450 étudiants manifestent contre la déclaration de Bologne

 

« On n’étudiera pas ce que veut le patronat ! »

 

Voilà le mot d’ordre qu’on a le plus entendu dans les rues de Bruxelles mardi 27 avril lors de la manifestation étudiante contre la déclaration de Bologne. Dans la manif, on retrouvait des étudiants de plusieurs universités (ULB, VUB, UCL et RUG), de plusieurs hautes écoles (Isti, Insas, etc.) et même de deux écoles secondaires. Petit à petit, l’information autour de la déclaration de Bologne perce les murs des auditoires des universités et des hautes écoles pour toucher toujours plus d’étudiants.

Julien Versteegh président du MML-ULB et porte-parole du comité-ULB contre la déclaration de Bologne nous donne son analyse des événements.

 

Benjamin Pestieau

 

Quel est l’importance du mouvement actuel et quelle perspective doit-on lui donner ?

L’union des étudiants universitaires, du supérieurs et du secondaires, francophone et néerlandophone constitue la base d’un mouvement national à portée historique et qui porte en lui les clefs du succès.

Le 14 mars dernier, c’était 20.000 travailleurs des services publics de tous le pays et de tous les secteurs qui manifestaient contre les dangers de privatisations. Le 23 mars, c’est une grève de 24h qu’entamaient les cheminots et le reste des services publics. Dans la sidérurgie, les ouvriers de Liège, Charleroi et Clabecq font également entendre leur colère. La situation est la même partout. Le gouvernement n’entend qu’un seul mot d’ordre : privatisation, fusion, restructuration, licenciement,…

Il apparaît clairement que l’union de ces différents mouvements est à même de faire aboutir les revendications légitimes des étudiants et des travailleurs. Pour bien le comprendre il est nécessaire d’analyser l’expérience du mouvement étudiant de 1994-1996 si nous voulons aller plus loin. Au cours de cette période l’ensemble du pays à connu de grandes manifestations et des mouvements très durs dans l’enseignement universitaire, supérieur et secondaire, francophone et néerlandophone. En 1996, les écoles secondaires étaient secouées par une grève de 6 mois : 80 écoles en grève rien qu’à Bruxelles, 40.000 élèves et professeurs dans les rues de Bruxelles le 2 avril 1996,… La grande faiblesse a certainement été que ce mouvement admirable était extrêmement divisé. Francophones et néerlandophones luttaient de leur côté à des moments différents, de même, les universités, les écoles supérieures et secondaires n’ont que très rarement mené des actions communes. S’il était divisé en son sein, ce mouvement était surtout isolé du monde ouvrier. La question de l’unité avec le mouvement ouvrier apparaît dans toute sa lumière lors des évènements de 1996 (mouvement étudiant) et de 1997 (grève des sidérurgistes de Clabecq). La question à se poser est la suivante : Comment en 6 mois de grève, au bout de plus de 20 manifestations, au terme d’une mobilisation sans précédent, les étudiants et les professeurs du secondaire n’ont pas réussi à faire plier le gouvernement, alors qu’au même moment, 2000 sidérurgiste d’une entreprise vouée selon tous les médias à la fermeture ont réussi à maintenir l’usine ouverte ?

 

Comment considères-tu les positions de certains acteurs du mouvement étudiant qui ne voient dans la déclaration de Bologne avant tout qu’un problème de manque de débat public ?

Les mots d’ordre défendus par les étudiants aujourd’hui ont une grande importance. Le Comité anti-Bologne de l’ULB défend une position de principe correcte : un enseignement démocratique, sans sélection, au service de la population. Ces positions sont résumées par le slogan crié aujourd’hui dans les rues de Bruxelles : « Siemens, Dexia, Totalfina, on n’étudiera pas ce que veut le patronat ».  En refusant d’étudier ce que veut le patronat les étudiants montre leur détermination à défendre les intérêts du plus grand nombre et de ne pas mettre leur service au profit des multinationales et des intérêts d’une minorité, mais au service des intérêts des travailleurs et des classes les plus pauvres. C’est une position tout à l’honneur du mouvement étudiant.

Pourtant, c’est vrai que certains acteurs de ce mouvement prétendent que les revendications les plus importantes sont : « Une discussion publique pour un enseignement public », « de nouvelles négociations avec participation étudiante pour élaborer un autre Bologne ». La voie qu’ils tentent là de tracer relève de la manipulation et constitue un danger face auquel le mouvement étudiant doit se préserver.

 

Peux-tu t’expliquer ?

Défendre de tels mots d’ordre revient à cacher les véritables responsables et les véritables initiateurs de Bologne. Dans le système actuel, les partis politiques traditionnels, les gouvernements nationaux et transnationaux ne sont que les traducteurs politiques de la volonté des multinationales. L’actualité nous le montre tous les jours. Dix multinationales pharmaceutiques (dont une belge) attaquent en justice les gouvernements Sud Africain et Brésilien pour avoir autorisé la diffusion de médicaments génériques (et donc moins chers) contre le Sida. Pourquoi le gouvernement belge ne prend-elle pas des sanctions contre cette action judiciaire qui a causé déjà depuis le début du procès plusieurs centaines de milliers de morts ? Qui est en train d’initier la privatisation des secteurs publics ? Qui soutient depuis 10 ans un embargo criminel qui a déjà tué 2,5 millions d’enfants en Irak ? Qui fabrique et qui applique les recommandations de l’Europe, de l’OMC, du FMI ou de la banque mondiale ? Qui a tenté de fermé les Forges de Clabecq ? Tous les partis traditionnels réunis. En Belgique, ils s’appellent Ecolo, PS, PSC, PRL, CVP, VLD, SP, AGALEV, etc..

 

Défendre une telle position revient également à défendre l’idée que c’est dans les salons, dans les dicussions restreintes que les étudiants et la population obtiendront satisfaction. Encore une fois, c’est illusoire et ce n’est tenir en aucun compte de l’histoire et de l’expérience du mouvement étudiant lui-même. « Nous sommes en ‘démocratie’ donc on nous écoutera ». Une telle illusion animait le mouvement étudiant au début des années 90. Pourtant, ce genre d’illusions s’est définitivement brisé le 2 avril 1996. Ce jour là 40.000 professeurs et élèves ont manifesté pendant 24h autour du parlement pour exiger le retrait du décret Onkelinx qui devait être voté le jour même (le décret, pas son retrait). Le parlement a envoyé les gendarmes écraser dans le sang les revendications des manifestants… tout en votant le décret Onkelinx.

 

Ne faut-il alors en aucun cas négocier ?

Non, pas du tout. Mais dans l’état actuel des choses, négocier, à l’heure des prémisses d’un mouvement étudiant, ce serait le tuer. Une négociation quelconque ne peut s’imaginer que dans le contexte d’un rapport de force favorable. Ce rapport de force nécessite la construction d’un mouvement de grande ampleur qui unifie tous les secteurs. D’un mouvement unifié également politiquement sur les principes à défendre. C’est pourquoi, je fais entre autre un appel à tous les étudiants à se rendre le 4 avril au palais de justice de Bruxelles pour soutenir les délégués de Clabecq qui sont poursuivis parce qu’ils avaient comme première préoccupation, non pas la logique du sytème, mais bien le bonheur des travaileurs qui les avaient élus.