Daniel Féret (FN): Monsieur le président, monsieur le ministre, ma question ne porte nullement sur Anvers. Une erreur s'est sans doute glissée dans l'intitulé de ma question. Il s'agit de Charleroi. En effet, dimanche dernier, cinq jeunes se revendiquant de la Ligue arabe européenne, ont tenté par intimidation d'empêcher des militants d'un parti représenté au parlement, d'exercer leur droit le plus démocratique de diffuser les idées de ce parti par voie de tracts en toutes boîtes à Charleroi. Les menaces proférées ont été claires et précises. Monsieur le ministre de l'Intérieur, je voudrais vous poser une question que j'aurais également pu poser au ministre de l'Intérieur, au ministre des Villes ou même au ministre de la Justice. Qu'allons-nous faire à Charleroi, là où nous savons que les policiers sont de moins en moins enclins à enregistrer des plaintes, surtout depuis que le parquet de Charleroi leur a demandé de freiner leur zèle? Il faut savoir que les policiers de Charleroi font preuve d'un plus grand zèle depuis que, se sachant à la veille des élections, le bourgmestre Van Gompel assume un peu plus ses responsabilités. C'est ainsi que le parquet de Charleroi se dit maintenant débordé. Antoine Duquesne, ministre: Monsieur le président, je partage évidemment totalement le point de vue qui vient d'être exprimé par le premier ministre. C'est avec beaucoup de tristesse que je déplore le drame qui s'est produit à Anvers. Mais, de la même manière, je tiens à dire avec une fermeté absolue qu'à mon sens, les incidents qui se sont produits après ce drame ne sont pas liés à ce drame mais constituent un alibi pour se livrer à des actes de provocation inadmissibles qui sont le fait de groupes minoritaires, qui ne sont pas approuvés et ne reflètent certainement pas l'attitude de la communauté d'origine étrangère en général et de la communauté arabe en particulier. Au contraire, ces faits causent à ces communautés le plus grand préjudice, avec les risques d'amalgames que cela peut entraîner. Dans des affaires comme celle-là, il convient que chacun fasse preuve de sang-froid et de mesure. Bien sûr, il ne faut pas tomber dans le risque de l'escalade des extrémismes mais il faut, au contraire, veiller à respecter notre Etat de droit avec ses garanties, mais aussi son autorité. Pour ce faire, il faut parler clair, dénoncer ce qui doit l'être et réagir avec la plus extrême fermeté, sous peine d'assister à une véritable escalade de l'extrémisme et d'en arriver – c'est ce qui m'inquiète le plus – à une situation qui deviendrait non maîtrisable, ingérable et dangereuse pour l'équilibre de ce pays. Nous appliquons la loi sans faiblesse. Je le dis clairement, si pour réagir à de tels faits, la loi est insuffisante – et c'est l'autorité judiciaire qui nous donnera la réponse –, je prendrai les initiatives qui s'imposent pour la compléter ou je soutiendrai toutes les initiatives qui seront prises dans ce parlement par les groupes démocratiques, de manière à renforcer le dispositif légal qui est nécessaire. On a beaucoup parlé de la Ligue arabe européenne et il y a eu beaucoup de polémiques durant les derniers jours. Les incidents que l'on a connus n'ont pas pour point de départ un affrontement entre la Ligue arabe et la police d'Anvers. Il s'agit d'un différend entre citoyens. Nous ne savons pas si l'auteur des faits souffre ou non d'un déséquilibre. Nous ne savons pas si les faits ont ou non une connotation raciste. Je tiens à souligner l'attitude remarquable et courageuse, dans une telle situation, du père de la victime qui a donné l'exemple de ce que nous devrions tous faire parce que, lui, il a incité à l'apaisement. J'ai constaté, sur la base des rapports qui m'ont été communiqués, que très vite après les faits, s'est produit un rassemblement important de personnes, en majorité des jeunes d'origine allochtone, et moins de 30 minutes après les faits, les premiers incidents ont éclaté. Malgré tous les appels au calme qui ont été lancés, les événements ont dégénéré et ont requis l'intervention de la police qui s'est d'ailleurs faite de manière tout à fait graduelle. Des moyens importants, plus de 200 policiers, ont dû être employés et on a même fait appel à des renforts fédéraux qui ont dû être envoyés et détournés d'autres missions en cours. Il est clair, toujours d'après les rapports qui me sont faits, que la motivation des