Une « guerre juste et durable » est lancée par la CAPJPO en France. Tous les partis politiques démocratiques, de gauche comme de droite, qui croient peut-être trouver en ce mouvement une confirmation intellectuelle du bien fondé de leur opposition politique à la politique palestinienne du gouvernement israélien, feraient bien de veiller à ce qu’il ne les engage pas à minimiser voire tolérer un antijudaïsme qui mettraient rapidement en cause l’existence même de notre démocratie. Un des moyens pour eux d’éviter ce piège est d’ouvrir les yeux sur les arguments de la CAPJPO. Comme cela semble jusqu’à présent le cadet de leurs soucis, La MENA a décidé de les aider à faire le point sur deux questions qui mettent en jeu la noblesse de tout combat politique. 1. L’instrumentation de la mort de Rachel Corrie Avant d’être un symbole de la lutte contre la politique palestinienne du gouvernement Sharon, Rachel Corrie est une femme dont la mémoire doit être respectée, par-delà sa mort brutale. Or la CAPJPO atteint à sa dignité et à sa mémoire, sans vergogne, lorsqu’elle affirme qu’elle est une pacifiste américaine qui a été « écrasée délibérément le 16 mars dernier par un bulldozer israélien ». S’il est vrai que cette militante tentait de s’opposer à la destruction d’une maison palestinienne qui cachait l’entrée d’un tunnel de contrebande d’armes, il n’en est pas moins vrai que sa mort n’a en aucune manière été délibérée ni préméditée par quiconque. Les accusations mensongères qui rappellent les tribunaux populaires fondés sur la vertu de la terreur doivent être combattues avec fermeté par tous les démocrates, quel que soit l’horizon politique auquel ils appartiennent. La vérité a été établie par Joe Smith, un ami de Rachel Corrie, [lire David Bedein] qui a confirmé que la mort de Rachel avait été accidentelle et qu’il ne portait aucune accusation, ni appel à la vengeance, contre le conducteur du bulldozer de l’armée israélienne. La méthode haineuse avec laquelle la CAPJPO reconstruit la réalité est un classique du genre : il s’agit d’imposer une intention et une décision là où il n’y a qu’un fait accidentel. La CAPJPO a décidé de pourrir l’intelligence, suivant en cela l’héritage de ses maîtres léninistes, staliniens et trotskystes. Le trucage et le montage font partie de leur panoplie intellectuelle. A la suite du témoignage de Joe, chacun peut désormais vérifier que l’image distribuée par the Reuters News Agency montrant Rachel faisant face à un bulldozer et tenant un mégaphone (en page 3 du New York Times daté du 17 mars 2003) n’est pas associée à la mort de Rachel. Le moment de la mort de Rachel n’a rien à voir avec le moment où elle est prise en photo. Pourtant, le lien est fait entre les deux par des esprits sans scrupule qui veulent absolument que la réalité soit comme ils le désirent et non comme elle est. Car tant est faible leur courage intellectuel que sachant qu’ils ne peuvent pas changer le monde, ils veulent lui imposer leur interprétation. La MENA a eu récemment l’occasion de démontrer que cette faiblesse veut se transformer en force à n’importe quel prix. C’est ainsi que Michel Warshawsky et Rony Brauman font silence sur la mise en scène du faux meurtre du petit Mohamed par les Palestiniens, le 30 septembre 2000 à Netzarim, sachant très bien que la reconnaître, c’est porter atteinte au principe même de s’attribuer le droit de défendre sa cause par le mensonge. Alors, au lieu de voir la réalité en face, de distinguer les faits et les intentions et de s’en remettre à une enquête impartiale, la CAPJPO exploite la souffrance de Rachel et de sa famille, en appelant à ce que le « crime, perpétré de sang froid, en présence de plusieurs témoins » ne reste pas impuni. Manque de chance pour ces terroristes de l’esprit : le principal témoin ne porte aucune accusation. Il n’y a pas eu crime, mais accident. 2. La volonté de faire exploser la société L’agression menée par des manifestants pro palestiniens sortis des rangs de la CAPJPO, le 23 mars (lire l’article de Matthieu Ecoiffier dans Libération du 25 mars 2003) contre de jeunes Juifs du Hashomer Hatzaïr, ceux-là mêmes qui, en France, expriment leur solidarité avec ceux qui s’opposent à la politique palestinienne du gouvernement israélien, est plus révélatrice que tous les discours que l’on peut tenir pour déconstruire les arguties de la CAPJPO. Nous avons eu maintes fois l’occasion, dans un récent passé, de faire savoir à Shalom Akhshav et à tous ses sympathisants (dont le Hashomer Hatzaïr) qu’il ne suffisait pas de critiquer le gouvernement israélien de droite ni de dénoncer la politique terroriste avec laquelle le Président de l’Autorité Palestinienne était complice peu ou prou, mais que le temps était venu de dénoncer les faux amis de la paix entre Israéliens et Palestiniens qui, en France, instrumentalisaient leurs analyses et leurs positions. Aujourd’hui la preuve est faite que c’est au nom de ces analyses et de ces positions que des nervis de la CAJPO ont agressé