« Nouveau Profil » ou la lutte pour la civil-isation de la société israélienne “ Alors qu’on nous apprend à concevoir le pays comme étant confronté à des menaces hors de contrôle, nous réalisons aujourd’hui que les mots “ sécurité nationale ” ont souvent masqué le choix calculé de l’action militaire en vue d’atteindre des objectifs politiques. Nous ne voulons plus être associés à de tels choix. Nous refusons d’encore les rendre possibles en fournissant docilement des soldats à l’appareil militaire qui applique ces choix. Nous refusons dorénavant d’être mobilisés, d’éduquer des enfants à être mobilisés, de soutenir des conjoints, des frères, des pères mobilisés, permettant aux responsables du pays d’avoir recours à l’armée plutôt que de chercher d’autres solutions ”. Ces paroles, pétries de détermination, nous viennent d’un Etat en guerre : Israël. Elles n’en ont que plus de poids. Et peuvent se révéler d’autant plus lourdes de conséquences pour celles et ceux qui les mettent en pratique, les membres et les proches de l’organisation Nouveau Profil (profil hadash). Animé en majeure partie par des femmes israéliennes – il se définit d’ailleurs comme féministe – ce mouvement a vu le jour en octobre 98, à la faveur d’une journée d’études offrant à environ 150 personnes un forum public jusque là inédit dans le pays autour de l’objection de conscience, de la résolution non violente des conflits et de la militarisation de la société israélienne, notamment à travers l’éducation et l’oppression des femmes. Les deux premières années d’activité de Nouveau Profil (NP) ont essentiellement consisté en une information et une sensibilisation continuelle des Israéliens sur les racines et les conséquences d’une culture enrégimentée, corsetée par une admiration du pouvoir et de la prouesse physique, élevant sur un pavois le juif mâle formé au combat et accordant peu de valeur à la vie des citoyens arabes. Depuis le début de la nouvelle intifada, le mouvement a partiellement modifié ses priorités. Rela Mazali, de NP : \"alors que jusque-là nous axions notre travail sur la société juive d\'Israël, nous efforçant d\'y promouvoir un changement profond dans le sens de la \"civil-isation\" et d\'une réduction du militarisme, avec l\'intifada nous avons éprouvé la nécessité urgente de contrer le racisme israélien envers les Palestiniens (en Israël même et dans les territoires), de résister à leur oppression flagrante. Un racisme et une oppression qui tout à la fois alimentent le militarisme israélien et sont nourris par lui\". La dureté sans pareille des opérations militaires et policières de l\'Etat hébreu à partir de la fin septembre 2000 a souvent été mise en parallèle, du moins dans les médias \"qui comptent\", avec la montée d\'un désarroi et d\'une incompréhension inédits dans la population israélienne. On nous a dit et répété que les protestations des Palestiniens, spécialement celles des citoyens arabes d\'Israël au début octobre 2000, ont laissé le champ libre aux seuls \"faucons\" partisans de la répression. Tétanisés voire ébranlés dans leurs convictions, les défenseurs de la paix et les mouvements de la gauche israélienne ont été réduits à l\'impuissance, lorsqu\'ils ne cautionnaient pas le discours de la nécessaire reprise en mains. L’attitude de Nouveau Profil dès les premières heures de l\'intifada bouscule sérieusement ce type de représentation. La circulaire d\'info du mouvement diffusée en janvier comporte un relevé très éclairant quoique partiel des initiatives qu\'il a entreprises ou auxquelles il a participé entre la fin septembre 2000 et janvier 2001 : - la liste de diffusion internet de NP (en anglais) s\'est transformée eu une source d\'information alternative de premier ordre sur la guerre en cours, fournissant à un nombre d\'abonnés en forte augmentation des analyses, des positions et des faits passés sous silence ou à peine évoqués dans les médias établis; - pendant les manifestations de citoyens palestiniens d\'Israël, NP a fait pression directement sur le Ministre de la Sécurité Intérieure, Shlomo Ben Ami, exigeant son intervention immédiate pour arrêter les tirs policiers; - à la suite du meurtre de Palestiniens d\'Israël, et pour rompre l\'atmosphère de peur et d\'hostilité entretenue par le gouvernement et les médias entre Juifs et Palestiniens, des femmes membres de NP ont rendu une visite de condoléances au domicile de Wissam Yazgad, tué par la