Déclaratio n Politique du réseau libertaire Apoyo Mutuo Hommes et femmes qui sommes venus à Barcelone à la Rencontre Libertaire pour défendre et impulser une société où la liberté, la justice, l'équité et la solidarité permettront aux êtres humains de vivre en paix, en paix avec la Terre, nous voulons rendre publique notre conviction qu'il est possible de construire un monde, d'autres mondes différents. Nous lançons un appel aux libertaires à s'organiser, à construire une fédération de groupes similaires qui suscite l'antagonisme social contre la globalisation capitaliste, qui contribue à relier entre elles les résistances, les milliers de fils qui une fois tressés donneront forme à la stratégie subversive, la magnifique toile de la révolution sociale. 1. Faire le pari de la révolution sociale 2. Le mythe du développement 3. Globalisation de l'économie 4. Sur le patriarcat et l'exploitation des femmes 5. L'action directe 6. Dans la tradition libertaire 7. L'idée libertaire 1. Faire le pari de la révolution sociale c'est non seulement lutter pour des changements radicaux désirables mais aussi oser préparer effectivement des processus de rupture avec le système capitaliste. Pour ceux qui ne veulent pas limiter leurs actions à de pures tâches de propagande, poser la nécessité de révolutionner le monde impliquede déterminer les conditions à partir desquelles il est possible d'accumuler des forces qui rendent pensable, politiquement et stratégiquement possible, les processus révolutionnaires. Mettre la révolution dans nos agendas, c'est construire un processus de travail politique, un rapport de forces, c'est donner une dimension stratégique à l'antagonisme, c'est forger des alliances et gagner des capacités d'orientation dans le processus de la lutte sociale. En pleine offensive néo-libérale, parier au jour d'aujourd'hui pour des révolutions peut paraître irréaliste, surtout dans la période historique actuelle marquée par une longue résistance à la globalisation capitaliste qui dure déjà depuis plus d'un quart de siècle. Cependant, les propositions réformistes défendues par la gauche en général ne sont pas plus réalistes et plausibles : la social-démocratie est passée directement au social-libéralisme. Entre la réalité et le désir, il n'y a qu'un chemin possible et pour le parcourir une stratégie est nécessaire, stratégie élaborée avec la pensée critique, la réflexion et l'action et la volonté libertaire de millions de personnes de vivre dignement, dans l'autonomie de communautés, et d'être les protagonistes de leurs vies au moment de prendre les décisions. Fabriquer la stratégie, impulser l'action subversive, rapprocher la réalité des désirs, des rêves et des besoins sont des tâches qui demandent la coordination et l'organisation libertaire. Dans le nouveau millénaire, viser le coeur de l'Etat, le Palais d'Hiver et fixer la date de la révolution n'est pas possible. Le XXè siècle nous a enseigné tragiquement combien d'erreurs et de barbaries peuvent être commises au nom de la Révolution. Nous revendiquons la possibilité de transformer, de révolutionner la société en affirmant clairement en premier lieu que l'histoire n'est pas déjà écrite, que ce sont les êtres humains qui font l'histoire. En second lieu, nous refusons l'idée que rien ne puisse être transformé et que les forces qui régissent le changement social seraient hors de portée de l'intervention humaine. Et enfin, nous affirmons que nous ne sommes disposés à déléguer à personne l'action des exploités et des opprimés, la majorité de la société, dans le devenir de l'histoire. S'il est une chose que le siècle que nous venons de traverser nous a enseigné, c'est de refuser l'optimisme naïf et la confiance aveugle dans le progrès de l'humanité. Tout peut aller vers le pire et rien ne garantit complètement un résultat favorable dans l'évolution des sociétés : des modèles sociaux basés sur encore plus d'inégalité et d'exclusion sociale peuvent s'imposer. Dans une telle perspective, loin de tout déterminismehistorique, la révolution est une nécessité vitale qui doit se construire au jour le jour dans de nombreux mondes en liberté. 