaire MF03 règle également l'enregistrement et la diffusion des
informations de police administrative. Toute activité d'un membre ou d'un
membre présumé d'un groupement ou d'une personne qui présente un intérêt
concret pour l'exécution de missions de police administrative fait l'objet d'un
rapport particulier adressé à la direction des opérations de police
administrative de la police fédérale.
Les photos prises seront traitées de la même manière. Elles seront donc
jointes au rapport administratif et sont donc également utilisées dans la
constitution de dossiers judiciaires.
La manifestation n'a pas fait l'objet d'une demande d'autorisation de la
part des organisateurs et n'a donc pas été autorisée par les bourgmestres
concernés. Ceux-ci ont quand même accepté la manifestation à condition qu'aucun
tort ne soit fait à des personnes ou des biens. Ce n'est qu'après que de graves
actes de vandalisme ont été commis vis-à-vis du centre 127bis, notamment des
dégradations aux clôtures et vis-à-vis des forces de l'ordre par des jets de
pierres et d'objets divers, que les forces de l'ordre ont réagi en mettant en
oeuvre des moyens spéciaux.
Si des manifestants n'obtempèrent pas aux sommations réglementaires, il
arrive effectivement que, lors de l'utilisation des moyens spéciaux, en
l'occurrence une arroseuse, ils n'en sortent pas tous indemnes. Je préfère de
loin que toute manifestation, dans le cadre du droit à la liberté d'expression,
se déroule sans incidents.
Malheureusement, certains comportements qui dépassent les limites de
l'acceptable mènent finalement aux conséquences que vous invoquez.
Dans la gestion de cet événement, les forces de l'ordre ont fait preuve
d'une extrême patience contre un noyau d'une centaine de manifestants
extrêmement agressifs.
15.03 Zoé Genot (ECOLO-AGALEV): En ce qui concerne
la circulaire sur le traitement de l'information, il est donc possible de la
trouver facilement ?
15.04 Antoine Duquesne, ministre: Madame Genot, il existe des circulaires internes à nos services.
Vous ne croyez quand même pas que je vais mettre sur la place publique un
certain nombre d'instructions qui doivent rester discrètes pour des raisons de
sécurité.
15.05 Zoé Genot (ECOLO-AGALEV): J'ai bien compris
que les informations recueillies vont être traitées de manière totalement
secrète. C'est assez dommageable pour la vie privée.
Je suis assez étonnée car vous avez dit d'abord qu'il n'y avait pas eu
de demande concernant la manifestation et puis, ensuite, vous avez dit que le
bourgmestre l'avait acceptée. C'est bizarre qu'il accepte quelque chose qui n'a
pas été demandé.
Je peux vous dire que plusieurs demandes ont été effectuées et le
bourgmestre a lui-même demandé que la manifestation se déroule à l'extérieur de
la commune, sur le terrain de football. C'est un peu paradoxal. Les demandes
ont été introduites voici plusieurs mois.
15.06 Antoine Duquesne, ministre: Je voudrais bien en
voir la preuve! Ce serait intéressant.
Vous savez, je suis un peu comme St Thomas.
15.07 Zoé Genot (ECOLO-AGALEV): Cela ne me pose pas
de problème, je veux bien vous fournir les preuves.
Vous avez dit préférer que la manifestation se passe sans incidents et
c'est également mon avis. Mais le climat était hostile de part et d'autre. J'y
suis allée, accompagnée d'une famille avec des petits enfants. J'y ai constaté
qu'on réclamait les cartes d'identité à tout le monde. On a dit à la maman qui
véhiculait son enfant dans sa poussette que si les policiers cognaient son
enfant, ce serait de sa faute ! Je crois que cela rend le climat déjà très
mauvais alors qu'il n'est que 14.00 heures sous le soleil et que tout se passe
bien, dans un cadre coloré et musical. Je pense qu'il faut donc relativiser
l'agressivité de part et d'autre.
15.08 Antoine Duquesne, ministre: Madame Genot, je ne suis pas ému quand on me demande ma carte
d'identité.
15.09 Zoé Genot (ECOLO-AGALEV): De même que
lorsqu'on vous dit que si votre enfant est blessé, cela relèvera de votre
responsabilité !Quand vous avez un bébé dans une
poussette ! Honnêtement, j'en suis très émue.
15.10 Antoine Duquesne, ministre: Il n'est en effet pas souhaitable
d'emmener des bébés à des endroits où on sait bien que, régulièrement, se
passent des incidents. C'est un bon conseil des forces de l'ordre.
15.11 Zoé Genot (ECOLO-AGALEV): Je n'ai jamais
entendu qu'on accuserait une mère d'être responsable des coups reçus par son
bébé lors d'une manifestation.
15.12 Antoine Duquesne, ministre: Madame Genot, il faut prouver tout ce que vous dites.
15.13 Zoé Genot (ECOLO-AGALEV): La prochaine fois,
j'emmènerai des enregistreurs pour enregistrer les propos des policiers. Monsieur
le ministre, ne vous contentez pas de relire ce que les policiers ont déclaré.
On a pu entendre qu'il manquait de nombreux policiers dans cette zone.
Encore hier soir, nous nous sommes rendus au centre 127bis. Nous avons discuté
tranquillement avec les gens à travers la clôture puisque c'est la seule
manière d'avoir des contacts réguliers avec toute une série de personnes du
centre dont nous ne connaissons malheureusement pas les noms. Dix minutes après
notre arrivée, quatre combis de policiers sont arrivés sur place, avec un
minimum de quatorze policiers qui ont de nouveau contrôlé les identités des
personnes présentes. Je pense qu'il y a d'autres choses à faire.
Quand j'entends des propos tels que: "ma tante a été cambriolée
cinq fois et elle n'a jamais vu autant de policiers pour s'occuper de
cela", je crois qu'il y a actuellement un gros problème et je suis étonnée
que vous soyez aussi peu ému par l'incident que j'ai décrit. La personne qui a
été blessée par les autopompes formait une chaîne pour que les policiers
n'aient justement pas de contact direct avec les manifestants.
L'incident est clos.