PARQUET
DE LA
COUR D'APPEL
LIEGE
D/37606
ACTE D'ACCUSATION
Le Procureur général près la Cour d'appel de Liège expose que, par arrêt rendu le 30 avril 2003, la Cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation, a renvoyé devant la Cour d'assises de la province de Luxembourg :
Marc DUTROUX,
Michelle MARTIN,
Michel LELIEVRE
et Michel NIHOUL, ci-après plus amplement qualifiés.
Des pièces de la procédure résultent les faits suivants :
PREMIERE PARTIE : LES FAITS
a. Le point de départ de l'enquête.
Le 09/08/1996, vers 19h.45, Laëtitia DELHEZ, âgée de 14 ans et habitant Bertrix, quitte la piscine communale et y laisse ses amies en leur signalant qu'elle rentre chez elle. Vers 22h.00, sa mère, ne la voyant pas revenir, commence à s'inquiéter. Elle entreprend les premières recherches dans la famille et dans le village de Bertrix où se déroulent les préparatifs d'une manifestation sportive devant se dérouler le lendemain. En vain.
Peu après minuit, et donc le 10/08/1996, la gendarmerie de Neufchâteau est appelée par la famille pour constater la disparition de l'enfant et dresse le P.V. initial 40.09.618/96. Le capitaine BAULARD, actuellement Directeur Judiciaire de l'arrondissement de Neufchâteau et qui était alors officier de garde au district opérationnel de la gendarmerie de Neufchâteau, est aussitôt prévenu et après s'être rendu dans les locaux de la brigade de Bertrix, organise d'emblée les premières enquêtes et recherches parmi la famille et les personnes encore présentes en ville.
Ce même samedi 10/08/1996, vers 9h.00, le capitaine BAULARD avertit le parquet de Neufchâteau de cette disparition qu'il qualifie d'inquiétante : la mineure d'âge est en effet présentée comme un enfant calme et sage, même si la séparation récente de ses parents peut l'avoir quelque peu perturbée. La thèse de la fugue, amoureuse ou autre, est dès lors improbable et les recherches sont reprises dès l'aube avec des moyens accrus.
A 9h.15, le procureur du Roi se présente à la brigade de Bertrix pour y diriger l'enquête. Le capitaine BAULARD, tous les membres de la brigade de Bertrix disponibles en cette période de congé et des renforts émanant d'autres brigades de l'arrondissement sont présents sur le terrain pour y effectuer enquêtes et recherches. Des signalements sont diffusés et l'association « Marc et Corinne », dont une antenne existe à Bertrix, se charge de diffuser d'une manière globale, dans toute la province, puis dans tout le pays et même à l'étranger, les portraits de Laëtitia et un texte de signalement aussi précis que possible.
Dès midi, deux membres de la Cellule disparition du B.C.R. de la gendarmerie, un hélicoptère de la gendarmerie, l'équipe de la P.J. d'Arlon du commissaire ZIMMER ainsi que le laboratoire, sont appelés en renfort et s'installent à Bertrix. La répartition des tâches est mise en place.
Vers 16h.00, le procureur du Roi décide un signalement par voie radiotélévisée et presse écrite et confie l'instruction au juge d'instruction de garde, Monsieur LANGLOIS.
b. Les premières pistes
Les 10, 11 et 12/08/1996, plusieurs enquêtes seront menées dans plusieurs directions, pendant que les recherches sur le terrain s'étendent en des cercles de plus en plus éloignés du centre de Bertrix.
Parmi les premières pistes exploitées, citons pour mémoire :
Parmi ces éléments, une religieuse, Sœur Etienne (AUBRY Madeleine), habitant la rue de la piscine déclare avoir aperçu, le vendredi soir, une camionnette blanche au comportement étrange. Le lundi 12/08/1996 après-midi, l'adjudant-chef PETERS, de la brigade de Bouillon, va faire préciser tous ces points intéressants par tous les riverains de la rue de la piscine. Parmi ceux-ci, un jeune étudiant, nommé TINANT Benoît, précise avoir également aperçu, le vendredi vers midi, la même camionnette blanche au comportement également singulier. Il identifie celle-ci comme une Renault TRAFIC aux mêmes détails de garniture et dont la plaque d'immatriculation commencerait par « FRR ». Tous ces éléments recueillis par ce gendarme seront exploités immédiatement.
c. Un suspect nommé DUTROUX
Parmi la cinquantaine de véhicules Renault immatriculés FRR, figure celle d'un certain Marc DUTROUX, habitant la région de Charleroi et que le B.C.R. de la gendarmerie signale d'emblée comme un suspect potentiel. Une réunion est organisée le jour même, lundi 12 août à 20h.00 à la gendarmerie de Bertrix où sont conviés par les magistrats et les officiers responsables de l'enquête, la cellule « Disparition » du B.C.R. de la gendarmerie, le capitaine WAUTHELET de l'analyse criminelle, l'officier dirigeant le POSA de Charleroi, un officier du district de Charleroi et le maréchal des logis-chef MICHAUX de la B.S.R. de Charleroi.
Ces trois derniers gendarmes exposent le profil du suspect et les renseignements obtenus lors d'observations opérées depuis août 1995 autour des nombreuses propriétés de Marc DUTROUX. Celui-ci a déjà été condamné pour enlèvements de mineures, viol et séquestration de celles-ci, vols avec violences sexuelles sur une personne âgée, à des peines de 10 et 3 ans d'emprisonnement. Sorti de prison le 08/04/1992, il vit avec MARTIN Michelle, son épouse, condamnée à 6 ans pour les mêmes faits et leurs trois enfants, dans plusieurs résidences de la région de Charleroi.
Depuis sa sortie de prison, Marc DUTROUX a fait l'objet de deux instructions à Charleroi : une pour vol qualifié de matériaux avec un certain THIRAULT Claude et l'autre pour séquestration et violences sur trois majeurs, avec un certain WEINSTEIN Bernard, sujet français signalé en fuite. Pour ce dernier fait commis le 05/11/1995, Marc DUTROUX a été placé sous mandat d'arrêt du Juge d'instruction LORENT, du Tribunal de Charleroi, du 06/12/1995 au 20/03/1996.
Ces renseignements décident les magistrats et enquêteurs à transporter le poste de commandement en un endroit plus approprié, au district opérationnel de Neufchâteau et à organiser immédiatement l'opération OBELIX, en collaboration avec la P.J. d'Arlon.
d.Opération OBELIX
Dans la nuit du 11 au 12/08/1996, il est décidé de mettre à pied d'œuvre :
- 11 doubles équipes mobiles et statiques du POSA sur les 11 endroits où sont susceptibles d'être découverts Marc DUTROUX et ses complices potentiels dans la région de Charleroi et à Sambreville. Dès 3 heures du matin, ces équipes seront en place pour observation suivie d'interception en cas de flagrant délit ou au plus tard à 20h.30, le 13/08/1996. Des mandats de perquisitions et mandats d'amener sont décernés par le juge d'instruction CONNEROTTE qui a succédé le 11/08/1996 à son collègue LANGLOIS en congé ;
- autant d'équipes du laboratoire de la P.J. sous la coordination de Monsieur JADIN du laboratoire de Charleroi, sont chargées d'inspecter les lieux perquisitionnés, dès l'interception des suspects, par autant d'équipes de gendarmerie ;
- plusieurs équipes gendarmerie - police judiciaire d'Arlon sont formées et mises en réserve pour auditionner les différents suspects interceptés sur les lieux visés.
Le procureur du Roi prévient son collègue de Charleroi et le magistrat national, Monsieur VAN DOOREN et leur fixe rendez-vous pour la matinée du 13 août, au district de Charleroi où il se déplace avec le juge d'instruction CONNEROTTE.
Vers 14h.00, les différentes observations autorisent le juge d'instruction à déclencher les opérations d'interception des suspects et les perquisitions. Marc DUTROUX et son épouse Michelle MARTIN sont ramenés de Sars-la-Buissière, où Madame PUERS, mère de Michelle MARTIN, sera autorisée à garder les trois enfants du couple. LELIEVRE Michel, qui est locataire d'un immeuble de Marc DUTROUX à Marchienne, est intercepté également à Sars-la-Buissière en même temps que les époux DUTROUX ; d'autres locataires, après interrogatoire, seront relâchés.
e. Suites de l'opération OBELIX
A l'issue de l'opération :
1) les premières perquisitions sont négatives, en ce sens que Laëtitia DELHEZ n'est pas retrouvée ; de multiples prélèvements de traces de tous ordres sont cependant effectués par le laboratoire de la police judiciaire et transmis aux fins d'analyse ;
2) les trois personnes interceptées nient s'être un jour ou l'autre rendues à Bertrix et bien sûr être pour quoi que ce soit dans la disparition de Laetitia ; Michel LELIEVRE affirme ne s'être rendu ce mardi 13 août à SARS que pour solliciter Marc DUTROUX pour l'aider à réparer sa voiture ; il n'a, selon lui, fréquenté Marc DUTROUX ni le vendredi 9 ni le samedi 10, journées au cours desquelles il n'aurait fréquenté que son amie Maryse BERTRAND, chez qui il a passé la nuit du 9 au 10, et son ami Jean-Michel NIHOUL à qui il a rendu visite à Bruxelles. Marc DUTROUX, quant à lui, affirme d'emblée que ledit véhicule RENAULT TRAFIC est en panne depuis une quinzaine de jours, raison d'ailleurs pour laquelle il était en train d'en enlever la plaque d'immatriculation lorsque les policiers sont intervenus chez lui ce mardi 13 août ; le 9 août il était selon lui au Tribunal de Charleroi puis chez son avocat. Michelle MARTIN confirme que le véhicule Trafic est en panne depuis quinze jours ; elle a cependant aidé Marc DUTROUX à le faire démarrer pendant le week-end à Marcinelle pour lui permettre de le conduire à Sars. Elle présente quant à elle un alibi pour la journée du 9 août qu'elle a passée avec ses enfants et sa mère en excursion à Dinant.
3) le véhicule Renault TRAFIC, en panne, est donc ramené dans la cour de la gendarmerie de Charleroi, ainsi que d'autres véhicules appartenant aux suspects. Ces véhicules seront immédiatement examinés par les experts, le laboratoire de la P.J. et les chiens pisteurs.
Une rapide enquête de voisinage, pratiquée par l'adjudant-chef LEBLANC, de la B.S.R. de Charleroi, permet de confirmer que le couple DUTROUX-MARTIN a pu faire démarrer le véhicule RENAULT, le samedi 10 août, en le tractant au moyen de la Citroën CX du couple. Mais surtout, cette enquête, et notamment les témoins LURQUIN Georgette et CHARLES Viviane, fait apparaître que Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE sont formellement reconnus pour avoir utilisé ce véhicule et en avoir débarqué un enfant, le fils de Marc DUTROUX selon les témoins, enveloppé dans une couverture au domicile de Marc DUTROUX à Marcinelle en fin de soirée le week-end précédent.
Sur ces maigres éléments, les trois suspects sont ramenés à Neufchâteau où ils seront entendus par les enquêteurs des B.S.R. de Neufchâteau et Marche et par la P.J. d'Arlon.
Le mercredi 14/08/1996, ils seront placés tous trois sous les liens du mandat d'arrêt par le juge d'instruction CONNEROTTE.
En effet, ce même mercredi 14/08/1996 dans la matinée, Marc DUTROUX a été confronté aux premiers résultats de l'expertise de son véhicule Renault Trafic : malgré une panne de démarreur, il semble que le véhicule ait roulé les jours précédents ; par ailleurs, le chien pisteur a « fixé » les sièges arrières du véhicule après avoir senti des effets ayant appartenu à Laëtitia DELHEZ ; de plus, les témoignages recueillis lors de l'enquête de voisinage confirment que la camionnette a roulé le week-end, et notamment un soir après la disparition de Laëtitia DELHEZ.
Devant ces éléments Marc DUTROUX estime, au lendemain de sa première interpellation, que tout ceci a assez duré et qu'il est disposé à dire toute la vérité. Il reconnaît que le vendredi, jour de la disparition de Laetitia, il est parti seul au volant du mobile-home Trafic FFR672, et cela sans destination particulière. Il reconnaît également être arrivé dans une ville où devaient se dérouler des courses de mobylettes, ce qui était le cas à Bertrix ce jour là ; s'étant garé dans une rue en pente, il aurait abordé une jeune fille, apparemment facile selon lui, qui se serait assise avec lui sur la banquette arrière du véhicule. Après s'être promené avec elle une heure sur la fête à Bertrix, il l'aurait quittée pour rentrer directement sur Charleroi ; la jeune fille est restée à Bertrix, il ne sait pas ce qu'elle est devenue.
Ce même 14 août, Michel LELIEVRE, n'étant pas mis en cause par Marc DUTROUX dans l'expédition bertrigeoise du 9 août, précise son emploi du temps du week-end en expliquant l'avoir passé en compagnie de son amie Maryse BERTRAND à Charleroi, hormis deux visites à son ami Jean-Michel NIHOUL à Bruxelles, le vendredi 9 en début de soirée et le samedi 10 en matinée et une sortie la nuit du samedi dans un dancing de la région de Tournai ; il est impossible pour lui qu'un témoin l'ait vu ce week-end là au volant du mobile-home de Marc DUTROUX . Michelle MARTIN, qui n'est pas davantage mise en cause par son mari, s'étonne qu'il ait pu reconnaître s'être rendu à Bertrix et ne peut comprendre qu'il ait pu faire un tel trajet avec un véhicule qu'elle continue de prétendre en panne. Elle précise cependant que lorsqu'elle est passée le vendredi 9 dans la matinée à Marcinelle chez Marc DUTROUX, avant de se rendre à Dinant, Michel LELIEVRE se trouvait avec Marc DUTROUX à Marcinelle , ce que Michel LELIEVRE nie formellement.
Le lendemain 15 août et devant ces contradictions, Michel LELIEVRE passe aux aveux limités à sa participation avec Marc DUTROUX à l'enlèvement de Laetitia DELHEZ à Bertrix le 9 août. Dans la foulée, Marc DUTROUX reconnaît également sa participation à cet enlèvement ainsi qu'à celui d'une autre jeune fille nommée Sabine ; il consent à indiquer aux enquêteurs l'endroit où elles sont séquestrées. Immédiatement, les enquêteurs se rendent au domicile de Marc DUTROUX à Marcinelle ; dans la cave de cet immeuble, celui-ci ouvre une porte dissimulée sous une armoire murale et une cache est ainsi mise à jour dans laquelle les enquêteurs trouvent Laetitia ainsi que Sabine DARDENNE disparue de Tournai depuis la fin mai 1996. Interrogée immédiatement après cette découverte de début de soirée, Michelle MARTIN exprime son étonnement : elle est sidérée par les faits commis par son mari, faits auxquels elle affirme n'avoir nullement participé ; elle ignorait qu'une cache avait été aménagée dans cette cave. C'est ce que va d'ailleurs confirmer Marc DUTROUX qui à ce moment innocente complètement son épouse, tandis qu'il décrit, de la façon qui sera précisée lors de l'analyse des faits, sa participation et celle de Michel LELIEVRE dans la reconnaissance des lieux, la préparation, l'enlèvement et la séquestration de Sabine et Laetitia ; il reconnaît également avoir violé ces deux dernières jeunes filles à plusieurs reprises.
Le lendemain 16 août, après que leurs mandats d'arrêt aient été confirmés par la Chambre du Conseil, de nouvelles révélations faites par les trois inculpés vont faire progresser l'enquête pour d'autres faits parfois bien antérieurs.
C'est d'abord, dans la matinée, Michelle MARTIN qui fait part aux enquêteurs de détails qui lui ont paru bizarres à propos de nombreux coups de téléphone donnés en son domicile de Sars la Buissière durant tout le week-end du 9 au12 août par une personne dont Michel LELIEVRE avait déjà cité le nom quand il s'agissait de se procurer un alibi pour justifier l'impossibilité d'être avec Marc DUTROUX à Bertrix le jour de l'enlèvement de Laetitia : Jean-Michel NIHOUL ; elle affirme que Marc DUTROUX lui a présenté ce NIHOUL comme étant un individu aimant les jeunes filles et les orgies, ayant des relations dans les pays de l'Est et pouvant procurer des fausses cartes d'identité par l'intermédiaire de son épouse avocate ; Michelle MARTIN ajoute qu'il ne serait pas impossible que ce Jean-Michel procure de la drogue à Michel LELIEVRE.
Alors que les enquêteurs recherchent Jean-Michel NIHOUL depuis deux jours, celui-ci se présente à eux, à Bruxelles, dans la soirée du 15 août, et est conduit le 16 dans la matinée au juge d'instruction qui l'inculpe de participation à une association de malfaiteurs impliquée dans des enlèvements et séquestrations d'enfants, notamment Laetitia. Il nie toute participation à un quelconque de ces faits et se présente comme étant un collaborateur régulier de la BSR de Dinant dans le domaine des trafics de drogue et de voitures volées, activités pour lesquelles il se dit rétribué par le Ministère de la Justice. Les contacts qu'il a eus avec Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE durant le week-end concernent, selon lui, la réparation de son véhicule Audi.
Michel LELIEVRE quant à lui précise ses activités avec Marc DUTROUX ; il aurait fait sa connaissance en juin 95 et dès le mois d'août suivant, Marc DUTROUX l'aurait informé que certaines de ses connaissances lui proposaient de l'argent contre des jeunes filles de moins de 18 ans ; c'est ainsi qu'il aurait accompagné Marc DUTROUX en repérage dans le centre puis dans le nord du pays ; Marc DUTROUX lui ayant confié qu'il avait une commande, ils ont réalisé tous deux, fin août 95, un enlèvement de deux jeunes filles à Ostende. Les verbalisants, à qui il fait ces aveux, comprennent que les renseignements qu'il donne correspondent parfaitement aux éléments recueillis lors de la disparition d'An MARCHAL et d'Eefje LAMBRECKS ; Michel LELIEVRE, qui les reconnaît formellement sur photo, affirme ignorer le sort des deux jeunes filles, qui selon lui a du dépendre de Marc DUTROUX et de son complice de l'époque Bernard WEINSTEIN.
Le même jour, Marc DUTROUX confirme avoir effectué cet enlèvement avec Michel LELIEVRE dans des circonstances identiques à celles révélées par celui-ci, mais à la différence que c'était Michel LELIEVRE qui lui avait dit connaître un réseau disposé à acheter des filles en vue de les prostituer, que le prix offert était de 100.000 FB, que Michel LELIEVRE était parti avec les deux filles qu'ils avaient enlevées et qu'il avait été payé par Michel LELIEVRE lui-même peu après.
Le lendemain matin, 17 août, Marc DUTROUX va encore fournir d'autres données et faire de nouvelles révélations. Selon ses dires, Michel LELIEVRE et Bernard WEINSTEIN ont un jour amené chez lui deux petites filles, Julie et Mélissa, qu'il a dû garder chez lui à son corps défendant. Quelques temps plus tard, ils auraient enlevé, avec un troisième complice, An et Eefje, qui auraient également été séquestrées un moment à Marcinelle. Ces quatre enlèvements auraient été effectués en dehors de toute volonté de Marc DUTROUX . Puis, Bernard WEINSTEIN et Michel LELIEVRE auraient emmené An et Eefje vers une destination inconnue ; Julie et Mélissa sont restées à Marcinelle sous sa garde, jusqu'à ce qu'il soit emprisonné en décembre 95 pour l'affaire de la séquestration de trois majeurs consécutive au vol d'un camion. Avant d'entrer en prison, il aurait assassiné et enterré Bernard WEINSTEIN à Sars, parce que celui-ci voulait se débarrasser des deux petites filles et s'enfuir en France. Julie et Mélissa sont restées séquestrées dans la cache de Marcinelle pendant tout le temps de son emprisonnement, Michel LELIEVRE étant chargé de les nourrir. Lorsqu'il est sorti de prison en mars 1996, il se serait aperçu que Michel LELIEVRE ne s'en était pas occupé ; les deux petites étaient mourantes et sont d'ailleurs mortes dans les heures suivantes. Il a donc dû les enterrer à l'endroit où il avait déjà enterré Bernard WEINSTEIN, endroit qu'il se dit disposé à désigner sur place aux enquêteurs.
Effectivement, transporté sur place, dans le jardin de Sars-la-Buissière, il indique aux magistrats et aux enquêteurs un endroit où creuser ; trois corps sont retrouvés ; il s'avèrera qu'il s'agit bien de Julie LEJEUNE, Mélissa RUSSO et Bernard WEINSTEIN.
Pendant ce temps, Michelle MARTIN déclare ignorer tout des activités de son mari, n'avoir eu nulle connaissance de l'enlèvement et de la séquestration d'An et Eefje ; elle ne parvient pas à croire que Marc DUTROUX ait reconnu avoir enlevé plusieurs jeunes filles. Elle ne le croit pas capable de tuer et plutôt que de les avoir supprimées après en avoir abusé, elle estime que ce serait plutôt pour les revendre qu'il les aurait enlevées. Elle précise d'ailleurs que ces derniers temps, Marc DUTROUX était en contact étroit avec ce Jean-Michel NIHOUL, dont elle a déjà parlé précédemment, à qui il rendait souvent visite à Bruxelles, qui lui téléphonait souvent et pour qui il semblait avoir un grand respect. Lorsqu'elle apprend la découverte des corps des deux petites liégeoises et de Bernard WEINSTEIN, elle se dit consternée ; elle n'était pas du tout au courant de la présence de corps dans son jardin à Sars-la-Buissière, pas plus qu'elle n'y a vu DUTROUX creuser ; elle précise que depuis juillet 1995, sa grossesse l'obligeait à rester couchée et qu'après l'accouchement, elle a été atteinte de dépression nerveuse. Pendant l'arrestation de son mari, elle a séjourné chez sa mère à Waterloo avec ses enfants.
Ce 17 août, Michel LELIEVRE ne fait aucune déclaration particulière concernant les nouvelles découvertes de l'enquête.
f. Bilan des deux premiers mois d'enquête.
A partir du 18 août 1996, c'est-à-dire à partir de la découverte des corps des petites Julie et Mélissa et de Bernard WEINSTEIN et des déclarations des inculpés Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE concernant l'enlèvement d'An et Eefje, les recherches vont bien entendu se concentrer sur la recherche de ces deux dernières victimes qui seront finalement retrouvées le 3 septembre, suite aux précisions données par Marc DUTROUX, enterrées dans les dépendances du chalet de Bernard WEINSTEIN à Jumet.
Certains inculpés, pendant ce temps, vont donner de plus amples précisions sur le déroulement des faits, et dénonceront même d'autres infractions commises durant la période des enlèvements.