perturbateurs était moins de témoigner leur sympathie à la famille de la victime que d'affronter les forces de l'ordre et de provoquer des dégradations. Bien entendu, la présence d'Abou Jahjah n'a, à cet égard, fait qu'envenimer la situation. Il n'y avait dans son chef aucune volonté réelle d'apaisement, aucune volonté réelle de dialogue avec les responsables des forces de l'ordre et il a même tenu certains propos très, très clairs qui constituaient des incitations à la violence. Le 27 novembre, il y a également eu des incidents, heureusement plus limités que la veille, mais qui ont à nouveau justifié la mise en place d'un dispositif policier très important. A la suite des incidents du 26 novembre, trois arrestations judiciaires, neuf arrestations administratives et quatre interpellations ont été opérées; 13 procès-verbaux pour dégradations volontaires ont été dressés. Le 27 novembre, 180 arrestations administratives et cinq arrestations judiciaires ont eu lieu. Ce n'est pas étonnant quand on sait qu'un policier a été blessé par le jet d'un bloc de béton et qu'une voiture a foncé dans un groupe de policiers, menaçant ainsi leur vie. Voilà la réalité des faits. J'ai vu un certain nombre d'images à la télévision. Il y a des faits incontestables qui justifient des poursuites judiciaires et, incontestablement des condamnations. En ce qui concerne plus particulièrement la Ligue arabe, j'ai déjà répondu très clairement. Il s'agit d'une attitude de provocation inacceptable, malsaine et dangereuse, qui en toute hypothèse se situe à la marge de la légalité. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au ministre de la Justice de saisir l'autorité judiciaire par une injonction positive. Comme il convient dans un Etat de droit, il appartient en effet à l'autorité judiciaire de dire si l'infraction existe, qu'il s'agisse d'une infraction relative aux milices privées ou d'autres infractions éventuelles, le non-respect de la législation sur le racisme et la xénophobie, la diffamation, l'interception de communications téléphoniques, le non-respect de la législation sur la protection de la vie privée. Quand on voit un certain nombre de comportements subversifs – je l'ai déjà dit à cette tribune il y a une quinzaine de jours, je crois –, on peut se poser la question de savoir si notre arsenal législatif ne devrait pas être complété. Nous devrions y réfléchir. J'ai d'ailleurs demandé à mes services de procéder à une analyse du comportement de tous ceux qui sont à la base des incidents qui se sont produits à Anvers, pour en déterminer les causes et les motivations et pour me dire si nous avions des moyens de réaction suffisants. Madame Coenen, j'ai interrogé la police d'Anvers. D'après les renseignements qui m'ont été donnés, il n'y a pas de note émanant des services de police d'Anvers. En ce qui concerne les autorités judiciaires, je vous renvoie au ministre de la Justice. Enfin, quant à la détention d'armes par des particuliers, comme il convient dans un Etat de droit, nous ne faisons qu'appliquer la loi. En effet, un certain nombre d'individus qui étaient présents à Anvers étaient porteurs d'armes. J'imagine donc que des dossiers sont ouverts à ce sujet. Heureusement, il existe un projet de loi tendant à renforcer la législation; celui-ci est à l'examen au parlement. J'espère qu'il nous permettra, à l'avenir, de réagir avec encore plus de vigueur et de fermeté. Daniel Féret (FN): Monsieur le ministre, je dois bien constater que vous n'avez pas répondu à ma question. En ce qui me concerne, il s'agissait bien de Charleroi où, je le répète, la Ligue arabe européenne s'est manifestée dimanche, par la voix de cinq de ses nervis qui ont tenté, par intimidation, d'empêcher les militants d'un parti représenté au parlement d'exercer les droits qui leur sont garantis par la Constitution. La question que je vous pose est donc: que comptez-vous faire, sachant que les policiers à Charleroi sont très démotivés et très peu enclins à enregistrer des plaintes, surtout depuis que le parquet leur a demandé de faire montre d'un peu moins de zèle parce que celui-ci se dit débordé? Il s'agit d'une question claire et précise. Ou bien attendez-vous qu'à Charleroi, on en arrive à une situation de légitime défense ? Extrait des Annales Parlementaires du jeudi 28 novembre 2002 Source : http://www1.dekamer.be/plenary/cri/50/3/pdf/ip284.pdf CRIV 50 PLEN 284