2. Le mythe du développement Le mythe du développement est un lourd héritage que nous a légué le XXè siècle, une construction idéologique des puissants pour prolonger à leur profit toute la mythologie édifiée autour du Progrès et qui a si bien servi les intérêts capitalistes depuis les premiers débuts de la révolution industrielle jusqu'à la seconde guerre mondiale. La poursuite du développement a débouché inévitablement dans la globalisation de l'économie, processus qui a déjà provoqué des milliers d'opérations traumatiques de délocalisation des activités productives dans le monde entier avec pour conséquence l'établissement de grandes zones d'hyperexploitation du travail dans des conditions sociales et environnementales indescriptibles. Le concept général de développement, conçu comme développement de l'humanité, qui accroît le bien-être général au moyen de la substitution des formes productives traditionnelles par d'autres ayant un contenu scientifique plus grand est une construction idéologique que les Etats-Unis ont instauré à partir de 1949 pour soutenir leur hégémonie sur le monde aucours des décennies suivantes. Le développement se présente en premier lieu comme un processus nécessaire : aucune nation ou communauté humaine visant le bien-être de ses membres ne peut y renoncer. En second lieu, il est une voie unique et linéaire dans laquelle on avance au moyen de la croissanceéconomique. Enfin, le développement repose sur la dépendance : en abandonnant ses formes traditionnelles de subsistance, chaque individu, chaque communauté perd son autonomie économique et accepte de nouvelles formes de dépendance (envers les marchés nationaux ou internationaux, envers le système scientifique et technique, etc.) en échange d'une plus grande capacité de production et ainsi d'un plus grand bien-être matériel. Pour garantir l'acceptation des politiques de développement, dans le bloc capitaliste comme dans le socialiste, on comptait sur l'éclat du nouveau mythe qui se reflétait dans les modes de vie américaine dans un cas et dans l'exaltation de la productivité comme arme libératrice dans les pays ditssocialistes. Elle put aussi compter sur la collaboration enthousiaste des gouvernements et des élites économiques nationales qui fonctionnaient comme des agences locales, facilitant dans leurs territoires respectifs les programmes développés par les institutions internationales et les grandes sociétés multinationales qui se réservaient la faculté d'imposer des modifications adéquates (prix des matières premières et des biens manufacturés, systèmes fiscaux, régulations commerciales, ajustements de divers types, etc.) pour favoriser l'expansion de nouvelles formes de production, rendant les traditions non viables. L'ère du développement qui s'étendit partout dans le monde au cours des années cinquante et soixante provoqua la division des pays en catégories - développés, en voie de développement et sous-développés -, créant une hiérarchie au service du nouveau mythe et prescrivant du plomb pour ceux qui ne l'acceptaient pas. Crise du pétrole (une ressource naturelle en déclin), effondrement du modèle de compétitivité technologique et productive, chute des profits économiques à cause des luttes sociales, épuisement progressif des pays du Sud en raison de leur spoliation continue, après plusieurs décennies d'application le développement est un mythe qui s'écroule et les espoirs de bien-être général, de comparaison possible entre pays sont des rêves qui cachent lelourd héritage du développement. L'ère du développement a occasionné un élargissement épouvantable des inégalités entre les personnes et les peuples du monde dans des proportions encore jamais connues dans l'histoire. Le développement a démontré son incapacité manifeste à étendre l'abondance dans le monde, pas même à satisfaire les besoins minimaux de subsistance pour la plus grande partie de la population. Les problèmes de logement, d'accès à l'eau potable, les besoins minimaux en énergie ne sont pas plus flatteurs que ceux qui affectent l'alimentation. Les progrès en matière de santé et d'éducationsont restés bloqués et la moitié de la population mondiale s'entasse dansdes métropoles et grandes villes insoutenables avec un régime de dépendance totale pour leurs fournitures externes vitales que ni la quantité de ressources naturelles subsistantes, ni le système économique global sontcapables de garantir. Le processus d'urbanisation de la population se poursuit avec force, encouragé par la destruction des cultures locales, les conflits armés et l'abandon croissant dans lequel s'enfoncent lespopulations paysannes. La réponse des puissants à l'échec du développement a commencé dans les années quatre-vingt avec une nouvelle organisation et division du travail,l'introduction de nouvelles technologies dans le système productif afinde rénover la compétitivité et l'accroissement de la monétarisation des activités humaines. Au moyen de politiques de libéralisation et de privatisation, la réponse fut la globalisation de l'économie, la prééminence de celle-ci sur la politique, la culture, l'écologie et le social. La poursuite des politiques de développement sous la forme de la globalisation économique a provoqué au cours des deux dernières décenniesl'extension des processus de dualisation sociale et de crise écologique à l'échelle planétaire