Bush prépare sa coalition pour une opération contre l'Irak PRAGUE (Reuters) - Le président américain George W. Bush a commencé mercredi à bâtir la coalition de pays qui doit selon lui frapper l'Irak si Saddam Hussein refuse de reconnaître qu'il détient des armes de destruction massive. Le locataire de la Maison Blanche a mis à profit le sommet de l'Otan, qui réunit jeudi et vendredi à Prague les dirigeants des 19 pays membres et des sept pays de l'Est invités à adhérer en 2004, pour lancer un double message à ses alliés. Le président irakien, a-t-il dit dans un discours prononcé devant de jeunes universitaires, s'expose à des frappes militaires s'il devait déclarer le huit décembre prochain qu'il ne possède pas d'armes de destruction massive. "S'il devait une fois de plus démentir que cet arsenal existe, il sera entré dans sa phase finale avec un mensonge et cette fois-ci la dissimulation ne sera pas tolérée", a-t-il déclaré à la veille de l'ouverture du sommet. L'Onu a donné à l'Irak jusqu'au huit décembre pour déclarer s'il possède ce types d'armes dans le cadre de la résolution 1441 du Conseil de sécurité qui a organisé le retour des inspecteurs en armements, qui avaient quitté Bagdad en 1998. Pour le président américain, il n'y a pas de doute: l'Irak est un Etat "hors-la-loi" qui possède bel et bien des AMD. "Saddam Hussein dispose d'un délai très court pour déclarer complètement et réellement son arsenal de terreur", a-t-il dit. Tout délai ou manoeuvre dilatoire entraînerait "les plus sévères conséquences", a-t-il ajouté, laissant ainsi entendre qu'il pourrait ne pas attendre le rapport des inspecteurs pour déclencher une opération militaire contre l'Irak. PARIS ET LONDRES CONSULTES Bagdad ayant toujours affirmé ne pas détenir d'armes de destruction massive, l'administration américaine se prépare donc à l'action, même si le président américain a dit espérer "que nous pourrons y arriver de manière pacifique". George W. Bush a donc entamé des consultations avec ses alliés pour bâtir une coalition pour une opération militaire. "Toutes les nations seront en mesure de choisir si oui ou non elles veulent participer", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse avec le président tchèque Vaclav Havel. "Si la décision est prise d'utiliser la force militaire, nous consulterons nos amis et nous espérons que nos amis nous rejoindrons", a-t-il ajouté en rappelant qu'il s'agissait de bâtir une "coalition de volontaires" et non l'Otan elle-même. Le président américain devait rencontrer en tête-à-tête plusieurs de nombreux homologues de l'Otan durant le sommet, à commencer, dès mercredi, par le président turc Ahmet Necdet Sezer, suivi jeudi par le Premier ministre britannique Tony Blair et par le président français Jacques Chirac. Le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, a annoncé mercredi que la France et le Royaume-Uni avaient été contactés, le Canada ayant fait savoir mardi qu'il l'avait été. Mais le chancelier Gerhard Schröder, qui refuse toute participation à une guerre contre l'Irak, même si elle était légitimée par l'Onu, provoquant la colère de Washington, n'aura pas l'honneur d'une rencontre avec le président américain. Vaclav Havel, figure historique de la lutte contre le communisme, a résumé le sentiment européen en mettant implicitement en garde Washington contre une action précipitée. MISE EN GARDE DE HAVEL "Avant de prendre une décision, nous devrions toujours soumettre la question à un débat des plus sérieux sur toutes les alternatives possibles et toutes leurs conséquences imaginables", a expliqué le président tchèque, qui quittera ses fonctions présidentielles au début de 2003. Si le dossier irakien sera officiellement évoqué jeudi par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Otan - les Etats-Unis souhaitent l'adoption d'une déclaration qui reprendrait la formulation de la résolution de l'Onu -, l'objectif du sommet est de célébrer l'élargissement de l'Alliance. Dans une ville où la police est sur les dents en raison des risques d'attentat terroriste et de la présence annoncée de 12.000 manifestants pacifistes - 200 d'entre eux à peine ont battu le pavé praguois mercredi - la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie seront invitées à entamer des négociations pour adhérer en 2004. Les dirigeants de l'Otan s'efforceront également de dissiper les doutes existentiels nés de la fin de la Guerre froide en ouvrant l'autre grand chantier de Prague, où sera donné le coup d'envoi à la modernisation de l'Alliance. "D'une organisation qui a été créée pour faire face aux menaces du Pacte de Varsovie, l'Otan doit de se transformer en une organisation militairement structurée pour s'attaquer aux menaces du terrorisme global", a estimé George Bush. Prague définira donc une série de "capacités" dont l'Otan - en fait, les Européens - devra se doter très rapidement pour relever les défis du troisième millénaire, comme les munitions guidées, la surveillance par radar du théâtre d'opération, le ravitaillement en vol et le transport stratégique de troupes. Le symbole de la transformation de l'Alliance sera la création à Prague d'une Force de réaction de l'Otan. L'idée d'assembler une force d'élite de 21.000 hommes capable de se déployer en moins d'un mois sur n'importe quel théâtre d'opération avait été émise en septembre à Varsovie par Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense.