"Ceci n'est pas une mondialisation néo-libérale" Le jeudi
20 juin, la Chambre a débattu de la mondialisation à la
lumière des deux processus qui la dopent actuellement : la révision
de l'Accord général sur le commerce des services (cfr le
résultat du débat et le vote sur la motion relative à
l'AGCS) et la prolifération d'accords bilatéraux sur
l'investissement (ABI). Qui s'est inscrit dans le débat, qui a voté la motion demandant un moratoire sur les Accords bilatéraux sur les investissements (ABI), dont 39 ont été ratifiés, par charrettes bondées, depuis l'avènement de cette majorité ? Pas ceux
qui défilaient voici quelques mois à Porto Alegre, avec
les paysans et ouvriers du monde entier, pour dire stop au " tout-au-marché
". Trop occupés sans doute à préparer leurs
t-shirts et Les contributions les plus significatives au débat sont finalement venues ces dernières semaines des ministres DUQUESNE (MR) et NEYTS (VLD). Pour eux, on a définitivement tort de voir dans les ABI la main invisible du libéralisme ! Le 23 mai, M. DUQUESNE affirmait devant les députés que "ces accords ne sont pas libéralisants : ils encouragent et protègent les investissements et suppriment les réglementations discriminatoires qui leur seraient néfastes". Pour Mme NEYTS le 11 juin, les accords bilatéraux sur l'investissement n'ont rien à voir avec l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) condamné par citoyens, syndicats et politiques en 1998. Gouvernements, mais aussi investisseurs locaux en position de faiblesse. Les ABI sont pourtant, à la lettre, de parfaits "copiés-collés" de leur grand cousin suspendu. En bi- plutôt qu'en multilatéral, bien sûr, mais mis bout à bout en grand nombre, les ABI sont en train de reconstituer un réseau juridiquement équivalent à celui que la communauté internationale avait catégoriquement rejeté en 1998. Les ABI prolifèrent ainsi sans standards sociaux ou écologiques minimaux à respecter. En effet, toute réglementation de cet ordre est qualifiable de discriminatoire et condamnable sur base des ABI : il suffit à l'investisseur de prouver qu'il aurait des conditions plus avantageuses ailleurs. Certes, les Etats restent libres d'édicter des lois en matière sociale, économique ou environnementale mais sous l'épée de Damoclès désormais " d'organes de règlement des différends ". Si, par exemple, des lois entravent le "droit" des multinationales de faire fructifier à plein ou de faire circuler leurs investissements, ces compagnies pourront recourir aux instances arbitrales prévues par les ABI et y faire condamner toute décision politique non conforme à leurs intérêts. Dénués de caractère juridictionnel et parfois non étatiques, ces organes de règlement des différends créent en outre des privilèges au profit des investisseurs étrangers. En effet, pour contester une décision politique qu'il estimerait discriminatoire (le système d'aide aux entreprises, la fiscalité, une autre réglementation nationale, ou encore l'application combinée des clauses du traitement national et de la nation la plus favorisée ), un investisseur local n'a accès qu'à la justice de son pays. Selon des modalités de recours en droit interne (législation nationale) qui ne sont pas nécessairement aussi avantageuses que celles que les ABI offrent aux investisseurs étrangers. Et toujours avec un "étage" en moins puisque s'il est débouté, cet investisseur local n'aura pas de seconde chance, lui, devant quelque organe d'arbitrage supranational que ce soit Ce ne sont là que quelques exemples tirés du texte des ABI. Ce texte est d'ailleurs toujours pratiquement identique pour tous les pays. Cela démontre l'objectif de faire émerger un dispositif applicable, comme l'AMI avorté, sur toute la planète. Contrairement à ce que tentent de faire croire la majorité et les milieux financiers, le but des ABI n'est donc évidemment pas de créer de la richesse, de l'emploi ou du bien-être dans les pays qui en ont le plus besoin. Il est prouvé que là où ils ont lieu, les investissements de l'actuelle mondialisation consistent dans l'achat d'entreprises publiques (privatisations) ou dans des opérations de fusion-acquisition et de concentration préjudiciables à l'emploi comme aux écosystèmes. En renforçant la liberté de rapatriement des capitaux et de leurs dividendes d'où que ce soit sur la planète, les ABI facilitent aussi les délocalisations. Fausse bonne nouvelle Reconnaissant implicitement les dangers des ABI, la ministre NEYTS a indiqué que "le gouvernement a entamé le processus d'introduction de clauses sociales et environnementales internationalement reconnues dans les ABI : il a obtenu l'accord des régions, il attend celui du Luxembourg" . Fausse bonne nouvelle car le problème n'est pas, en soi, l'absence de ces clauses apparemment sympathiques. Même si elles étaient inscrites ailleurs qu'en préambule ou en annexe des ABI (ce qui leur conférerait une portée juridique contraignante), ces clauses feraient figure d'appendices mal greffés. Elles apparaîtraient en rang inférieur dans la hiérarchie des normes instaurées par ces ABI - comme l'exprime leur intitulé, ils mettent le droit de l'investisseur au-dessus de toute préoccupation. Elles ne pèseraient pas lourd non plus devant les organes de règlement des différends - composés d'experts financiers et commerciaux habitués à trancher en fonction de critères économiques et peu au fait des législations sociales et environnementales internationales. Il y a donc une certaine candeur à militer pour l'inclusion de telles clauses sans remettre les ABI en cause dans leur principe-même, comme moteurs insidieux, mais surpuissants de la mondialisation néo-libérale. Sur 65 ABI signés depuis 1964, 39 ont été ratifiés sous VERHOFSTADT - ONKELINX - DURANT : rage ratificatoire ? Nenni : pour Mme NEYTS, il y a un retard dans les ratifications et c'est tout à l'honneur de cette majorité de le rattraper J'ai proposé au contraire un moratoire sur les ABI, mais toute la majorité PS-ECOLO-MR a fait bloc derrière le tandem MICHEL-NEYTS pour le repousser. Avec 2 abstentions vertes (sur 19 votants) et 3 socialistes (sur 19 itou). Business is business, business as usual A suivre
-------------------------------------------------------------------------------- Demande d'Interpellation (17 mai 2002) Compte-Rendu Analytique des débats en commission des Relations extérieures (11 juin 2002) Compte-rendu intégral des débats en commission des Realations extérieures (11 juin 2002) Vote
en séance plénière à la Chambre (20 juin
2002) - PDF |