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den-Mailing-List.News de contre info culturelle.
Edition du 04/06/2000 N°13
"Je meurs de soif auprès de la fontaine."
François Villon.
Les brèves.
Une odeur de Sofri…
Le "parlement international des écrivains" qui compte des membres aussi prestigieux que Nadime Gordimer, Günter Grass, Antonio Tabucchi a tenu une séance à Milan le mois passé. 47 intellectuels en ont profité pour dénoncer le sort réservé par la justice italienne à Adriano Sofri. Ce dernier fut un des fondateurs de Lotta Continua (1) et il a été condamné, il y a deux ans, à une peine de prison de 22 ans pour le crime d\'un commissaire de police…commis en 1972. Sofri a été condamné sur base de confessions d\'un repenti plus de vingt ans après les faits et ceci dans des circonstances troublantes. Sofri a beau clamer son innocence, rien n\'y fait. Le parlement des écrivains n\'a pas hésité à comparer ce dossier à une nouvelle affaire Dreyfus. A Milan a été lu un texte de l\'écrivain allemand Enzensberger: " Nulle part en Europe la justice ne s\'est autant éloignée de la raison humaine qu\'en Italie. Tous ceux qui connaissent ce magnifique pays savent qu\'ils doivent faire attention à ne pas avoir affaire à elle, à moins d\'être un criminel. Dans ce cas, cette situation représente un avantage inestimable. (…) Sofri n\'est pas un cas unique. Il représente une cohorte innombrable, depuis la victime d\'un accident qui doit attendre éternellement une indemnisation jusqu\'aux prévenus en détention provisoire traités comme des condamnés et dont personne ne peut dire quand ils seront jugés."
Plutôt inquiétant ! Au moment où les écrivains s\'inquiétaient du cas Sofri, Berlusconi, lui, bénéficiait d\'un non-lieu dans différentes affaires de magouilles financières. Vous avez dit justice de classe ? Pour rappel, l\'Italie, c\'est aussi Andréotti, l\'ancien premier ministre italien accusé d\'avoir géré politiquement les liens avec la mafia: acquitté malgré les repentis qui le chargent, malgré des photos accablantes où ils se marrent avec les boss de la mafia ! L\'Italie, c\'est encore le juge Ferdinando Imposimato qui abandonne la lutte contre la mafia car il est persuadé qu\'il ne la détruira jamais: "La mafia est un rouage du pouvoir. Or, le pouvoir ne peut le détruire, sans se détruire."(2) Si y avait qu\'en Italie…
(1) Mouvement d\'extrême-gauche italien. (2) TéléMoustique du 3 juin 2000. Source: Le Monde du 16 mai 2000. Si cette affaire vous intéresse: lisez "La gastrite de Platon" de Tabucchi aux Editions Mille et une nuits.
Candidats Zebda ? Présent !
Toulouse va rougir de bonheur…Trois musiciens du groupe Zebda ont décidé de constituer une liste aux prochaines élections. Les musiciens évoquent une liste alternative ancré au cœur de l\'associatif toulousain et résolument à gauche ( fallait-y préciser ?). C\'est le centre TacticKollectif, vitrine militante du groupe, qui sera la plaque tournante de la campagne.
Tito Puente casse sa pipe.
Le king du latin jazz vient de mourir à New-York. Luc Delannoy dans son livre "Caliente, une histoire du latin jazz" (1) le présente comme un réconciliateur des différentes communautés ethniques qui composent New-York et qui s\'entre-déchiraient régulièrement. Tito avait la musique qui fallait pour réconcilier Black, Latino ou autres immigrés. Delannoy ajoute " Son rôle social fut plus important que son travail de compositeur." Et là il se met le doigt dans l\'œil car à partir du moment où t\'as entendu " Oye Como Va", tu ne l\'oublieras plus. (1) Denoël
New-York: Transformer chaque artiste en mendiant.
