L'éviction à l'américaine, en ce début du mois de juillet, du secrétaire général du Setca bruxellois, Albert Faust, nous inquiète grandement. La faute est grave. La faute d'une direction syndicale qui n'a pas su apparemment « laver son linge sale » en famille. La faute de la direction syndicale est grave lorsqu'elle accuse un homme, dévoué depuis plus de trente-deux ans à la cause syndicale et aux multiples opprimés, d'être une sorte de « desperado ». Le camarade Faust a été sali publiquement par ses pairs. Par ses propres camarades. Et le syndicat en ce début du XXIe siècle n'a pas besoin de cela. Les ennemis ou adversaires de la cause sociale sont trop nombreux et de plus en plus offensifs. Face à eux, il faut rester unis. Il faut se serrer les coudes. Faire bloc. Ne pas se laisser faire. Eriger des barricades légales pour empêcher la mise à sac du tissu social, l'exclusion et l'expulsion des victimes de notre société. Il faut être : « Tous ensemble ! » La division, les « chasses aux sorcières » et autres méthodes maccarthystes ne peuvent servir que les intérêts sournois de nos adversaires. Le temps des « listes noires » sur lesquelles pourrait figurer l'actuelle secrétaire générale de la FGTB bruxelloise, Anne-Marie Appelmans est révolu. Nous l'espérons vivement… En Belgique, le syndicalisme est certes massif (en terme de nombre d'affiliés), il n'en reste pas moins très limité en termes de diversité syndicale. En effet, il n'y a que trois « organisations-piliers » de défense des travailleurs : la socialiste, la chrétienne et la libérale. Bref, le champ syndical est extrêmement réduit. C'est pour cette raison, qu'au sein de la FGTB, par exemple, coexistent plusieurs «tendances» idéologiques. Allant des partisans de la social-démocratie institutionnelle (proche du PS, en Flandre du SP.A) à des partisans d'une gauche alternative, radicale et démocratique. Mais l'objectif général de ces tendances branches du même tronc idéologique et historique reste la défense des travailleurs face à des patronats de plus en plus offensifs et leurs lobbies de mieux en mieux « infiltrés » dans les partis politiques, y compris dits « progressistes ». L'éviction d'Albert Faust aurait donc dû être impérativement évitée. Seuls, les adeptes inoxydables du néolibéralisme, les papes de la pensée unique, les moines-soldats de la Bourse et l'ensemble de leurs complices se réjouissent, maintenant depuis plusieurs jours, de la liquidation politique de l'un de leur principal résistant syndical à Bruxelles : Albert Faust. Un homme qui avait réussi à unir autour de lui plusieurs tendances progressistes pour faire front au racisme dans les entreprises, pour dire non au séparatisme, pour faire raviver la mémoire historique syndicale, pour mener une lutte ininterrompue contre l'infiltration à visage couvert de son syndicat par des éléments extrémistes, pour une application stricte du cordon sanitaire contre l'extrême droite politique, pour animer des campagnes de solidarité et de soutien aux sans-papiers, pour contrecarrer les plans de licenciement massif dans les entreprises, pour défendre bec et ongles le droit des syndicats… Le camarade Faust et tous ceux et celles qui représentent ce syndicalisme pluriel et de combat nous sont plus que jamais nécessaires. Ils sont nécessaires aux exclus et aux expulsés du système politico-économique en vigueur dans notre Europe, aujourd'hui sous la coupe des Blair et autres Aznar, des hommes politiques antisociaux. Le « cas Faust » est-il le seul ? Les griefs qui lui sont reprochés ne pourraient-ils pas être portés contre d'autres dirigeants syndicaux, bien moins charismatiques mais bien plus politiquement corrects ? Le « gauchisme » d'Albert Faust serait-il plus dangereux que les discours de type réellement libéraux à la Nicole Notat (l'ancienne dirigeante du « syndicat socialiste » français controversée suite à son soutien implicite à Chirac !) également présents au cœur de la FGTB ? Qui menace aujourd'hui la FGTB ? Le syndicalisme à l'Albert Faust ou le syndicalisme de service, de complaisance, institutionnel, complice, technocratique… ? Le « syndicalisme à la papa » ? Un syndicalisme, il faut se le rappeler, qu'aiment en particulier les patrons de l'économie et beaucoup de « patrons » de la vie politique. Manuel Abramowicz, auteur et militant syndical (CGSP). Jean-Marie Dermagne, avocat et ancien délégué syndical du Setca à l'UCL. Hugo Gijsels, auteur et militant syndical (ACOD). Dan Van Raemdonck, enseignant à l'Université libre de Bruxelles (ULB).