Pas de surprise à Bruxelles: les eurodéputés votent pour la rétention des données Par Jerome Thorel ZDNet France 30 mai 2002 340 pour, 150 contre. À une grande majorité, les parlementaires européens ont adopté aujourd'hui 30 mai le principe de «la rétention des données» privées. Ce vote ouvre la voie à la surveillance générale et exploratoire des communications électroniques. «C'est encore plus fort que la Stasi», s'est exclamée la députée allemande des Verts, Ilka Schroeder, à l'issu d'un vote bien décevant pour la protection des communications électroniques des citoyens de l'Union européenne (UE). Réunis pour approuver, en seconde lecture, une directive très attendue sur le traitement des données privées dans le secteur des télécommunications, les eurodéputés présent lors du vote ont accepté à 340 contre 150 (4 abstentions) d'inscrire dans la loi, le principe de la «rétention des données» à des fins de surveillance préventive des communications. Dans leur majorité (seuil fixé à 314 voix sur 625), les parlementaires n'ont pas suivi les recommandations d'une vingtaine d'ONG internationales et de 20000 citoyens environ, qui ont envoyé fax, email et lettres au président du Parlement pour faire obstacle à cette mesure. Les députés ont cédé au coup de force des ministres des Quinze Le résultat d'aujourd'hui illustre un véritable retournement de position, puisqu'en première lecture (vote du 13 novembre 2001), le Parlement dans son ensemble s'était prononcé contre l'inscription du principe de la rétention des données dans la rédaction finale. Mais le Conseil des ministres de l'UE, sous la pression des services de sécurité nationaux et d'instances supranationales comme le G8, a exercé un chantage sur les deux groupes politiques les plus importants. Il les menaçait de faire passer le texte de loi en force. Résultat: Ana Palacio (PPE, conservateurs) et Elena Paciotti (PSE, sociaux-démocrates) ont, au nom de leurs groupes respectifs, accepté de signer un amendement en accord avec le Conseil. En revanche, le fait que l'amendement sur la rétention des données ait été voté à part, dans une procédure dite de "split vote", permet de mieux connaître les affinités sécuritaires de chaque député. Quelques socialistes et conservateurs ont choisi de se ranger du côté de Marco Cappato, député radical italien et chef de file des derniers opposants; il est le rapporteur de cette directive, au nom de la Commission des Libertés du Parlement. Au sein du groupe PSE, à l'issue du vote de ce matin, 22 députés sur 179 ont refusé le principe de la conservation des données (dont les Français Harlem Désir et Catherine Lalumière), alors que 2 se sont abstenus. Pour le groupe PPE, seulement 6 sur 232 ont refusé de respecter les consignes de vote de leur groupe (dont le député UDF Francis Decourrière), et on compte 1 abstention. Par ailleurs, le groupe de centre-droit ELDR, rassemblant 53 centristes et libéraux, est resté soudé derrière sa porte-parole, Sarah Ludford. Au nom des principes démocratiques, elle s'était opposée au coup de force du Conseil et à l'amendement Palacio-Paciotti, comme elle nous le déclarait mardi 28 mai. Le groupe ELDR a voté à la quasi-unanimité pour la position Cappato (51 pour et 2 contre). Qu'entend-on par "rétention des données"? Il s'agit de collecter, d'enregistrer et de stocker toutes les traces de connexion que laisse un usager sur les réseaux de télécommunications. Qu'il s'agisse de téléphone fixe ou mobile, de moyens d'expression vocaux ou textuels, d'échanges de fichiers audio, textes ou vidéo, etc. Sont concernées également les traces de localisation d'un téléphone GSM (et bientôt UMTS...), permettant de suivre les déplacements physiques d'une seule et même personne. La liberté de circuler est donc menacée comme la liberté des correspondances. Le contenu des messages privés n'est pas concerné par cette mesure particulière, mais les défenseurs des libertés soulèvent que cette liste de "logs" rattachés à chaque individu peut s'avérer bien plus intrusive et compromettante pour son intimité qu'une simple écoute téléphonique. Par exemple, la liste des numéros de téléphone appelés ou appelants, d'un mobile ou d'un fixe, comme les adresses email de messages reçus ou envoyés, tout cela est concerné... De plus, cette surveillance s'effectue de manière "préventive" avant la moindre constatation d'infraction, sans qu'un juge d'instruction puisse en contrôler la finalité. Rien que pour les réseaux IP (Internet Protocol), les experts du G8 ont récemment dressé une liste des données de connexion pouvant être enregistrées. Cela va de la première connexion au réseau téléphonique jusqu'à la liste des fichiers téléchargés via FTP, des sites web visités ou des traces laissées dans les forums de chat. Nous ne sommes pas des numéros, juste une liste de logs...