New-York a toujours été à l\'avant-garde de toutes les modes ? Si c\'est le cas, les musiciens européens peuvent trembler…Alors que les lieux de concerts se multiplient, les organisateurs lancent une politique troublante: celle de ne plus payer les musiciens. "Pour permettre au public de venir plus nombreux, nous renonçons au droit d\'entrée. Les musiciens gagnent donc en visibilité et ils peuvent faire une collecte. Nous offrons aussi aux groupes une occasion d\'être entendus par des représentants de labels, de festivals, des journalistes, des DJs." Cette logique douteuse est pratiquée par de grands clubs new-yorkais. Face à cette situation, les musiciens "indépendants" s\'organisent autour de la Noise Action Coalition, une association qui se bat pour obtenir un traitement équitable pour tous - quelle que soit la musique: jazz, rock, hip-hop... "Nous voulons enrayer l\'érosion de la paie, à tous les échelons de l\'industrie", s\'exclament les percussionnistes Christine Bard, Jim Pugliese, et le guitariste Marc Ribot (guitariste de Bashung, Tom Waits...), principaux animateurs de la NAC.
Derrière cette politique se cache la soif de profit des clubs. Ces derniers essayent d\'augmenter leur marge bénéficiaire sur le dos des musiciens. Pire, cette tendance risque d\'isoler les musiciens qui réclament à juste titre d\'être payé décemment. Les gars du NAC ont raison de dire que "L\'entrée gratuite est une bonne chose, il faut néanmoins payer les musiciens quand le club gagne de l\'argent. Selon de récents sondages et une enquête publiée dans le New York Times, les rentrées générées par le bar dépassent de loin les pertes occasionnées par l\'absence de droit d\'entrée." Jim Pugliese est clair: "le droit d\'être payé n\'est pas tombé du ciel,. Nous nous sommes battus pour l\'obtenir, nous devons nous battre pour le conserver. Mais aussi exiger une meilleure protection sociale, la préoccupation majeure étant l\'assurance maladie."
Source: Libération, 3 juin 2000
Bête et méchant.
Gendarmes vraiment pas doués.
Au secours ! La Belgique accueille l\'Euro2000 et en profite pour transformer ses flics en Robocop. Un flic belge explique " Nos hommes n\'étaient pas très rassurés devant la tâche qui les attendaient. Mais nous leur avons donné une formation intensive pour manier la matraque, le bouclier, les gaz lacrymogènes." (1) 1886: La gendarmerie écrase les grèves qui éclatent à travers le pays: des dizaines d\'ouvriers tués. 1950: La question royale: la gendarmerie tire dans le tas à Grace-Belleur. On enterre des ouvriers. Idem en 1932, idem en 60-61. Plus récemment, les gendarmes éclatent à la matraque les étudiants qui manifestaient pour sauver l\'école ( souvenez-vous de Liège.) Et après tout ça, les voilà encore obligés de prendre des cours de matraques…et bien faut croire qui manipulent mieux les coussins. (1) Libération, 28 mai 2000.
La machine à chanter.
" Que les mélodies soient inexistantes et les paroles ineptes n\'empêchent pas Céline Dion, Patricia Kass, Whitney Houston et leurs clones, de vendre des millions de disques." Avoue un producteur mais le calvaire est loin d\'être fini puisqu\'une machine numérique déjà très répandue dans les studios offre la possibilité à n\'importe qui de vocaliser comme une star, de tenir à l\'infini des notes impossibles. Bref, le correcteur d\'intonation ( c\'est son nom) transformera n\'importe quelle casserole en Célion Dion. L\'élève dépassera le maître en quelque sorte. Source: Télérama 10 mai 2000
Iglésias de père en fils.
Non, le pire ce n\'est pas que Julio Iglésias sorte son 77ème album. Le pire, c\'est qu\'il a un fils qui lui aussi chante. Pitié. La mort du père ne nous délivra en rien. Ou y a des gènes, y a pas de plaisir.
Iglésias…suite.
Saviez-vous que la mère de Julio était gynécologue ? J\'te parie que c\'est elle qui a collé un stérilet au fond de la gorge du fiston.
Gloria Estéfan.
La chanteuse, véritable égérie de la communauté cubaine anticastriste de Miami, s\'est payé une page de pub dans un grand canard local pour remercier Julio Eglésias: " Merci pour tout ce que vous avez fait pour nous les latinos dans le monde entier." Oui, Julio tes chansons ont tellement abruti le peuple pendant des années que cela a du jouer un rôle contre l\'expansion des idées communistes ? Non ?
Les oreilles d\'Elian.
Le destin du petit Elian est clair: ou Pépé Segundo ou Julio Iglésias. Pour moi, c\'est tout choisi.
Le courrier des lecteurs.
La Zinneke…un nonos à ronger ? Suite…
J\'ai été saisie d\'apprendre que des gens pensaient que la
Zinneke, c\'était du "pain et des jeux". J\'avais vu une
répétition à Saint-Gilles, où des gosses et des
jeunes s\'étaient donné à fond dans des déguisement
vraiment originaux. Ca m\'avait vraiment donné envie de voir, ou
plutôt de prendre part, à cet événement. Toute la
richesse culturelle des Bruxellois était là. C\'était un peu
comme un carnaval brésilien: une journée pour exprimer ses joies,
ses espoirs, ses colères aussi. Car le message critique était bien
là: je pense à ce gigantesque promoteur immobilier, sorte de
crapeau avec des buildings poussant sur sa tête. Puis à ces
chouettes automobiles gocard avec un tas de valises et cartons sur le toit,
où était inscrit "Vivre". Non, il faut vraiment
être un intello élitiste pour ne pas avoir compris que cette parade
a complètement débordé l\'esprit de ses initiateurs. Elle a
été confisquée par le petit peuple de Bruxelles. On
était bien loin des cortèges folkloriques comme celui du 15
août à Liège. C\'était un dialogue, un échange
culturel permanent. Deux dames âgées devant moi essayaient de
distinguer les nationalités des différents groupes... Elles ont
fini par laisser tomber. "C\'est vraiment mélangé!" Et je
les ai entendu plus tard chanter un air en flamand rythmé par des
djembés. Bien sûr il y avait des couacs: les sponsors
débiles avec leurs voitures jaunes et leurs salopettes blanches... Mais
c\'était eux qui juraient dans cette parade colorée, à mille
lieues des slogans publicitaires. Ce jour-là, oui, j\'étais
fière d\'être une Zinneke parmi des milliers de Zinneke (1/4 des
Bruxellois!) de tous âges qui ont pris part à cette
véritable fête populaire.
Catherine Dijon.
Encore la Zinneke.
Hello Mister,
Je viens de lire ton dernier mail et je vois que tu
t\'intéresses aux Marolles de la Zinneke.J\'en suis par ailleurs ravi, car
cela n\'est effectivement pas évident à première vue.J\'ai
malheureusement raté ton dernier article tant décrié mais
j\'aimerais pouvoir le lire car je faisais partie de cette parade. Pourrais-tu me
l\'envoyer?
Merci
Saïd
Encouragements.
Je vous encourage à continuer. Ca nous fait du bien. Nous sommes quelques uns à vous lire sur Alès et Barjac où nous organisons le "très fameux" festival de Chansons de Parole. Bon travail. Amitiés
Jean Bovy.
Les archives.
A propos de la culture populaire: Dario Fo et Marcel Proust.
La culture populaire, voilà un thème qui nous tient à cœur…alors deux phrases pêchées au hasard. D\'accord ou pas d\'accord: réagissez ! A nous de démêler le vrai du Fo.
" L\'idée d\'un art populaire comme d\'un art patriotique, si même elle n\'avait pas été dangereuse, me semble ridicule. S\'il s\'agissait de le rendre accessible au peuple, en sacrifiant les raffinements de la forme (…), j\'avais assez fréquenté de gens du monde pour savoir que ce sont eux les véritables illettrés et non les ouvriers électriciens. "
Marcel Proust, cité dans Libération du 9 mars 2000.
" Nous devons cesser de considérer l\'ouvrier comme une marionnette qui ne sait pas, qui ne peut pas savoir, parce qu\'il n\'a pas de culture. L\'ouvrier sait, parce qu\'il est l\'avant-garde du peuple et que le peuple a une grande culture. Le pouvoir bourgeois, aristocratique, ecclésiastique la lui ont en grande partie détruite, ensevelie, mais c\'est notre devoir de la lui faire retrouver."
Dario Fo, L\'ouvrier connaît 300 mots, Farces de Dario Fo, Maspero, p97