police à Nazareth. D\'autres visites de ce type ont eu lieu depuis, notamment à Umm el Fahm et à Jat; - dans la foulée de cette visite, NP a organisé une rencontre entre femmes juives et palestiniennes à Ar\'ara, pour discuter d\'actions communes. Elles décidèrent d\'organiser une grande manifestation à Wadi Ara, dont la préparation est devenue l\'un des ferments de la Coalition des Femmes pour une Paix Juste; - la manifestation de Wadi Ara rencontra un impressionnant succès... mais ne bénéficia que de peu d\'attention de la part des médias israéliens; - NP a mis sur pied une manifestation devant la prison Hasharon contre la détention de dizaines de jeunes Palestiniens et ses membres ont pris part à un rassemblement au point de contrôle de A-Ram, appelant à une intervention internationale dans les territoires occupés; - en prolongement de l\'activité de la Coalition des Femmes, le mouvement a co-organisé la conférence et la manifestation de Jérusalem le 29 décembre 2000; - à côté des actions de protestation, il a aussi commencé à travailler conjointement avec les femmes de Wadi Ara dans la récolte de dons et de soutien pour les Palestiniens assiégés; - NP a élaboré un texte sur la responsabilité et les différents visages de la militarisation de la société israélienne dans les processus à l’œuvre à travers l\'intifada. Ce document sert de base pour sérier les priorités du mouvement à l\'heure actuelle; - s\'ajoutent à cela des séances d\'études (par exemple sur les liens entre mouvements de libération nationale et mouvements de libération de la femme) - et évidemment un travail intense de soutien aux objecteurs de conscience. C’est sur ce dernier aspect que nous nous attardons ici, en relayant la résistance de deux jeunes objecteurs. Le parcours du non combattant Malgré l\'image souvent véhiculée d\'une population israélienne unie tel un seul homme (par conviction ou par crainte) derrière ses \"forces de défense\", une large opposition aux rôles assignés à l\'armée se manifeste dans le pays. Des milliers de jeunes femmes et hommes se soustraient chaque année au service militaire ou à l\'incorporation dans des unités combattantes. Environ 25% des appelés sont exemptés pour raisons médicales ou jugés \"impropres\" au service. Il est de notoriété publique qu\'un grand nombre d\'entre eux ont en fait choisi de ne pas rejoindre les rangs de l\'armée, ne pouvant se reconnaître dans les implications et le sens du service militaire de nos jours en Israël. Une exemption pour cause de mauvaise condition physique ou de santé précaire leur apparaît alors comme la seule issue. En effet la loi israélienne ne prévoit pas de droit à l\'objection de conscience pour les hommes et le conditionne sévèrement pour les femmes. Tout jeune israélien ou israélienne exprimant ouvertement l\'intention d\'agir en accord avec sa conscience et s\'abstenir d\'intégrer l\'armée est astreint à comparaître devant un organe militaire nommé \"Comité de la Conscience\" (sic), une institution censée représenter le Ministre de la Défense et accorder en son nom les exemptions que lui seul est habilité à autoriser. En pratique, ce comité, uniquement composé d\'officiers, n\'octroie presque jamais de dispense et fait surtout office d\'alibi officiel face aux accusations de discrimination portées contre le Ministre. Le comité a lui-même admis récemment qu’il agit d\'abord et avant tout en fonction des \"besoins de main d’œuvre des FDI (Forces de Défense d’Israël)\". De fait, les auditions devant le Comité de la Conscience n\'aiguillent que vers deux destinations : l\'armée pour ceux qui plient ou la prison pour ceux qui résistent. C\'est ce dernier traitement que subit aujourd\'hui Gabriel Wolf, et c\'est le sort qui attend peut-être Yinnon Hiller, deux jeunes objecteurs de conscience avec lesquels NP s\'est lancé dans la bagarre. \"Je refuse d\'être enrôlé et je suis prêt à en assumer les conséquences\". Gabby (Gabriel) Wolf n\'imagine pas de servir au sein de l\'armée d\'occupation que sont les FDI. Dans un courrier récent, il écrivait : \"Au cours d\'un dialogue avec toutes les nuances du spectre politique (d\'Israël) et la plupart des groupes sociaux, j\'ai compris que l\'Etat d\'Israël et la justification de son existence sous sa forme actuelle reposent sur des valeurs foncièrement incompatibles avec les miennes, comme le racisme et l\'absence de séparation entre Etat et religion. (...) Ma