Ainsi Michelle MARTIN, qui jusqu'alors avait déclaré ne rien savoir des activités répréhensibles de son mari, va reconnaître qu'elle avait été mise au courant des enlèvements et des séquestrations à Marcinelle des six victimes identifiées. Marc DUTROUX l'aurait informée à la mi-95 que Julie et Mélissa avaient été enlevées par lui-même et Bernard WEINSTEIN ; son mari l'aurait par ailleurs chargée de nourrir les deux petites filles séquestrées pendant son incarcération des mois de décembre 95, janvier, février et mars 96 ; elle reconnaît même être descendue une fois dans la cave de Marcinelle en janvier, avoir réussi à ouvrir la porte de la cache et avoir déposé des sacs de provisions devant cette porte ouverte ; elle reconnaît également que Marc DUTROUX l'a informée que Julie et Mélissa étaient enterrées dans le jardin de Sars. Elle déclare également que Marc DUTROUX lui aurait avoué avoir supprimé Bernard WEINSTEIN pour lui voler une somme de 500.00FB., après l'avoir endormi avec un somnifère. Elle déclare avoir été également informée par son mari qu'An et Eefje auraient été enlevées par lui-même et Michel LELIEVRE, séquestrées à Marcinelle et enterrées à Jumet par Marc DUTROUX et Bernard WEINSTEIN . Elle reconnaît également avoir été au courant, dès après les faits, des enlèvements de Sabine et Laetitia et de leur séquestration à Marcinelle. Elle dénonce au surplus son mari d'avoir drogué deux jeunes slovaques, Eva et Yanka MACKOVA et de les avoir violées tout en filmant la scène de leur viol. Elle précise en outre les liens existant selon elle entre les trois autres inculpés : Michel LELIEVRE aurait fait la connaissance de Marc DUTROUX fin 94, en tous cas avant l'affaire Julie et Mélissa ; Michel NIHOUL aurait fait la connaissance de Marc DUTROUX au début de 95 ; outre un trafic de fausses cartes d'identité dont Michel LELIEVRE et Bernard WEINSTEIN auraient déjà pu profiter, Michel NIHOUL s'occuperait également d'un trafic de drogue, ce qui lui permettrait de s'attacher les services de Michel LELIEVRE ; bien que Marc DUTROUX ne lui aurait jamais dit que Michel NIHOUL avait abusé des jeunes filles séquestrées, elle affirme que son mari l'a informée que Michel NIHOUL serait venu au moins trois fois à Marcinelle lorsque Julie et Mélissa s'y trouvaient ; suite au portrait que Marc DUTROUX lui avait fait de Michel NIHOUL, elle pensait à l'époque de l'enlèvement d'An et Eefje que Michel NIHOUL y aurait été intéressé ; elle en serait encore plus sûre en ce qui concerne les enlèvements de Sabine et Laetitia, vu les nombreux coups de fils échangés discrètement à cette époque entre Michel NIHOUL et Marc DUTROUX et le fait qu'elle aurait entendu, en juin 1996, Marc DUTROUX dire à Michel LELIEVRE qu'il devait ramener une fille pour Michel NIHOUL. En bref, sa passivité vis à vis des faits graves reprochés à son mari et ses complices est due à la violence que Marc DUTROUX aurait exercée contre elle, même pendant sa grossesse, et à la peur provoquée par le fait qu'elle pensait qu'à l'époque Marc DUTROUX, Michel LELIEVRE et Michel NIHOUL faisaient partie d'une bande qui se livrait à des trafics de drogue, de filles et de faux papiers.
Il est vrai qu'à ce stade de l'instruction, soit au tout début de celle-ci, Marc DUTROUX n'implique guère son épouse dans les faits qu'il reconnaît avoir perpétrés. Ainsi, il va reconnaître avoir filmé le viol qu'il aurait commis tant sur Eva que sur Yancka MAKOVA, à Sars la Buissière, mais à l'insu de son épouse ; les films avaient d'ailleurs été retrouvés lors de l'ouverture de la cache de Marcinelle le 15 août.
Il reconnaît avoir enlevé An et Eefje avec Michel LELIEVRE, les avoir gardées au moins trois semaines chez lui à Marcinelle, mais selon lui ce seraient Michel LELIEVRE et Bernard WEINSTEIN qui auraient finalement réglé leur sort. Après avoir déclaré ignorer tout de ce qu'elles sont devenues, il finira par déclarer que Bernard WEINSTEIN, avant de mourir, lui a avoué les avoir enterrées sous son hangar à Jumet.
Il nie avoir procédé à l'enlèvement de Julie et Mélissa qu'il continue à attribuer aux mêmes Michel LELIEVRE et Bernard WEINSTEIN . C'est d'ailleurs parce que Bernard WEINSTEIN voulait les faire disparaître, qu'il aurait lui-même séquestré, endormi puis assassiné celui-ci. Michelle MARTIN n'aurait joué aucun rôle, selon lui, dans l'affaire Julie et Mélissa pas plus que dans l'assassinat de Bernard WEINSTEIN .
Quant à Michel NIHOUL, s'il ne l'implique dans un quelconque enlèvement, ni comme auteur ni comme commanditaire et s'il insiste pour dire qu'il n'a jamais rencontré une seule fille séquestrée à Marcinelle, Marc DUTROUX confirme les dires de son épouse en affirmant qu'il a connu Michel NIHOUL plus d'un an auparavant par l'intermédiaire de Michel LELIEVRE qui les a mis en liaison parce que Michel NIHOUL aurait été à la recherche de filles pour les faire entrer dans le réseau de prostitution belge. Pour Marc DUTROUX, Michel NIHOUL paraissait être un personnage très influent, possédant de nombreuses relations et capable de fournir de faux papiers en cas de besoin. C'est d'ailleurs chez Michel NIHOUL qu'ils se seraient rendus lorsqu'il s'agissait d'aider Bernard WEINSTEIN à se procurer des faux papiers.
Marc DUTROUX confirme également les accusations que Michelle MARTIN émettait à l'égard de Michel NIHOUL dans le cadre d'un trafic de drogue, en précisant qu'il s'agirait de 5000 pilules d'ecstasy, provenant d'une saisie policière, que Michel NIHOUL tâcherait de revendre, notamment par l'intermédiaire de Michel LELIEVRE, pilules dont les enquêteurs ont d'ailleurs retrouvé une quarantaine lors de la perquisition au domicile de Marc DUTROUX.
Michel LELIEVRE va, quant à lui, non seulement confirmer mais aussi préciser les activités que les inculpés avaient en commun avec Michel NIHOUL. Lui non plus ne met en cause Michel NIHOUL dans aucun des enlèvements d'enfants. Par contre, c'est effectivement en juin 1996 que Michel LELIEVRE, se trouvant avec Marc DUTROUX chez Michel NIHOUL, se serait vu proposer par celui-ci de vendre pour son compte des pilules d'ecstasy. Michel NIHOUL se serait vanté d'en posséder 5000 pilules provenant d'une saisie policière. Marc DUTROUX aurait proposé de s'associer à Michel LELIEVRE pour les revendre et se partager moité-moitié le produit de la vente. Michel LELIEVRE reconnaît en avoir reçu plusieurs fois par paquet de cent, puis un lot de 1000 le 10 août, soit le lendemain de l'enlèvement de Laetitia. Les pilules auraient été vendues soit par Michel LELIEVRE dans un dancing de Tournai, soit avec l'aide de Marc DUTROUX, dans le parc dit « des carrières », un quartier de Charleroi ainsi qu'en témoigne COPPIN Jean-Claude, par ailleurs également témoin de la remise à Bruxelles le 10 août 1996 des mille pilules par Michel NIHOUL à Michel LELIEVRE.
Michel LELIEVRE, qui aurait fait la connaissance de Michel NIHOUL dans le courant 1994, explique qu'il a déjà accompagné celui-ci pour la livraison d'une Mercedes 500 volée à destination du Maroc ; il confirme que Michel NIHOUL peut procurer des faux documents d'identité, notamment des passeports pour la somme de 100.000FB. Il confirme enfin le projet qu'ils avaient tous trois fait en juin 96 de ramener des filles de Slovaquie ou de Tchéquie pour les placer dans des clubs luxueux fréquentés par des personnes de standing ; le rôle de Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE étant de trouver les filles et de les ramener en Belgique, le rôle de Michel NIHOUL étant de les prendre en charge dès leur arrivée en Belgique, de les loger, de les habiller, et de les placer dans les clubs.
Michel LELIEVRE reconnaît avoir participé, avec le seul Marc DUTROUX, aux repérages et aux enlèvements de Sabine et Laetitia, et à l'enlèvement d'An et Eefje. Il nie toute responsabilité dans la mort de ces deux dernières victimes, dans le viol de toutes les jeunes filles enlevées et dans la totalité des faits qui concernent Julie et Mélissa. Il confirme avoir reçu des menaces de la part de Michel NIHOUL au cas où il le dénoncerait.
Michel NIHOUL nie formellement ces menaces ; pour lui, Michel LELIEVRE serait tout aussi menteur lorsqu'il évoque le trafic de pilules d'ecstasy et le trafic de documents d'identité ; il n'aurait jamais touché de sa vie à la drogue, le phénomène de la drogue le dégoûte. Quant au trafic de documents, et notamment pour en faire bénéficier Bernard WEINSTEIN en novembre 1995 lorsque celui-ci devait échapper aux poursuites liées à la séquestration de ROCHOW, DIVERS et JADOT, il n'en aurait jamais été question, et Michel NIHOUL ne comprend pas pourquoi Marc DUTROUX, Michel LELIEVRE et même son ex-épouse Anny BOUTY s'accordent pour prétendre qu'il aurait reçu Bernard WEINSTEIN, chez lui à Bruxelles, à cette époque, pour négocier l'achat d'un faux passeport destiné à lui permettre de se cacher à l'étranger ; il affirme qu'il n'a jamais vu Bernard WEINSTEIN.
Il ne connaîtrait Marc DUTROUX que depuis un an tout au plus et ne l'aurait vu que quatre fois, et seulement pour l'expertise de ses bâtiments et pour la réparation de son propre véhicule. C'est à une de ces occasions que Marc DUTROUX lui a parlé de la possibilité de ramener des filles de l'Est pour la prostitution ; ce serait, selon lui, une initiative de Marc DUTROUX et elle ne s'est jamais concrétisée, Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE mentiraient également à cet égard. Enfin, quant au trafic de véhicules volés, et notamment la Mercedes transférée vers le Maroc avec Michel LELIEVRE, Michel NIHOUL affirme avoir agi dans le but de démanteler ce trafic en le dénonçant à la compagnie d'assurance.
Il nie toute participation à un quelconque enlèvement de jeune fille et justifie sa présence à Bruxelles le jour de l'enlèvement de Laetitia DELHEZ par le témoignage de son ami l'ex-avocat VAN DER ELST.
Tels sont donc les acquis des deux premiers mois d'enquête, au jour du dessaisissement du juge d'instruction CONNEROTTE. A cette date, au fait initial de l'enlèvement de Laetitia DELHEZ à Bertrix le 9 août 1996, ont été joints les dossiers concernant les enlèvements de Julie et Mélissa instruits à Liège, les enlèvements d'An et Eefje instruits à Bruges, l'enlèvement de Sabine DARDENNE instruit à Tournai et les séquestrations de ROCHOW, DIVERS et JADOT instruites à Charleroi ; ont été également joints, depuis leur révélation au cours de cette première phase d'instruction, le dossier de l'assassinat de Bernard WEINSTEIN, ouvert suite à la découverte du corps de la victime le 17 août 1996, le dossier des viols de Eva et Yancka MAKOVA, ouvert suite à la découverte des cassettes vidéo montrant ces viols ainsi que le dossier de trafic de stupéfiants ouvert suite aux révélations faites par certains inculpés et la découverte d'une partie de la drogue faisant l'objet de ce trafic. Au cours de la seconde phase de l'instruction, une autre prévention sera découverte et jointe au dossier principal, à savoir le viol de PALUSOVA Henrieta. Au cours de cette seconde phase, il s'agira également de vérifier les nombreux témoignages déjà enregistrés, notamment par la ligne du 0800, de vérifier les aveux des inculpés, de confronter leurs versions contradictoires des faits, de procéder aux reconstitutions de ceux-ci, d'analyser les multiples traces et les autres pièces à conviction et de faire procéder aux enquêtes de moralité et aux différentes expertises. C'est le résultat de l'ensemble de ces devoirs que nous allons à présent aborder au regard de chaque fait faisant l'objet de l'Arrêt de renvoi de la Chambre des mises en Accusations.
Le 24 juin 1995 vers 17H00, les petites Julie et Mélissa quittent la résidence des parents de Mélissa RUSSO, à Grâce-Hollogne, pour aller se promener dans les environs du pont de l'autoroute de Wallonie situé quelques centaines de mètres derrière ce quartier résidentiel. Leur départ est situé vers 16H55 par Madame Carine COLLET, maman de Mélissa, mais un quart d'heure avant, soit vers 16H40, par sa voisine Madame COLLARD Martine. A 18H00, elles ne sont toujours pas rentrées. A 19H00, les recherches effectuées par les mamans des deux fillettes s'étant révélées vaines, la gendarmerie locale est prévenue et intervient immédiatement ; le chien pisteur du gendarme JACQUET Paul marque la piste de Julie aux abords du pont de l'autoroute durant les recherches effectuées pendant cette première soirée ; d'autres recherches sont pratiquées le lendemain avec l'appui d'un hélicoptère et dès le lundi matin, 26 juin, l'enquête est confiée par le parquet de Liège à Madame le juge d'instruction DOUTREWE. Pendant plus de quatorze mois, de très nombreuses pistes seront poursuivies et de très nombreux devoirs seront ordonnés ; en vain jusqu'à ce que Marc DUTROUX, le 17 août 1996, avoue avoir séquestré les deux fillettes et indique aux enquêteurs l'endroit de sa propriété où il les a enterrées.
Malgré ces derniers aveux, Marc DUTROUX nie formellement, durant les six années que va durer cette instruction, avoir participé à l'enlèvement des deux petites filles ; il en accuse Michel LELIEVRE et son complice décédé Bernard WEINSTEIN. Aucun témoin n'affirme avoir vu Marc DUTROUX le 24 juin 1995 à Grâce-Hollogne ; deux témoins seulement affirment formellement l'avoir vu ce jour là, à Ougrée, à quelques kilomètres des lieux de l'enlèvement et quelques cinq heures avant les faits ; il s'agit de Madame BEUGNIER Josiane et sa fille Vanessa RECCHIA alors âgée de neuf ans. Elles avaient toutes deux témoigné dès le 26 juin 1995, deux jours après les faits, mais ce n'est qu'en septembre 1996, après que les médias aient fait paraître la photographie de Marc DUTROUX, qu'elles prétendront reconnaître formellement celui-ci.
Par contre, après avoir nié toute connaissance des faits reprochés et avoués par son mari, Michelle MARTIN, à partir du 26 août 1996, va admettre que Marc DUTROUX lui a révélé, dès le 26 juin 1995, soit le surlendemain des faits, avoir enlevé les deux petites liégeoises avec la complicité de Bernard WEINSTEIN et au moyen d'un véhicule volé que Gérard PINON aurait fait disparaître par la suite. La description des lieux, qui aurait été faite à Michelle MARTIN à l'époque par Marc DUTROUX, paraît ressembler au site de la rue de Fexhe à Grâce-Hollogne, et plus particulièrement à l'endroit où se tenait, le jour des faits, le témoin HENROTTE ; plus tard, en mai 1997, Michelle MARTIN va préciser que Marc DUTROUX lui aurait dit que l'enlèvement s'était passé sans le moindre problème : en se saisissant d'elles, Marc DUTROUX les aurait fait monter à bord de ladite voiture volée, tandis que Bernard WEINSTEIN restait au volant de celle-ci. Le témoin HENROTTE Marie-Louise précise que le jour des faits, le 24 juin 1995 vers 17 heures, elle était à la fenêtre de sa chambre, donnant sur la rue de Fexhe, et qu'elle a vu deux petites filles, sans préciser qu'il s'agissait de Julie et Mélissa, qui marchaient dans cette rue en direction du pont de l'autoroute ; que peu après le passage des filles, elle a vu une voiture, qui circulait dans la même direction, s'arrêter à côté des deux fillettes ; que le conducteur en est sorti, a ouvert la portière arrière gauche et que les filles sont montées à l'arrière de la voiture ; que le conducteur a refermé les portières et que la voiture a redémarré normalement ; ce témoin précise qu'elle ne se souvient d'aucune scène de violence ; elle dira lors de la reconstitution, à plusieurs reprises, qu'il ne s'agissait pas d'un enlèvement. La famille du témoin, et particulièrement VERGAUWE Francine, BLACH Jean et SCHOUMAKER Olivier vont apporter des précisions à ce témoignage. Les témoins MASSIN Raphaël et DANS Nancy auraient croisé les deux petites Julie et Mélissa lorsqu'elles abordaient la rue de Fexhe en direction du pont de l'autoroute, peu avant qu'elles ne passent en face de la fenêtre du témoin HENROTTE ; ces deux témoins n'ont cependant pas remarqué la voiture décrite par le témoin HENROTTE. Le témoin HORVATH Ethel affirme avoir vu, vers 16H30-16H45, deux petites filles accompagnées d'une dame blonde, sur le pont de l'autoroute ; ces petites filles faisaient signe aux conducteurs passant sur l'autoroute. WEREMINSKI Jean, CAVALLARI Enio, HEURTAUX Nicole, les sœurs Odette et Berthe THOMAS, sont d'autres témoins, entendus très peu de temps après les faits d 'enlèvement du 24 juin 1995 dans le cadre de l'instruction de Madame le juge d'instruction DOUTREWE, qui attestent soit de la présence de deux petites filles faisant signe à partir du pont de l'autoroute, soit de la présence d'une voiture suspecte ressemblant plus à celle aperçue par les témoins BEUGNIER et RECCHIA à Ougrée qu'au véhicule décrit par le témoin HENROTTE.
Par la suite, Michelle MARTIN ajoutera que Marc DUTROUX lui a également révélé que cet enlèvement était tout à fait fortuit et non préparé, mais que Bernard WEINSTEIN et lui s'étaient trompés en enlevant ces gamines parce qu'ils s'étaient rendu compte, juste après l'enlèvement, qu'elles étaient trop jeunes.
Contrairement à son mari, Michelle MARTIN estime que Michel LELIEVRE n'a pas participé à l'enlèvement de Julie et Mélissa et qu'il n'avait même pas connaissance de leur présence au domicile de Marc DUTROUX à Marcinelle. Marc DUTROUX maintiendra pourtant jusqu'au bout sa version : ayant mis Michel LELIEVRE au défi de lui ramener une fille, Marc DUTROUX aurait eu la surprise en rentrant chez lui d'y trouver celui-ci et deux petites filles, en fait Julie et Mélissa ; Michel LELIEVRE lui aurait dit avoir commis cet enlèvement avec Bernard WEINSTEIN ; comme elles ne répondaient pas à son attente, il se serait senti piégé et il aurait été forcé de les garder chez lui. A l'appui de sa thèse, figurent les témoignages de DUMONT Henri et CUPERS Véronique qui identifient formellement Michel LELIEVRE comme étant la personne qu'ils ont interpellée sur les lieux des faits, le lendemain de ceux-ci, soit le 25 juin 1995. Michel LELIEVRE affirme qu'à cette époque il ne connaissait pas encore Marc DUTROUX, qu'il ne rencontrera que quelques jours plus tard en juillet 1995, comme l'attesteraient les vérifications faites à partir des témoignages de Michel DIAKOSTAVRIANOS et YAMAN Ismaël ; par contre les déclarations de Marc DUTROUX et celles que Michelle MARTIN a faites en début d'enquête situeraient cette rencontre bien avant l'enlèvement de Julie et Mélissa le 24 juin 1995, comme semblent le confirmer les témoignages de BAUDSON Philippe, MAURAGE Eric, DELSIN Laetitia et ZOUBAN Alex notamment. Marc DUTROUX est toutefois seul accusé pour cette prévention.
Marc DUTROUX et Michelle MARTIN sont en outre accusés d'avoir séquestré Julie et Mélissa en faisant à leur égard usage de tortures corporelles et qui ont entraîné leur décès. Ils sont tous deux en aveux et reconnaissent les circonstances de la séquestration, même si au début de l'enquête, Michelle MARTIN semble avoir nié puis minimisé sa participation. En effet, dès leur arrivée au domicile de Marc DUTROUX à Marcinelle, et selon les dires mêmes de Marc DUTROUX, Julie et Mélissa n'ont plus été libres de leurs mouvements, même si Marc DUTROUX affirme leur avoir laissé une certaine liberté à l'intérieur de la maison ; elles auraient cependant séjourné la plupart du temps dans la cache aménagée dans la cave de l'immeuble. Le conditionnement des deux petites victimes semble avoir été tel qu'elles s'y rendaient spontanément, selon les dires mêmes de Marc DUTROUX, lorsque quelqu'un d'autre que Marc DUTROUX pénétrait dans la maison ; elles se terraient alors dans la cache en observant le plus grand silence. Elles s'y seraient trouvées notamment lors de la perquisition pratiquée le 13 décembre 1995 par le gendarme MICHAUX et le serrurier LEJEUNE Alain ; le système de fermeture de cette cache était à ce point ingénieux qu'à cette occasion, et pas d'avantage plus tard lors des perquisitions du 13 août 1996, il n'a été permis de la découvrir.
Cette cache a été visitée et décrite tant par les magistrats instructeurs que par les principaux enquêteurs, notamment QUERELLE Léon et PHILIPPART Marcel ; elle a été expertisée par Madame NOVIS, l'architecte expert désignée par le juge d'instruction et par Monsieur GENDARME, l'expert en soudure. Il s'agit d'un réduit aménagé à partir d'une ancienne citerne, haut d'un mètre 65 et large d'un mètre dont la longueur a été divisée en deux parties inégales, séparées l'une de l'autre par une grille métallique : la première d'un mètre 15 servant de sas, et la seconde de deux mètres 15. Cette dernière partie, d'une surface légèrement supérieure à deux mètres carrés, est la pièce dans laquelle les deux petites filles ont séjourné la plus grande partie des neuf mois qu'a duré leur séquestration. Outre une étagère et un téléviseur, les séquestrées disposaient pour dormir d'un sommier de planches sur lequel reposaient deux matelas en mousse peu épais, des couvertures, des draps et des oreillers.