dans le but d'élargir la consommation courante de la majorité de la population du Nord pendant que dans ce qu'on appelle le Sud, la rareté et la faim s'imposent à ses habitants et le futur de toutes les générations à venir se trouve hypothéqué. Face à un espace de flux s'appuyant sur les points forts du territoire, dansles mégalopoles globales, face à un temps de plus en plus rapide, négateur du passé et du futur, dans lequel ne subsiste que le temps réel du présent, temps circulaire de la valorisation du capital, la stratégie libertaire doit s'approfondir dans la défense du local, des espaces de communauté, du concept de proximité, et d'une éthique intergénérationnelle qui impulse la lutte pour un monde, pour des mondes habitables par nos enfants. C'est l'expérience de la résistance, de la lutte de l'écologie sociale dans tous les continents qui nous signale la voie à suivre et en s'alliant avec la tradition libertaire ils constituent les apports principaux à la pensée critique, à l'antagonisme social dans le crépuscule du XXè siècle. 3. Globalisation de l'économie Globalisation de l'économie, libre commerce et gouvernement mondial sont les trois piliers sur lesquels repose fortement le nouvel édifice de la dite èreou société de l'information. Globalisation de l'économie soutenue par une nouvelle organisation et division du travail, par le développement et la mise en application des technologies de l'information afin de délocaliser, décentraliser et flexibiliser la production à l'échelle de tout le globe, constituant toute une toile d'araignée d'entreprises en réseaux, interconnectées et reliées entre elles, en même temps que la classe des travailleurs de retrouve fractionnée en mille morceaux et que les nouvelles générations ouvrières - jeunes, femmes, immigrés, enfants sont surexploitées. Ceci n'est pas une vision du passé, du XIXè siècle mais celle, plus réaliste, des présents du XXè siècle. Dans le temple de l'économie, l'idole la plus adulée est la liberté du commerce, qui peut compter sur des légions de fanatiques parmi les économistes pour l'ériger en un totem fondamentaliste de la globalisation économique. Cependant, le fonctionnement de la concurrence comme instrument régulateur de l'économie est marqué par une succession de comportements déprédateurs défendus en dernière instance par la force des armes. La compétitivité sur les marchés internationaux est sauvegardée par une plus grande productivité et celle-ci parvient à s'accroître en soumettant et orientant les innovations technologiques et en précarisant la vie des travailleurs : il en fut ainsi ces vingt dernières années et c'est cela la politique qui régit le présent et le futur immédiat dans les plans du capital. De la Liberté du Commerce et de la concurrence internationale, il n'y a rien à espérer d'autre qu'une concentration encore plus grande de la richesse et du pouvoir entre les mains des entreprises multinationales et des gouvernements qui les défendent. Le capitalisme possède ses institutions pour favoriser le développement de la globalisation : FMI, Banque mondiale, OMC, G7, etc. A mesure que s'amplifient les conséquences écologiques, sociales et économiques de la globalisation, de plus de plus de voix concordantes s'élèvent en faveur d'un plus grand contrôle et d'un gouvernement mondial. Encourager cette progression vers une quelconque forme de gouvernement mondial, à partir de la situation politique actuelle, conduit uniquement à légitimer les pouvoirs régissant le capitalisme, à accélérer la consolidation de structures politiques totalement incontrôlables par les individus et les Peuples du monde. L'usage de la force, de la guerre au moyen des "forces de paix" de l'ONU et les subventions directes des entreprises transnationales aux Nations Unies nous montrent le scénario de la tragédie : un gouvernement mondial qui a comme gendarmes les forces armées de l'OTAN déguisées en forces humanitaires payées par l'ONU grâce aux fonds des multinationales. Ni Etat, ni gouvernement mondial, l'unique gouvernement acceptable est celui situé localement, dans la commune ou communauté libertaire, là où les décisions se prennent à la base avec le fédéralisme comme formule de coopération. Ni concurrence, ni liberté de commerce, mais entraide et solidarité entre les personnes, entre les peuples. Ni globalisation, ni dépendance, mais autonomie pour prendre nos destins en mains. Nous ne sommes pas seulement en train de dessiner la société que nous portons dans nos coeurs, les moyens et les fins sont identiques dans la stratégie libertaire. Nous sommes en train de donner les premiers coups de truelle à l'ouvrage que nous construisons jour après jour dans la résistance sociale : en même temps que l'on combat et déconstruit la domination du capital, il faut mettre sur pied, mètre par mètre, à chaque instant, l'alternative libertaire. 