position de principe reste inchangée : toute participation aux Forces de Défense d\'Israël constituerait pour moi une concession morale intolérable. Je refuse d\'être enrôlé et je suis prêt à en assumer les conséquences\". A la suite de son passage devant le Comité de la Conscience, sa demande d\'exemption a été rejetée, attendu que \"le Comité n\'a pas été convaincu que vous (Gabby Wolf) êtes un pacifiste\". Ce à quoi Gabby a réagi : \"Je n\'ai jamais essayé de convaincre quiconque que j\'en suis un\". Gabby Wolf, 19 ans, est maintenant détenu à la prison militaire n°4 de Tzrifin, condamné à 14 jours d\'emprisonnement (il devrait avoir été relâché le 13 avril). Le plus probable est qu\'il soit remis derrière les barreaux à plusieurs reprises peu après sa sortie, jusqu\'à ce qu\'il atteigne un \"quota\" de 56 jours de cachot, ce qui le rendrait refusable du service militaire pour raison d\'\"incompatibilité\". Cependant, il pourrait être frappé d\'une condamnation plus lourde. Dès que la nouvelle de l\'emprisonnement de Gabby a été connue, le dimanche 1er avril, la liste de diffusion de NP a relayé les informations sur son sort et ses conditions de détention. Ainsi, on a appris qu\'il était interdit à Gabriel de recevoir ou de donner des appels téléphoniques, d\'envoyer du courrier (ou même d\'écrire, tous les bics qu\'il avait emmené en prévision de sa détention lui ayant été confisqués !) ou de prendre une douche, et qu\'il était de plus détenu dans une aile dite \"de mise à l\'écart\" (agaf bidud). Cette dernière n\'est heureusement pas une cellule d\'isolement - les détenus y sont enfermés à deux ou trois - mais ceux qui s\'y retrouvent sont d\'autant plus exposés aux brimades et aux mauvais traitements que peuvent infliger les gardiens. Le 6 avril, Gabby a été transféré dans une cellule un peu plus supportable (les rayons du soleil y pénétraient et elle comportait une toilette) et enfin autorisé à en sortir lors des repas. Le commandant de l’aile de mise à l‘écart venait en effet de jeter un œil sur le dossier personnel du détenu Wolf et y était tombé sur les fax et les lettres de protestation adressées au Ministre de la Défense et au directeur de la prison, en provenance d’Israël et de l’étranger… Deux appels venus de Norvège ont par ailleurs motivé l’intervention d’un « échelon supérieur » (probablement le Ministère de la Défense) auprès des autorités de la prison. Qui a dit que les campagnes de pression ne donnaient rien ?! Nouveau Profil invite toute personne, groupe ou organisation à faire pression sur les autorités militaires et pénitentiaires, le Ministre de la Défense et le Premier Ministre israéliens pour obtenir l\'abandon immédiat et inconditionnel des menaces de réincarcération qui pèsent sur Gabby Wolf. Un exemple de courrier (en anglais) est repris ci-dessous et peut être envoyé aux numéros de fax, aux adresses postales et sur les e-mails qui l\'accompagnent. N’hésitez pas évidemment à écrire en français si vous le souhaitez et à vous exprimer sur la pratique d’incarcération des objecteurs en général, sur l’occupation israélienne des territoires palestiniens ou sur tout thème connexe. Lettre type à envoyer en soutien à Gabriel Wolf : Dear Sir, It has recently come to my attention that a 19-year-old conscientious objector to military service by the name of Gabriel Wolf (military personal number 7158325) has been arrested and is held in Military Prison No. 4 in Tzrifin. The imprisonment of conscientious objectors, whatever their particular beliefs, is a grievous violation of basic human rights. No such action can be tolerated in a democratic society. I call for the immediate and unconditional release of Gabriel Wolf, without threat of further imprisonment in the future. I also call upon you to cease the imprisonment of conscientious objectors to military service in Israel. Finally, I believe that in these times of crisis, Gabriel Wolf\'s act represents a voice to be heeded by all, as it stands for peace and for the recognition of the basic dignity of all human beings alike. Vigilantly yours, ... Destinataires : Commander of Military Prison No. 4, Military Prison No. 4, Military postal number 02507, IDF Israel. Fax: ++972-3-957-52-76 Chief Military Attorney, Ha-Qirya, Tel-Aviv Israel. Lt. Gen. Shaul Mofaz, IDF Chief of Staff, Ha-Qirya, Tel-Aviv, Israel. Fax: ++972-3-569-55-94 Mr. Binyamin Ben-Eliezer, Minister of Defence, Ministry of