L'arrivée des Républicains à la Maison Blanche sème le trouble aussi bien au FMI qu'à la BM. Les Institutions de Bretton Woods vont perdre leurs protecteurs comme le Secrétaire au Trésor Larry Summers qui estimait qu'elles étaient le pivot pour atteindre les objectifs de la politique économique US à l'étranger. Avec le Pdt Bush, arrivent aux commandes des technocrates et analystes conservateurs plus proches de la pensée de la Commission sur les Institutions Financières Internationales du Congrès. Cette Commission, encore dénommée "Commission Meltzer", du nom de son Pdt, le banquier Alan Meltzer, avait présenté en 2000 un rapport faisant le procès du FMI qu'elle accusait d'être à l'origine de l'instabilité économique. Quant à la BM elle lui reprochait de ne pas être en phase avec ses missions de promotion du développement et de réduction de la pauvreté dans le monde On murmure, que J.Wolfensohn, Pdt de la BM, envisage de donner sa démission avant la fin de son second mandat.
La transition politique à Washington arrive au plus mauvais moment pour les deux institutions. On ne reviendra pas sur les causes et les conséquences de la crise asiatique provoquée par le FMI avec l'aide du Trésor US (en particulier leur refus de mettre en place un Fonds Monétaire Asiatique). La droite américaine a dénoncé le Fonds de favoriser le "risque moral" (comme l'ancien Secrétaire au Trésor George Schultz appelant à son élimination) et les libéraux radicaux, comme Jeffrey Sachs, l'ont attaqué pour menacer la stabilité macroéconomique et la prospérité. Déjà en 99, une alliance libérale-conservatrice avait bien failli faire rejeter l'augmentation de la quote-part US au Fonds de 14 Mds$.
Quant aux PAS (Plans d'Ajustement Structurel), ils ont démontré tous leurs effets négatifs sur la croissance. Il n'y eut guère qu'une poignée de pays qui ont réussi à avoir une croissance stable, au nombre desquels, le cas très spécial du Chili de Pinochet sur lequel on peut s'interroger. Ailleurs les PAS ont institutionnalisé la stagnation. En Amérique Latine, par exemple, le revenu a augmenté de 75 % pendant les années 60 et 70, alors que les économies régionales étaient relativement fermées, mais la croissance n'y a été que de 6 % au cours des deux dernières décades. Du coté de l'augmentation considérable des inégalités, les PAS furent sans conteste un succès (voir l'étude de la Cnuced couvrant 124 pays).
Mais le mal apparut tellement évident durant l'année 99, que le soutien de Washington commença à se réduire. La perte de légitimité et de soutien était telle à la fin du 20ième siècle que Larry Summers (qui, antérieurement à son poste de Secrétaire au Trésor avait été économiste en chef à la BM et donc l'un des principaux promoteurs de l'ajustement structurel) perçut qu'il ne pourrait s'en tirer qu'en critiquant le Fonds.
La BM semblait échapper à cette faillite. Depuis sa prise de commande en 96, Wolfensohn, avait essayé de reforger l'image de la Banque par une politique de communication avec les ONG, aidé par une machine de relations publiques bien huilée. Non seulement l'Institution s'éloigna de la politique d'ajustement structurel mais elle fit aussi de l' élimination de la pauvreté sa mission centrale. En clair, sa meilleure défense était d'étendre les missions de l'agence. Mais en février 2000 la Commission Meltzer torpilla tout cela. Ainsi, ses enquêtes minutieuses mirent à jour le fait que 80 % des ressources de la BM n'étaient pas tournées vers les pays les plus pauvres mais vers ceux qui, à l'aise, disposent de bonnes notations financières et ont la possibilité de lever des fonds sur les marchés financiers internationaux. Le taux d'échec des projets de la Banque s'élèvent à près de 70 % dans les pays les plus pauvres (60 % dans l'ensemble des PVD).
Que faire alors de la Banque ? La Commission Meltzer demandait avec insistance que ses activités de prêts soient dévolues aux banques de développement régionales. Les lecteurs du rapport ont vite réalisé que pour la Commission "il est essentiel de se débarrasser du FMI et de la BM", but qui bénéficie de "larges soutiens au Congrès". Peu de monde se porta au secours de la Banque. L'affirmation que le "bonne gouvernance" était sa préoccupation fut démentie par la révélation de sa profonde implication avec le régime Suharto, à qui elle transféra plus de 30 Mds$ en 30 ans. Plusieurs rapports (dont un interne à la BM) établirent qu'elle y toléra la corruption, légitima la dictature en le présentant en modèle à d'autres pays et adopta une attitude laxiste sur les droits humains et le contrôle monopolistique de l' économie.
La représentation d'une Banque sensible aux questions d'environnement s'évanouit également devant l'avalanche de critiques postérieures au rapport Meltzer: son soutien sans faille au pipe-line Tchad-Cameroun, qui devrait endommager la Foret du littoral atlantique du Cameroun, parmi d'autres ; son projet d'éradication de la Pauvreté en Chine occidentale transformant un ecosystème aride sur lequel vivent des pasteurs de la minorité tibétaine ou mongolienne en terre de peuplement pour les habitants d'autres régions chinoises.
Faisant place au mythe, la réalité est que les prêts destinés à l'amélioration de l'environnement ont chuté de 32.7 % entre 98 et 99 par rapport à l'ensemble des prêts de la Banque. L'équipe chargée des questions d'environnement à la BM a été si marginalisée que Herman Daly, économiste écologiste, quitta son poste à la BM sentant que lui et ses confrères n'avaient absolument aucune influence sur la politique de l'agence.
D'après Walden Bello de Focus on the Global South. Groupe de travail " Traités internationaux " (29.01.01).
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