L'aménagement de cette cache a été réalisé, selon les dires mêmes de Marc DUTROUX, par ce dernier et par Bernard WEINSTEIN, celui-ci s'étant plus spécialement occupé des travaux de soudure. Si les travaux d'aménagement avaient débuté bien avant l'enlèvement de Julie et Mélissa, la viabilisation n'aurait pu se terminer que dans les quinze premiers jours de juillet 1995. Michelle MARTIN, qui aurait assisté à cette dernière phase de travaux, n'aurait pris concrètement part qu'a la pose de la peinture de finition ; elle a d'abord contesté cette participation, puis l'a reconnue mais en faisant part des menaces qu'avait proférées Marc DUTROUX à son égard. Pour rappel, elle reconnaît avoir été mise au courant de la présence des deux petites filles à Marcinelle dès le lendemain de leur enlèvement.
La participation de Michelle MARTIN se serait également manifestée depuis le premier jour jusqu'au 6 décembre 1995, date de l'arrestation de Marc DUTROUX, par sa collaboration à l'entretien des deux petites filles séquestrées ; elle aurait notamment préparé les plats que Marc DUTROUX réchauffait au micro-ondes.
En prévision de son arrestation du 6 décembre, Marc DUTROUX affirme avoir remis à son épouse une somme de 230.000FB et lui avoir demandé de s'occuper des deux fillettes séquestrées. Michelle MARTIN, à cette date, s'était installée, avec ses trois enfants, chez sa mère à Waterloo, où elle a reçu de l'aide de la part des assistantes sociales CORDIER Marie-Claude, GREGOIRE Françoise et POUCHAIN Monique. Elle a également rendu à plusieurs reprises visite à Marc DUTROUX incarcéré à la prison de Jamioulx ; pendant cette période, Michelle MARTIN reconnaît qu'elle s'est rendue à plusieurs reprises à Marcinelle, qu'elle y est descendue dans la cave, et qu'elle y aurait notamment entendu les rires des deux gamines. Des témoins confirmeront avoir vu à plusieurs reprises et à cette époque Michelle MARTIN pénétrer dans la maison de Marcinelle : ainsi LUYKFASSEEL Béatrice, MAHIEU Philippe, LURQUIN Georgette, PREEELS Richard, PREEELS Olivier, ELOOT Eric, MALOU Yves et WILLEMS Monique, ces deux derniers ayant au moins deux fois accompagné Michelle MARTIN à cette adresse ; les témoins GREGOIRE Françoise et POUCHAIN Monique affirment qu'elle s'y rendait tous les matins pour y nourrir les chiens qui avaient été placés dans la maison de Marcinelle à la suite du vol perpétré le 17 janvier 1996. Michelle MARTIN reconnaît qu'au mois de janvier 1996, elle est allée déposer des sacs de provision à l'entrée de la cache ; à cette occasion, la porte de celle-ci se serait détachée et Michelle MARTIN aurait réussi à la reposer contre l'ouverture de la cache ; elle reconnaît en outre que chaque fois qu'elle allait nourrir les chiens, elle bloquait la porte d'accès à la cave, alors qu'elle savait que les petites filles y étaient séquestrées.
Marc DUTROUX affirme que pendant la période durant laquelle il assurait lui-même la garde des deux petites filles séquestrées, c'est-à-dire en dehors de la période de son incarcération à Jamioulx, Julie et Mélissa ne seraient jamais sorties de la maison de Marcinelle ; cette affirmation semble être en contradiction avec le témoignage de Madame FILEE Hélène, confirmé par celui de CASSART Claire ; Madame FILEE affirme en effet avoir vu les deux petites filles, vers le mois d'octobre 1995, à Charleroi, non loin de chez Marc DUTROUX, accompagnées d'un jeune homme qu'elle n'a pu identifier.
Marc DUTROUX affirme que lorsqu'il est rentré chez lui, à Marcinelle, lors de sa sortie de prison le 20 mars 1996, il a découvert Julie et Mélissa mourant de faim dans la cache ; Julie serait morte dans les heures suivantes et Mélissa quelques jours plus tard après qu'il eût tenté de la sauver ; avec l'aide de son épouse, il aurait transporté les deux corps à Sars où il les aurait enterrés à l'endroit où elles furent découvertes.
Les autopsies pratiquées en août 1996 par les médecins légistes BEAUTHIER, PRIGNON et ABATI attestent que le décès des deux petites filles est logiquement attribuable à l'évolution prolongée de la cachexie, c'est à dire une dégradation profonde de l'état général liée à la malnutrition ; elles seraient donc mortes de faim et de soif.
Ces trois experts concluent également que les autopsies révèleraient des symptômes de faits de mœurs répétés pour les deux fillettes et des faits de pénétrations sexuelles complètes et répétées par un organe mâle en érection pour Mélissa RUSSO. Ces constatations ne pourraient, selon ces experts, s'expliquer en aucune façon par la putréfaction des corps, ce que nuance fortement l'expert DURIGNON, désigné ultérieurement par le juge d'instruction. Marc DUTROUX, quant à lui se défend d'avoir abusé sexuellement de Julie et Mélissa ; il accuse par contre Bernard WEINSTEIN d'avoir abusé de Mélissa au début de la séquestration. Michelle MARTIN semble accréditer les affirmations de son mari sur ce point.
3. L'enlèvement, la séquestration, le viol et l'assassinat d'Ann et Eefje
Ann MARCHAL et Eefje LAMBRECKS sont depuis quelques jours en vacances à la côte belge, plus précisément à Westende, dans un chalet qu'elles louent avec quelques amis, lorsque le 22 août 1995, elles se rendent toutes deux au casino de Blankenberge pour assister à un spectacle d'hypnose, le show ROSTELLI ; elles auraient elles-mêmes participé au spectacle, montant sur la scène et se laissant hypnotiser. A la fin du spectacle, elles auraient été parmi les premières à quitter la salle, comme en témoigne BOGAERT Viviane ; elles auraient commandé une cassette vidéo à la réception du casino, et auraient quitté le casino après 23H45 ; mais elles auraient manqué le tram qui devait les ramener directement à Westende, ainsi que l'atteste le témoin DEJAEGHERE Véronique, et auraient donc été contraintes de prendre le suivant, à 0H44, qui ne va que jusqu'à la gare d'Ostende. Le conducteur de ce dernier tram, DELANNOYE Jacques confirmera les avoir transportées ; selon un autre témoin, elles auraient été assises juste derrière son siège, à l'avant du tram. Cet autre témoin travaillant également dans cette même compagnie de tram, DEWULF Marc, affirme leur avoir parlé lors de leur descente du tram au terminus en gare d'Ostende ; elles lui auraient déclaré vouloir se rendre à Westende. Elles auraient également été aperçues par HEYMAN Franky, travaillant aussi à DE LIJN ; selon lui, à 01H20, les deux jeunes filles se trouvaient sur le quai, appuyées contre un mur. Les derniers témoins, enfin, les ayant vues, seraient VAN COILLIE Johan, chauffeur de taxi, qui les décrit passant à côté de son véhicule, et INGHELS Eddy, guichetier à la SNCB, qui affirme également avoir repéré le manège d'un véhicule Citroën CX de teinte grise, immatriculé à l'étranger.
Les deux jeunes filles n'étant pas rentrées, leurs amis signalent leur disparition dès le lendemain vers 17HOO à la police de Westende. L'affaire étant confiée au juge d'instruction BUYSE de Bruges, ces amis, CUPPENS Karolien, HENRIX Robby, VAN LUIJK Michaël, AERTSEN Siegrid, BOONS Drien, SPOOREN Niel, BECKS Winde, BUNTINX Wouter, COPPENS Philippe, KEIMES Liesbet, CLAYS Freddy et HEGGERICK Dominique sont entendus sur l'emploi du temps des deux disparues, depuis leur arrivée à la côte jusqu'au show ROSTELLI et sur les différents incidents s'étant déroulés durant ces cinq jours. D'autres multiples devoirs sont entrepris sous la direction du commissaire Luc VAN TIEGHEM ; en vain, jusqu'au 16 août 1996, date à laquelle Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE avouent aux enquêteurs du juge d'instruction CONNEROTTE, leur responsabilité dans cette disparition.
Selon ces derniers inculpés, et bien que leurs déclarations présentent de nombreuses divergences, ils se sont rendus à la côte belge le 22 août 1995 avec la Citroën CX grise ; pour l'un, Marc DUTROUX, c'était pour un voyage d'agrément, pour l'autre, Michel LELIEVRE, c' était pour enlever une fille si l'occasion se présentait. Michel LELIEVRE précise d'ailleurs que les semaines précédentes, il aurait accompagné Marc DUTROUX dans d'autres promenades ayant le même but, mais dans d'autres endroits du pays, principalement le centre, dans la région de Namur et de Charleroi. En aucun cas, ils n'auraient procédé à une reconnaissance dans la région de la côte belge, ensemble ou séparément.
Des témoins affirment cependant avoir vu Marc DUTROUX sur la côte belge, à des dates proches du 22 août 1995.
C'est le cas de LAMBRECHTS Pierre, qui séjournait durant la seconde quinzaine du mois d'août 1995, dans un appartement de Westende donnant sur la digue de mer ; il affirme avoir vu, un de ces jours là, Ann MARCHAL et Eefje LAMBRECKS marcher sur la digue sur l'heure de midi ; elles étaient suivies à quelque distance par des individus qu'il identifient clairement comme étant Marc DUTROUX, Michel NIHOUL et Michelle MARTIN.
C'est aussi le cas de GERS Maggy, qui déclare avoir été abordée par Marc DUTROUX en juillet 1995 dans une aubette du tram reliant Ostende à Blankenberge.
C'est enfin le cas de VAN DAMME Erik qui affirme avoir vu Marc DUTROUX à Blankenberge, derrière le casino, en compagnie d'Ann et Eefje.
Pour Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE, par contre, leur rencontre avec ces deux jeunes filles est le fruit du hasard. En effet, même s'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le « timing » de leur périple du 22 août à la côte, l'un prétendant être parti le matin, l'autre en soirée, ils s'accordent pour dire qu'ils ont circulé un peu partout entre Ostende et Blankenberge et notamment qu'ils se sont promenés sur la plage. Ce ne serait que dans la nuit, circulant à Bredene sur la route royale, Marc DUTROUX étant au volant, qu'ils auraient aperçu, assises à l'arrière du tram qui les croisait, deux jeunes filles qui éveillèrent leur intérêt. Ils auraient alors fait demi-tour et suivi ledit tram jusqu'au terminus de la gare d'Ostende. Ayant perdu les deux jeunes filles de vue, ils auraient circulé dans la ville et retrouvé celles-ci faisant du stop à la sortie de la ville sur la route de Middelkerke. Ils auraient alors embarqué les deux jeunes filles, mais se rejettent la responsabilité quant à cette initiative, tout comme ils vont se rejeter toute responsabilité sur les actes qui vont suivre cette prise en charge.
Quelque distance plus loin, le verrouillage central de la CX aurait été actionné, empêchant ainsi toute tentative de fuite des deux jeunes filles ; celles-ci auraient alors été contraintes d'avaler de l'Haldol et elles se seraient assoupies après quelque temps. Sur le chemin du retour vers Charleroi, le véhicule CX serait tombé en panne, forçant son conducteur à s'arrêter sur le parking de l'autoroute à hauteur de Wauthier-Braine. Les deux victimes auraient alors été débarquées, toujours endormies, dans le sous-bois bordant l'autoroute, et seraient restées à la surveillance de Michel LELIEVRE pendant que Marc DUTROUX retournait à Charleroi rechercher un véhicule de remplacement, avec l'aide de deux irlandais qui stationnaient sur le même parking. Arrivé à Sars la Buissière, Marc DUTROUX aurait réveillé Michelle MARTIN et offrant l'hébergement aux deux irlandais, serait revenu au moyen d'une Ford Sierra au parking de Wauthier-Braine. A ce moment les deux victimes auraient été embarquées, toujours endormies, dans ce nouveau véhicule et conduites directement à Marcinelle par Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE, qui dans la foulée seraient retournés à Wauthier-Braine remorquer la CX en panne.
La reconstitution de l'embarquement à Ostende d'An et Eefje dans le véhicule CX, de leur agression à l'intérieur du véhicule ainsi que de leur débarquement et embarquement suite à la panne, a été effectuée le 14 octobre 1998, sur le parking de Wauthier-Braine.
La reconstitution de leur arrivée à Marcinelle a eu lieu sur place le 15 juin 1999 ; les versions des deux auteurs, tout comme pour les deux autres reconstitutions, divergent également sur plusieurs points ; mais ils sont d'accord pour affirmer que les deux victimes auraient été emmenées directement à l'étage, dans la chambre arrière, et que toutes deux auraient été déshabillées complètement, alors qu 'elles étaient toujours sans connaissance et placées sur les lits superposés.
Selon les dires mêmes des inculpés, et sans que cela n'empêche de nombreuses différences entre leurs versions des faits, il semblerait qu'après avoir été recherché la CX Citroën à Wauthier-Braine et l'avoir déposée à Sars la Buissière, Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE ont regagné Marcinelle. Marc DUTROUX, devant s'absenter, a demandé à son complice de rester pour surveiller les deux jeunes filles ; Michel LELIEVRE se serait alors assoupi dans la chambre où étaient séquestrées les deux victimes et à son réveil, Marc DUTROUX étant revenu, lui aurait avoué les avoir violées toutes deux. Puis, Marc DUTROUX aurait reconduit Michel LELIEVRE chez sa mère à Tamines. Ann et Eefje seraient restées plusieurs semaines séquestrées dans la maison du 128 chaussée de Philippeville à Marcinelle en même temps que Julie et Mélissa, ce qui aurait causé de nombreux problèmes d'organisation à Marc DUTROUX ; Michelle MARTIN, mais aussi Michel LELIEVRE et Bernard WEINSTEIN, seraient intervenus pour leur approvisionnement, faisant les courses pendant que Marc DUTROUX restait en permanence auprès des deux jeunes filles ; Michelle MARTIN aurait de plus lessivé le linge des deux jeunes filles ; celles-ci auraient également été conditionnées comme les autres victimes, Marc DUTROUX leur faisant croire qu'une rançon était demandée pour leur libération. Ce qui n'aurait pas empêché Eefje de tenter de s'évader à deux reprises, obligeant ainsi Marc DUTROUX à les enchaîner aux montants des lits superposés.
Marc DUTROUX nie tout rapport sexuel non consenti avec les deux jeunes filles, malgré les accusations, déjà rappelées, émises par Michel LELIEVRE ; au contraire accuse-t-il celui-ci et Bernard WEINSTEIN d'avoir violé Ann MARCHAL, tandis qu'il reconnaît avoir entretenu des rapports consentis avec Eefje LAMBRECKS.
Les médecins-légistes BEAUTHIER et EUGENE-DAHIN, qui ont pratiqué l'autopsie des deux jeunes filles, constatent la disparition de leur hymen et des béances anales qui feraient logiquement penser à des rapports sexuels complets et à des pratiques de sodomie. Les mêmes constatations justifient des conclusions plus nuancées, par l'effet de la putréfaction des corps, dans le chef du professeur DURIGNON.
Au cours des mêmes autopsies, les médecins-légistes ont constaté que les corps entièrement dénudés des deux victimes présentaient un état d'importante maigreur et qu'aucune autre trace traumatique ne pouvait expliquer le décès autrement que par la privation complète d'aliments pour Eefje LAMBRECKS. Les mains d'Ann MARCHAL étaient liées et sa tête était entièrement recouverte d'un sac en plastique, tandis qu'un bâillon recouvrait sa bouche et qu'un emballage de Rohypnol était retrouvé au niveau du pharynx ; ce qui laissait supposer que la victime n'était pas décédée au moment de son inhumation.
Marc DUTROUX nie toute implication dans le décès d'Ann et Eefje ; selon sa version, Bernard WEINSTEIN les a emmenées un soir vers une destination qu'il n'a jamais précisée ; il accuse tantôt Michel LELIEVRE, tantôt Gérard PINON, tantôt les deux d'avoir accompagné Bernard WEINSTEIN dans cette dernière expédition. C'est cependant Marc DUTROUX qui indiquera début septembre 1996 l'endroit où les deux corps ont été enterrés. Michelle MARTIN quant à elle affirme que son mari lui a annoncé, en détails, au mois de septembre 1995, qu'avec Bernard WEINSTEIN ils les avaient endormies avec des médicaments et qu'ils les avaient enterrées à Jumet, au chalet de Bernard WEINSTEIN.
Quant à Michel LELIEVRE, il déclare tout ignorer de la destination des deux jeunes filles ; lorsqu'il a posé la question à Marc DUTROUX à son retour de Slovaquie, début septembre 1995, il se serait vu répondre que les deux filles avaient été conduites où il fallait.
4. Les faits commis à l'égard de ROCHOW-DIVERS- JADOT
Quand, le 5 novembre 1995 vers 2H00 du matin, Bénédicte JADOT provoque l'alerte à Police Secours Charleroi, elle semble droguée et s'exprime difficilement ; et son message est de dire que son bébé est ligoté sur un lit. Lorsque les agents de police, sous sa conduite, pénètrent dans le chalet au 63 de la rue Daubresse à Jumet, en fait de bébé, ce sont deux grands gaillards que les policiers trouvent somnolant et enchaînés sur un lit métallique. Ils ont le cou et les chevilles entravées par des menottes et des chaînes qui sont reliées entre elles et fermées par des cadenas. Ils ne paraissent pas porter de coups, mais ils semblent drogués et incapables de s'expliquer. Bénédicte JADOT ne peut davantage s'exprimer et semble, elle aussi, s'endormir. Ces trois jeunes gens sont aussitôt conduits à l'hôpital civil de Jumet où ils sont considérés comme médicalement hors de danger ; il n'exhale d'eux aucune odeur d'alcool, mais ils semblent manifestement avoir avalé des somnifères.
Les policiers découvrent en effet sur place des tablettes de Flunitrazépam en partie utilisées. Les trois victimes sont identifiées : outre Bénédicte JADOT, âgée de 23 ans, son fiancé Pierre ROCHOW, bientôt 24 ans, et Philippe DIVERS, 25 ans. Celui-ci semble revenir peu à peu à une meilleure conscience et, dans un langage encore peu cohérent, raconte son aventure : avec Pierre ROCHOW, ils seraient arrivés dans la soirée au 63 de la rue DAUBRESSE, et ils seraient à peine entrés qu'un prénommé Bernard et un inconnu prénommé Marc les auraient braqués avec un pistolet muni d'un silencieux, puis les auraient obligés à se coucher sur un lit, les auraient liés avec des chaînes, et leur auraient fait prendre des médicaments.
Il s'avère en effet que le seul occupant de l'immeuble en question se prénomme Bernard ; c'est un sujet français nommé WEINSTEIN que la rapide enquête de voisinage décrit comme calme et pas méchant. L'affaire est néanmoins jugée grave et sérieuse puisque le parquet de Charleroi est prévenu durant la nuit, d'autant plus que Monsieur VERSTRICHT, le policier ayant été chargé de la surveillance de l'immeuble, a dû faire usage de son arme de service devant la menace d'un homme qui tentait d'y pénétrer.
Le lendemain 6 novembre, Pierre ROCHOW et Philippe DIVERS sortent de l'hôpital et sont déclarés en incapacité de travail ; ils constatent d'emblée que leurs véhicules ont été volés et que différents objets ont également été dérobés au domicile de Pierre ROCHOW à Waterloo. Le même jour, Pierre ROCHOW désigne la maison où habiterait celui des suspects se prénommant Marc : il s'agit du 128 avenue de Philippeville à Marcinelle, domicile de DUTROUX Marc, connu de la police pour divers vols et pour mœurs. Tout comme Bernard WEINSTEIN, il est introuvable quoique convoqué par écrit, et cela jusqu'au 6 décembre après-midi, date à laquelle il se présente au commissaire DEWINDT de la police communale de Charleroi, après avoir passé la matinée à la police judiciaire de Charleroi dans le cadre d'une autre enquête. Interpellé sur les faits, Marc DUTROUX les nie et exige une confrontation avec les victimes. Il est formellement reconnu par Pierre ROCHOW et par Philippe DIVERS, mais pas par Bénédicte JADOT, qui semble ne l'avoir vu que le jour des faits ; il est vrai que Marc DUTROUX a fondamentalement changé de physionomie depuis ceux-ci. Le jour même, 6 décembre, Marc DUTROUX est placé sous mandat d'arrêt par le juge d'instruction LORENT de Charleroi ; il restera en prison jusqu'au 20 mars 1996. Dès le 13 décembre, le juge d'instruction LORENT ordonnera des perquisitions dans les différents immeubles appartenant à Marc DUTROUX, perquisitions effectuées par la BSR de Charleroi sous la direction du maréchal des logis-chef MICHAUX ; ce sont les perquisitions dont il a déjà été fait état lors de l'examen des faits concernant les petites Julie et Mélissa. Des fioles pharmaceutiques, des gélules de somnifères, une boite ayant contenu des menottes, mais aussi différentes cassettes VHS et de caméscope sont saisies ; une deuxième perquisition est pratiquée le 19 décembre, de laquelle le maréchal des logis-chef MICHAUX ramène des chaînes et des cadenas.
Il semble résulter de l'ensemble des auditions faites à la suite de ces premiers devoirs que Marc DUTROUX et Bernard WEINSTEIN - ce dernier étant toujours introuvable - aient reproché à Pierre ROCHOW et Philippe DIVERS d'avoir fait disparaître un camion du hangar que Marc DUTROUX loue à Gérard PINON ; ce camion avait en fait été volé quelques jours plus tôt par Bernard WEINSTEIN et Pierre ROCHOW qui l'avaient caché dans ce hangar. Pour les faire parler et retrouver ce camion, Marc DUTROUX et Bernard WEINSTEIN auraient imaginé d'attirer Pierre ROCHOW et Philippe DIVERS à Jumet, au domicile de Bernard WEINSTEIN ; ils les auraient menacés par arme, puis drogués et enchaînés. Devant l'absence de réponse des deux jeunes gens, ils seraient allés jusqu'au domicile de Pierre ROCHOW à Waterloo, y auraient trouvé Bénédicte JADOT, qu'ils auraient ramenée à Jumet où ils l'auraient également droguée. Puis, Marc DUTROUX et Bernard WEINSTEIN seraient retournés de nouveau à Waterloo, y auraient dérobé certains objets et emmené les deux voitures des deux jeunes gens. Bénédicte JADOT ayant réussi à se libérer et à avertir la police, c'est sur une maison assiégée par les forces de l'ordre que Marc DUTROUX et Bernard WEINSTEIN seraient tombés lors de leur retour à Jumet.
