Himalove, Tu l'admets toi-même: la stratégie des attentats aveugles est une stratégie par défaut. Or une stratégie par défaut mène toujours à une impasse, voire à la défaite. Cette stratégie par défaut ne date pas d'aujourd'hui. Les premiers attentats-suicides ont commencé en 1995 alors que les villes palestiniennes n'étaient pas encore réoccupées. La situation dramatique d'aujourd'hui illustre la faillite totale de la "direction" palestinienne actuelle (ANP + Hamas, Djihad islamique, Fatah, FPLP et Cie). Les attentats-suicides ne sont pas purement spontanés. Le kamikaze qui, "un beau matin", quitte sa famille ne va pas directement en Israël. Il va d'abord voir le responsable local d'une des organisations précitées; celui-ci lui donne des conseils pour passer inaperçu; il lui fournit une ceinture explosive et l'initie à son fonctionnement. Ensuite, toute une logistique se charge de l'infiltrer en Israël, de déjouer les barrages de Tsahal. Si ces organisations avaient employé leur talent et leur énergie à organiser un mouvement de masse, la situation des Palestiniens serait tout autre aujourd'hui. La vérité, c'est que toutes ces organisations ont le plus grand mépris pour les masses palestiniennes; elles ne les croient pas capables de prendre leur destin en mains, de s'auto-organiser. Il faut reconstruire le mouvement de masse contre l'occupation. C'est évidemment plus difficile aujourd'hui à l'ombre des chars de Tsahal et... plus facile que demain si la folle "stratégie" des attentats-suicides continue. La réoccupation n'a pas tué toute possibilité d'auto-organisation des masses. Les habitants de Naplouse l'ont prouvé par leur action - éphémère mais prometteuse - de boycott du couvre-feu. La répétition simultanée d'une telle action dans toutes les grandes villes palestiniennes permettrait de désserrer l'étau de Tsahal. Cela créerait un espace pour commencer à organiser ce que je propose. Tu évoques la révolution espagnole de 1936-37 et la Commune de Paris de 1871. Mais sais-tu que les ouvriers espagnols et parisiens ont commencé leur révolution dans des conditions qui n'étaient guère plus enviables que celles des Palestiniens aujourd'hui? Paris était encerclé par les Prussiens et affamé par un long siège; les ouvriers espagnols ont su faire face en juillet 1936 à une offensive de l'armée espagnole qui était bien plus violente que l'offensive actuelle de Tsahal. Les uns et les autres ont finalement été battus à cause de la "stratégie par défaut" de leur direction. Il y a un grand absent dans toutes vos polémiques sur ce forum: la population israélienne. Vous n'en parlez presque jamais. Lorsque vous le faites, c'est en des termes très méprisants: "un peuple aveugle", "un peuple endoctriné". Les travailleurs, les jeunes israéliens ne sont pas plus aveugles que les autres. Comme les palestiniens, ils sont plongés dans le plus grand désarroi. Eux aussi "transpirent de haine, de peur et de parano" suite aux attentats-suicides. Vous les Himalove, les R.B., les Dominique, pour qui le subconscient des kamikazes n'a apparemment plus de secret, je vous demande de faire le même effort d'empathie - ne fût-ce qu'un instant - envers les travailleurs et les jeunes israéliens. En l'absence d'alternative crédible, ils appliquent eux aussi une stratégie par défaut en votant pour le criminel de guerre Sharon. Un "vote-suicide" en quelque sorte... D'autant plus que Sharon fait payer très cher aux travailleurs israéliens sa sale guerre contre les Palestiniens. Il vient de faire voter un plan d'austérité drastique qui impose pour plus de 2 milliards $ d'économies dans les budgets sociaux et de hausses d'impôts. Tétanisés par les attentats-suicides, les travailleurs israéliens tardent à réagir. La stratégie des attentats-suicides me fait penser à celle d'un gringalet qui essayerait de battre Mike Tyson à la boxe... Un gringalet ne peut espérer battre un Tyson qu'en utilisant la technique des arts martiaux (comme l'aïki-do) qui consiste à retourner contre lui sa propre force. Or quelle est la force de Sharon? la classe ouvrière israélienne. Tant qu'il peut s'appuyer dessus, il pourra continuer d'agir à sa guise contre les Palestiniens. Dès lors qu'il perd ce soutien, que les travailleurs israéliens entrent en action contre sa politique d'austérité, il se retrouve aux abois. L'intifadah doit tout faire pour gagner cette force potentiellement immense à sa cause; les Palestiniens doivent tendre la main aux travailleurs israéliens. Pour cela, ils doivent renoncer, non pas à la légitime auto-défense armée contre les exactions des colons et des soldats, mais bien au terrorisme aussi sanglant qu'inutile. La stratégie par défaut doit laisser la place à une stratégie consciente basée sur la solidarité de classe entre travailleurs israéliens et palestiniens. C'est la seule façon de sortir de l'impasse actuelle.