"Arequipa?
'connais pas ..." Vincent Decroly, 20 juin 2002. La Chambre a tenu ce jeudi deux débats d'une actualité brûlante au vu des émeutes anti-privatisation d'Arequipa. La mondialisation surfe sur deux processus-clefs, la révision de l'Accord général sur le commerce des services - que le gouvernement belge accompagne complaisamment - et la prolifération d'accords bilatéraux sur l'investissement - qu'il encourage avec la frénésie d'une équipe de foot en période de prolongations. Le but ? Des facilités encore plus grandes, juridiquement protégées, précisément pour les opérations de privatisation, fusion-acquisition, concentration et délocalisation des sociétés multinationales, où qu'elles investissent sur la planète. Au Pérou, ce 14 juin, deux entreprises publiques de production d'électricité (EGASA et EGESUR) ont été rachetées aux enchères pour 167,4 millions US$ par Tractebel - basé à Bruxelles, ce fournisseur d'électricité est l'un des dix plus gros au monde. Toute la population de la région d'Arequipa (sud de Lima) et ses élus se sont soulevés contre cette privatisation. Fournie trois jours plus tôt (le 11) par Mme NEYTS, ministre VLD du Commerce extérieur, la réponse du gouvernement à mes interpellations sur le projet de nouvel Accord général sur le commerce des services (AGCS) et sur la politique du gouvernement en matière d'Accords bilatéraux sur l'investissement (ABI) n'en prend que plus de relief Tout comme le rejet, ce jeudi, de deux motions de recommandation déposées à l'issue de ces discussions. C'est que la ministre n'avait pu s'empêcher de vanter les bienfaits du libéralisme tout en promettant que ni l'AGCS, ni les ABI ne porteraient atteinte aux droits des gouvernements de protéger leurs travailleurs, leurs habitants, leurs écosystèmes ou leur économie. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'à Arequipa comme ailleurs, ceux dont ces évolutions sont censées faire le bonheur n'en sont pas convaincus du tout. Ils savent que quand le secteur privé fait main basse sur une entreprise publique, c'est d'abord pour en tirer du profit et non pour en améliorer la qualité ou l'accessibilité du service au public. Mme NEYTS a brillé par le flou de sa réponse sur les enjeux concrets et sa grande clarté sur les enjeux idéologiques. LE GOUVERNEMENT DISCUTE DEPUIS DIX-HUIT MOIS A L'OMC, MAIS IL N'A RIEN A DIRE AU PARLEMENT Pour la fin de ce mois de juin, tous les Etats membres de l'OMC (dont la Belgique ou, en son nom, l'Union européenne) sont censés communiquer au secrétariat de l'AGCS leurs demandes d'accès à de nouveaux marchés. Sont convoités, des services jusqu'ici protégés en tant que services publics répondant à des besoins humains vitaux. Qu'a demandé la Belgique, quelle position a-t-elle défendue au sein du Conseil de l'UE à ce sujet ? Quels devraient être à ses yeux les critères d'appréciation des demandes formulées par d'autres pays ? La ministre n'a rien voulu dire : "les ONG et la société civile ont été consultées", mais pour ce qui est de l'information du Parlement, "soit la masse de texte à transmettre serait trop importante, soit certains d'entre eux revêtent un caractère confidentiel", a-t-elle déclaré. Les parlements seront mis en possession de toutes les données nécessaires pour ratifier les résultats des négociations en cours Toujours
rien à signaler en dehors des onze propositions sectorielles faites
par l'UE début 2001 , il y a donc dix-huit mois ! Se voulant rassurante,
Mme NEYTS a précisé que le projet d'AGCS dans sa version
actuelle ne touche pas aux droits des Etats de réglementer et de
subventionner des services qu'elle a qualifiés en termes tantôt
de "services d'intérêt général",
tantôt de "service universel". Elle s'est en outre
félicitée des résultats (?) de ses démarches
auprès des exportateurs belges pour s'enquérir de leurs
desiderata, mais n'a rien voulu communiquer sur ces revendications, ni
sur ce que le gouvernement en a fait ! Sur Internet, sont pourtant
disponibles des informations extrêmement inquiétantes : à
l'occasion de la révision de l'AGCS, l'UE exigerait actuellement
la libéralisation de secteurs comme l'énergie, l'eau, les
déchets, la poste, les télécoms, le tourisme (cfr
http://www.gatswatch.org/requests-offers.html)
!... Concluant sur une tirade "contre le monopole d'Etat", la ministre a loué un projet de la Commission européenne visant à " analyser minutieusement l'effectivité des services d'intérêt général "
La motion de recommandation rejetée ce jeudi par la majorité MR-ECOLO-PS (avec les habituelles 2 abstentions vertes et 4 abstentions PS) demandait tout simplement que l'article I.3 de l'AGCS soit amendé de façon à exclure explicitement tous les services publics du champ d'application de l'accord projeté. Le libellé actuel de l'Accord est en effet dangereusement ambigu : il introduit des distinctions rendant l'AGCS applicable à tout service public fourni contre paiement ou en concurrence avec une entreprise privée. "On voudrait bien un débat", ont répété Verts et Socialistes. Comme depuis trois ans, on le leur a une fois de plus promis pour bientôt A suivre avec le résultat du débat et le vote sur la motion relative aux Accords bilatéraux sur l'investissement
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