4. Sur le patriarcat et l'exploitation des femmes Sur le patriarcat et l'exploitation des femmes se sont assis d'autres types d'exploitation tout au long de l'histoire et parmi elles celle du capitalisme sur la classe des travailleurs. Le type de domination dans la famille patriarcale et la double exploitation des femmes - dans les entreprises et au foyer - ont servi au capital pour obtenir gratuitement tout le travail dédié à la reproduction de la "force de travail", s'occuper du foyer, des enfants, des malades, etc. La vision occidentale de l'économie actuellement dominante dans le monde entier a ses fondements dans la hiérarchisation des processus de production et de reproduction. Cette visionocculte les conditions et la quantité de travail que les femmes réalisent pour assurer leur survie et celle de leurs familles et facilite la dévalorisation de la place sociale et de la rétribution de la femme salariée, obligée de s'occuper simultanément des tâches de production et de reproduction. Aujourd'hui, par temps de privatisations, de monétarisation des toutes les activités humaines, les travaux effectués dans le foyer sont appelés services de proximité, et en toute logique ce sont les femmes qui en sont la main d'oeuvre la plus qualifiée. C'est un nouveau filon trouvé par le capital pour poursuivre la croissance de ses profits au prix de l'exploitation de jeunes femmes et d'immigrées pour réaliser des tâches auxquelles les femmes en général peuvent dédier de moins en moins de temps à cause de leur incorporation grandissante au travail salarié. Dans tous les pays du monde le taux d'activité des femmes sur le marché du travail ne cesse de croître. Elles travaillent plus de manière salariée parce qu'elles sont moins payées que leurs compagnons hommes et qu'elles conviennent mieux au capital pour développer ses politiques de travail flexible (à temps partiel, à durée déterminée, etc.) compatible avec l'autre travail, celui du foyer. La tension existante à cause de la perte, petit à petit mais de la perte tout de même, du pouvoir patriarcal dans les familles génère l'augmentation de la violence de genre, les femmes maltraitées et assassinées étant les victimes de cette guerre qui provoque des milliers de morts par an dans le monde. Seul le déclin de la famille patriarcale peut apporter la liberté à ses esclaves, les femmes. Pour en finir avec la domination de genre, la réponse libertaire est la répartition du travail, de tout le travail, celui du foyer aussi, la liberté et le contrôle des droits de reproduction, liberté du choisir et de former de multiples communautés de vie commune, l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, et parmi ces droits, celui d'être différent. 5. L'action directe L'action directe, la propagande par les faits est un signe d'identité de la pratique libertaire qui plonge ses racines dans les débuts du syndicalisme révolutionnaire. Aujourd'hui l'action directe fait partie de la stratégie derépartition de la richesse basée sur la réappropriation sociale. Parce qu'il ne suffit plus de revendiquer, il faut se réapproprier socialement la richesse soustraite par les puissants. La richesse générée dans la société n'est pas seulement le fruit des "entrepreneurs" capitalistes - qui s'en accaparent la meilleur part - et du travail salarié - qui reçoivent des miettes. La richesse est générée socialement et d'autres acteurs non rémunérés y contribuent grâce aux apports que représentent les tâches de reproduction, de formation et la baisse du coût du travail (femmes, étudiants, chômeurs...). Dans le meilleur des cas, ils reçoivent la pire des parts : la dépendance vis-à-vis d'un mari, d'un père ou une misérable allocation chômage, voire pire encore lorsqu'ils se retrouvent les mains vides. De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins, c'est cela la répartition communiste et libertaire de la richesse que nous défendons historiquement et, en allant vers cet objectif, un revenu social suffisant pour toutes les personnes qui ne disposent ni de rente ni de patrimoine est la base stratégique principale pour conjuguer les efforts, additionner des forces dans la bataille de l'antagonisme social pour partager plus équitativement la richesse. Mais, tandis que le revenu ou salaire social parvient à s'implanter, les gens ont des besoins non satisfaits, urgents pour survivre. Ceux qui exercent l'action directe pour se réapproprier socialement la richesse, ce sont les occupants de logements, les participants aux repas collectifs obtenus gratuitement, ceux qui protègent leur santé en choisissant une consommation saine au moyen de l'association et de la coopération, loin des vaches folles, des poulets à la dioxine, les légumesaux toxines et des aliments transgéniques. L'action directe comme pratique et stratégie libertaires permet de satisfaire des besoins de manière immédiate, de construire des alternatives à la domination capitaliste et constitue la meilleure propagande par le fait pour que la mobilisation de la majorité sociale parvienne à imposer la revendication du partage de la richesse. 