ces jeunes juifs. C’est pourquoi, nous saluons le fait que, dans son communiqué, Shalom Akhshav précise qu’une plainte a été déposée et dénonce « le glissement de l’antisionisme primaire à l’antisémitisme » de la CAPJPO dû à des amalgames douteux, même si l’expression « d’antisionisme primaire » n’est pas des plus heureuses. (Car tout antisionisme est primaire, puisqu’il consiste à être favorable à la destruction de l’Etat d’Israël comme Etat juif. Par ailleurs, critiquer la politique d’Israël n’est pas nécessairement être antisioniste). Quant à la CAPJPO, sous couvert de « demander des comptes », sa relation de la manifestation du 23 mars révèle son intention de mettre le feu aux poudres dans la société (voir son site). Tout y est. La confusion politique entre la dictature irakienne et la démocratie israélienne, le mensonge sur les circonstances de la mort de Rachel Corrie, un soi-disant incident raciste anti-arabe, résultant du comportement provocateur de militants, rejoints par leurs « amis » armés de barres de fer, criant « Israël, Israël » dans le style du Betar, une bagarre contre les sionistes qui a été gagnée par les manifestants pacifistes, l’intervention pacificatrice de la CAPJPO, la confiance de la CAPJPO dans les forces de police, le relais médiatique de cette narration des faits, la diffamation faite à la CAPJPO, notamment sur les ondes d’une des « radios communautaires juives » de la capitale et la menace de procès qui s’ensuit, la conclusion idéologique qui dénonce le « parti sioniste en France » (et non de France), l’implication personnelle du nom de Roger Cuckierman, l’appel au Tribunal de l’Histoire qui jugera le gouvernement israélien « qui donne l’ordre de tuer des civils à son armée d’occupation, le gouvernement américain qui le soutient et qui n’a même pas exigé une enquête sur les conditions de la mort de l’une de ses ressortissantes, de même que la communauté européenne et le Conseil de Sécurité de l’ONU qui se doivent de faire respecter la Convention de Genève actuellement bafouée aux yeux du monde entier ». Mais, concrètement, des agressions de la CAPJPO contre les jeunes du Hashomer Hatzaïr qui mène le même combat que Rachel Corrie, il n’est nulle part question… ! Le but de la CAPJPO est clair : démontrer qu’il n’y a pas que les Juifs d’Israël qui sont barbares (en Palestine) et que les Juifs de France, qui sont solidaires d’eux, ne le sont pas moins. Il s’agit de constituer les Juifs comme une enclave démographique irrespectueuse de la Constitution française et du droit international et de les désigner comme boucs émissaires pour tous les troubles qui surgissent en France et dans le monde. Il s’agit de les faire passer du statut de Juifs de France au statut de Juifs en France, d’abord dans la représentation, ensuite dans les faits politiques et sociétaux. N’étant pas parvenue à obtenir l’assujettissement de l’identité juive à l’identité arabe au sein d’un Etat binational de Palestine, constatant que l’Etat juif d’Israël persiste et s’affirme contre toutes les tentatives de le détruire, la CAPJPO en vient à présent à tenter de déstabiliser le statut des Juifs de France. C’est un projet politique que les partis démocratiques français devraient cesser de n’attribuer qu’à l’extrême droite. SOS-Racisme a demandé publiquement à la gauche organisatrice des manifestations pacifiques de faire le ménage en leurs rangs et d’exclure tout individu antijuif. C’est un bon début. A présent, ces partis doivent ouvrir les yeux sur le message subliminal qui leur est, aujourd’hui, envoyé par tous ceux qui, constatant que le droit international et l’ONU ne peuvent pas être d’un quelconque appui pour leur entreprise de destruction de l’Etat d’Israël, en viennent à utiliser les souffrances de la nation arabe et des divers peuples qui la composent, sans en faire la moindre analyse politique sérieuse et en les ramenant uniquement aux effets de ce qui apparaît dans leurs propos comme un nouveau « Protocole des Sages de Washington et de Jérusalem ». La tâche que le gouvernement et les partis démocratiques ont devant eux est de s’interroger sur la représentation pulsionnelle qu’ils ont de la guerre israélo-palestinienne et qui vient obturer toute représentation politique digne de ce nom. Ouvrir les yeux, c’est remarquer que c’est en Israël et en Palestine – et là seulement - que se jouent le présent et l’avenir des deux peuples et non dans la représentation que l’on s’en fait à travers le schéma classique de Barbares tentant d’écraser des Martyrs qui est le noyau dur des retransmissions médiatiques du conflit, mais aussi de la CAPJPO. Fort heureusement, Ariel Sharon a salué la nomination d’Abou Mazen comme Premier ministre de l’Autorité Palestinienne et Abraham Mizna lui a téléphoné… Des rendez-vous seront peut-être pris, malgré la hargne délétère de ceux qui, en France comme la CAPJPO, ou ailleurs, veulent à tout prix que cette guerre se termine par un massacre des deux peuples. N’est pas Shakespeare qui veut !