Les choses en sont là, lorsque Gérard PINON apprend le 17 août 1996, par la presse, la découverte à Sars la Buissière par les enquêteurs de Neufchâteau, du corps de Bernard WEINSTEIN dont il est sans nouvelles depuis la mi-novembre 1995. Il se rend alors à la BSR de Bastogne et informe l'adjudant-chef VERDUYCK de ce qu'il sait de ces faits et de la personnalité des intervenants. Il déclare qu'il est informateur de l'inspecteur ZICOT de la police judiciaire de Charleroi, qu'il a averti celui-ci de la présence d'un camion volé dans un hangar qu'il loue à Marc DUTROUX, et que c'est cet inspecteur ZICOT qui est venu un soir récupérer subrepticement ce camion, source du conflit et donc du malentendu qui a dès lors opposé les auteurs et les victimes de cette séquestration du 4 novembre 1995.
Le dossier du juge d'instruction LORENT sera alors transmis à Neufchâteau et joint au dossier de l'assassinat de Bernard WEINSTEIN ; il sera confié au juge d'instruction CONNEROTTE, puis au juge d'instruction GERARD, puis enfin au juge d'instruction LANGLOIS, qui chargera le 1°MDL BARTHELEMY d'en faire la synthèse.
Bernard WEINSTEIN étant décédé, seul Marc DUTROUX est accusé de ces faits, dont il reconnaît la responsabilité, mais pour lesquels il nie certains détails. Les dossiers annexes de vols de camions et autres trafics de véhicules ont été disjoints et transmis à Nivelles pour y être jugés.
5. La séquestration et l'assassinat de Bernard WEINSTEIN
A la suite l'intervention de la police de Charleroi, dans la nuit du 4 au 5 novembre 1995, au domicile de Jumet de Bernard WEINSTEIN, celui-ci était évidemment soupçonné et recherché pour les faits de séquestration et menaces à l'égard des trois jeunes gens. Il ne pouvait dès lors réintégrer son domicile et se serait réfugié chez Gérard PINON, ainsi que celui-ci le déclare ; Gérard PINON l'aurait hébergé du 5 novembre jusqu'à une date située entre le 13 et le 20 novembre. C'est à cette date imprécise que Marc DUTROUX serait venu chercher Bernard WEINSTEIN chez Gérard PINON.
Diverses solutions auraient cependant été envisagées pour permettre à Bernard WEINSTEIN d'échapper à l'instruction menée par le juge d'instruction LORENT de Charleroi. Ainsi, consulté par Gérard PINON, Jean-Pierre LIENARD aurait conseillé à Bernard WEINSTEIN de se rendre à la police. Ainsi encore, Gérard PINON aurait-il proposé de l'héberger dans la maison qu'il possédait en Hongrie ; mais pour cela, Bernard WEINSTEIN aurait eu besoin de faux papiers, et une démarche de ce type aurait été faite auprès de Michel NIHOUL. Cette démarche, entreprise à l'initiative de Marc DUTROUX, se situerait durant la première quinzaine de novembre. Marc DUTROUX serait allé avec Bernard WEINSTEIN chez Michel NIHOUL et chez Annie BOUTY, mais celle-ci semble douter de la sincérité de la démarche, tant chez Michel NIHOUL que chez Marc DUTROUX ; il lui semble qu'il s'agirait plutôt d'une mise en scène orchestrée dans le but de rassurer Bernard WEINSTEIN. A partir du départ de celui-ci de chez Gérard PINON, personne n'aura plus de nouvelles de Bernard WEINSTEIN. Marc DUTROUX aurait alors fait croire à plusieurs personnes, notamment Michel LELIEVRE, Philippe DIVERS, Michaël DIAKOSTAVRIANOS et Gérard PINON, que Bernard WEINSTEIN était reparti vers son pays d'origine, la France.
Il faut dire qu'il semble avoir effectué plusieurs démarches qui tenteraient d'accréditer cette hypothèse. Il aurait ainsi, durant cette courte période, fait radier l'immatriculation pour son véhicule Fiesta, que Marc DUTROUX déclare lui avoir racheté dès le 6 novembre. Il aurait aussi résilié, le 13 novembre, son abonnement Proximus pour son GSM que Marc DUTROUX lui aurait également racheté. Il aurait surtout clôturé les comptes épargne et à vue dont il était titulaire à l'agence de la BBL de Lodelinsart, les 6 et 8 novembre, et serait alors en possession d'un numéraire de près de 700.000FB. Toujours est-il, qu'à la mi-novembre 1995, Bernard WEINSTEIN disparaît pour tous, notamment pour sa sœur Mireille à qui il aurait rendu visite en octobre et qui aurait entrepris des recherches à la mi-novembre pour vérifier si la somme importante promise par la maman de Bernard était arrivée sur son compte. Cette disparition durera jusqu'au 17 août 1996, date à laquelle, sur les indications précises de Marc DUTROUX, il est retrouvé enterré, au même endroit que Julie et Mélissa, dans la propriété que Marc DUTROUX possède à Sars la Buissière.
A cette occasion, et dans les jours qui suivent, Marc DUTROUX va décrire aux enquêteurs du juge d'instruction CONNEROTTE, de façon très précise, les modalités de la séquestration et de l'assassinat de Bernard WEINSTEIN, dont il s'attribue l'entière responsabilité.
La motivation, qui aurait été la sienne à l'époque, serait simple : Bernard WEINSTEIN devait, en toute logique, être activement recherché pour les faits commis chez lui dans la nuit du 4 au 5 novembre ; il est encore plus compromettant pour Marc DUTROUX dans les enlèvements de Julie et Mélissa, Ann et Eefje ; il faut donc le séquestrer pour qu'il cesse de prendre des risques dans la région, risques de se faire prendre et d'entraîner les autres avec lui. De plus, Bernard WEINSTEIN aurait voulu se débarrasser de Julie et Mélissa, au besoin en les tuant, ce à quoi Marc DUTROUX s'est dit formellement opposé. Marc DUTROUX aurait donc été le chercher chez Gérard PINON, en soirée, et l'aurait ramené chez lui à Marcinelle pour lui donner à souper ; mais cela aurait été un souper aux somnifères et Bernard WEINSTEIN aurait été descendu endormi à la cave et renfermé dans la cache en lieu et place de Julie et Mélissa, qui auraient alors séjourné dans la chambre arrière, à l'étage. Bernard WEINSTEIN aurait été installé sur la litière dans la cache, enchaîné à un anneau fixé au mur du fond. Marc DUTROUX serait alors allé rechercher, le lendemain, des vêtements de Bernard WEINSTEIN chez Gérard PINON.
Michelle MARTIN donne toutefois une autre explication. En fait, Marc DUTROUX aurait voulu s'accaparer d'une somme de plus de 500.000FB que Bernard WEINSTEIN avait reçu de sa mère ; il aurait eu une clé de la maison de Gérard PINON et serait allé fouiller dans les affaires de Bernard WEINSTEIN pour la retrouver ; en vain ; il aurait alors torturé Bernard WEINSTEIN en lui serrant les testicules avec des colliers de serrage, ce qui aurait provoqué les aveux lui permettant de prendre possession de la somme. C'est ce que Marc DUTROUX aurait dit à Michelle MARTIN, mais il le conteste formellement, accusant par contre Gérard PINON d'avoir volé cet argent.
Si Marc DUTROUX conteste ce vol et cette motivation, il poursuit néanmoins, au début de l'enquête, son récit concernant la mort de Bernard WEINSTEIN : comme ce dernier ne voulait rien entendre à propos du sort de Julie et Mélissa, et que lui-même était convoqué par la police judiciaire de Charleroi dans le cadre d'une autre enquête, Marc DUTROUX l'aurait alors endormi à nouveau, transporté à Sars la Buissière au moyen de la voiture Fiesta, et jeté, encore vivant, dans le trou qu'il avait auparavant creusé à l'aide de la pelleteuse récemment achetée ; il aurait alors rebouché le trou sur Bernard WEINSTEIN.
Ce n'est qu'après la libération de Gérard PINON, le 27 septembre 1996, par la chambre du conseil de Neufchâteau, que Marc DUTROUX impliquera Gérard PINON, et l'accusera de l'avoir aidé à transporter Bernard WEINSTEIN de Marcinelle à Sars la Buissière et d'avoir assisté à son inhumation. Ce que Gérard PINON nie formellement.
L'autopsie réalisée le 17 août 1996 par les médecins-légistes BEAUTHIER, ABATI et PRIGNON mettent en avant les traces d'inhalation de terre au niveau de la trachée et des bronches permettant de confirmer que Bernard WEINSTEIN a été enterré vivant. Ce que confirme le professeur DURIGNON ;
6. L'enlèvement, le viol et la séquestration de sabine DARDENNE
C'est le 28 mai 1996 dans la matinée, alors qu'elle devait se rendre à l'école sur son vélo, que la disparition de la petite Sabine DARDENNE est constatée dans la région de Tournai. Le 15 août 1996, Marc DUTROUX avoue aux enquêteurs, qui sont à la recherche de Laetitia DELHEZ, qu'il détient aussi dans sa cave cette autre petite disparue ; dans les minutes suivantes, Sabine sera délivrée en même temps que Laetitia et racontera aux enquêteurs les circonstances de son enlèvement et les quelques douze semaines de séquestration qu'elle a passées dans la maison de Marc DUTROUX, principalement dans la cache située dans la cave de cette maison. Elle va étayer son témoignage au moyen d'un carnet dans lequel elle a consigné scrupuleusement tous les événements qu'elle a vécus durant cette longue période : ses conditions de vie, les viols qu'elle aurait subis de la part de son geôlier, le conditionnement et les privations dont elle aurait été la victime. Elle ne met en cause que deux personnes : Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE ; elle n'a vu personne d'autre.
Les deux accusés sont en aveux complets sur cet enlèvement et sur cette séquestration ; leurs aveux sont pratiquement identiques et ont fait l'objet d'une reconstitution sur place le 18 novembre 1997. Ils auraient préalablement reconnu les lieux pendant la semaine précédant les faits, sans qu'ils s'accordent cependant sur la date de cette reconnaissance. Etant partis de Marcinelle un soir, ils auraient passé la nuit dans le mobil home Trafic sur un parking de Kain et dans la matinée ils auraient aperçu une jeune fille roulant en vélo ; ils l'auraient suivie jusqu'à son école et seraient repartis alors vers Marcinelle.
Ils seraient revenus sur place quelques jours plus tard, le 28 mai, en partant très tôt le matin de Marcinelle où ils auraient tous deux passé la nuit. La veille, Marc DUTROUX aurait prévenu Michelle MARTIN qu'ils avaient l'intention de partir pour Tournai dans le but d'enlever une jeune fille. Dans le véhicule se trouvait un coffre métallique.
Selon leurs déclarations, ils arrivent à Kain vers 7H00, se garent sur le parking de la rue MONTGOMERY, Michel LELIEVRE s'installant au volant et Marc DUTROUX à l'arrière du véhicule. Dès que Sabine apparaît sur son vélo, ils la suivent, et dans la rue du stade communal, Michel LELIEVRE coince la jeune fille contre un mur tandis que Marc DUTROUX s'en saisit par la porte latérale et la couche sur le lit à l'arrière du mobil home. Michel LELIEVRE s'empare du vélo de la jeune fille et le rentre également dans l'habitacle, pour ensuite démarrer et rentrer sur Marcinelle. Pendant le trajet, Marc DUTROUX tentera d'endormir Sabine en lui administrant du Rohypnol et de l'Haldol. A l'approche de Marcinelle, Sabine est placée dans le coffre métallique. C'est dans ce coffre qu'elle est débarquée et emmenée par les deux hommes dans la maison de l'avenue de Philippeville à Marcinelle ; c'est en cet endroit qu'elle sera séquestrée jusqu'à sa libération du 15 août.
Sabine va décrire comment, dès le lendemain de son arrivée à Marcinelle Marc DUTROUX se serait employé, avec l'aide de Michel LELIEVRE, à lui faire comprendre que ni ses parents, ni la police ne cherchaient à la délivrer en payant la rançon, mais que, par contre, lui, il était là pour la protéger contre le chef qui voulait la liquider. Elle écrira plusieurs lettres à ses parents et sa famille dans lesquelles elle leur raconte son sentiment d'abandon et de culpabilité, mais elle n'aura évidemment pas de réponse car Marc DUTROUX ne les a pas envoyées ; elles ont en effet été retrouvées dans la cache lors de la perquisition du 15 août 1996.
Marc DUTROUX s'absentera pour ses voyages dans les pays de l'Est, la laissant seule dans son cachot ; elle décrira dans son journal de bord, méthodiquement, quelle fut sa solitude en ces moments là, mais aussi les agressions sexuelles qu'elle a dû subir lorsqu'il était de retour.
Michelle MARTIN n'aurait pas eu de contact avec Sabine, mais elle avoue qu'elle savait, dès le premier jour, que son mari séquestrait Sabine, dont elle aurait d'ailleurs lavé un pull et pour laquelle elle aurait remis à son mari un tube de pommade anti-infection. Il convient en outre de rappeler que Michelle MARTIN reconnaît avoir participé à la confection de la cache dans laquelle les victimes, dont Sabine, ont été enfermées, et que lors de son arrestation, le 13 août 1996, elle a déclaré ne rien savoir des activités de son mari, alors qu'elle savait que Sabine et Laetitia étaient enfermées dans la cave de Marcinelle. Elles ne seront délivrées que deux jours plus tard.
Sabine DARDENNE a été examinée par le docteur B. EUGENE-DAHIN, qui estime qu'elle est en état d'incapacité permanente à la suite des faits dont elle a été victime.
7. L'enlèvement, le viol et la séquestration de Laetitia DELHEZ
Ainsi qu'il a déjà été exposé , c'est le 9 août 1996, vers 2OH45, qu'en sortant de la piscine de Bertrix, Laetitia DELHEZ aurait été enlevée par Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE. Après avoir nié pendant les deux premiers jours après leur arrestation, ceux-ci ont en effet reconnu leur participation aux faits ; leurs versions, qui diffèrent quelque peu, ont été confrontées entre elles, puis à celle de la victime et enfin examinées à la lumière de la reconstitution sur place le 13 juin 1997.
Suivant leurs propres déclarations, Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE se seraient rendus, tous deux, à bord du Renault Trafic blanc appartenant à Marc DUTROUX, dans la région de l'Ardenne, et plus précisément Bouillon, Bertrix et Florenville, dans le but d'éventuellement enlever une jeune fille si l'occasion s'en présentait. Selon leurs dires, c'est le mardi 6 août en soirée qu'ils quittent déjà Sars la Buissière, par les petites routes, et passent la nuit du 6 au 7 à Bohan, dans le mobil home. C'est le lendemain, mercredi 7 août qu'ils arrivent à Bertrix et stationnent le véhicule face à la piscine ; Marc DUTROUX serait descendu dudit véhicule pour aller visiter les abords de la piscine ; après quoi, ils s'en seraient retournés vers Marcinelle où ils seraient arrivés en soirée.
Le surlendemain, vendredi 9 août, ils auraient quitté Marcinelle vers 14H00 pour de nouveau se rendre à Bertrix, par les mêmes routes. Mais en chemin, plus précisément à Gedinne-gare, le véhicule Renault serait tombé en panne ; après réparation au garage LEZIN Jacques, ils seraient repartis pour Bertrix vers 18H30. Ils y seraient arrivés une heure plus tard, et Marc DUTROUX, qui pilote le véhicule, aurait stationné celui-ci en partie sur le trottoir quelques dizaines de mètres en amont de l'entrée de la piscine. Un stratagème aurait alors été conclu entre les deux hommes après que Marc DUTROUX se soit rendu une première fois à la piscine : Michel LELIEVRE se mettrait au volant, et Marc DUTROUX, qui aurait repéré une jeune fille, suivrait celle-ci et ferait signe à Michel LELIEVRE pour la désigner. C'est exactement ainsi que les choses se passent selon les deux auteurs en aveux : Laetitia DELHEZ est la jeune fille repérée par Marc DUTROUX ; elle quitte la piscine et remonte vers le centre de Bertrix, suivie par Marc DUTROUX ; arrivée à hauteur de la camionnette, Laetitia est interpellée par Michel LELIEVRE au travers de la porte latérale ouverte ; elle est appréhendée par Marc DUTROUX qui la pousse à l'arrière du véhicule, referme la porte et invite Michel LELIEVRE à démarrer. Celui-ci s'exécute et pendant le trajet de retour vers Marcinelle, Marc DUTROUX aurait administré de l'Haldol et du Rohypnol à Laetitia, maintenue sur le lit situé à l'arrière du véhicule.
Vers 22H30 ils seraient arrivés en face du domicile de Marc DUTROUX à Marcinelle ; Laetitia aurait été débarquée, endormie et enveloppée d'une couverture, par Marc DUTROUX, tandis que Michel LELIEVRE ouvrait la porte de l'immeuble. D'après les deux hommes, en emportant Laetitia à l'intérieur de l'habitation, ils auraient conversé avec les deux voisines Georgette LURQUIN et Viviane CHARLES .
Michel LELIEVRE affirme avoir quitté la maison de Marcinelle mais être revenu le lendemain. Pendant ce temps, Marc DUTROUX aurait attaché Laetitia au moyen de chaînes et aurait passé la nuit dans le même lit que la jeune fille. Dès sa rentrée à Marcinelle, Marc DUTROUX aurait prévenu par téléphone son épouse de ce qu'il venait d'accomplir. Michelle MARTIN confirme et ajoute qu'en les quittant en début d'après-midi le 9 août, elle savait que les deux hommes partaient à la recherche d'une jeune fille. Le samedi matin, elle serait allée porter des achats alimentaires à Marcinelle et aurait aidé son mari à faire démarrer le mobil home pour reconduire celui-ci à Sars la Buissière.
Selon les dires de la victime, Marc DUTROUX aurait violé à trois reprises Laetitia, qu'il aurait obligée à prendre des pilules contraceptives. Laetitia aurait été enfermée dans la cache, avec Sabine, le lundi 12 août pour n'en être délivrée que trois jours plus tard par les enquêteurs du juge d'instruction CONNEROTTE.
Ni Marc DUTROUX, ni Michel LELIEVRE, lorsqu'ils reconnaissent les faits d'enlèvement et de séquestration, ni Michelle MARTIN lorsqu'elle reconnaît les faits de séquestration, ne mettent en cause Michel NIHOUL dans les infractions dont a été victime Laetitia DELHEZ. Celle-ci, pas d'avantage, n'affirme avoir vu Michel NIHOUL, à un quelconque moment, à Bertrix lors de son enlèvement, ou à Marcinelle lors de sa séquestration .
Cependant, lorsqu'elle raconte ses trois journées de séquestration en présence de Marc DUTROUX, les 10, 11 et 12 août, Laetitia évoque des communications téléphoniques au cours desquelles elle aurait entendu Marc DUTROUX prononcé deux prénoms : Michel et Jean-Michel et les mots « ça a marché ». Il semble que Michel NIHOUL se serait fait appeler Jean-Michel et la téléphonie indiquerait que pendant ces trois jours précisément, le poste de Michel NIHOUL a été appelé, à cinq reprises, par le poste de Marc DUTROUX et que celui-ci a obtenu la communication et a pu s'entretenir pendant près de quarante minutes au total avec son correspondant. Pendant les mêmes trois jours, le poste de Michel NIHOUL a, en plus, appelé à trois reprises le poste de Marc DUTROUX.
Michel NIHOUL explique la fréquence de ces conversations téléphoniques en évoquant le besoin impérieux qu'il avait de faire réparer son véhicule Audi ; cette voiture, tombée en panne fin juillet devait être réparée par RANDAZZO Damiano, connaissance de Michel LELIEVRE et c'est Marc DUTROUX qui serait venu la chercher au moyen de son camion-plateau le 12 août en début d'après-midi. Mais ainsi qu'il a été évoqué plus haut, Michelle MARTIN aurait également été frappée par la fréquence des communications téléphoniques échangées discrètement entre Michel NIHOUL et son mari dans les semaines précédentes ; elle a pensé à ce moment là que Michel NIHOUL était intéressé par les enlèvements des jeunes filles, d'autant plus qu'elle aurait entendu Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE dire qu'ils devaient ramener une fille pour Michel NIHOUL.
Ainsi qu'il sera développé plus loin au chapitre consacré aux stupéfiants, c'est dès le lendemain de l'enlèvement de Laetitia DELHEZ que Michel NIHOUL aurait remis à Michel LELIEVRE, sans contrepartie un lot de 1000 pilules d'ecstasy, pour une valeur qui devrait largement dépasser le montant de la réparation de son véhicule.
Enfin, si Michel NIHOUL conteste fermement sa présence à Bertrix durant la semaine de l'enlèvement de Laetitia en invoquant les témoignages de plusieurs de ses connaissances comme SCHOONJANS Alain, VANDAMME Erik, DECOCKERE Marleen , VANDER ELST Michel, NOEL Annie, NOEL Corinne, SCHMIT Christian et VEYU Bernard ; en revanche, plusieurs autres témoins comme HORMAN Marie-Ange, KLELS Marie, ARNOULD Francis, SAUSSEZ Philippe et son épouse DEMBO FARO Nadia, ROISEUX Daniel, JEANGOUT Raymond, OPHALVENS Jean, OPHALVENS Dimitri, VAN OOST Jenny ont formellement reconnu Michel NIHOUL dans la région de Bertrix ou en Ardenne cette semaine du 6 au 9 août 1996, le témoignage de ces trois dernières personnes, dites « la famille flamande », étant fortement nuancé par les témoins VAN MALDER Jean et son épouse FORMENT Josiane.
8. Les viols de Yancka et Eva MACKOVA, et Henrieta PALUSOVA
A partir de juillet 1994, Marc DUTROUX a effectué plusieurs voyages en Slovaquie où il a fait la connaissance notamment de la famille MACKOVA ; dès la première année 1994, il a ramené chez lui la fille aînée, Eva, qui y a passé ses vacances jusqu'au 27 août 1994. Au cours de ces vacances, Eva se souvient avoir été malade lors d'un voyage à la mer et, au retour, d'avoir dormi pendant plus d'un jour. Michelle MARTIN raconte que Marc DUTROUX lui a dit avoir endormi Eva pour pouvoir la filmer nue. Ce film sera retrouvé dans le véhicule Renault Trafic lors de sa saisie en août 1996, et effectivement on y constate que Marc DUTROUX commet plusieurs viols sur la jeune fille endormie. Marc DUTROUX reconnaîtra les faits.
