Politique d'asile
"Inacceptable, mais je vote pour."
Protestations de la majorité contre... la majorité sur l'incarcération et l'expulsion de Tabita. Mais la politique de M. DUQUESNE restera soutenue par MR, PS et ECOLO au moment des votes.

 
Vincent Decroly, 23 octobre 2002.

La commission de l'Intérieur de la Chambre s'est penchée ce mercredi sur l'accueil des mineurs étrangers non accompagnés. Toile de fond de ce débat: la "bavure" subie par la petite Tabita (5 ans) depuis le 18 août, date de son incarcération au centre 127bis, jusqu'à son expulsion, la semaine dernière, vers Kinshasa.

Les conventions de New-York (droits de l'enfant) et de Genève (droits des réfugiés), la résolution du Conseil européen de juin 1997 (sur l'accueil des enfants de l'exil par la première puissance commerciale du monde), les positions du HCR, de la Chambre du Conseil de Bruxelles, de notre ambassade à Kinshasa, la bonne volonté des autorités canadiennes... Rien n'y a fait. Le ministre de l'Intérieur s'est à nouveau attaché à lire le rapport de son administration, à émettre des insinuations disqualifiantes à l'encontre de la mère de Tabita (emboitant sur ce point le pas au Vlaams Blok) et même à affirmer la conformité avec "le droit" des décisions de l'Office des étrangers - un comble pour justifier un comportement administratif et politique qui, deux mois durant, a fait prévaloir une forme de gangstérisme d'Etat, la loi du plus fort contre l'intérêt supérieur d'une fillette congolaise.

Le problème n'est pourtant pas nouveau. En août 1999, par exemple, la découverte de Yaguine et Fodé, morts sous le train d'atterrissage d'un avion entre la Guinée et la Belgique, avait débouché sur de solennelles promesses du gouvernement en faveur des enfants de l'exil. Hélas, des divergences entre ministres vertes (Mmes MARECHAL et VOGELS pinaillant pendant des mois sur les modalités budgétaires et pédagogiques de l'accueil de ces enfants par l'Aide à la jeunesse des Communautés), les combats retardataires, au fédéral, des libéraux et du SP (M. VANDE LANOTTE jouant tantôt sur ses compétences en matière d'accueil des réfugiés, tantôt sur son rôle de grand argentier de "l'Arc-en-ciel") ont bloqué le dossier. L'inertie faussement paterne et débonnaire du ministre de l'Intérieur ont fait le reste.

Vers des centres fermes pour jeunes étrangers aussi?

Une mobilisation citoyenne dans la foulée de la Marche blanche et dans la mouvance associative anti-raciste, des pistes cohérentes, des solutions juridiques ont pourtant été développées - par exemple dans la proposition de loi n° 102 que j'ai déposée le 7 juillet 1999 et dans les textes fouillés de la Plateforme "Mineurs en exil", qui réunissait des centaines de personnes il y a quelques mois pour un colloque à Bruxelles.

Mais ce qui constitue le compromis de l'avant-projet de loi qui circule informellement depuis deux ans, c'est ce dont MR et VLD ne démordent pas: un principe de refus d'accès au territoire et d'enfermement dans un "centre sécurisé" (euphémisme favori du ministre de l'Intérieur) à la frontière ou en zone extra-territoriale.

Dans ce dossier comme dans d'autres récents, ce qui frappe, c'est la capacité des élus verts et socialistes de gémir, de se plaindre, de protester voire de "harceler" le dimanche face aux caméras… pour, le jeudi au parlement et le vendredi au conseil des ministres, renouveler leur appui indéfectible à ce type de politique. Par vote discipliné si les états-majors MR, PS et ECOLO en décident.

"C'est inacceptable, mais vous conserverez bien entendu notre soutien." C'est ce que les élus les plus indignés du "pôle de gauche" viennent de promettre à MM. VERHOFSTADT et DUQUESNE. A deux reprises (au Sénat, puis à la Chambre) en moins de 48 heures.

A suivre ...

>>> Le jeudi 31/10 :

Votes en séance plénière de la Chambre sur la manière dont Tabita a été traitée et, plus généralement, sur la politique gouvernementale d'incarcération et d'expulsion des enfants réfugiés.


Annexe: motion demandant la démission de M. Antoine DUQUESNE
(votes sur cette motion le 31/10).

Motion de défiance déposée à l'issue du débat en commission de l'Intérieur du mercredi 23/10/2002

LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS,

A. Constatant l'inertie du gouvernement sur la problématique des mineurs étrangers non accompagnés, problématique qui s'aggrave depuis dix ans et a suscité de nombreuses interpellations et propositions de loi ;
B. Vu la Convention des Droits de l'Enfant (art. 22) et la résolution du conseil européen de juin 1997, qui recommande l'instauration de dispositifs nationaux spéciaux d'accueil des mineurs étrangers ;
C. Indignée de la mise en détention en centre fermé, pendant deux mois, d'une petite fille de 5 ans que sa mère attend au Canada ;
D. Indignée de l'expulsion décidée à l'encontre de cette petite fille, en dépit
- de l'avis du HCR ;
- de l'ordonnance de libération prise par la Chambre du Conseil de Bruxelles ;
- de l'avis défavorable de l'ambassade de Belgique à Kinshasa ;
- des dispositions favorables communiquées par les autorités canadiennes quant à la possibilité d'octroyer rapidement l'accès au territoire à Tabita, sur base du principe du regroupement familial ;
E. Constatant que le cas de Tabita n'est malheureusement pas isolé, mais traduit une politique s'obstinant à considérer les mineurs étrangers non accompagnés comme des migrants avant de les respecter comme enfants en besoin de protection, voire en danger,

DEMANDE LA DEMISSION DU MINISTRE DE L'INTERIEUR.

Cette motion de défiance fera l'objet d'un débat et d'un vote en séance plénière de la Chambre le jeudi 31 octobre 2002 après-midi.


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