Defence, Ha-Qirya, Tel-Aviv 61909, Israel. e-mail: sar@mod.gov.il Fax: ++972-3-696-27-57 / ++972-3-691-69-40 / ++972-3-691-79-15 Mr. Ariel Sharon, Prime Minister Prime Ministers\' Office, Qiriat David Ben-Gurion Jerusalem, Israel. e-mail: webmaster@pmo.gov.il Fax: ++972-2-566-48-38 / ++972-2-651-26-31 Voici les coordonnées carcérales de Gabby lui-même. Les lettres et cartes postales de l’extérieur lui sont transmises, elles ont l’ont déjà soutenu à la fin de sa première phase de détention. Gabriel Wolf Military Personal Number 7158325 Military Prison No. 4, Military postal number 02507, IDF Israel. Il est aussi joignable (lorsqu’il ne se trouve pas en prison…) à gabrielwolff@hotmail.com Dernière minute : comme on pouvait le craindre, sorti de prison le vendredi 13 avril et sommé de se présenter deux jours plus tard dans « son » unité pour y être enrôlé, Gabby s’y est rendu, a signifié son refus de subir le service militaire et vient d’être condamné ce dimanche 15 avril à 28 jours d’enfermement supplémentaires. Ce qui reporte sa prochaine libération au 10 mai. La pression est plus nécessaire que jamais… Yinnon Hiller, lui, s\'il n\'a pas jusqu\'ici été enfermé, se retrouve aujourd\'hui face à un quitte ou double, pour lui comme pour l\'avenir de l\'objection de conscience en Israël. Après des années de procédure ponctuées par plusieurs dates d\'enrôlement et, fait sans précédent, trois convocations devant le Comité de la Conscience, Yinnon, n\'ayant pas obtenu gain de cause, porte l\'affaire devant la plus haute juridiction du pays, la Haute Cour de Justice. Il s\'appuie dans sa démarche sur la position des autorités militaires et civiles qui, accusées de n\'accorder de dispenses sur la base des convictions qu\'aux seuls religieux (orthodoxes juifs et druzes), ont plusieurs fois répondu qu\'elles pratiquaient l\'exemption pour les \"véritables pacifistes\". A quoi l\'armée les reconnaît-elle ? En particulier à la mise en évidence d\'une adhésion de longue date aux valeurs pacifistes et à l\'introduction d\'une demande de dispense dès la première sollicitation militaire, à 16 ans, pour passer un bilan de santé préliminaire. Yinnon, membre avec sa famille du Kibbutz Haogen, s\'oppose depuis toujours à la violence organisée comme instrument du pouvoir d\'Etat et à l\'existence même de l\'institution militaire. Il est le premier objecteur de conscience israélien à avoir fait acter officiellement son objection à l\'âge de 16 ans, s\'étant soustrait aux examens médicaux. Le Comité de la Conscience n\'en a cependant tenu aucun compte et veut le contraindre à servir dans l\'armée, l\'autorisant uniquement à y occuper une fonction non combattante. Le jeune homme (19 ans), activement soutenu par sa famille et NP, a donc saisi la Haute Cour de Justice dans l\'espoir d\'y forger une jurisprudence qui assurerait une réelle transparence et imposerait des limites objectivables au fonctionnement du Comité de la Conscience. Son cas est le premier à avoir de telles chances de constituer un précédent judiciaire. Le climat de guerre actuel exige d\'autant plus d\'encouragements internationaux et de contributions financières pour que ce combat antimilitariste aboutisse. La défense juridique de Yinnon coûte à elle seule 260.000 francs belges, que sa famille et NP ont déjà réunis pour l\'essentiel. Mais la bagarre promet d\'être longue. NP a mis sur pied un fonds de soutien destiné autant à financer l’appui juridique des objecteurs que celui des femmes victimes d’une manière ou d’une autre de la militarisation (celles par exemple qui ont subi un harcèlement sexuel à l’armée). Toute somme, si modeste soit-elle, peut être envoyée : - par chèque (avec la mention « legal aid fund ») à la trésorière de NP, ANNELIEN KISCH, 25/a Shivtei Yisrael street , Ramat Hasharon, 47252 Israel. Pour plus d’infos : kisch-e@zahav.net.il - sur le compte du MIR-IRG : 001-1114771-26, mention « Nouveau Profil Israël » E-mail de Yinnon et sa famille : greylady@haogen.org.il Pour se tenir au courant des événements en Israël et en Palestine, jour après jour : * la liste de diffusion de New Profile (en anglais) : inscription auprès de Rela Mazali, à rel@inter.net.il * le site web du Centre Média Indépendant d’Israël (textes en anglais, hébreu et arabe) : http://indymedia.org.il * le site de Nouveau Profil : www.newprofile.org (anglais et hébreu) Adresse postale : New Profile, PO Box 48005 Tel Aviv 61480