Le 4 juin 1995, quelques jours avant l'enlèvement de Julie et Mélissa, un viol est commis à Topolcany, en Slovaquie, sur la personne de Henrieta PALUSOVA. La jeune femme, en retournant chez elle après une sortie en discothèque est prise en charge par un automobiliste dans un mobil home blanc ; elle est droguée par cet homme et violée, puis elle est laissée sur place. Elle donne aux policiers slovaques une description précise, tant du violeur que sa camionnette.
Michelle MARTIN, lors de ses auditions d'octobre et novembre 1996, parlera de deux viols commis en Slovaquie en 1995, que Marc DUTROUX lui aurait avoué avoir commis. Mais ce n'est qu'en mai 1999 que les enquêteurs de Neufchâteau visionneront l'original d'une cassette vidéo saisie lors de la perquisition du 13 décembre 1995 par le maréchal des logis-chef MICHAUX pour le compte de l'instruction du juge LORENT de Charleroi. Lors de la vision de cette cassette originale, les enquêteurs de Neufchâteau, le 1MDL BARTHELEMY en l'occurrence, s'apercevront qu'une partie de la cassette figurant sur l'original ne figure pas sur les copies réalisées par leurs collègues de Charleroi sur lesquelles ils travaillent d'habitude. Sur cette partie nouvellement mise à jour, figure notamment une scène de viol, dans une camionnette, d'une jeune femme manifestement droguée. Leur enquête leur permet de recouper les éléments de la plainte, ceux du dossier et les détails révélés par les images filmées. Marc DUTROUX refusera d'abord de s'expliquer sur cette cassette, puis affirmera que la jeune fille était consentante, bien que saoule.
Peu avant d'être arrêté en août 1996, dans le cadre de la présente affaire, Marc DUTROUX effectue un nouveau voyage en Slovaquie du 18 au 23 juillet. Au terme de son séjour, il ramène les deux sœurs Eva et Yanka MACKOVA ; cette dernière jeune fille est mineure d'âge, puisqu'elle n'a que 17 ans. Une cassette vidéo a également été saisie dans la cache de Marcinelle sur laquelle le viol de cette jeune fille est visible. Marc DUTROUX reconnaît les faits et déclare avoir usé des mêmes procédés que ceux employés pour la sœur Eva deux ans plus tôt, à la différence que cette fois, c'est à Michelle MARTIN qu'il a demandé de droguer les boissons des jeunes filles avec du Rohypnol et de l'Haldol. Michelle MARTIN reconnaît sa participation. La jeune fille ne se souvient pas des faits.
9. Les stupéfiants
Si l'on se réfère à ses propres auditions, ainsi qu'aux expertises mentales et psychologiques qui le concernent, Michel LELIEVRE a versé très tôt dans la toxicomanie ; quand en juillet 1995 Marc DUTROUX lui propose de vendre pour lui de l'héroïne, il a déjà été condamné pour détention et usage de stupéfiants en 1994 à 15 mois de prison. Ce serait en échange du prix de location de son logement et du fait d'une dette que Michel LELIEVRE a contractée à l'égard de son nouveau logeur, Marc DUTROUX, que celui-ci lui aurait procuré régulièrement de l'héroïne pour la revendre, et ce, à partir de l'été 1995 ; il en aurait également consommé jusqu'à l'enlèvement d'Ann et Eefje et en aurait repris à partir de l'enlèvement de Sabine en mai 96 jusqu'à son arrestation en août 96 ; devant les experts psychiatres, Michel LELIEVRE insiste pour affirmer son absence de dépendance à l'égard des substances psycho-actives et sa capacité tant à contrôler l'usage de ces toxiques qu'à gérer sa vie à sa façon. Dans certaines auditions cependant, il évoque la pression qu'aurait exercée Marc DUTROUX, par l'intermédiaire de l'héroïne qu'il lui procurait, pour le forcer à participer aux enlèvements qu'il reconnaît avoir effectués ; pour rappel de ce qui a déjà été dit à propos de l'enlèvement de Laetitia DELHEZ, Michel LELIEVRE énumère les prises d'héroïne qu'il se sent obligé de prendre juste avant et juste après les faits d'enlèvement.
On retrouverait Michel LELIEVRE dans un commerce, nettement plus florissant cette fois, de pilules d'ecstasy à partir du mois de juin 1996, pilules fournies par Michel NIHOUL, une partie de l'argent étant avancée par Marc DUTROUX ; il serait mis fin à ce trafic au moment de l'arrestation des trois accusés.
C'est en tout cas ce que tant Marc DUTROUX que Michel LELIEVRE ont, dès le début de l'enquête, exposé aux enquêteurs ; c'est ce qu'ont également confirmé tout au long de cette enquête les témoins COPPIN Jean-Claude, BOUTY Annie, BERTRAND Maryse, BOUTY Georges, SBORO Marino, PARISI Cosimo, GUYOT Géry, RANDAZZO Damiano, FLIER Casper, BOUTY Gentiane, WALSH David, NOEL Annie, COLLIN Stéphane et GEYSEN Christian ; c'est ce qu'ont enfin confirmé les différentes saisies de pilules d'ecstasy effectuées par les enquêteurs aux domiciles de Marc DUTROUX, de Michel NIHOUL et de BERTRAND Maryse, l'amie de Michel LELIEVRE.
De l'ensemble de ces témoignages et constatations, il apparaît qu'en avril 1996, Michel NIHOUL aurait reçu la visite de David WALSH qui s'était d'abord présenté chez Annie BOUTY. David WALSH aurait été en possession de dix kilos d'amphétamines et de 5000 pilules d'ecstasy qu'il devait livrer en Suède pour des trafiquants hollandais. David WALSH est anglais ; il a déjà été en relation avec Michel NIHOUL et Michel LELIEVRE l'année précédente dans le cadre de l'expédition d'une Mercédes 500 volée à destination du Maroc. Il reviendrait en avril 1996 vers Michel NIHOUL, parce qu'il désire doubler ses commanditaires hollandais et vendre à son profit cette importante quantité de drogue, et il aurait besoin de Michel NIHOUL pour écouler la marchandise. Celui-ci lui aurait montré l'intérêt qu'il portait à cette transaction, et il aurait expliqué à David WALSH qu'il pouvait vendre l'ecstasy en deux jours, mais en gardant tout le profit pour lui ; ce qui n'aurait évidemment pas plu à David WALSH. Michel NIHOUL aurait alors joué un double jeu. Il aurait d'abord averti son contact à la BSR de Dinant, le gendarme Gérard VANNESSE, que David WALSH était de retour et qu'il était possible de le faire arrêter pour trafic de stupéfiants ; puis dans un second temps, l'ecstasy caché dans le pneu de rechange ayant été transporté dans l'appartement de Michel NIHOUL, celui-ci ne parlera plus aux gendarmes que des amphétamines et David WALSH sera interpellé et arrêté le 23 avril 1996 par les gendarmes de la BSR de Bruxelles avec qui Michel NIHOUL avait été mis en contact par l'intermédiaire de Gérard VANNESSE ; David WALSH sera jugé et condamné pour le trafic des dix kilos d'amphétamines trouvés dans son coffre et il ne sera jamais question des cinq mille pilules d'ecstasy restées chez Michel NIHOUL. Gérard VANNESSE étant décédé en 1997, ses collègues RASADOR Claude, MILICAMP Alain, GOLENVAUX Marcel, HAULOT Stéphane, VROLIX Roger et HERMANS Rudy attestent des opérations précitées. Mais ils ne sauront rien des 5000 pilules d'ecstasy qui seraient restées chez Michel NIHOUL et que celui-ci aurait alors entrepris d'écouler pour son compte ; cela n'apparaîtra cependant qu'à partir de l'arrestation des quatre accusés en août 1996, lors de l'élucidation de l'enlèvement de Laetitia DELHEZ.
Déjà dans l'entourage familial ou habituel de Michel NIHOUL, il sera fait état qu'il était à cette époque en possession de pilules d'ecstasy : c'est le cas d'Annie BOUTY, de son frère Georges BOUTY, de Gentiane BOUTY, d'Annie NOEL et de Casper FLIER. Mais ce sont surtout Marc DUTROUX et Michel LELIEVRE qui vont, en s'impliquant eux-mêmes dans ce trafic, préciser les dates et les quantités de pilules qui seraient fournies par Michel NIHOUL : par plusieurs paquets de 100 pilules au début, à partir du mois de juin 1996, dont les cent premières seraient financées par Marc DUTROUX, et puis surtout une dernière et très importante livraison de 1000 pilules, le matin du 10 août, directement à Michel LELIEVRE, alors que celui-ci vient à peine de commettre avec Marc DUTROUX l'enlèvement de Laetitia DELHEZ et que celle-ci vient de passer sa première nuit de séquestration chez Marc DUTROUX. Michel LELIEVRE donne des précisions sur cette transaction à Bruxelles, en fin de matinée du samedi 10 août, et Jean-Claude COPPIN, qui l'a accompagné ce jour là, confirme la totalité de la version de Michel LELIEVRE et reconnaît Michel NIHOUL comme étant l'homme, habitant au boulevard Jaspar, ayant donné le paquet contenant les mille pilules ; comme d'ailleurs d'autres témoins, comme Géry GUYOT notamment, attesteront d'autres livraisons par Michel NIHOUL.
Au cours des six années d'instruction, celui-ci contestera toutes ces accusations, quand bien même les constatations faites sur place, et notamment dans son domicile, et tous les autres témoignages pourraient le contredire. Il est vrai, qu'à l'époque, il ne veut reconnaître que deux ou, tout au plus, trois rencontres avec Marc DUTROUX, et pour des motifs plus qu'anodins tel celui de la réparation de son véhicule ou celui de la visite de son immeuble en qualité d'expert immobilier.
En fin de procédure, lors du règlement de celle-ci en chambre du conseil et un peu plus tard en chambre des mises en accusations, en septembre 2002 et en mars 2003, il dira qu'effectivement il a reçu ces pilules d'ecstasy de la BSR de Bruxelles, et qu'en qualité d'informateur de celle-ci, il en a distribué à Michel LELIEVRE. Il devait, dit-il, renseigner les gendarmes sur les allées et venues du tandem DUTROUX-LELIEVRE, dont on sait à présent ce qu'ils pouvaient être à l'époque, soi-disant remonter la filière drogue à laquelle participait Michel LELIEVRE et surveiller Marc DUTROUX qui voulait développer un réseau de prostitution et pratiquait un trafic de véhicules. Michel NIHOUL invoquera même le terme de provocation pour qualifier les faits et gestes des gendarmes.
10. Les autres éléments de l'association de malfaiteurs
Michelle MARTIN affirme que, dès sa sortie de prison au printemps 1992, alors qu'il vient de subir sa peine pour les faits d'enlèvements et de viols commis dans les années 80, Marc DUTROUX est animé du ferme désir de recommencer et surtout de ne plus se laisser prendre.
En 1993, les gendarmes de Charleroi perquisitionnent ses maisons et découvrent à Marchienne des travaux importants dans les sous-sols de la maison.
En juin-juillet 1995, les gendarmes PETTENS et BOUVY, de Charleroi, recueillent des informations, notamment de Claude THIRAULT, faisant présumer que Marc DUTROUX enlève des enfants, qu'il séquestre dans des caches aménagées dans ses caves, avant de les envoyer à l'étranger. L'ensemble de ces informations a été synthétisé au dossier d'instruction par l'enquêteur Hervé MARCELLE. L'examen des différents chefs d'accusations, qui vient d'être effectué par le détail, semble révéler quels seraient les résultats de ces préparatifs et de cette détermination qu'aurait eu Marc DUTROUX au cours de la période incriminée. Cet examen a également fourni des indications sur la manière dont les faits pourraient avoir été organisés, sur les rapports ayant existé entre les accusés dans le cadre de ces différents faits, sur l'aide fournie par les uns ou les autres, et sur leur association.
Ainsi, ont déjà été mis en évidence : - le charroi important de véhicules divers et, pour certains, aménagés pour commettre des enlèvements, - une cache indécelable et prête à l'emploi, dès avant les enlèvements, - des quantités importantes de produits pharmaceutiques et de drogues, systématiquement rassemblées pour soit, endormir les victimes, soit persuader un complice à commettre les faits, - des repérages des lieux plusieurs jours avant les enlèvements, - la possibilité de recourir à de faux documents…
Michelle MARTIN a notamment décrit le rôle d'initiateur et la détermination de Marc DUTROUX dans les enlèvements d'enfants ; il aurait pesé sur la volonté de Michel LELIEVRE pour l'enjoindre de l'accompagner dans sa recherche des victimes et aurait aussi pesé sur la volonté de son épouse pour l'enjoindre par exemple de l'aider dans l'approvisionnement et l'entretien des victimes, dans la construction puis le nettoyage de la cache ; Michel LELIEVRE a précisé que le rôle que Marc DUTROUX lui avait assigné était de l'aider à l'enlèvement des mineures, qu'il était au bas de l'échelle et qu'il ne devait pas en savoir plus, son rôle à lui, Marc DUTROUX, étant de les enlever, de les conditionner pour les personnes qui les avaient commandées et de les livrer . Ce serait aussi l'initiative de Marc DUTROUX d'avoir conduit, en novembre 95, Bernard WEINSTEIN, alors que celui-ci est activement recherché pour la séquestration du 4 novembre et compromettant dans les enlèvements des quatre jeunes filles, chez Michel NIHOUL pour lui promettre un faux passeport qui lui permettrait de s'enfuir.
Le rôle de Michel NIHOUL dans le cadre des autres trafics et principalement dans le cadre du trafic d'ecstasy, semble caractérisé par sa capacité de livraison et de distribution du produit stupéfiant, par l'aura qu'il s'est donnée vis à vis de ses complices en invoquant l'origine policière du produit, et par les menaces qu'il aurait exercées notamment sur Michel LELIEVRE et que celui-ci a dénoncées dès le 28 août 1996. Michelle MARTIN, devant le juge d'instruction CONNEROTTE, décrit l'influence que Michel NIHOUL pouvait avoir sur les autres accusés et le changement d'attitude qu'elle aurait perçu chez Marc DUTROUX lui-même lorsque celui-ci s'est mis à fréquenter régulièrement Michel NIHOUL ; Marc DUTROUX lui aurait dit l'intérêt qu'il pouvait tirer de la fréquentation d'un homme d'une telle influence. Michel NIHOUL a, tout au long de l'instruction, déclaré qu'il n'avait vu Marc DUTROUX qu'à deux ou trois reprises et pour des choses anodines. Outre ce qu'en dit Michelle MARTIN, d'autres témoins attestent que leurs rencontres auraient été soit antérieures à ce que Michel NIHOUL prétend, soit plus fréquentes que ce qu'il affirme, soit beaucoup moins anodines qu'il le laisse paraître ; ainsi, GREGOIRE Françoise et POUCHAIN Monique qui ont assisté Michelle MARTIN pendant la détention de Marc DUTROUX ; ainsi également, BUTAYE Yves, GUEBEL Valérie, PASSERANO Victoire et ROTMAN Chaha qui habitaient le même immeuble que Michel NIHOUL à Bruxelles ; ainsi encore, MAZZARA Nicolo, qui a beaucoup fréquenté Marc DUTROUX, les témoins TEBELAKIS Vasili, VAN CAUWEMBERG Arthémise, LAURENT Véronique, VERDIN Patrick ou PIRO Micheline et encore d'autres témoins plus occasionnels comme MAKKI Hussein et BOUCHAT Mireille. Des notes manuscrites saisies chez Michel NIHOU semblent également attester que les relations qu'il entretenait avec les autres accusés étaient loin de ne concerner que la problématique de la réparation de son véhicule. Juste avant d'être arrêté en août 1996, Michel NIHOUL donne un dernier coup de téléphone à son ancienne maîtresse NKUKU MABELA Maximilienne ; ce que celle-ci en a retenu laisse percevoir que Michel NIHOUL se voulait d'une influence réelle sur le sort des autres accusés en cet instant critique.
DEUXIEME PARTIE : LES ACCUSES
1. Marc DUTROUX :
Marc DUTROUX est l'aîné d'une famille de cinq enfants, quatre garçons et une fille, issus d'un couple d'instituteurs. Ses parents, Victor DUTROUX et Jeannine LAUWENS exercent leur profession à Ixelles, mais lorsque Marc DUTROUX naît dans cette commune le 6 novembre 1956, Victor DUTROUX est parti depuis dix jours pour le Congo où son épouse l'a poussé à s'engager et où elle va le rejoindre avec son bébé deux mois plus tard. Dans les deux années suivantes, la famille s'agrandit par la naissance de deux autres garçons ; Jeannine LAUWENS ne professe pas et son mari a un parcours professionnel chaotique fait de notations défavorables, de mutations et de menaces de révocation. La famille entière rentre définitivement en métropole lors de l'indépendance de la colonie en juillet 1960 et s'installe à Obaix où, aidés par leurs parents, les époux DUTROUX - LAUWENS acquièrent une maison qu'ils occuperont jusqu'à leur séparation en 1971.
Mais c'est dès la naissance de Marc, l'aîné, que l'entente ne semble pas régner et l'ambiance est lourde ; Victor DUTROUX émet des doutes sur sa paternité et Jeannine LAUWENS suspecte de nombreuses liaisons féminines à son mari, tant au Congo qu'en Belgique. Il semble de plus assez brutal avec ses enfants, notamment avec Marc, et une voisine d'Obaix, Rose Marie BROHEZ, le décrit comme autoritaire et despote, ne se privant de rien alors qu'il prive les autres. Une autre voisine, Lucille PATOUX, perçoit déjà Marc, l'aîné des trois garçons, comme le plus renfermé, le plus sournois et le plus malin, celui qui, naturellement prend l'ascendant sur les autres. Il faut noter qu'à l'âge de dix ans, Marc DUTROUX sauve de la noyade un enfant de cinq ans.
Victor DUTROUX enseigne à Roux, dans la banlieue de Charleroi, jusqu'en 1971, date à laquelle il est admis à la pension anticipée à l'âge de 43 ans ; son parcours professionnel est toujours aussi contesté tandis qu'au contraire, le travail d'institutrice de Jeannine LAUWENS semble beaucoup plus apprécié. Cette situation aurait engendré une lente dégradation des rapports au sein du couple et de la famille jusqu'à les rendre invivables. A la séparation en 1971, Victor DUTROUX est colloqué quatre mois à Manage ; la procédure en divorce va durer six ans et sera émaillée de nombreuses difficultés concernant le paiement des pensions alimentaires et l'exercice du droit de visite des enfants par Victor DUTROUX qui finit par déménager dans la région gantoise. Hormis quelques évènements débouchant sur une grande frayeur, Marc DUTROUX garde le souvenir d'un père indifférent qui ne s'est jamais occupé de ses enfants ; c'est aussi le sentiment de sa sœur Valérie DUTROUX et de l'institutrice d'Obaix, Madame VINCLAIRE.
C'est dans l' école du village d'Obaix que Marc DUTROUX termine sa scolarité primaire, où il revient après y avoir fait le cycle maternel, puis en étant passé aux écoles de Roux, de Nivelles, de Roux à nouveau et enfin à l'internat de Morlanwez. Cette scolarité a été menée avec fruit et sans difficulté, sauf à l'internat de Morlanwez que Marc DUTROUX semble avoir difficilement supporté. Il aurait encore moins supporté l'internat de l'Institut Supérieur Pédagogique de Nivelles où il va débuter ses études secondaires en septembre 1968 . Marc DUTROUX y subit l'échec en première moderne et passe alors à l'école d'agriculture de Fleurus en étant hébergé pendant une année par ses grands-parents maternels ; cette année redoublée est réussie, car l'ambiance chez ceux-ci semble plus propice à la réussite ; Marc DUTROUX paraît plus heureux et le directeur de l'école, Monsieur Pierre HAYT, qui perçoit une tension entre l'enfant et une mère autoritaire et étouffante et un père absent, s'étonne que l'enfant Marc DUTROUX ne se représente pas en septembre 1970 à l'école pour poursuivre le cycle d'études entrepris. Il est en effet inscrit aux Aumôniers du Travail de Charleroi où il va réussir sa deuxième année technique en ajustage et rater sa troisième année en électricité ; il laisse dans cette école le souvenir d'un élève très fort manuellement, appliqué à son travail mais assez renfermé.
La dernière année de scolarité de Marc DUTROUX, 1972-1973, se fait à Nivelles, en section mécanique ; il y obtient son certificat d'études techniques secondaires inférieures en juin 1973 ; il désirait poursuivre en qualification, mais selon lui, sa mère estimait qu'il devait enfin rapporter de l'argent à la maison. A cette époque, la séparation du couple parental est en phase de procédure.
A l'âge de quinze ans Marc DUTROUX avait rencontré Michel GREUZE, en rue lors d'une après-midi après les cours ; celui-ci lui aurait offert son aide et c'est tout naturellement vers lui que Marc DUTROUX va se tourner un an et demi plus tard en décidant de quitter le domicile maternel. Michel GREUZE oriente Marc DUTROUX vers un café tenu par Georges HEMBISE qui l'hébergera quelque temps avant d'aller vivre avec Michel GREUZE rue de la Villette à Charleroi d'avril à août 1974 ; quand Marc DUTROUX s'établit seul à Monceau en octobre 1974, Michel GREUZE le poursuivra de ses assiduités et les relations homosexuelles, que Michel GREUZE affirme avoir entretenues avec lui, auraient continué moyennant rétribution de Marc DUTROUX. Michel GREUZE affirme également qu'à ce niveau une lutte d'influence va s'établir entre lui-même, Georges HEMBISE et un certain BIESEAUX, pour s'attirer les faveurs de Marc DUTROUX, qui y aurait consenti uniquement pour l'argent qu'ils lui versaient.
En juillet 1973 Marc DUTROUX a seize ans et demi quand il entame sa carrière professionnelle, comme salarié, qui va durer jusqu'en 1980 ; les employeurs se succèdent durant cette époque, et malgré des aptitudes certaines au travail, il est licencié à deux reprises pour un absentéisme trop important. Hormis un essai non concluant de quinze jours, en juin 1985, aux Ateliers de Mécanique Générale de Nivelles, aucune activité professionnelle n'est plus renseignée ; Marc DUTROUX exerce des activités de complément, dépannage, vente d'objets divers ou services rendus et son dossier ONEM mentionne une demande du 3 août 1982 comme chômeur complet indemnisé bénéficiant d'une indemnité de 10.000FB pour incapacité de 3% suite à un accident de travail. Le 2 juillet 1985, Marc DUTROUX s'inscrit au Registre du commerce de Charleroi pour activités diverses en commerce de véhicules, location de matériel, entreprise de démolition et de transport notamment.