6. Dans la tradition libertaire Dans la tradition libertaire, le syndicalisme révolutionnaire a été le grand navire de la flotte contre le capital. Depuis l'aube sur XXème siècle jusqu'aux débuts de la seconde guerre mondiale, le syndicalisme révolutionnaire, l'anarcho-syndicalisme ont été au centre des principaux élans organisés des groupes et organisations anarchistes. Organiser les travailleurs dans les syndicats, de manière autonome vis-à-vis des partis, du patronat et de l'Etat, indépendamment de leur idéologie mais en pariant fermement pour la révolution sociale, fut la tâche principale de l'anarchisme au cours des premières décennies du siècle passé. Bien que nous ne puisions pas véritablement parler d'un seul anarchisme, car les variétés anarchistes furent et sont multiples, le syndicalisme révolutionnaire a été l'oeuvre maîtresse qui a permis l'affiliation et la lutte pour leur émancipation de millions de travailleurs dans le monde, depuis la France et l'Espagne jusqu'à la Suède et au Mexique. Coïncidant avec la seconde révolution industrielle et une nouvelle organisation du travail, l'anarcho-syndicalisme a mené la lutte et les aspirations d'un nouveau prolétariat à cheval entre l'atelier et le métier, l'usine et la chaîne de montage. Après la seconde guerre mondiale, le pacte social caché, qui impliquait la mise en place de l'Etat-providence, avec sa sécurité sociale, ses lois de négociations collectives et ses prestations de chômage, le syndicalisme institutionnel, majoritairement social-démocrate, a marginalisé et presque fait disparaître le syndicalisme révolutionnaire dans tous les pays. Dans la crise capitaliste des années soixante-dix et la nouvelle organisation du travail qui en a résulté, ainsi que la dérive vers la globalisation de l'économie et les changements sociaux survenus pendant les premières décennies de l'ère de l'information, le syndicalisme révolutionnaire organisé n'a pas été présent et l'anarcho-syndicalisme est en général marginal dans presque tous les pays du monde. Mais, il en a été différemment avec les idées anarchistes. Tous les nouveaux mouvements sociaux apparus à partir des années soixante-dix, l'écologie, le féminisme, l'antimilitarisme, ont fait renaître les fleurs libertaires. L'antagonisme social contre les dominations pour raisons de genre, de race, d'orientation sexuelle et autres ont utilisé l'action directe, l'appelant désobéissance civile ou insoumission, le fédéralisme et les groupes d'affinité pour s'organiser, l'entraide rebaptisée coopération et solidarité. C'est pour tout cela que les groupes et organisations proprement anarchistes ou libertaires ont consacré leurs efforts à se situer dans les luttes sociales de ces mouvements qui se sont développés dans les villes, en milieu urbain. Aujourd'hui, au XXème siècle, la centralité ouvrière, l'identité de classe est une domination de plus, comme celle du patriarcat, celle de la domination de l'homme sur la nature, mais elle n'est pas la contradiction principale, celle qui donne une identité au sujet antagoniste. Aujourd'hui, le sujet antagoniste a une identité plurielle, de nombreux visages et les formes d'organisation sont diverses. Dans la flotte de l'antagonisme social, il n'y a plus de grand navire que les autres devraient suivre. D'un autre côté, le syndicalisme n'a pas été capable de se renouveler devant la nouvelle organisation du travail imposée ces dernières décennies. Plus encore, la tendance générale vers un fractionnement de la classe des travailleurs avec emplois fixes, précaires, souterrains, autonomes, à temps partiel, chômeurs, etc. la réduction du champ d'action du droit du travail en faveur du droit commercial et le développement de plus en plus fort de la négociation individuelle au détriment de négociation collective, limite et diminue le rôle du syndicalisme, le mettant dans la situation de changer urgemment ses stratégies et formes d'organisation ou bien de se voir voué à disparaître en limitant ses agissements au rôle institutionnel que lui assignent les entreprises et les gouvernements. L'effort libertaire dans ces mouvements est d'impulser la convergence, l'interaction entre les mouvements sociaux - y compris le mouvement ouvrier - dans un solide mouvement social antagoniste au capital, à sa véritable expression