Dans l'intervalle, Marc DUTROUX s'est marié à dix-huit ans, en mars 1976, avec Françoise DUBOIS, orpheline de dix-huit ans également, rencontrée deux ans auparavant à la patinoire de La Louvière. A cette époque, le patin à glace est son loisir de prédilection ; il patine très bien et le prestige qu'il en retire lui permet de s'affirmer, d'être reconnu et de récolter un succès certain après des jeunes filles ; tout en étant marié et bientôt père de famille, il continue à connaître de nombreuses liaisons féminines. L'entente entre les deux jeunes époux se détériore rapidement ; Françoise DUBOIS enceinte une première fois se plaint des coups qu'elle reçoit de son époux, qui n'aurait pas supporté qu'elle le délaisse pour se préoccuper de sa grossesse. Le premier fils naît le 30 juillet 1977, puis un second le 20 mai 1979. Pendant deux ans le couple vit à Onoz, puis déménage à Haine Saint Pierre en février 1978, et enfin dans un logement social à Goutroux en septembre 1982, avant de se séparer au tout début de l'année 1983. Selon Françoise DUBOIS, Marc DUTROUX ne s'est jamais occupé de ses deux fils, ni sur le plan affectif, ni sur le plan de leur scolarité.
Parmi les conquêtes féminines de Marc DUTROUX , Françoise DUBOIS se souvient d'avoir vu débarquer chez elle en 1979 Monique WILLEMS accompagnée de ses parents ; ceux-ci lui demandent s'il est vrai qu'elle compte divorcer pour permettre le mariage de leur fille et de Marc, alors qu'elle-même ignore tout, aussi bien cette relation de son époux que son intention de divorcer ; mais Marc DUTROUX la convainc qu'il n'en est rien. Cette relation avec Monique WILLEMS ne s'interrompt qu'en 1983 pour reprendre en 1985 et durer jusqu'à 1996 ; entre-temps, fin 1981, Marc DUTROUX a fait la connaissance de Michelle MARTIN, et toujours sur une patinoire, à Forest cette fois. Si Monique WILLEMS accepte cette situation, Françoise DUBOIS ne se doute de rien à cette époque, puis quand elle s'en aperçoit et qu'elle n'accepte pas la proposition de son mari de vivre une relation complexe à trois ou à quatre, Marc DUTROUX estime qu'elle est trop simple pour pouvoir évoluer à son rythme ; après ce qu'il a vécu, dit-il, une réflexion existentielle lui permet de remettre en cause la relation qu'il partage avec sa légitime épouse. Il la laisse partir et accueille immédiatement Michelle MARTIN chez lui en janvier 1983.
La vie commune du nouveau couple va connaître plusieurs périodes, entrecoupées des détentions successives. Marc DUTROUX, accompagné de Michelle MARTIN, rend régulièrement visite à ses deux fils qui vivent avec leur mère, Françoise DUBOIS, et son nouveau compagnon, Daniel PLASMAN. Mais une autre activité du nouveau couple débute en ce début 1983 : Michelle MARTIN accompagne Marc DUTROUX pour commettre un vol de mitraille dans un dépôt ; ils y rencontrent Patrice CHARBONNIER, que Marc DUTROUX connaît depuis longtemps et qui y effectue, lui aussi un vol de mazout ; les deux hommes s'associent pour commettre des délits parfois importants, Patrice CHARBONNIER, qui exerce la profession de facteur, renseignant même Marc DUTROUX, et étant rétribué pour cela, en vue de vols avec violences commis sur des personnes âgées et isolées.
De janvier 1983 à février 1986, Marc DUTROUX et Michelle MARTIN vivent en concubins ; Michelle MARTIN donne naissance à un fils, Fréderic, le 28 juin 1984 ; les relations du couple se limitent à trois personnes, le couple PLASMAN -DUBOIS, et une voisine, Annie MARTIN ; Marc DUTROUX, lui, fréquente toujours aussi assidûment les patinoires, rencontre Corinne THEUWISSEN, la ramène chez lui et propose à Michelle MARTIN des relations sexuelles à trois, qu'elle accepte. C'est pendant la période de vie commune avec Michelle MARTIN que Marc DUTROUX va faire l'acquisition de nombreux immeubles et que les voyages à l'étranger, France et Slovaquie, vont se succéder.
Après une courte première période de détention préventive au printemps 1985 pour un vol avec violences, Marc DUTROUX, qui a fait l'acquisition de la maison de Marcinelle en juillet, est à nouveau arrêté en février 1986, et Michelle MARTIN subit le même sort pour plusieurs faits d'enlèvement de mineures d'âge, séquestration et viols commis avec un troisième complice aujourd'hui décédé et qui lui était en aveux. Marc DUTROUX sera condamné à dix et trois ans de prison par la Cour d'Appel de Mons et restera en détention pendant plus de six ans, jusqu'en avril 1992, . Le 20 octobre 1989, il épouse Michelle MARTIN en prison mais reçoit de fréquentes visites de Monique WILLEMS.
A sa sortie de prison, le 8 avril 1992, Marc DUTROUX reprend la vie commune avec Michelle MARTIN à Marcinelle, effectue d'emblée les démarches nécessaires pour se faire reconnaître en incapacité de travail et renoue contact avec Patrice CHARBONNIER qui reconnaît avoir mis volontairement, sous la demande de Marc DUTROUX, le feu à la maison que celui-ci possède à Marchienne dans un but d'escroquerie à l'assurance ; ce jour là, Marc DUTROUX et Michelle MARTIN se seraient forgé un alibi en effectuant une excursion à Blankenberge.
Les relations avec Patrice CHARBONNIER ne se limitent pas à cet incendie, car des armes auraient circulé entre les deux compères, des informations sont échangées sur la réalisation de caches destinées à mettre en sécurité le produit de délits, et des confidences sont faites par Marc DUTROUX quant à des viols commis lors de voyages en France et des propositions d'enlèvement de mineures d'âge. Leurs relations auraient cessé en septembre 1993.
Fin 1992, le couple DUTROUX - MARTIN achète un nouvel immeuble à Sars la Buissière et s'y installe ; mais rapidement, Marc DUTROUX recentre ses activités, délictueuses ou autres, à Marcinelle et à Marchienne et s'installe à Marcinelle. La vie commune perdure, et Michelle MARTIN participe aux travaux entrepris par son mari dans ses habitations, comme en témoigne notamment VOZZELLA Rito ; deux autres enfants voient le jour, Andy né le 24 septembre 1993 et Céline née le 24 novembre 1994. Marc DUTROUX noue de nouvelles relations, avec Gérard PINON qui lui présentera Bernard WEINSTEIN, avec Michaël DIAKOSTAVRIANOS qui lui fera découvrir les voyages en Slovaquie et lui présentera Michel LELIEVRE, avec Claude THIRAULT à qui il va proposer également des enlèvements d'enfants et enfin avec Michel NIHOUL.
L'enquête de moralité de Marc DUTROUX a été réalisée par les inspecteurs PETERS et WAUQUAIRE et l'expertise mentale par les docteurs DENYS, GERNAY et GODFROY avec l'aide du psychologue LAVENNE.
Cette expertise mentale arrive à la conclusion que Marc DUTROUX, au moment des faits, ne se trouvait ni dans un état de démence, ni dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actes ; que son état est actuellement le même et la périculosité évidente.
Les experts semblent avoir été frappés par la propension de Marc DUTROUX à décrire sa jeunesse en des termes de rejet et de manipulations malveillantes ou perverses à son égard et de toute espèce de mauvais coups subis de la part de sa mère ; ce serait exceptionnel de voir un accusé noircir sa mère à ce point. A l'opposé, Marc DUTROUX insiste sur son propre courage, son imagination, sa volonté, son altruisme voire même sa philanthropie à l'égard des plus faibles. Hormis l'élimination de Bernard WEINSTEIN, il élude tous les autres délits et ne dit pas un mot des faits de 1985 ayant conduit à la première grave condamnation, suggérant simplement qu'il n'était pas coupable des faits qui lui étaient reprochés.
Pour le collège d'experts, Marc DUTROUX dispose manifestement d'une intelligence opérationnelle et efficace, s'exprime facilement et démontre qu'il raisonne et s'intéresse à beaucoup de choses. Son attention est aiguë et sa mémoire importante mais sélective quand il s'agit de mettre en évidence les détails le désignant comme une malheureuse victime d'une méchante société.
Les experts ne pensent pas que, malgré l'âge des victimes enlevées, Marc DUTROUX appartienne à la catégorie des pédophiles ; à aucun moment, l'âge des victimes n'a semblé éveiller en lui un quelconque affect ni jouer un rôle particulier, si ce n'est par la plus grande facilité à les kidnapper, les manipuler et les séquestrer. De même Marc DUTROUX s'oppose formellement à ce qu'on le taxe d'homosexualité, la relation de ce type, passagère, selon lui, ayant été purement utilitaire. Chez lui, les règles sociales sont parfaitement connues, mais elles sont refusées comme étant autant de contraintes inacceptables, ou utilisées, mais alors à son profit. Les experts estiment que Marc DUTROUX manipule tout le monde, eux-mêmes y compris. L'examen qu'ils ont fait du dossier INAMI et du dossier du Docteur DUMONT ayant suivi Marc DUTROUX depuis sa libération d'avril 1992 jusqu'à son arrestation d'août 1996, leur démontre que ces experts-là étaient également manipulés.
Le casier judiciaire de Marc DUTROUX mentionne, outre six condamnations à des peines de police pour plusieurs infractions de roulage :
Michelle MARTIN est née à Bruxelles le 15 janvier 1960 de MARTIN Auguste et de PUERS Henriette ; en 1964, le couple et leur fille unique s'installent à Waterloo dans une maison qu'ils ont fait construire dans un quartier résidentiel. En 1966, alors qu'elle a seulement six ans, Michelle MARTIN perd son père qui décède dans un accident de voiture dans lequel elle est elle-même sérieusement blessée, notamment une fracture du crâne. Outre le traumatisme évident que peut créer un tel événement chez un enfant de cet âge, Michelle MARTIN y voit le début d'une jeunesse malheureuse ; élevée par une mère seule, dépressive, autoritaire et égocentrique, elle dira ne rien avoir connu de la vie, en dehors des écoles qu'elle fréquente, sa mère l'empêchant de sortir sous quelque prétexte que ce soit.
Michelle MARTIN effectue ses quatre premières années primaires à l'école Saint François d'Assise de Waterloo et ses deux dernières à l'école communale du Chenois dans la même commune. Elle y est décrite par ses anciennes institutrices comme une élève studieuse dont les résultats étaient très bons, et une enfant sociable, au caractère ouvert.
Elle poursuit sa scolarité au lycée de Braine l'Alleud de 1972 à 1978 où elle obtient, sans échec, son diplôme d'humanités ; ses anciens professeurs la décrivent comme étant disciplinée, travailleuse, une jeune fille ouverte et très liante, ne posant aucun problème quoiqu'on l'ait sentie toujours très affectée par son statut d'orpheline d'un père qu'elle chérissait.
De 1978 à 1981, Michelle MARTIN fréquente l'Ecole normale de Nivelles pour y suivre la formation d'institutrice où elle subira son seul échec scolaire en terminale qu'elle doit redoubler. L'impression qu'elle donne à ses anciens enseignants est celle d'une jeune fille timide, effacée, taiseuse, sans grande personnalité, mais dont le comportement ne porte pas à critique. Ses condisciples se disent encore tous frappés par le souvenir qu'elle leur a laissé d'une fille gentille et agréable à qui une mère dépressive et une grand-mère dominatrice ne laissaient jamais rien faire. Elle obtient son diplôme d'institutrice en 1981, à la grande satisfaction de sa mère qui espère ainsi la garder auprès d'elle mais elle se décrit elle-même comme étant désemparée, à l'aube d'une vie professionnelle, se sentant perdue et incapable d'enseigner, n'étant pas préparée à la vie d'adulte. C'est à cette époque, en 1981, qu'elle fait la connaissance de Marc DUTROUX.
De 1981 à 1988, Michelle MARTIN enseignera effectivement fort peu ; à l'exception d'une année complète, d'octobre 81 à décembre 82, où elle obtient une bonne appréciation générale à l'Athénée de Waterloo, elle entrecoupe ses périodes d'intérimaire avec le chômage, la mutuelle et un congé de grossesse.
Michelle MARTIN rencontre Marc DUTROUX à la patinoire de Forest ; ils sympathisent tout de suite, car c'est un garçon de contact facile et qui l'écoute volontiers raconter ses malheurs de jeune fille vivant seule avec une mère possessive. Elle en tombe rapidement amoureuse, car avec lui elle se sent vivre, elle se sent libre. Ils se retrouvent régulièrement à la patinoire et entretiennent rapidement des relations sexuelles dans la caravane que Marc DUTROUX installait sur le parking de la patinoire. Il lui cache au début sa situation d'homme marié et de père de famille, qu'elle n'apprendra que par un de ses amis ; quand elle lui en parle, il lui promet de divorcer, mais il lui aurait fait comprendre qu'il entendait conserver une certaine liberté, même s'il éprouvait pour elle de l'amour. Michelle MARTIN accepte la situation, car elle a besoin de donner son amour, dit-elle.
A partir de cette époque, une évolution dans le comportement de Michelle MARTIN semble n'avoir pas échappé à ses anciennes relations d'école normale comme Marie-Line CRAENEMBROECK, Christine DE WITTE, Fabienne DEFUSTER, Yves ROBAEY ou Marc ADANK qui fréquentent encore quelque peu Michelle MARTIN, mais qui la perdront vite de vue tant ils se disent déçus de constater ce qu'a pu rapidement devenir la jeune fille coquette et décidée qu'ils avaient connue, qui avait bénéficié d'une excellente éducation et d'un enseignement de qualité et qui à leur yeux paraissait pouvoir mériter de rencontrer quelqu'un de bien et habiter une belle maison ; elle leur paraissait à présent se négliger, négliger également son enfant et son habitat, se contenter d'être la bonniche de son homme, d'un homme faisant preuve d'une telle vulgarité. Michelle MARTIN semble avoir perdu les repères acquis durant son enfance et son adolescence ; son sens moral s'émousse ; elle acceptera une relation intime à trois et se laissera filmer par Marc DUTROUX dans des attitudes pornographiques.
En 1983, Michelle MARTIN accepte donc de partager la vie de Marc DUTROUX ; elle donne naissance à son premier enfant, Frédéric , le 2 juin 1984 et après avoir habité ensemble à Goutroux et à Manage, ils emménagent en 1985 au 128 de l'avenue de Philippeville à Marcinelle dans une maison qu'ils viennent d'acheter ; Michelle MARTIN y sera domiciliée jusqu'en 1994, date à laquelle elle se domiciliera à Sars la Buissière.
Les voisins et connaissances du couple, comme MARTIN Annie, HENO Renée, WORSCHINSKI Wolfgang, PAGNOUL Patricia, FRENNET André, BAILY Eliane BARBUIN Vilma, ELOOT Eric, DERUELLE Léon ou GOURDIN Rachel, que se soit à Goutroux, à Manage ou à Marcinelle, sont assez unanimes pour décrire Michelle MARTIN en femme soumise et sous influence d'un compagnon brutal, qui aimait se faire servir et qui vivait les volets clos ; il n'était pas rare de la voir marcher la tête basse, le regard fuyant, le visage marqué par les coups qui devaient résulter des fréquentes disputes entendues par le voisinage. Il ne ferait pas propre chez les DUTROUX, et l'enfant semblait négligé.
A cette époque, et notamment à partir de 1985, Michelle MARTIN suit son compagnon partout, jusque dans ses extrémités qui lui vaudront d'être arrêtée en même temps que lui le 3 février 1986 pour des enlèvements et viols de jeunes filles mineures. Elle restera détenu, préventivement pendant trois mois durant lesquels elle fera une fausse couche ; le 16 décembre 1988, elle épouse Marc DUTROUX, alors qu'il est en prison. Elle sera encore incarcérée du 20 octobre 1989 au 8 août 1991 , après sa condamnation par la Cour d'Appel de MONS à cinq ans d'emprisonnement.
Lors de la sortie de prison de Marc DUTROUX, le couple achète en 1992 une autre maison située à Lobbes, Sars la Buissière. Michelle MARTIN s'y installe rapidement puis s'y inscrit officiellement en août 1994, après avoir donné naissance, le 24 septembre 1993 à un second fils, Andy ; le 24 novembre 1995, elle donne naissance à la petite Céline . Marc DUTROUX, lui, reste officiellement inscrit à Marcinelle, avec Frédéric ; dans la réalité, le couple et les enfants habitent la plupart du temps à Sars la Buissière, mais leurs domiciles séparés, imaginés par Marc DUTROUX, leur permettent d'être considérés tous deux comme chefs de famille et de percevoir plus d'allocations.
Le voisinage immédiat, BAUDSON Fernand, DURIEUX Jacqueline, DEBRULLE Sonia ou BAUDSON Jonathan, ne semble certes pas très heureux d'avoir vu débarquer ces nouveaux voisins qui leur ont « soufflé » une propriété qu'il convoitait ; ces voisins constatent au début que Michelle MARTIN semble être sous la coupe d'un mari qui, à titre d'exemple, n'aurait pas hésité à obliger son épouse enceinte à monter des tuiles sur le toit en grimpant à l'échelle, et à crier dessus parce qu'elle n'allait pas assez vite. Il faisait sale dans la maison, et le désordre régnait. Vers la fin de leur séjour à Sars la Buissière, avant l'arrestation d'août 1996, Michelle MARTIN leur paraissait plus agressive et avoir pris le dessus sur son époux. Lors de l'arrestation de Marc DUTROUX, en décembre 1995, Michelle MARTIN va vivre avec ses enfants chez sa mère à Waterloo ; elle réintègre la maison de Sars la Buissière en mars 1996, à la libération de son mari et y sera arrêtée le 13 août 1996.
L'enquête de moralité a été réalisée par l'inspecteur Baudouin ANTOINE.
Les docteurs CHARLES, BONGAERTS et JOCQUET, chargés par le juge d'instruction de procéder à l'expertise mentale de Michelle MARTIN, vont conclure à l'absence, au moment des faits, d'affection psychiatrique cause d'un état de démence, d'un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale ; Michelle MARTIN était donc capable du contrôle de ses actions. Elle se trouve encore actuellement dans cet état de capacité et on ne pourrait expliquer sa dangerosité sociale par une quelconque psychopathologie. Les conclusions du collège d'experts s'appuient sur le rapport d'expertise psychologique du Professeur MORMONT, mais aussi sur les nombreux documents et rapports rédigés par les experts, contre-experts et collèges d'experts désignés par les autorités judiciaires du ressort de la Cour d'Appel de Mons lors du procès précédant, à savoir les docteurs SHITTECATTE, DUMONT, MAES, RIHOUX et SQUELART. Les experts prennent également en compte les rapports et certificats rédigés par les médecins ayant suivi Michelle MARTIN depuis sa libération en 1991, à savoir les docteurs PIROTTE, LEMERCIER, DUMONT, GILON et AL ZAATITI.
Le casier judiciaire de Michelle MARTIN mentionne une condamnation, prononcée par la Cour d'Appel de Mons le 26 avril 1989 à cinq ans d'emprisonnement pour plusieurs viols sur mineures de moins de 16 ans, plusieurs viols sur mineures de plus de 16 ans et pour deux séquestrations arbitraires.
Michel LELIEVRE est né le 11 mai 1971 à Namur ; sa mère, Nadia DEFOY, n'a pas encore dix-neuf ans lorsqu'elle le met au monde, et son père biologique serait un étudiant italien accidentellement décédé à Bruxelles quelque temps après. Madame Nadia DEFOY aurait fui rapidement les violences de sa propre famille pour chercher refuge, avec son bébé, dans un foyer d'accueil pour filles-mères de la région liégeoise, mais son inconduite et le peu d'attention qu'elle porte à son enfant amènent le juge de la jeunesse à ordonner à l'égard de celui-ci une mesure de placement. C'est donc âgé de moins d'un an, en avril 1972, que Michel LELIEVRE, qui à l'époque porte le nom de sa mère, DEFOY, est placé en famille d'accueil à Arsimont, chez les époux André BOUILLON et Josette DOUMONT ; ceux-ci, lorsque Michel LELIEVRE intègre leur famille, ont déjà quatre enfants et en ont accueilli une cinquième âgée de quatorze ans et une sixième de deux ans. Le 15 août 1973, Nadia DEFOY donne naissance à un second fils, Benoît, qui vient rejoindre son frère Michel dans la famille BOUILLON ; l'un et l'autre prennent le nom de LELIEVRE lorsque leur mère épouse, en 1978, Christian LELIEVRE, qui a à peine quinze ans de plus que Michel, et qui légitime par mariage les deux enfants de Nadia DEFOY ; à défaut d'en retrouver la garde, le nouveau couple LELIEVRE - DEFOY obtient et exerce un droit de visite une fois par mois sur les deux garçons. Le couple se sépare en 1987, et Christian LELIEVRE est emprisonné pour assassinat en 1989.
Avec son frère Benoît, Michel LELIEVRE n'a entretenu que de rares relations peu fraternelles ; les disputes auraient été fréquentes entre les deux frères, Benoît étant plus proche de la famille d'accueil, Michel se rapprochant davantage de sa famille d'origine particulièrement Gilbert DEFOY et Denise LAGARDE, ses grands-parents maternels . Les deux frères vécurent pourtant les mêmes problèmes liés à la consommation de drogue. Benoît sera également arrêté en août 1997, et condamné à une lourde peine de prison par la Cour d'Assises de Namur.
Toutes les personnes de la famille d'origine de Michel LELIEVRE rencontrées par les enquêteurs ayant réalisé l'enquête de moralité, les inspecteurs DESIRANT et JACQUET, disent leur étonnement d'avoir appris, lors du déclenchement de l'affaire en août 1996, les faits reprochés à Michel LELIEVRE ; c'est le cas de ses grands-parents maternels, de sa mère, de son père patronymique, de son frère et de YERNAUX Fabian, le dernier compagnon de Nadia DEFOY.
Michel LELIEVRE a donc vécu en famille d'accueil de 1972 à 1989, et durant toute cette période, c'est la même assistante sociale, Madame Jeannine GUERRIERI, qui a pu suivre son évolution. La famille BOUILLON, avec ses huit enfants dont quatre en accueil, vit en bordure du village d'ARSIMONT dans une villa, spacieuse et richement meublée ; ce climat rural, paisible et confortable contraste singulièrement avec les endroits plus défavorisés occupés successivement par les grands-parents et la mère de Michel LELIEVRE. C'est du moins pour les quatre premiers enfants, André, Joëlle, Stany et Ariane BOUILLON que va se manifester cette période d'opulence, car après le mariage des quatre aînés, selon Martine CONSTANTIN, une des enfants accueillies, de graves problèmes financiers vont ralentir le train de vie, et la jeunesse des quatre plus jeunes, dont Michel LELIEVRE, va sembler beaucoup moins rose. Michel LELIEVRE semble avoir mal supporté l'omniprésence de la religion catholique qui régnait dans la famille, les loisirs consacrés aux réunions de patronage, à la messe dominicale et aux veillées de prière, les camps de vacances organisés par les Mutualités chrétiennes, dont témoigne également Mireille BOUILLON, la plus jeune des filles adoptées. A son départ en 1989, lors de ses dix-huit ans, Michel LELIEVRE semble avoir gardé un meilleur souvenir de ses frères et sœurs que de sa mère d'accueil qu'il estime trop rigide et dépourvue d'affection, et qu'il quitte sur une dispute.
Sa scolarité s'était déroulée à l'école « Saint François » d'Arsimont pour la maternelle et les classes primaires, où il est bien considéré par ses instituteurs et obtient des résultats très honorables. Après la réussite de son cycle d'études primaires, Michel LELIEVRE est inscrit en septembre 1983 à l'Institut « Sainte Catherine » de Tamines où il réussit une première année en option latine ; le deuxième année doit cependant être doublée, Michel LELIEVRE vivant alors une adolescence plus mouvementée, anxieuse et perturbée par les confidences que lui fait sa mère sur la situation de son couple, par des rapports de plus en plus tendus avec Madame BOUILLON, la mère d'accueil, et par la recherche de l'identité de son géniteur. Il recommence également sa quatrième à l'Institut « Notre -Dame » d'Auvelais et encourt un nouvel échec en cinquième année, option techniques de communication à l'I.A.T.A. de Namur, et une nouvelle fois en cinquième à l'Institut « Sainte Marie » également à Namur en 1989.
Cette année 1989 est une année charnière pour Michel LELIEVRE ; plusieurs évènements l'auraient perturbé et influencé négativement son avenir : son père patronymique, Christian LELIEVRE, est emprisonné pour assassinat ; il fait également connaissance avec la drogue par l'intermédiaire d'un condisciple à l'IATA ; enfin, il quitte sa famille d'accueil à l'issue d'une querelle avec Madame BOUILLON, pour se réfugier auprès de sa fratrie, chez les enfants BOUILLON, qui prennent parti pour lui et le soutiennent contre leur propre mère. En février 1990, Michel LELIEVRE emménage chez ses grands-parents maternels et rencontre Carine CRESPIN, sa première liaison amoureuse qui durera jusqu'en novembre 1993. Celle-ci aurait eu une heureuse influence sur Michel LELIEVRE, en l'écartant du milieu toxicomane qu'il fréquentait, en changeant ses habitudes et en le poussant vers une scolarité de plus haut niveau qu'il ne réussira pas. Mettant définitivement fin à sa scolarité, il déménage avec Carine CRESPIN dans un meublé de Tamines, et trouve des petits travaux ; un accident de circulation en septembre 1991 le repousse dans l'oisiveté et il rechute dans l'univers des toxicomanes. Malgré une thérapie, sa démotivation, l'absentéisme au travail et sa négligence physique l'amènent à la perte de son premier emploi et à la rupture avec Carine CRESPIN en novembre 1993.
Sombrant dans la dépression, Michel LELIEVRE s'inscrit dans une société de travail intérimaire et obtient successivement quatre emplois dans lesquels il semble donner satisfaction . Mais sa toxicomanie l'amène à être détenu, suite à un contrôle, du 7 novembre 1993 au 3 mars 1994. A sa sortie de prison, il est pris en charge par son frère d'accueil, Stany BOUILLON, mais l'autonomie que celui-ci lui laisse pousse Michel LELIEVRE, entre quelques boulots intérimaires, à reprendre contact avec un ancien co-détenu, Casper FLIER, qui lui donne un travail en sa station service d'Anthée, et qui lui fait connaître Michel NIHOUL, Annie BOUTY et Marleen DE COCKERE ; il participe alors à quelques activités illicites avec Michel NIHOUL et Casper FLIER et est à nouveau détenu en novembre 1994 pour des vols commis en juillet 1994.
Michel LELIEVRE quitte Casper FLIER en mai 1995, revient chez sa mère à Tamines et reste dans l'oisiveté jusqu'à sa rencontre avec Michel DIAKOSTAVRIANOS, avec qui il connaîtra les voyages vers l'Allemagne pour le commerce de pneus usagés et la Slovaquie pour les loisirs et la rencontre avec Vanda DUCKA qui lui donnera un fils le 8 juin 1996.
C'est en été 1995 que Michel LELIEVRE situe sa rencontre avec Marc DUTROUX, par l'intermédiaire de Michel DIAKOSTAVRIANOS, et en juillet de la même année, il emménage dans une propriété de Marc DUTROUX.
Les experts psychiatres, les docteurs KORN, GILLAIN et PAPART, qui ont été amenés à examiner Michel LELIEVRE, concluent qu'au moment des faits et encore actuellement, il n'était, et n'est encore actuellement, ni dans un état de démence, ni dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actions ; son état ne nécessite aucun traitement sur le plan psychiatrique ; il présente une personnalité de type psychopathique, dite antisociale, qui se manifesterait par son incapacité à se conformer aux normes sociales, par ses comportements délinquants répétés, par son instabilité dans la vie affective et professionnelle et par son absence de réelle culpabilité avec des remords centrés uniquement sur sa propre situation et une indifférence envers les souffrances des victimes quelles qu'en soient les conséquences. Michel LELIEVRE présenterait plutôt des capacités intellectuelles supérieures à la moyenne.
Pour Madame Aude MICHEL du service de psychologie clinique de l'Université de Liège, Michel LELIEVRE apparaît manifestement soucieux de son apparence et tente, par de multiples stratagèmes, de se montrer tel un jeune, certes inculpé dans une affaire de mœurs, mais victime d'une conspiration qu'il n'a pu éviter. Il rejette la responsabilité sur autrui et nie ainsi toute implication personnelle dans tout ce qui lui arrive. Derrière cette façade, il se montre particulièrement peu respectueux de la vérité ; ne pouvant se satisfaire de la réalité, il la manipule de façon arbitraire et désinvolte afin de la rendre plus conforme à ses désirs ; il tend à donner une interprétation particulière, personnelle, aux évènements auxquels il est confronté, sans se soucier de la plausibilité de cette analyse.
Michel LELIEVRE a été condamné à plusieurs reprises et son casier judiciaire mentionne les condamnations suivantes :
Monsieur le juge d'instruction LANGLOIS avait chargé les docteurs CROCHELET et POELMAN de procéder à l'examen neuropsychiatrique et médicopsychologique et social de Michel NIHOUL. Le 2 février 2002, ces experts ont rendu un rapport de carence par lequel ils informent le magistrat que Michel NIHOUL leur a fait savoir, par téléphone, qu'il s'estimait incapable, en raison de problèmes de mobilité physique et de manque d'argent, de se rendre à Bruxelles. Les experts ajoutaient qu'il avait été demandé à Michel NIHOUL de confirmer par écrit ses propos, ce qu'il n'a pas fait, même après qu'un rappel écrit lui ait été adressé. Ils étaient donc sans nouvelles de lui depuis lors.
Il n'y a donc pas, comme pour les autres accusés, d'expertise mentale et psychologique pour cet accusé.
Les enquêteurs WINAND Luc, WILVERS Alain et PHILIPPART Marcel ont cependant procédé à une enquête de moralité qui a consisté, d'abord en une longue audition de Michel NIHOUL sur les différents évènements marquants de sa vie à travers lesquels il livre au lecteur la personnalité de Michel NIHOUL vue par lui-même. Dans un second temps, les enquêteurs ont recueilli et rassemblé les différentes auditions de ceux qui, parents, enfants, amis, relations diverses et professionnelles, affirment l'avoir bien connu.
Michel NIHOUL est né à Verviers le 23 avril 1941 . Son père Jacques, né en 1906, a exercé la profession d'employé dans la fabrication de textiles ; suite à la faillite de l'entreprise, il s'est reconverti en croupier de casino, d'abord à Spa, pour terminer sa carrière au casino de Middelkerke ; il est décédé à l'âge de 71 ans. La mère de Michel NIHOUL, VILAIN Alice, née en 1909, exerçait la profession de couturière et est décédée en 1991 ; son frère aîné est décédé à l'âge de treize ans, son frère Daniel et sa sœur Jacqueline, plus jeunes, sont encore en vie.
En ce qui concerne sa scolarité, Michel NIHOUL a fait ses quatre premières années primaires à l'athénée de Verviers et les deux dernières à l'école St Michel de la même ville ; après une année d'internat en gréco-latine au collège des Franciscains de Tournai, il revient à Verviers faire ses deuxième et troisième modernes à l'Institut St Michel. A seize ans, il passe à l'Académie des Beaux Arts de Verviers et en décembre 1959, à l'âge de 18 ans, il fait son service militaire en Allemagne. Il résume sa scolarité en disant qu'il a toujours été un très bon élève, qu'il a toujours voulu être dans les premiers et perfectionniste ; il avait soif d'apprendre et ses parents lui disaient souvent de sortir davantage, de moins étudier.
Michel NIHOUL juge sa vie de famille formidable : il n'a jamais manqué de rien et a bénéficié, dit-il, d'une éducation d'un père très sévère mais profondément juste qui lui a inculqué la différence entre le bien et le mal, entre la justice et l'injustice. Il pense qu'il tient de ce père ce côté altruiste qu'il exprime parfois de manière irréfléchie ou inconsciente. Dans sa vie, il a gagné énormément d'argent, en a dépensé énormément, a intensément vécu et aimé ; mais tous ceux qui le connaissent le diront, dit-il : il a beaucoup donné, beaucoup partagé, beaucoup travaillé et réalisé gracieusement.
De la vie de famille, le père et la mère étant décédés, seul son frère Daniel NIHOUL apporterait une contradiction : depuis sa prime jeunesse, Michel NIHOUL a toujours été une source permanente d'ennuis, pour les parents, pour la sœur et pour le frère.
En 1959, l'année de son service militaire, Michel NIHOUL fait la connaissance d'Adrienne GOHY, qu'il va épouser le 14 juillet 1962 ; ils auront trois enfants, Jean-Marc né en 1963, Michèle née en 1964 et Anne-Françoise née en 1972 ; ils se séparent en 1975.
Durant cette période de 1962 à 1975, Michel NIHOUL va exercer plusieurs métiers. Décorateur, puis représentant dans une société de peinture, il reprend à ses parents, en 1964, la gestion de l'hôtel des Etoiles à Spa et ouvre un débit de boissons, « le Truc », dans la même ville l'année suivante. Trois ans plus tard, en 1968, ces deux établissements sont mis en faillite ; Michel NIHOUL ne s'en explique pas davantage qu'en précisant que son épouse est allée en prison pour la faillite de l'hôtel et que sans la chute de l'hôtel, le « Truc » ne serait pas tombé, le numéro du registre de commerce étant le même.
Son ex-épouse, Adrienne GOHY, explique par contre que Michel NIHOUL avait connu une faillite dans le cadre de l'établissement « le Truc », et comme il était grillé, il avait fait appel à elle pour lui servir de paravent, alors que travaillant à Erembodegem et devant s'occuper de ses enfants, elle n'avait pas le temps matériel de s'occuper de la société. Elle termine sur ce plan en disant qu'elle le considère comme un escroc ayant toujours eu besoin de beaucoup d'argent à dépenser.
Après les faillites, la famille gagne Bruxelles, où Michel NIHOUL va travailler comme décorateur avec son frère Daniel ; puis en 1970 il entre comme chauffeur routier dans une société anonyme de transport qui, selon lui, avait 30 camions lors de son arrivée et 140 lors de son départ deux ans plus tard en 1972 ; il y aurait gravi les échelons pour terminer directeur et même fondé de pouvoir. Le personnel de direction ayant été licencié lors du rachat de la société, Michel NIHOUL reprend le travail de décorateur et s'installe comme expert en bâtiment.
Durant cette période de vie commune avec Adrienne GOHY, Michel NIHOUL dit avoir toujours eu de bons contacts avec ses enfants, les emmenant au parc, au tennis, s'occupant de leur suivi scolaire et leur enseignant les valeurs de la vie.
Adrienne GOHY, par contre, affirme qu'il sortait beaucoup ; elle annotait d'une croix sur un calendrier les rares fois où il passait la soirée à la maison ; il avait déjà à l'époque des maîtresses. Le 7 novembre 1975, jour même où elle est sortie de prison pour la faillite de l'hôtel de Michel NIHOUL, elle a décidé de se séparer de lui.
Jean-Marc NIHOUL, le fils aîné de Michel NIHOUL et d'Adrienne GOHY, précise que sa mère a été incarcérée suite à une problématique financière initiée par son père. A la séparation de ses parents, les vrais contacts avec le père ont été coupés et il n'a revu celui-ci que vers l'âge de 18 ans en étant assez impressionné par son niveau de vie, ses fréquentations et ce qu'il racontait.
Quant à la plus jeune des enfants, Anne-Françoise NIHOUL, elle n'avait que trois ans lors de la séparation en 1975 ; elle déclare que sa mère n'a jamais empêché son père de venir voir ses enfants, mais elle pense ne l'avoir vu qu'à quatre reprises environ, ; Michel NIHOUL ne se serait pas inquiété de ses trois enfants.
Daniel , frère de Michel NIHOUL, confirme que sa belle sœur a quitté celui-ci parce qu'elle en avait marre de lui ; selon Daniel, Michel NIHOUL était la seule brebis galeuse de la famille ; c'était un escroc, il roulait les gens, dit-il, il était hâbleur, prétentieux et considérait les gens de la famille comme des petits et c'était un alcoolique invétéré. L'épouse de Daniel, CANON Michèle, trouvait son beau-frère Michel trop vantard et grandiloquent ; selon elle, il se vantait d'avoir de nombreuses liaisons et qu'aucune femme ne pouvait lui résister ; on avait l'impression, dit-elle, que tout lui était dû.
Séparé de son épouse Adrienne GOHY, et de ses enfants qui vivent avec leur mère à Middelkerke, Michel NIHOUL vivra, à partir de 1975, avec l'avocate Annie BOUTY . De leur liaison jusqu'en 1982, ils auront deux enfants, Jean-Michel BOUTY, né en 1979, et Gentiane BOUTY, née en 1980. Dès le début de cette liaison, Michel NIHOUL affirme avoir prévenu sa compagne qu'il entendait mettre ses conditions : il voulait garder une certaine liberté, non pas une liberté sexuelle, car il dit ne l'avoir jamais trompée, mais une liberté de continuer à sortir avec ses amis. C'est lui au contraire qui se prétendra trompé lorsqu'il s'apercevra que sa compagne le trompe avec un de ses clients, le docteur GUFFENS ; Michel NIHOUL aurait éprouvé une souffrance énorme causée par le mensonge dans lequel sa compagne vivait, car il dit que le mensonge , un des plus grands vices de l'être humain, lui fait horreur. Lassé des trahisons subies, dit-il, Michel NIHOUL va ressentir le besoin de sortir et de rencontrer des gens qui vont l'introduire dans un club de parties fines, où il dit avoir fait la rencontre d'hommes et de femmes d'affaire, de politiciens, avocats, magistrats, voire des épouses de ceux-ci, ainsi que de certaines personnes des deux sexes faisant partis de la noblesse.
Annie BOUTY voit les choses bien différemment : s'il était charmant et gentil avec ses enfants, Michel NIHOUL n'assumait pas son rôle de père vu ses absences imprévisibles ; il buvait énormément, était souvent ivre et il rentrait tard la nuit ; par rapport à l'argent, c'était un flambeur. Elle dit s'être trouvée avec ses deux bébés à l'attendre des nuits entières sans savoir où il se trouvait ni ce qu'il faisait ; il ne donnait jamais d'explication et avait donc une partie de sa vie cachée ; c'était un hâbleur et un embobineur. Quant aux enfants du couple, Jean- Michel BOUTY dit que son père ne s'est pas occupé de lui jusqu'en 1991, et Gentiane BOUTY déclare que son père ne s'est jamais occupé de son éducation, qu'il ne prenait pratiquement jamais de nouvelles d'elle-même et de son frère ; elle n'aurait gardé que de vagues souvenirs d'avoir passé quelques moments avec Michel NIHOUL ; il n'aurait jamais payé de pension alimentaire et ne serait pas intervenu dans les frais relatifs à l'éducation des deux enfants que la mère aurait assurée seule. Casper FLIER, qui les aurait fréquentés beaucoup à l'époque, confirme cet état de choses. Pour Casper FLIER, Michel NIHOUL est un personnage inconsistant, qui aime parader, se mettre en évidence et se créer une bonne image de marque ; il est difficile de lui faire confiance.
Dès le départ de leur liaison, Annie BOUTY dit avoir été sous l'emprise de Michel NIHOUL ; il aurait voulu qu'elle lui soit entièrement et totalement soumise et désirait que son acceptation de cet état de soumission soit concrétisée par un serment, ce qu'elle n'accepta pas, car cette soumission s'étendait, selon les dires mêmes de Michel NIHOUL, dans tous les domaines. Annie BOUTY dit avoir alors tenté de rompre sa liaison avec Michel NIHOUL, et aurait alors entamé une liaison avec le docteur GUFFENS pour lequel elle avait plaidé. Selon Annie BOUTY, le docteur GUFFENS et Michel NIHOUL auraient alors imaginé une stratégie consistant à réunir cinq millions de francs belges de l'époque pour s'autoriser l'intervention de politiciens et faire acquitter le docteur GUFFENS en appel ; mais quand Michel NIHOUL a été en possession de la somme, il l'aurait gardée pour lui. Annie BOUTY aurait alors rompu avec les deux hommes. Au moment de la séparation, elle dit avoir été battue comme plâtre par Michel NIHOUL.
Durant cette période de vie commune avec Annie BOUTY, de 1975 à 1982, Michel NIHOUL va professionnellement s'employer à créer un cabinet d'avocat digne de ce nom pour sa compagne ; c'était, dit-il, un des plus luxueux cabinets de Bruxelles, qu'il décora lui-même étant occupé à l'époque dans sa propre société de décoration, qui fut pourtant déclarée en faillite en 1979. Après quoi, il ouvrit un bureau d'expertises en bâtiment au sein même du cabinet d'Annie BOUTY, qui était elle-même associée à l'avocat Philippe DELEUZE ; selon ce dernier, Michel NIHOUL servait de secrétaire aux deux avocats, tout en entreprenant des animations de radio locale.
Il semble qu'à cette époque qui va de 1975 à 1982, Michel NIHOUL ait disposé de beaucoup d'argent ; il travaillait énormément, dit-il.
C'est en septembre 1982 que Michel NIHOUL, s'étant séparé d'Annie BOUTY, fait la connaissance de Marlène DECOKERE ; ce fut, dit celle-ci, un coup de foudre lors d'une partouze au club échangiste de la rue des Atrébates à Etterbeek. La vie commune avec Michel NIHOUL a été pour elle le meilleur moment de sa vie ; à l'époque, il était expert immobilier et gagnait bien sa vie. Alors qu'elle connaissait de sérieux problèmes de santé, il se serait constamment occupé d'elle. Ils sortaient énormément, et d'un commun accord, continuaient de fréquenter les clubs échangistes, comme les Atrébates, le Dolo, la Piscine ou le Trône. Sa fille, Nadia HANQUINAUX, a vécu un moment avec le couple que Marleen DECOKERE formait avec Michel NIHOUL, puis est finalement retournée à la garde des grands-parents maternels. Marleen DECOKERE note quelques pommes de discorde dans le couple ; Michel NIHOUL était fort dépensier, il avait trop tendance à mélanger tiroir caisse et bénéfice ; le chiffre de 10000 francs par jour est évoqué. Ils ont successivement habité ensemble à Zaventem, à Grimbergen, à Etterbeek rue des Atrébates, pour se fixer au huitième étage de la rue Jaspar, en dessous de l'appartement d'Annie BOUTY, lors du décès en 1991 de la mère de Michel NIHOUL, celui-ci récupérant l'appartement de sa mère, et renouant par le fait même avec les enfants qu'il avait eus d'Annie BOUTY.
Professionnellement, lorsqu'il fait la connaissance de Marleen DECOKERE en 1982, Michel NIHOUL est toujours expert en bâtiment et continue de traiter des affaires avec le cabinet d'Annie BOUTY. Puis en 1983 et 1984 il va gérer, avec Marleen DECOKERE, le café « le Clin d'œil » dans le quartier du Sablon au centre de Bruxelles ; ils déposeront le bilan après deux ans de gestion. Michel NIHOUL va alors s'occuper de l'animation de la radio locale « Radio-Activités » ; c'est au cours d'une de ces émissions qu'il va faire la connaissance d'Emile ROBIJN, le président de l' « ASBL SOS Sahel », dont il va lui-même reprendre la présidence et au profit de laquelle il va tenter d'organiser divers spectacles. Les ponts seront rompus avec l'ancien président ROBIJN parti pour l'Afrique et cette affaire se terminera par l'arrestation, durant six mois en 1989, de Michel NIHOUL ; Emile ROBIJN lui reprochait de ne pas avoir reversé à l'ASBL les 700000FB avancés pour ses frais ni l'argent provenant des spectacles que Michel NIHOUL avait organisés. Celui-ci sera condamné le 30 décembre 1996, par le Tribunal de Bruxelles, pour escroquerie, chèque sans provision, faux et usages de faux, banqueroutes simple et frauduleuse, et interdiction de gérer étant failli, dans le cadre de ce dossier SOS Sahel, à une peine de trois ans de prison.
En 1985, Michel NIHOUL reprend contact avec son fils aîné, Jean-Marc NIHOUL, qu'il n'a plus vu depuis dix ans ; il affirme que son fils lui a fait savoir qu'il était désireux de travailler avec lui, et, pardonnant les erreurs du passé, selon sa propre expression, Michel NIHOUL lui propose de monter une société qui s'occuperait de la création et de la réalisation d 'évènements tels que foires commerciales, marchés publics ou brocantes ; la société en commandite simple « NIHOUL et Associés » est ainsi créée, le fils étant gérant tandis que le père n'est qu'actionnaire.