actuelle, la globalisation économique, et aux autres dominations. Mouvement social antagoniste qui n'a et ne doit pas avoir une expression organisée unique, mais plurielle, partant de la réalité actuelle, confluant et agissant ensemble sur le territoire pour recréer une identité territoriale commune, composée de multiples identités singulières. L'organisation territoriale locale est l'équivalent au XXIème siècle de ce que fut le syndicalisme révolutionnaire pendant les premières décennies du XXème siècle. L'espace de la globalisation économique n'est pas local, c'est un espace de flux où circulent à la même vitesse l'information et le capital. L'espace des besoins, de la lutte sociale, lui, est local ; c'est le quartier, la commune, la ville. C'est dans cet espace que nous pouvons construire, à la marge des institutions, des alternatives libertaires à tous les modes de domination, à l'exploitation capitaliste, un espace où peuvent vivre ensemble des identités différentes parce que nous faisons le pari de construire une identité territoriale commune régie par la démocratie de base, interconnectée en réseau avec d'autres populations. Dans un monde où les résistances sociales font fleurir les idées libertaires, les groupes et organisations anarchistes ont beaucoup à apprendre et à apporter. La stratégie libertaire est celle de renforcer le mouvement social antagoniste au moyen de l'interaction des mouvements sociaux, en étant spécialement attentif au mouvement ouvrier, écologiste et féministe, en impulsant l'action directe comme réappropriation sociale de la richesse, comme propagande par les faits, comme exercice de la démocratie de base sans délégations ni intermédiaires, et en construisant des espaces de communauté dans chaque territoire comme alternatives aux institutions. 7. L'idée libertaire L'idée libertaire, l'anarchisme a été et est internationaliste ; en des temps de globalisation mondiale de l'économie, il est encore plus nécessaire de s'interconnecter depuis n'importe quel coin de la planète où lutte une personne ou un groupe libertaire. Les groupes et organisations libertaires se sont historiquement organisés par affinité et ont créé ou constitué des sociétés, des mutuelles, des syndicats, des athénées pour défendre, impulser ou promouvoir des revendications pour des choses concrètes, l'éducation, la culture alternative ou des formes de vie différentes, avec l'émancipation sociale pour horizon. Aujourd'hui, nous faisons le pari, en premier lieu, d'impulser un réseau libertaire de caractère international qui pourra accueillir et contenir tous les groupes d'affinité qui le désirent, les organisations libertaires et les associations, athénées, syndicats et autres. Réseau qui servira pour étendre l'entraide, la solidarité avec les luttes, qui sera une source d'information et de débat pour le monde libertaire, qui organisera des rencontres internationales, des écoles de formation, des vidéoconférences et tout type d'instruments pour mettre en commun les stratégies permettant d'orienter et d'introduire l'idée libertaire dans les luttes sociales. Déjà les premiers pas ont été franchis en constituant en avril 2001 à Madrid, le réseau Solidarité Internationale Libertaire. En second lieu, nous travaillerons à la création d'organisations libertaires dans des espaces territoriaux divers, locaux, régionaux, nationaux, etc. en partant de la tradition d'organisation de chaque lieu. Organisations libertaires qui utilisent le fédéralisme comme structure pour unir divers groupes d'affinité et dont l'objectif principal est l'interaction des différents mouvements sociaux en lutte, en créant des identités territoriales de base, des connexions organisées et des réseaux communs. En troisième lieu, mais qui n'est pas de la dernière importance, nous ressentons le nécessité vitale de nous regrouper par affinité. Un groupe d'affinité est petit par nature, c'est là où se partagent beaucoup de choses, où nous nous voyons en face pour discuter, pour s'amuser et former le premier espace de communauté qui fait des personnes des êtres sociaux, et grâce auquel nous pouvons apporter collectivement à d'autres groupes de la localité ou de la région une portion d'identité. De l'exploitation, domination, aliénation, violence matérielle et symbolique, la domination et la violence sont les principales. L'exploitation est une catégorie de la violence et non le contraire. Notre lutte est une lutte contre le pouvoir, contre les dominations, contre tous les pouvoirs. Dans cette lutte commune, nous appelons les libertaires, les groupes d'affinité, à constituer la Fédération Libertaire... A Barcelone, le 23 juin 2001 - vos commentaires sur ce texte nous interesse : contactez nous sur http://www.mayo37.fr.st