Selon Michel NIHOUL, c'est le départ de son fils, au Canada, huit jours après la création de la société, qui fut la cause des problèmes de celle-ci. En effet, en l'absence du gérant officiel, il a dû prendre des engagements et des initiatives qu'il n'avait pas à prendre ; à son retour, Jean-Marc serait venu fouiller dans l'appartement de son père et aurait dérobé des documents de la société qui lui permirent de déposer plainte contre Michel NIHOUL pour abus de pouvoir. La version de Jean-Marc, le fils, est différente : c'est son père, Michel NIHOUL, après dix ans d'absence, qui aurait repris contact avec lui, en expliquant qu'il était grillé au niveau commercial, qu'il désirait recréer une société et qu'il avait besoin de lui ; Jean-Marc aurait très vite compris qu'il n'était lui-même qu'un homme de paille au sein de cette société, qui ne lui aurait apporté que de nombreux ennuis. Il a donc mis fin à ce qu'il appelle une mascarade, en déposant le bilan, et la société a été mise en faillite. Une information judiciaire a en effet été ouverte, mais lui, Jean-Marc NIHOUL en aurait été mis hors cause. La fille de Michel NIHOUL, Anne-Françoise NIHOUL, affirme que le dernier contact avec son père serait un coup de téléphone de celui-ci pour menacer Jean-Marc qui l'avait dénoncé dans le cadre de l'affaire pour laquelle il avait été incarcéré ; il voulait simplement le tuer, dit-elle.
Après ses cinq mois et demi de détention préventive dans l'affaire de SOS Sahel, soit fin 1989, Michel NIHOUL va se lancer dans le commerce de poissons en gros en créant une nouvelle société, la DCN, coopérative celle-là, avec Marleen DECOKERE comme gérante et un certain Jean-Claude CASTAIGNE comme associé passif, Michel NIHOUL s'occupant des ventes .Par l'intermédiaire de son ami, l'avocat Michel VANDER ELST, de l'argent y sera injecté en provenance d'une société panaméenne et la société sera transformée en S.A. DCN Benelux ; selon Michel NIHOUL, l'affaire va prendre de l'extension, mais l'état de santé de Marleen DECOKERE ne permettant plus qu'elle s'occupe activement de la gérance, une nouvelle transformation aura lieu ; la société devient irlandaise, sous le nom d'Eurodiversified avec une enseigne belge « la Maison des Chefs », et redémarre, jusqu'au départ des actionnaires français que Michel NIHOUL accuse d'organisation de « carambouilles » et de détournement. L'instruction judiciaire ouverte en 1993, relativement à cette affaire, se terminera par la condamnation de Michel NIHOUL, par le Tribunal de Bruxelles, le 4 décembre 1998, à une peine de 12 mois de prison pour trois faits de faux et usage de faux, cinq faits de détournement ou dissimulation d'actifs, dix-huit faits d'escroquerie, association de malfaiteurs, cinq faits de chèques sans provision et diverses infractions liées à l'état de faillite, à la sécurité sociale et au règlement du travail.
L'enquête de moralité révèle aussi qu'une secrétaire, Marie-France SAINTILAN, aurait été engagée en 1992 dans cette société DCN, et en aurait été licenciée parce qu'elle aurait, selon elle, refusé les avances de Michel NIHOUL ; il s'agirait de propositions de coucher avec lui et sa compagne Marleen DECOKERE.
En 1993 et 1994, Michel NIHOUL continue à vendre pour la maison « ALL FISH », puis abandonne eu égard aux difficultés d'être payé. En mai 1994, il est employé comme vendeur, public relation, dans la société ASCO, dans le commerce vers Saint Domingue de voitures d'occasion ; il se rendra d'ailleurs dans cette île en juin 1994. En 1995, il est employé en qualité de représentant vendeur d'encarts publicitaires pour la société WATCH OUT, qu'il quitte pour non paiement de salaire, pour reprendre son bureau de consultant expert en bâtiment jusqu'à son arrestation en août 1996.
Le casier judiciaire de Michel NIHOUL renseigne sept condamnations :
EN CONSEQUENCE,
1. DUTROUX Marc, Paul, Alain, fils de Victor, Maurice, Paul DUTROUX et de Jeannine, Angèle, Ghislaine LAUWENS, né à Ixelles le 06.11.1956, électricien, de nationalité belge, marié avec MARTIN Michelle, domicilié Avenue de Philippeville, 128 à 6001 MARCINELLE,
détenu,
Détenue,
Détenu,
EN PRESENCE DE :
1-Monsieur LEJEUNE Jean Denis Ghislain, né à Liège le 08.11.1959 et son épouse Madame ALBERT Louisa, née à Liège le 13.08.1962, domiciliés tous deux rue Jean Barthélemy, 60 à 4400 Flémalle,
2-Monsieur RUSSO Alberto, Luigi, né à Ougrée le 28.02.1960 et son épouse Madame COLLET Carine, Monique, Jacqueline, née à Liège le 01.05.1962, domiciliés tous deux rue Dierain Patar, 51 à 4460 Grâce-Hollogne,
3-Monsieur MARCHAL Paul, Léon, Maria, né à Hasselt le 10.09.1953 et son épouse KOLB Betty, Annie, Hubertine, née à Hasselt le 08.08.1952, domiciliés tous deux Singelbeekstraat, 151 à 3500 Hasselt,
4-Mademoiselle MARCHAL Karen, née à Hasselt le 20.02.1980, célibataire, domiciliée Singelbeekstraat, 151 à 3500 Hasselt,
5-Monsieur MARCHAL Kris, né à Hasselt le 26.07.1982, célibataire, domicilié Singelbeekstraat, 151 à 3500 Hasselt,
6-Monsieur MARCHAL Gert, né à Hasselt le 03.04.1984, célibataire, domicilié Singelbeekstraat, 151 à 3500 Hasselt,
7-Monsieur LAMBRECKS Jean, né à Kuringen le 20.05.1948, domicilié Hoogheide, 41 à 3511 Hasselt-Kuringen,
8-Madame VANDERHOVEN Rachelle, née à Hasselt le 04.10.1952, domiciliée Bosveldweg, 16 à Hechtel-Eksel,
9-Madame MARTIN Patricia, née à Bertrix le 27.10.1961, domiciliée rue du Geraud Pré, 4 à 6880 Bertrix,
10-Mademoiselle DELHEZ Laetitia, née à Libramont-Chevigny le 25.11.1981, célibataire, domiciliée rue de Bohémont, 4/2 à 6880 Bertrix,
11-Madame VANDEVYVER Yvette, née à Cologne (Allemagne) le 17.07.1952, domiciliée Résidence du Renard, 23 à 7540 Tournai-Rumillies,
parties civiles,
SONT ACCUSES D'AVOIR
SOIT comme auteurs ou coauteurs des infractions pour les avoir exécutées ou coopéré directement à leur exécution ou, par un fait quelconque, avoir prêté pour l'exécution une aide telle que, sans leur assistance, ces infractions n'eussent pu être commises ou, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, avoir directement provoqué à ces infractions (article 66 du Code Pénal),
SOIT comme complices des infractions pour avoir donné des instructions pour les commettre ou pour avoir procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui ont servi à ces infractions, sachant qu'ils devaient y servir ou, hors les cas prévus par l'alinéa 3 de l'article 66 du Code pénal, pour avoir, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs des infractions dans les faits qui les ont préparées ou facilitées ou dans ceux qui les ont consommées (article 67 du Code pénal),
à Bertrix, Kain, Ostende ou Blankenberge, Liège, Marcinelle, Sars-la-Buissière, Charleroi, Namur ou ailleurs dans le Royaume, à un moment quelconque entre le 23 juin 1995 et le 16 août 1996, en tant que provocateur, chef de bande ou pour y avoir exercé un commandement quelconque, participé à une association formée et organisée dans le but de perpétrer contre les personnes ou les propriétés des crimes emportant la réclusion à perpétuité, la réclusion de vingt à trente ans, la réclusion de quinze à vingt ans ou la réclusion de dix à quinze ans et d'autres crimes et délits, association impliquée notamment dans les enlèvements et séquestrations de six personnes, dont cinq mineures d'âge, à savoir Julie LEJEUNE, Mélissa RUSSO, An MARCHAL, Eefje LAMBRECKS, Sabine DARDENNE et Laetitia DELHEZ avec la circonstance que les victimes ont été soumises à des tortures corporelles ayant causé la mort de certaines d'entre elles ;
à Bertrix, Kain, Ostende ou Blankenberge, Liège, Marcinelle, Sars-la-Buissière, Charleroi, Namur ou ailleurs dans le Royaume, à un moment quelconque entre le 23 juin 1995 et le 16 août 1996, participé comme membres ou pour avoir sciemment et volontairement fourni à la bande ou à ses divisions des armes, munitions, instruments de crime, logements, retraite ou lieu de réunion à une association formée et organisée dans le but de perpétrer contre les personnes ou les propriétés des crimes emportant la réclusion à perpétuité, la réclusion de vingt à trente ans, la réclusion de quinze à vingt ans ou la réclusion de dix à quinze ans et d'autres crimes et délits, association impliquée notamment dans les enlèvements et séquestrations de six personnes, dont cinq mineures d'âge, à savoir Julie LEJEUNE, Mélissa RUSSO, An MARCHAL, Eefje LAMBRECKS, Sabine DARDENNE et Laetitia DELHEZ avec la circonstance que les victimes ont été soumises à des tortures corporelles ayant causé la mort de certaines d'entre elles ;
à Bruxelles, Charleroi, Dinant et Tournai, entre le 1er juillet 1995 et le 16 août 1996, en tant que provocateur, chef de bande ou pour y avoir exercé un commandement quelconque, participé à une association formée et organisée dans le but de perpétrer contre les personnes ou les propriétés des crimes emportant la réclusion à perpétuité, la réclusion de vingt à trente ans, la réclusion de quinze à vingt ans ou la réclusion de dix à quinze ans et d'autres crimes et délits, association impliquée notamment dans l'importation, l'exportation, le transport, la détention, la vente ou l'offre en vente, la délivrance ou l'acquisition, à titre onéreux ou à titre gratuit, de substances psychotropes, notamment de l'ecstasy ou dans le trafic de faux documents d'identité, de voitures, de plaques et documents de voitures ou dans la traite des êtres humains ;
à Bruxelles, Charleroi, Dinant et Tournai, entre le 1er juillet 1995 et le 16 août 1996, comme membres ou pour avoir sciemment et volontairement fourni à la bande ou à ses divisions des armes, munitions, instruments de crime, logements, retraite ou lieu de réunion participé à une association formée et organisée dans le but de perpétrer contre les personnes ou les propriétés des crimes emportant la réclusion à perpétuité, la réclusion de vingt à trente ans, la réclusion de quinze à vingt ans ou la réclusion de dix à quinze ans et d'autres crimes et délits, association impliquée notamment dans l'importation, l'exportation, le transport, la détention, la vente ou l'offre en vente, la délivrance ou l'acquisition, à titre onéreux ou à titre gratuit, de substances psychotropes, notamment de l'ecstasy ou dans le trafic de faux documents d'identité, de voitures, de plaques et documents de voitures ou dans la traite des êtres humains ;
B. :
volontairement, avec l'intention de donner la mort et avec préméditation, commis un homicide,
5. le premier, Marc DUTROUX,
à Marcinelle ou ailleurs dans le Royaume, à une date indéterminée entre le 22 août 1995 et le 13 août 1996 sur la personne de An MARCHAL,
6. le premier, Marc DUTROUX,
à Marcinelle ou ailleurs dans le Royaume, à une date indéterminée entre le 22 août 1995 et le 13 août 1996 sur la personne de Eefje LAMBRECKS ;
7. le premier, Marc DUTROUX,
à Marcinelle ou à Sars-la-Buissière, à une date indéterminée entre le 1er novembre 1995 et le 7 décembre 1995, sur la personne de Bernard WEINSTEIN ;
C. :
par violence, ruse ou menace, enlevé ou fait enlever des mineures d'âge, en l'espèce,
8. le premier, Marc DUTROUX, le troisième, Michel LELIÈVRE et le quatrième, Michel NIHOUL,
à Bertrix, le 9 août 1996, Laetitia DELHEZ, mineure âgée de moins de seize ans accomplis au moment des faits, étant née le 25 novembre 1981 ;
9. le premier, Marc DUTROUX et le troisième, Michel LELIÈVRE,
à Blankenberge ou à Ostende la nuit du 22 au 23 août 1995, An MARCHAL, mineure âgée de plus de seize ans accomplis au moment des faits, étant née le 10 décembre 1977 ;
10. le premier, Marc DUTROUX et le troisième, Michel LELIÈVRE,
à Kain, le 28 mai 1996, Sabine DARDENNE, mineure âgée de moins de seize ans accomplis au moment des faits, étant née le 22 octobre 1983 ;
11. le premier, Marc DUTROUX,
à Grâce-Hollogne, le 24 juin 1995, Mélissa RUSSO, mineure âgée de moins de seize ans accomplis au moment des faits, étant née le 11 septembre 1986 ;
12. le premier, Marc DUTROUX,
à Grâce-Hollogne, le 24 juin 1995, Julie LEJEUNE, mineure âgée de moins de seize ans accomplis au moment des faits, étant née le 29 novembre 1986 ;
D. :
sans ordre des autorités constituées et hors les cas où la loi permet ou ordonne l'arrestation ou la détention des particuliers, arrêté ou fait arrêter, détenu ou fait détenir, en l'espèce,
13. le premier, Marc DUTROUX, la deuxième, Michelle MARTIN, le troisième, Michel LELIÈVRE et le quatrième, Michel NIHOUL,
de Bertrix à Marcinelle ou ailleurs dans le Royaume, du 9 au 15 août 1996, Laetitia DELHEZ, avec les circonstances que la personne arrêtée ou détenue a été menacée de mort et qu'elle a été soumise à des tortures corporelles d'où il est résulté soit une maladie paraissant incurable, soit une incapacité permanente de travail personnel, soit la perte de l'usage absolu d'un organe, soit une mutilation grave ;
14. le premier, Marc DUTROUX, la deuxième, Michelle MARTIN et le troisième, Michel LELIÈVRE,
de Kain à Marcinelle ou ailleurs dans le Royaume, du 28 mai au 15 août 1996, Sabine DARDENNE, avec les circonstances que la personne arrêtée ou détenue a été menacée de mort et qu'elle a été soumise à des tortures corporelles d'où il est résulté soit une maladie paraissant incurable, soit une incapacité permanente de travail personnel, soit la perte de l'usage absolu d'un organe, soit une mutilation grave ;
15. le premier, Marc DUTROUX, la deuxième, Michelle MARTIN et le troisième, Michel LELIÈVRE,
d'Ostende ou Blankenberge à Marcinelle ou ailleurs dans le Royaume à partir de la nuit du 22 au 23 août 1995 jusqu'au jour de son décès, An MARCHAL, avec les circonstances que la personne arrêtée ou détenue a été menacée de mort et qu'elle a été soumise à des tortures corporelles ayant entraîné sa mort ;
16. le premier, Marc DUTROUX, la deuxième, Michelle MARTIN et le troisième, Michel LELIÈVRE,
d'Ostende ou Blankenberge à Marcinelle ou ailleurs dans le Royaume à partir de la nuit du 22 au 23 août 1995 jusqu'au jour de son décès, Eefje LAMBRECKS, avec les circonstances que la personne arrêtée ou détenue a été menacée de mort et qu'elle a été soumise à des tortures corporelles ayant entraîné sa mort ;
17. le premier, Marc DUTROUX et la deuxième, Michelle MARTIN,
de Grâce-Hollogne à Marcinelle ou ailleurs dans le Royaume, à partir du 24 juin 1995 jusqu'au jour de son décès, Mélissa RUSSO, avec les circonstances que la personne arrêtée ou détenue a été menacée de mort et qu'elle a été soumise à des tortures corporelles ayant entraîné sa mort ;
18. le premier, Marc DUTROUX et la deuxième, Michelle MARTIN,
de Grâce-Hollogne à Marcinelle ou ailleurs dans le Royaume, à partir du 24 juin 1995 jusqu'au jour de son décès, Julie LEJEUNE, avec les circonstances que la personne arrêtée ou détenue a été menacée de mort et qu'elle a été soumise à des tortures corporelles ayant entraîné sa mort ;
19. le premier, Marc DUTROUX,
à Jumet, les 4 et 5 novembre 1995, Philippe DIVERS, Pierre ROCHOW et Bénédicte JADOT, avec les circonstances que les personnes arrêtées ou détenues ont été menacées de mort et qu'elles ont été soumises à des tortures corporelles ;
20. le premier, Marc DUTROUX,
à Marcinelle, entre le 1er novembre 1995 et le 7 décembre 1995, Bernard WEINSTEIN, avec les circonstances que la personne arrêtée ou détenue a été menacée de mort et qu'elle a été soumise à des tortures corporelles ayant entraîné sa mort ;
E. :
21. le premier, Marc DUTROUX,
à Jumet et à Waterloo les 4 et 5 novembre 1995, à l'aide de violences ou de menaces, frauduleusement soustrait deux véhicules automobiles et divers objets qui ne lui appartenaient pas au préjudice de ROCHOW Pierre et DIVERS Philippe, avec les circonstances que les vols ont été commis la nuit, par deux ou plusieurs personnes, l'accusé ayant fait usage de substances inhibitives ou toxiques pour commettre les vols ou assurer sa fuite et ayant soumis les victimes à des tortures corporelles ;
F. :
par tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit et par quelque moyen que ce soit, commis le crime de viol sur une personne qui n'y consent pas, en l'espèce,
22. le premier, Marc DUTROUX et la deuxième, Michelle MARTIN,
à Sars-la-Buissière entre le 22 juillet 1996 et 1er août 1996 sur la personne de Yancka MACKOVA, mineure de plus de seize ans accomplis au moment des faits étant née le 14 mai 1979 ;
23. le premier, Marc DUTROUX,
à Sars-la-Buissière, entre le 15 juillet 1994 et le 31 juillet 1994, sur la personne de Eva MACKOVA ;
24. le premier, Marc DUTROUX,
à Prasice (République slovaque) le 4 juin 1995, sur la personne d'Henrieta PALUSOVA, faits régulièrement dénoncés par les autorités de la République de Slovaquie ;
25. le premier, Marc DUTROUX,
à Marcinelle à plusieurs reprises à partir du 24 juin 1995 jusqu'au jour du décès de Mélissa RUSSO sur la personne de celle-ci, mineure de moins de dix ans accomplis au moment des faits étant née le 11 septembre 1986, avec les circonstances que les viols ont été précédés ou accompagnés de tortures corporelles ou de séquestration et qu'ils ont causé la mort de la personne sur laquelle ils ont été commis ;
26. le premier, Marc DUTROUX,
à Marcinelle à plusieurs reprises à partir du 24 juin 1995 jusqu'au jour du décès de Julie LEJEUNE sur la personne de celle-ci, mineure de moins de dix ans accomplis au moment des faits étant née le 29 novembre 1986, avec les circonstances que les viols ont été précédés ou accompagnés de tortures corporelles ou de séquestration et qu'ils ont causé la mort de la personne sur laquelle ils ont été commis ;
27. le premier, Marc DUTROUX,
à Marcinelle, Jumet ou ailleurs dans le Royaume à plusieurs reprises à partir de la nuit du 22 au 23 août 1995 jusqu'au jour du décès de An MARCHAL sur la personne de celle-ci, mineure de plus de seize ans accomplis au moment des faits étant née le 10 décembre 1977, avec les circonstances que les viols ont été précédés ou accompagnés de tortures corporelles ou de séquestration et qu'ils ont causé la mort de la personne sur laquelle ils ont été commis ;
28. le premier, Marc DUTROUX,
à Marcinelle, Jumet ou ailleurs dans le Royaume à plusieurs reprises à partir de la nuit du 22 au 23 août 1995 jusqu'au jour du décès de Eefje LAMBRECKS sur la personne de celle-ci, majeure d'âge, avec les circonstances que les viols ont été précédés ou accompagnés de tortures corporelles ou de séquestration et qu'ils ont causé la mort de la personne sur laquelle ils ont été commis ;
29. le premier, Marc DUTROUX,
à Marcinelle à plusieurs reprises du 28 mai au 13 août 1996 sur la personne de Sabine DARDENNE mineure de plus de dix ans et de moins de quatorze ans accomplis au moment des faits étant née le 22 octobre 1983, avec la circonstance que les viols ont été précédés ou accompagnés de tortures corporelles ou de séquestration ;
30. le premier, Marc DUTROUX,
à Marcinelle à plusieurs reprises du 9 au 13 août 1996, sur la personne de Laetitia DELHEZ, mineure de moins de seize ans accomplis au moment des faits étant née le 25 novembre 1981, avec la circonstance que les viols ont été précédés ou accompagnés de tortures corporelles ou de séquestration ;
G. :
31. le premier, Marc DUTROUX, le troisième, Michel LELIÈVRE et le quatrième, Michel NIHOUL,
à Bruxelles, Charleroi et Tournai ou ailleurs dans le Royaume du 19 avril 1996 au 13 août 1996, importé, exporté, transporté, détenu, vendu ou offert en vente, délivré ou acquis, à titre onéreux ou à titre gratuit, des substances psychotropes, en l'espèce plusieurs milliers de pilules d'ecstasy (MDMA), sans en avoir obtenu l'autorisation générale préalable du Ministre compétent, avec la circonstance que ces infractions constituent des actes de participation à l'activité principale ou accessoire d'une association dont le quatrième, Michel NIHOUL, a agi en qualité de dirigeant ;
32. le premier, Marc DUTROUX et le troisième, Michel LELIÈVRE,
notamment à Charleroi du 1er juillet 1995 au 13 août 1996, importé, exporté, transporté, détenu, vendu ou offert en vente, délivré ou acquis, à titre onéreux ou à titre gratuit, des substances soporifiques ou stupéfiantes, en l'espèce de l'héroïne et du haschich, sans en avoir obtenu l'autorisation générale préalable du Ministre compétent, avec la circonstance que ces infractions constituent des actes de participation à l'activité principale ou accessoire d'une association ;
Faits prévus par les articles 66, 67, 322, 323, 324, 368, 369, 373, 374, 375, 376, 392, 393, 394, 434, 435, 436, 437, 438, 461, 468, 471, 472, 473 du code pénal, et les Articles 2bis & 4 de la loi du 24 février 1921, 1, 3, 11, 13, 14, 15 & 28 de l'A.R. du 31 décembre 1930, 2, 3, 9 & 45 de l'A.R. du 22 janvier 1998, remplaçant l'A.R. du 2 décembre 1988.
Fait au Parquet de la Cour d'appel
à Liège, le 8 décembre 2003.
Pour le Procureur général,
Par délégation,
Michel BOURLET
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